Micro-informatique à la Bibliothèque publique d'information
une expérience de recherche documentaire informatisée
Anne Gourhand
Agnès Renou
Dans le cadre des opérations formation menées à la BPI s'est déroulée, en octobre 1982, une expérience d'initiation de groupes d'adolescents et d'adultes à la recherche informatisée. Pour mener à bien cette opération, une banque de données, de taille réduite, concernant les problèmes de l'environnement, a été constituée à partir du fonds multimédia de la BPI. Le but de cette expérience, était d'initier un public non spécialiste à l'interrogation des banques de données et à l'autodocumentation, les références de la banque de données renvoyant toutes à des documents possédés par la bibliothèque.
In October 1982, the " Bibliothèque publique d'information " has offered an initiation session to adults and young people in online retrieval. For that purpose, a short databank regarding all types of environment problems, was established from the multimedia collection of the library. The object of this experience was to initiate a non-specialized public into databanks enquiry and self-documentation : all the data were referring to documents held by the library.
Au cours du mois d'octobre 1982 s'est déroulée à la Bibliothèque publique d'information (BPI) une initiation à la recherche documentaire informatisée pour le grand public. Cette opération dite « Opération Microtel », limitée dès le départ dans ses objectifs et dans sa durée, avait cependant un caractère doublement expérimental ; il s'agissait en effet :
- d'initier le grand public à l'auto-interrogation des banques de données ;
- de créer une banque de données « sur mesure », adaptée à l'opération et au fonds de la BPI ;
Cette expérience s'inscrivait dans le cadre des opérations de formation menées par la BPI. Avant de présenter le bilan de cette expérience son contexte doit être rappelé.
La formation à la BPI
En 1979, a été créée, au sein du Service accueil de la BPI, une cellule de formation chargée de mener des actions d'initiation à la recherche documentaire pour les adolescents (au dessus de 15 ans) et les adultes. Cette action a été pensée dans une perspective de formation initiale ou continue. Jusqu'à une date récente, ces actions ne s'adressaient pas aux usagers de la bibliothèque mais à des collectivités : établissements scolaires, GRETA *, organismes de formation pour adultes (universités, communes, centres divers...). Des groupes d'environ 25 personnes sont ainsi accueillis le matin, en dehors des heures d'ouverture au public, et reçoivent une formation échelonnée sur 5 séances. Après une visite générale et un exposé des principes de la CDU, les groupes apprennent à manier les différents catalogues en vue de constituer une documentation autour d'un thème choisi à l'avance. Des notions de « critique » et d'autodocumentation sont données : anatomie d'un livre, critères de sélection, utilisation de bibliographies, etc. Les thèmes étudiés sont des plus divers : Paris entre les deux guerres, le Carnaval, le travail des jeunes, jusqu'à une « biographie imaginaire » d'un ouvrier sous le IIIe république rattachant des thèmes aussi variés que la Guerre de 1870, la colonisation, l'essor industriel, etc.
Ces actions, qui touchent environ 100 personnes par mois, ont un public très hétérogène ; le secteur scolaire est prédominant, avec une proportion élevée de classes techniques (LEP, sections techniques de lycées). Le secteur des adultes est en progression, représentant actuellement 2/5e du public : les formations les plus diverses sont concernées, des stages « 16/18 ans » aux stages « culture personnelle des GRETA » en passant par la formation de formateurs (Ecole nationale normale d'apprentissage), ou la préparation à l'examen spécial d'entrée à l'université.
A noter que des actions directes vers le public sont maintenant organisées : tous les jeudis soirs ont lieu des séances d'initiation au fonctionnement de la bibliothèque, destinées aux usagers préalablement informés par tracts et affiches.
L'expérience « MICROTEL »
A l'origine, une initiative extérieure : dans le cadre d'une exposition sur l'informatique, en septembre 1981, la Bibliothèque publique de Massy avait créé une banque de données se rapportant au fonds de la section enfantine. Cette banque était interrogeable par les enfants à partir d'un micro-ordinateur, Goupil 2.
Une expérience similaire susceptible d'intéresser les groupes venant s'initier à la recherche documentaire : MICROTEL (Association des Clubs de Micro-informatique) était de son côté disposée à reprendre l'expérience de Massy, en assurant la partie technique : élaboration du logiciel documentaire GENTIANA et prêt de deux micro-ordinateurs.
