Le centre de catalogues et d'informations industriels de la bibliothèque de l'Université de technologie de Compiègne

Liliane Vézier

La bibliothèque de l'Université de technologie de Compiègne a développé un fonds de documentation industrielle (rapports d'activité et revues d'entreprises, documents techniques, ouvrages de référence) adapté aux besoins de l'enseignement et de la recherche. Un effort particulier est fait pour collecter les catalogues industriels qui contiennent une information indispensable dans divers domaines d'études. Un centre de catalogues industriels a été créé à la BUTC, dont les services ont été définis en fonction des attentes de l'université et des industriels également intéressés par cette documentation. Sont mises notamment sur pied des banques de données utilisant le logiciel VORAS : BATECH machine-outil et BATECH bio-médical en sont les premières réalisations.

The library of the technology university in Compiègne has worked out a collection based on industrial information (activity reports and house organs, technical documents, reference material...) which is adapted to research and teaching. With a special effort on collecting industry catalogues, an essential information covering various fields (products manufacture, graphic, communication) can be gathered. A center for industrial catalogues and documentation has also been created inside this library; the university itself and businessmen who are interested in that center, are in fact the starting point of the nature of its services. Databases using the VORAS sofware are available, such as BATECH machine-tool and BATECH bio-medical.

La vocation de l'Université de technologie de Compiègne (seule université de technologie française dont la mission se définit à l'échelle nationale) : formation d'ingénieurs, initiale et continue, recherche technologique, a naturellement entraîné de nombreux contacts avec l'industrie. Ces contacts ont été développés tout d'abord par nécessité pédagogique, la formation d'ingénieurs nécessitant à la fois des enseignants ayant exercé, ou exerçant encore, des responsabilités dans le monde industriel et des périodes de formation en milieu industriel sous forme de stages courts ou longs. Il était, d'autre part, nécessaire d'entretenir des relations avec les entreprises qui devaient recruter les ingénieurs formés à l'université. En outre, l'université assure une formation continue pour les ingénieurs déjà en poste et, à ce niveau également, les relations avec le monde industriel étaient nécessaires. Enfin, évidemment la recherche technologique doit pouvoir être applicable et cette nécessité entraîne de nombreuses relations avec l'industrie de façon à collaborer à des programmes de recherche et de développement ou à les prendre en charge dans le cadre des contrats. Ceci n'a évidemment pas été sans conséquences sur la vie de la bibliothèque de cette université, non seulement quant à la nature de ses collections, mais aussi quant à ses méthodes de travail, qu'il s'agisse des produits documentaires développés par la bibliothèque ou de l'ouverture de la bibliothèque elle-même sur le monde industriel.

Constitution d'un fonds de documentation industrielle à la BUTC

L'enseignement et la recherche technologiques d'une part, les relations industrielles d'autre part, ont généré des besoins d'informations spécifiques, en littérature grise, de documents techniques produits par les entreprises échappant à l'édition scientifique ou technique classique, ni recensés, ni conservés. Ce type de documents, notices ou revues techniques à caractère parfois plus ou moins publicitaire, mais contenant toujours des informations techniques ou technologiques a donc dû être collecté et traité par la BUTC et a constitué un fonds particulier « de documentation industrielle ».

Ce fonds comportait, d'une part des rapports d'activités d'entreprises quelquefois diffusés dans le secteur commercial et accessibles par ce moyen (par exemple les rapports d'activité diffusés par la revue l'Expansion), parfois simplement accessibles par relation avec les entreprises elles-mêmes. Ces rapports d'activités donnent à la fois des informations d'ordre économique et financier, utiles pour permettre d'évaluer la société, aussi bien à l'occasion de contacts pour les contrats qu'à l'occasion de recherches de débouchés ou de clientèle de formation continue, utilisés aussi dans le cadre de travaux d'étudiants. Cette information est parfois complétée par les rapports de stage des étudiants, généralement considérés toutefois comme confidentiels. Ces rapports d'activités contiennent également des informations sur les orientations en matière de recherche et de développement des entreprises.

Pour compléter cette première catégorie d'informations, la bibliothèque a tenté de collecter les revues éditées par des entreprises généralement importantes, susceptibles de donner des informations, soit sur la vie de l'entreprise, soit, surtout, de nature technique ou technologique sur les produits ou les procédés utilisés par les entreprises. Bien entendu, ont été exclues de cette collecte toutes les revues de comités d'entreprises à caractère socio-éducatif ou d'informations sur la vie du personnel qui n'entraient pas dans la documentation industrielle proprement dite.

