L'enfant, l'image et les media
télévision publicité, bandes dessinées, éduquer les yeux ouverts
Jean-Jacques Henriot
Dammarie-les-Lys : Ed. SDT, 1982. - 262 p.; 33 cm. - (Santé et vie, ISSN 0244-7037).
ISBN 2-85743-063-9.
Un tel titre attire l'attention car il soulève une question de société des plus importantes et des plus passionnantes.
Le sous-titre réduit le champ d'action en introduisant le sens du livre en caractère rouge : éduquer les yeux ouverts, c'est-à-dire sans doute en ayant compris, analysé les media d'une part, la psychologie de l'enfant d'autre part. Vaste programme. On nous assure à plusieurs reprises vouloir nous donner les moyens de prendre parti, de juger et d'agir. Soit. Mais les éléments proposés apparaissant nettement dans la table des matières forcent déjà à des choix discutables et non justifiés : « télé intruse ou troisième parent ? », « la bande dessinée ou des images en liberté (surveillée ?) ». Le problème de la télévision se pose-t-il uniquement en terme d'affectivité? La bande dessinée a-t-elle une prétention de liberté supérieure à celle des autres livres ?
Des titres qui veulent être « choc » nous entraînent d'entrée dans des directions faussées par des certitudes sous-jacentes qui réduisent déjà considérablement le champ de la recherche.
Mais si nous nous penchons de plus près sur le texte, nous découvrons alors une suite d'évidences répétées à satiété sous des formes variables : « l'image doit être prise au sérieux... mérite d'être étudiée pour elle-même... mérite toute notre attention etc. » Tout au long du livre, des paragraphes entiers font double ou triple emploi pour aboutir laborieusement à des appels à la prudence, à la méfiance et à la sauvegarde de la morale de nos enfants, quand on ne nous soumet pas des axiomes plus que discutables : l'auteur nous indique que « l'enfant vit beaucoup d'imagination, qu'il a besoin de donner de l'exercice à son esprit, que la télévision n'est pas un dieu et que l'action est possible », on apprend que « l'image ne s'adresse qu'à l'intelligence » ce qui sera largement contredit par la suite. Heureusement, d'une certaine façon.
Des évidences sont répétées dans chacune des parties du livre, débouchant sur une exhortation au dialogue et à l'éducation « les yeux ouverts » des enfants.
Le style même est confondant : on passe des images quasi bibliques (séparons le bon grain de l'ivraie, cultivons le fruit sain, etc.) à des dialogues lecteur/auteur en style direct : « Vous me direz... Mais pas du tout... » en passant par un vernis scientifique qui tente de donner à l'ensemble une allure de recherche : à propos de la bande dessinée nous découvrons que « sa vibration excitatoire a la fréquence du récepteur humain ».
D'autre part, le lecteur peut « se reposer et se distraire » en examinant les multiples dessins qui veulent être comiques, tout en étayant lourdement le texte. Enfin, pour garder l'esprit alerte, il peut réfléchir aux questions qui lui sont posées en bas de page et faire chez lui - en famille - les désopilantes et enrichissantes expériences qui lui sont proposées. Exemple : Quelles sont les conséquences des actes de violence ? A cours [sic] terme ? A long terme ? Faites un petit catalogue des formes que revêt la violence dans la bande dessinée.
On peut écrire un livre didactique sans s'en cacher, et sans pour autant tromper le lecteur en lui jetant de la poudre aux yeux; on peut avoir une position claire et délibérément morale sur le sujet, à condition de ne pas la faire passer pour un raisonnement scientifique, en l'occurence beaucoup trop léger pour convaincre quiconque.