Une banque sur mesure
En premier lieu a dû être défini l'ensemble des critères liés à la nature de l'opération et à ses contraintes matérielles : il s'agissait de créer une banque de taille réduite à partir du fond multimédia de la BPI. Cette banque portait sur les problèmes de l'environnement en France. Elle devait contenir des références de livres, de documents audiovisuels (films et diapositives) et d'articles de périodiques. C'était là une nouveauté, la BPI ne faisant pas de dépouillement de périodiques. Au terme de l'interrogation, les participants devaient retrouver tous les documents dont ils avaient obtenu les références.
Avant de commencer à constituer la banque de données, il convenait d'en préciser très nettement les limites : c'est une petite banque, rentrée en mémoire sur deux disquettes interrogeables sur place à la BPI, à partir d'un micro-ordinateur. Si le principe de base est quasiment le même que celui des grandes banques de données, tout se passe à une échelle beaucoup plus réduite.
Non exhaustive, portant sur une période limitée dans le temps, cette banque est destinée à des personnes venant en formation, et non à des spécialistes. En conséquence, le choix des documents s'est toujours fait dans une optique « grand public ».
En liaison avec MICROTEL et le Service informatique de la BPI, différentes possibilités de recherche documentaire pour le dépouillement des périodiques ont été étudiées :
- recherche dans les fichiers des centres de documentation du ministère de l'Environnement, de la Maison de la nature, du Palais de la découverte et de la Bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle ;
- interrogation d'ECOTHEK, banque de données de l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile de France).
Il n'a pas été possible d'utiliser comme mots-clés les vedettes matières de la BPI : le logiciel GENTIANA n'acceptait pas de descripteurs de longueur supérieure à 20 caractères alors que ceux de la BPI en comptent 60 en moyenne. En définitive, c'est le thésaurus d'ECOTHEK qui a été retenu comme liste de base aux possibilités de créer de nouveaux mots-clés.
La création de la base - sélection des documents et indexation - s'est faite à plusieurs niveaux :
- utilisation des références de la BPI : une première sélection a été faite à partir des notices du catalogue multimédia en utilisant les vedettes matières « écologie », « pollution », « environnement » et leurs divers renvois d'orientation. Toutes les notices d'ouvrages en langues étrangères ont été éliminées ainsi que ceux d'un niveau trop élevé pour une base « grand public » (thèses, colloques, etc.). Un corpus de 400 notices, qu'il a fallu ensuite réindexer selon le thésaurus d'EcoTHEK a été retenu. Pour des raisons de programmation, on ne pouvait utiliser plus de cinq descripteurs maximum par notice.
- dépouillement de périodiques : 29 titres possédés par la BPI ont été sélectionnés et dépouillés pour les six premiers mois de 1982. Il s'agissait de 5 quotidiens nationaux (le Monde, le Figaro, l'Hmnanité, le Matin, Libération), de magazines d'information, de mensuels de vulgarisation (Revue du Palais de la découverte, la Recherche, Sciences et vie...), revues ou organes divers (Moniteur des travaux publics et du bâtiment, Futuribles, Autrement, Que choisir ?, Notes et études documentaires, Courrier de L'UNESCO, Eco 3),... Une première sélection d'articles a permis de dégager douze thèmes regroupant au moins trois articles, les articles isolés étant éliminés pour donner une cohérence à l'interrogation.
Ce travail a été approfondi et élargi en collaboration avec le centre de documentation du ministère de l'Environnement. Les documentalistes, sensibles à l'intérêt pédagogique de l'expérience, ont accepté de contribuer au projet. Elles ont effectué une sélection des articles parus depuis 1979 dans les revues spécialisées, possédées par la BPI, et traitant des douze thèmes retenus. Elles nous ont fait parvenir un ensemble de 160 références d'articles qui ont été réindexés et inclus dans la banque. L'ensemble des articles a été photocopié et réuni dans un dossier.
A la mi-juillet, le travail de préparation de la banque était terminé : 400 notices du catalogue matières, 354 références d'articles de périodiques et une liste de 213 descripteurs. A côté des livres de la BPI, avaient été intégrées les notices d'une centaine de documents audio-visuels : films, paniers de diapositives, cassettes (« Radioscopies »).
