Library and archives conservation

1980, and beyond.

par Jeanne-Marie Dureau

George Martin Cunha

Dorothy Grant Cunha

Metuchen, NJ : The Scarecrow press, 1983. - 22 cm.
Vol. 1 : XVIII - 200 p.
Index p. 189-200. - ISBN 0-8108-1587-7.
Vol. 2 : Bibliography. - X-415 p. ISBN 0-8108-1604-1.

Retraçant l'historique de la conservation aux Etats-Unis, deux spécialistes du sujet : Sherelyn Ogden et Pamela Darling, dans un article récent 1 voient l'avènement d'un nouvel âge pour les bibliothèques américaines : l'ère de la conservation. Il est certain que c'est dans ce courant que s'inscrivent les trois éditions successives du manuel de George Cunha. Mais, s'il témoigne de la vitalité du phénomène, il permet aussi de le mesurer: 150 pages de bibliographie suivaient le texte du manuel de 1967; leur nombre a plus que doublé en 1970, apportant 5 000 références auxquelles s'ajoutent, en 1983. 5 000 autres références.

A l'origine, en 1967, le travail de George Cunha était le premier et le seul manuel américain comportant un texte didactique sur l'ensemble des problèmes de conservation des documents détenus dans les bibliothèques. Il exposait successivement leur nature, les facteurs de dégradation pouvant les affecter, les soins préventifs et les soins curatifs à leur donner.

Ce texte, assorti de sa bibliographie présentait donc une utilité indéniable pour le bibliothécaire d'Amérique du Nord; mais aussi, par ricochet, il rendait grand service au bibliothécaire français qui ne disposait de rien de comparable.

Le manuel est resté pendant vingt ans unique en son genre, et ce sont seulement les années 1980 qui ont amené la multiplication d'autres ouvrages didactiques 2 : les deux ouvrages de Suzan Swartzburg, celui de Mary-Lynn Ritzenthaler, le manuel édité par le « Research libraries Group », pour ne citer que quelques uns des titres les plus récents. Pourtant le travail de George Cunha garde toute son originalité et reste irremplaçable. Cette place, il la doit au choix fait dès le départ en 1967, d'associer un texte et une très riche bibliographie.

Le texte : la partie texte dont nous avons ci-dessus énoncé les grandes lignes a été, dans l'édition de 1972, reprise et actualisée. Elle suit les mêmes chapitres que dans la première édition. Il n'en va pas de même dans l'édition de 1983 : tout l'enseignement sur les causes de destruction, leur prévention et la restauration donné en 1972 doit toujours être consulté dans l'édition de 1972. Ce sont donc des développements nouveaux qu'on trouvera dans cette troisième édition qui viennent s'ajouter, sans les remplacer, aux exposés de 1972.

Quel est donc l'apport de la décennie 80 ?

Tout d'abord, la description d'une organisation nouvelle aux U S A : on voit donc évoqué le développement d'une nouvelle forme de coopération qui s'applique au domaine de la conservation. Ce sont des groupes d'étude, des commissions, des projets, des plans de conservation spécifiques aux USA, mais propres à intéresser quiconque suit les problèmes de conservation et de protection du patrimoine, partout ailleurs dans le monde.

C'est aussi la réalisation d'un centre régional de conservation, encore unique en son genre aux U S A : le « Northern England Conservation Center » d'Andover (Massachussets). Situé dans les environs de Boston, ce centre qui a déjà dix ans d'expérience fonctionne pour environ 200 bibliothèques et archives. On ne saurait le réduire à un atelier de restauration. C'est en réalité une structure qui assume à la fois la formation, l'incitation et la documentation dans le domaine de la conservation préventive et de la restauration. Voilà donc une structure qui rejoint les voeux de la commission patrimoine au niveau régional, dans son rapport au Directeur du livre.