D'autre part, un certain nombre d'entreprises moins importantes éditent également des documents techniques ou technologiques sans périodicité. Ces documents ont également été collectés.

Ultérieurement, ce fonds a été complété par les ouvrages de références (répertoires, annuaires,...) liés à ce type de collection, puis par une information sur le milieu professionnel, information très dispersée, généralement collectable à la fois auprès des organisations patronales, des syndicats professionnels, dans la littérature scientifique surtout périodique ou auprès d'entreprises diverses. Chaque fois qu'un domaine devait être exploré, la collecte d'informations était délicate et, en tout cas, le fonds propre de la bibliothèque s'avérait incomplet.

L'objectif, on le voit, était à la fois de recenser une -information technique ou technologique non répertoriée, inaccessible ailleurs en France, et de recueillir des éléments permettant d'apprécier ou de connaître les entreprises avec lesquelles l'université pourrait avoir à être en relation ou à propos desquelles les étudiants pourraient compléter des études dans le cadre de leur formation à la connaissance de l'entreprise.

Les catalogues industriels

Dans les années 1978-1979, il est apparu que ce fonds de documentation industrielle n'était pas à même de répondre à certains types de besoins, notamment pour l'enseignement et la recherche de conception de produits, de culture technique ou de communication graphique.

Dans ces différents domaines, ce sont les catalogues industriels qui fournissent l'information adéquate, même si elle est parfois incomplète. Ainsi, pour la conception de produits, les catalogues sont nécessaires au moment de l'analyse préalable par comparaison des produits existant au niveau national et international, parfois en complément d'une recherche sur les brevets, mais souvent indépendamment; au moment, aussi, du choix du matériau approprié : outre la fiche technique normalisée, il serait très important de posséder les échantillons de matériaux concernés (c'est pourquoi, on envisage de constituer une bibliothèque d'échantillons, pour l'instant à l'état embryonnaire), ainsi que des catalogues sur les produits semi-finis; au moment, enfin, du choix de l'outillage pour la mise en oeuvre du matériau et la réalisation du produit : les besoins en informations vont alors de la machine-outil à la quincaillerie.

De même, des collections de catalogues sont particulièrement utiles pour l'analyse de produits : historique, typologie, analyse et évaluation des formes en liaison avec l'image de marque; également pour des recherches sur les marques parallèlement aux recherches sur les collections du dépôt des dessins et modèles de l'INPI (Institut national de la propriété industrielle). Enfin, les travaux d'ethnotechnologie et les recherches sur l'innovation technologique, en particulier les recherches d'apport de nouveautés, s'enrichiraient de l'exploitation des catalogues en liaison avec les informations fournies par les brevets.

En outre, les catalogues pourraient être étudiés dans le contexte des enseignements et des recherches en communication graphique du point de vue de l'analyse de la conception du document lui-même: lisibilité, compréhension, adéquation du message, normalisation, présentation et incidence sur l'image de marque. Une analyse sommaire des catalogues industriels français fait apparaître un manque de cohérence qu'il serait intéressant de comparer avec la situation des catalogues étrangers.

Enfin, au moment où l'on commence à se soucier en France de sauvegarde du patrimoine industriel, où les initiatives et les interventions de l'Etat se multiplient pour préserver certains sites, sauver des archives, etc., il est grand temps de songer à doter ce pays d'une mémoire industrielle à même de conserver sa documentation et notamment l'information sur ses produits.

Parallèlement, la Bibliothèque de l'université de technologie de Compiègne avait pris l'habitude des relations industrielles, dans la mesure où les chercheurs, travaillant sous contrat avec des industriels, lui confiaient les problèmes documentaires liés à ces contrats, puis les problèmes que les industriels leur posaient parfois en dehors de ces contrats. Et c'est ainsi que, à la fois par la force de l'habitude ou des besoins, à la fois aussi grâce au développement des relations avec la chambre de commerce et d'industrie de l'Oise ou celle de Picardie, plus tard avec l'ARIST (Agence régionale pour l'information scientifique et technique), un réseau de relations s'est créé et que le service de recherches documentaires de la bibliothèque, travaillant notamment par téléréférence et baptisé depuis 1977 COMPIEGNE-TELEDOC, s'est trouvé ouvert et fonctionne pour 30 % de sa clientèle environ avec les entreprises industrielles.