Malgré son côté « miniature » cette banque permettait de recréer les conditions de la recherche documentaire informatisée. En présence du micro-ordinateur, les participants aux séances tapent directement sur le clavier les mots-clés qui doivent être combinés avec les opérateurs logiques et, ou, sauf. Ils doivent donc être sensibilisés aux avantages d'un tel système : rapidité et pertinence de la recherche.
Une caractéristique importante, cependant : les références affichées sur l'écran renvoient à des documents possédés par la BPI et donc immédiatement disponibles, contrairement aux documents recensés dans les grandes banques de données.
Par ailleurs, au fil de l'expérience, des restrictions ont dû être apportées au projet initial :
- la recherche ne pouvait être faite que par mot matières car la programmation pour une recherche par auteurs n'a pu être établie à temps ;
- les synonymes et les renvois n'ont pu être intégrés au thésaurus, car nous ne disposions, comme pour les mots-clés, que de 20 caractères par descripteurs : ce qui est insuffisant pour le développement des sigles, par exemple. Aussi ont-ils été affichés sur une liste de mots-clés, dactylographiée, distribuée à chaque élève pendant les séances.
Sur le terrain
Une première publicité a été faite au mois de juin, sous la forme d'une lettre circulaire aux correspondants du service accueil-formation : GRETA et établissements scolaires. La quasi totalité ayant répondu positivement, le planning du mois d'octobre a comporté 19 séances, intéressant plus de 400 personnes au total. L'expérience a suscité un vif intérêt (moins de la moitié des candidatures a pu être retenue).
Les 19 groupes accueillis se décomposaient comme suit :
- 1 classe de terminale,
- 5 classes de première (F ou G),
- 5 classes de seconde,
- 3 classes de BEP,
- 1 classe de troisième,
- 1 classe de CAP (menuiserie),
- 3 groupes d'adultes (formation permanente et enseignants).
Les séances se sont déroulées dans les espaces publics de la BPI : les moniteurs d'interrogation étaient placés sur les tables de la classe 5 et 6, c'est à dire à côté des documents concernant l'environnement. Les séances débutaient par un exposé de l'opération avec distribution à chaque stagiaire d'un Vade-mecum comprenant :
- un lexique de définitions de termes se rapportant à la documentation automatisée et à l'informatique ;
- un texte intitulé Les Banques de données présentant le service télématique de la bibliothèque, les procédures d'interrogation et les fichiers français consultables à la BPI ;
- deux « listes d'interrogation » : mots-clés et thèmes retenus pour les périodiques.
Une présentation en deux points était alors effectuée : les principes de la recherche documentaire d'une part (qu'est-ce qu'un catalogue ? une cote ?), les procédés propres à l'interrogation automatisée d'autre part : utilisation des opérateurs booléens ; le système de l'interrogation en cascade (10 sélections successives possibles) en partant du général pour aboutir au particulier (exemple : Pollution - Mer - Pétrole - Bretagne - Amoco-Cadiz, pour la marée noire sur les côtes bretonnes) ; organisation matérielle des références sur les deux disquettes ; le fonctionnement du micro-ordinateur.
L'ensemble des exposés s'accompagnait de démonstrations et simulations de recherches.
Chacun des participants a pu poser au moins une question, noter les références apparues à l'écran ou détacher son listing (le micro-ordinateur équipé d'une imprimante était affecté à la disquette des références d'articles). Il lui restait à retrouver les documents sélectionnés sur les rayons ou dans le dossier des articles photocopiés.
Lorsque l'effectif n'était pas trop important, avec plus de deux personnes pour encadrer le groupe, il a été possible d'accompagner les stagiaires dans les rayonnages pour retrouver les documents. A plusieurs reprises, il leur a été demandé de faire la démarche inverse : lire les articles de périodiques et indiquer les mots-clés qui permettent de retrouver l'article en question.
Le service télématique a effectué des démonstrations d'interrogation des banques de données, en complément d'information pour les groupes les plus motivés.
Quel bilan ?
L'opération MICROTEL est achevée depuis plusieurs mois et, avec le recul, elle nous paraît avoir - comme toute expérience - comporté avantages et inconvénients.