Le texte rend compte enfin des procédures techniques nouvelles qui se sont développées depuis 1972. Ce sont en majorité des traitements en réponse au problème dont nos collègues américains ont une conscience très aiguë : la fragilité des collections modernes; ils incluent le traitement des livres détrempés par congélation et surtout la désacidification des papiers. Ce faisant, George Cunha rend compte des procédures mises au point par Richard Smith de la firme Wei-To et utilisées aux Archives nationales du Canada et de celles de la bibliothèque du Congrès.

Curieusement, à notre avis, il n'est pas parlé ici, ni ailleurs dans le livre, du rôle de la photographie comme moyen de conservation. C'est pourtant une réalité que mettent largement en œuvre les grandes bibliothèques de recherche (Yale, Princeton, Columbia University).

Puisque nous en sommes aux critiques, nous regrettons aussi la brièveté avec laquelle est évoqué le traitement des supports de la communication autres que le livre, en particulier la photographie. Ceci est d'autant plus sensible qu'un chapitre entier sacrifie à la préoccupation très anglo-saxonne de la prévention et conduite à tenir en cas de catastrophes sur lesquelles les auteurs français se sont peu penchés (« Disaster planning »).

Enfin le dernier chapitre, qui est dévolu aux travaux qu'on peut faire effectuer dans sa bibliothèque par un personnel non spécialisé mais encadré, est intéressant par son caractère descriptif: mais il laisse bien sceptique quant à l'utilisation réellement possible d'un tel type de personnel pour des travaux dont certains sont assez délicats : on propose en effet de procéder avec ce genre de personnel à l'enlèvement du scotch, au nettoyage des papiers à sec, mais aussi à l'eau(?), à la désacidification des papiers, à la réparation du papier avec du ruban adhésif, au thermocollage (sur de toutes petites surfaces; il n'est pas pratiqué aux U S A comme une lamination), à l'encapsulation 3, au renfort des papiers avec résille de nylon, à la confection de boîtes et chemises protectrices et même à l'utilisation de la machine à pulpe de papier. Comme on le voit toutes ces procédures sont loin de présenter le même degré de complexité, voire de danger, et il est donc dommage de mettre sur le même plan tous ces traitements. Même si l'on se souvient que tout ceci est proposé à l'intention des collections modernes, on doute vraiment de pouvoir les confier toutes à un personnel non spécialisé, même encadré.

En conclusion, cette partie récente du texte offre l'intérêt de peindre la situation de la conservation aux USA: elle est pleine de vitalité, donc d'enseignement pour nous, bibliothécaires français.

Il est dommage que certains pans de la conservation, telle la photographie, y figurent trop peu et que manquent un peu les nuances et précautions qu'on attendrait au moment de la description des traitements à pratiquer à la bibliothèque.

La bibliographie comporte les références à ajouter au texte de 1972 grossies des références du texte de 1983. Elle restera donc l'instrument indispensable à qui s'intéresse à ces problèmes. Elle n'est pas critique, mais elle est très complète et chacun pourra y exercer son esprit critique.

Conclusion : un usuel indispensable pour le bibliothécaire, mais qui nécessite l'utilisation d'une certaine critique tant dans la bibliographie que pour le texte plus adapté aux institutions d'Amérique du Nord et qui relate des traitements dont l'usage n'est pas admis en France.

  1. (retour)↑  Pamela W. DARLING, « From problems perceived to programs in practice : the preservation of library resources in the USA, 1956-1980 », In Library resources and technical services, 25 (1), 9-29.
  2. (retour)↑  Susan SWARTZBURG, Preserving library materials : a manual, Metuchen : Scarecrow press, 1980. Id., Conservation in the library : a handbook of use and care of traditional and nontraditional materials, Westport, Greenwood press, 1983. - Mary-Lynn RITZENTHALER, Conservation : a manual on physical care and management, Chicago, the Society of American archivist, 1984. - Research libraries group, RLG, Preservation manual, Staford: RLG, 1984.
  3. (retour)↑  Mode de protection scellant aux ultrasons, sous film polyester neutre et stable, les documents. Très employé outre Atlantique, le procédé est banni en France.