Ce contexte, de même que la préoccupation du ministère de l'Industrie qui finançait le projet, ont conduit à voir, à partir d'une enquête auprès des entreprises de la région, si l'information collectée dans le cadre de cette opération « catalogues industriels » pourrait être utile aux entreprises elles-mêmes.

Des études antérieures avaient montré la nécessité de mettre en place en France un système permettant la communication aux entreprises d'informations sur les produits industriels. La préoccupation était d'apprécier la forme et les moyens de cette communication d'informations: depuis la banque de données permettant la réponse à la question « qui fait quoi ?» (cf. travaux KOMPASS-DAFSA), jusqu'à la banque de données décrivant finement les produits et permettant le choix du matériel par éliminations successives sur la base de caractéristiques techniques (cf. projet SITE).

La préoccupation était d'apprécier dans quelle mesure une collection de catalogues industriels pouvait répondre au besoin des entreprises en complément, éventuellement, des autres systèmes en projet ou en cours de constitution. L'enquête a permis d'apprécier une indifférence certaine vis-à-vis des moyens d'information. Cependant, toutes les personnes interviewées se servaient de catalogues industriels, essentiellement les services « recherche » et « bureaux d'études », qui exprimaient les mêmes besoins que ceux analysés pour la recherche en conception de produits, et les services « achat », qui y cherchaient des informations en vue de l'achat de matériel, de la connaissance du marché français ou étranger, parfois pour des études de concurrence. Dans tous les cas, ils souhaitaient pouvoir consulter les catalogues dans les 24 ou 48 heures maximum, ce qui ne leur était pas possible. Toutes les entreprises concernées se disaient unanimement disposées à payer ce type de service et souhaitaient pouvoir formuler leurs questions avec certaines précisions, mais sans trop de détails. Des travaux complémentaires avec certaines entreprises ont permis de préciser le niveau des questions et donc le niveau d'informations à fournir sur le catalogue et ont orienté ainsi les banques de données projetées.

D'autre part, les milieux professionnels déplorent régulièrement la mauvaise qualité de la documentation industrielle française et, en particulier, des catalogues, sans que l'on puisse savoir si les problèmes tiennent au contenu ou à la forme. Globalement, il est ressenti un problème de communication écrite et surtout graphique. Mais actuellement, aucun instrument ne permet de vérifier, d'évaluer, de mesurer les carences ; les catalogues industriels ne sont en effet conservés nulle part, ce qui rend leur étude, leur comparaison avec des catalogues plus anciens, donc l'analyse de leur évolution, ou avec des catalogues étrangers, donc l'analyse de la concurrence, impossible. Si l'on veut progresser dans ce domaine susceptible de permettre d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises, il faut donc pouvoir étudier, évaluer, peut-être normaliser ces documents; en tout cas, évidemment dans un premier temps, il fallait pouvoir les collecter, les traiter et les conserver.

Le Centre de catalogues et d'informations industriels

C'est dans ce contexte et face à ces besoins qu'est né au ministère de l'Industrie en 1979 le projet d'un centre de catalogues et d'informations industriels à la Bibliothèque de l'université de technologie de Compiègne, projet repris par le ministère de la Recherche et de la Technologie en 1981, et dont le soutien est envisagé pour l'avenir conjointement par la MIDIST (Mission interministérielle de l'information scientifique et technique) au sein du nouveau ministère de l'Industrie et de la Recherche et par la DBMIST (Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique) du ministère de l'Education nationale. Certains aspects, comme la promotion, reçoivent un financement commun à ces deux instances, ainsi qu'à l'ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) et au CNRS.

Si la collecte et le traitement de la documentation industrielle, tels qu'ils ont été définis dans la première partie, ne posaient pas de problèmes particuliers, en tout cas pas différents de ceux du reste de la documentation entrée dans la bibliothèque, il n'en allait pas de même des catalogues. En effet, après une première étude de faisabilité, le nombre des catalogues industriels français disponibles sur le marché pouvait être évalué, à partir d'extrapolations sur un échantillon-test, à environ 200 000 et le taux de renouvellement de ces documents à 25 % par an. Cette évaluation, aussi bien du nombre que de la pérennité, sera naturellement à vérifier au fur et à mesure des collectes en cours et à venir. Il va de soi que pour les besoins des études comme, bien entendu, pour répondre à la vocation de mémoire nationale, il est nécessaire de conserver ces documents, même obsolètes.