La phase d'élaboration du projet a constitué pour le service Accueil-formation une ouverture sur des domaines nouveaux : pouvoir suivre une expérience de sa conception à son aboutissement, étudier l'ensemble des questions posées par la création d'une banque, suivre les stages d'initiation à la micro-informatique organisés par MICROTEL.
Autre point positif, l'accueil fait à l'expérience : d'abord une demande excédant largement l'offre mais aussi un intérêt évident de l'ensemble du public. Les réactions bien évidemment ont été différentes, allant de la curiosité « admirative » de participants adultes non initiés, aux critiques prévisibles de formateurs, déjà sensibilisés à l'informatique, sur les limites de l'expérience, en passant par la prise en main immédiate du micro-ordinateur par certains élèves. Il est vrai que, désormais, l'informatique est assez largement vulgarisée dans le secteur scolaire et fait l'objet d'un vif engouement : plus de la moitié des élèves avaient déjà manipulé un micro-ordinateur. La logique d'utilisation des opérateurs booléens est aisément assimilée par les scolaires déjà initiés aux mathématiques modernes. Cette « sensibilité informatique » n'empêche pas, au reste, des déviations : plusieurs stagiaires ont formulé des questions hors-sujet en créant des combinaisons de mots-clés incompatibles.
A noter également : l'acceptation immédiate du système clavier-écran par les participants non préalablement familiarisés - ainsi des stagiaires en secrétariat, reconnaissant le clavier AZERTY, ont maîtrisé sans problème le maniement du micro-ordinateur.
Peut-on aller plus loin et dire que les stagiaires auraient pu effectuer leur recherche de manière autonome, sans avoir recours à une aide extérieure ? la réponse, dans l'un ou l'autre sens, paraît difficile : la configuration de la banque - et notamment les références d'articles - impliquait une stratégie d'interrogation spécifique portant sur des thèmes précis ; par exemple une référence sur la contestation de l'usine nucléaire de La Hague ne pouvait être localisée que par une entrée directe à centrale nucléaire. Faute de renvois d'orientation ou de synonymie, les stagiaires, qui privilégient l'interrogation par grands thèmes - quitte à affiner ultérieurement leur question - n'auraient pu mener leurs recherches sans aide extérieure.
Une question non résolue, compte tenu de la brièveté et de la densité des séances : l'interaction de la recherche documentaire informatisée et de la recherche traditionnelle n'a pas paru évidente. Mais les conditions de l'expérience (une visite, une information, une recherche) ne permettent pas de répondre véritablement à cette question.
Si c'était à refaire ?
Notre réponse serait « oui, mais... » : à condition de reprendre l'opération sur d'autres bases, ne pas la renouveler telle quelle. Plusieurs éléments doivent être pris en compte.
- d'abord un logiciel de recherche documentaire véritablement performant : il n'est pas exagéré de dire que les limitations du logiciel représentaient un handicap important ;
- le logiciel idéal n'existant pas, une période de définition et d'analyse est indispensable : l'organisation de la banque doit tenir compte des contraintes du logiciel mais aussi des stratégies d'interrogation du public. Dans notre cas la définition d'une thématique trop précise pour les articles s'est révélée inadaptée à l'approche grand public. Autre source de difficultés : les références des livres et des documents audio-visuels avaient été indexées « au second degré » : les vedettes matières BPI avaient été réalignées selon le thésaurus EcoTHEK. Malgré les précautions prises, des décalages étaient inévitables. Une période de tests et de corrections aurait permis de lever ces hypothèques.
- une des conditions réalisées dans l'expérience nous paraît à reproduire : la disponibilité immédiate du document. Cette donnée s'avère nécessaire si on veut maintenir l'opération dans son contexte initial - celui de la recherche documentaire en général : l'initiation à la recherche documentaire informatisée devrait s'intégrer dans les cycles généraux de formation plutôt que de se limiter à une action ponctuelle et isolée.
Cette intégration se situerait dans la perspective de l'implantation retenue pour le développement de la recherche documentaire informatisée à la BPI : l'élargissement vers le grand public. L'installation de terminaux d'interrogation des catalogues pour le public est prévue dans les deux années à venir. Le succès de ce projet nous paraît en effet impliquer une démultiplication et un élargissement de la formation du public, ce qui est l'objectif même du service Accueil-formation.