Le traitement d'une telle masse documentaire nécessitait donc un certain nombre de particularités : d'une part, évidemment, il ne pouvait être envisagé que de manière automatisée; d'autre part, la banque de données ainsi constituée devait donc, notamment pour répondre aux besoins d'informations sur les produits des concepteurs, et, d'une manière générale, des industriels, de même qu'aux besoins d'informations sur les catalogues eux-mêmes pour les différents travaux les concernant en tant qu'objets d'information, être axée à la fois sur le catalogue, sur les produits décrits et aussi sur les fabricants. Le système devait permettre un accès rapide à ces différents types d'information avec un maximum de liens logiques; d'autre part, il devait permettre, compte-tenu de la diversité de ses utilisateurs potentiels, l'adaptation ultérieure de fonction de langage libre et, également, de systèmes experts. Enfin, il fallait prévoir la possibilité de saisir sur le même système des sons et surtout des images, de façon à pouvoir envisager la transmission automatique des images et donc des catalogues à l'avenir. C'est l'ensemble de ces raisons qui ont conduit à adopter un logiciel particulier, VORAS, développé par la division informatique de l'université de Compiègne. Ce même logiciel a, d'ailleurs, été adopté pour le catalogue de la bibliothèque.

BATECH

L'ampleur du projet, et donc son coût, ont conduit à envisager une collecte et la réalisation de banques de données par domaine d'activités. Les choix ont été faits par le ministère de la Recherche et de la Technologie et les deux premières banques BATECH couvrent les domaines de la machine-outil et du bio-médical, dont la commercialisation a commencé et dont la description est donnée dans les fiches techniques en annexe.

BATECH machine-outil et BATECH bio-médical sont actuellement accessibles en différé par COMPIEGNE-TELEDOC. Les développements envisagés sont bien entendu l'accès en ligne, le développement d'accès en langage libre, l'insertion, dans les banques, de données bibliographiques (articles ou notices sur les familles de produits ou les produits eux-mêmes), la liaison avec d'autres banques de données par mention de produits traités dans ces dernières, comme par exemple dans le cas de la banque de maintenance du matériel bio-médical en projet à Nancy ou encore la connection avec les banques de normes. D'autre part, une réflexion est menée quant à l'introduction d'une terminologie bilingue, afin de permettre un accès plus facile pour les pays anglo-saxons, dans la perspective d'une commercialisation à l'étranger, ainsi qu'à l'introduction de publicité dans la banque qui pourrait apparaître au moment de l'interrogation sur un type de produit, sous une forme nettement différente de l'information proprement dite, ceci dans un souci de rentabilité.

On l'a vu, les entreprises industrielles ont été consultées au moment de la constitution de ces banques, et les ont fait évoluer, en les axant sur une fourniture d'informations plus détaillées que celles envisagées initialement, vers une sorte de « guide de choix ». Il n'est donc pas exclu actuellement d'entreprendre des collectes et de constituer des banques plus sommaires, de façon à remplir la mission de mémoire nationale et, aussi, de façon à répondre aux besoins, plus simples en l'occurence, de la recherche, tout en maintenant et en développant un certain nombre d'applications susceptibles d'être commercialisées sous la forme BATECH.

Le fonds de documentation industrielle de la Bibliothèque de l'université de technologie de Compiègne, constitué à l'origine pour répondre aux besoins de l'enseignement et de la recherche de cette université, a donc progressivement évolué en fonction de l'évolution de ces mêmes besoins et de celle de ses partenaires industriels, ainsi que des choix politiques en matière d'information scientifique et technique et de patrimoine industriel.

L'interaction de ces différents facteurs a conduit à la conception d'un centre de catalogues et d'informations industriels apte à répondre à une double mission :
· mission de mémoire nationale, à même, au-delà de la simple collecte et conservation, de permettre des études aussi bien sur les produits et l'innovation technologique que sur les catalogues et les modes de communication des entreprises françaises;
· mission d'information industrielle par une aide à la conception de produits nouveaux et un guide de choix pour l'achat de matériel.

Ces deux missions sont complémentaires. Toutefois, si l'on peut envisager à moyen terme, un traitement exhaustif pour remplir la première, c'est évidemment exclu pour la seconde : la réalisation de banques spécialisées ne pourra en effet être envisagée que pour les secteurs dont la rentabilité sera assurée soit sur un plan strictement économique, soit en raison de leur intérêt socio-politique.

Illustration
Annexe - Notices de présentation des banques de données BATECH

  1. (retour)↑  Texte remis à jour d'une communication présentée à la Conférence générale de l'IFLA (Montréal 1982).
  2. (retour)↑  Texte remis à jour d'une communication présentée à la Conférence générale de l'IFLA (Montréal 1982).