Cinq siècles d'imprimerie genevoise
actes du colloque international sur l'histoire de l'imprimerie et du livre à Genève : 27-30 avril 1978
Index, vol. 2, p. 329-352.
Le premier livre imprimé à Genève porte un colophon du 24 mars 1478. En avril 1978, un colloque international réunissait plus de 150 spécialistes pour retracer l'histoire de cinq siècles d'imprimerie dans cet important centre typographique. Les actes de ce colloque publient 33 des 34 communications qui y ont été faites en suivant l'ordre chronologique, mais ils ont dû renoncer à reproduire les débats qui les ont suivies.
En liminaire, P. Chaix présente les ressources dont dispose la Bibliothèque publique et universitaire de Genève sur l'histoire de l'imprimerie et de l'édition dans cette ville. Une des originalités de la production genevoise au xve siècle est la publication de romans en français, souvent en éditions princeps ; A. Lôkkôs analyse ce phénomène.
L'époque de la Réforme fut un temps fort de l'édition genevoise, et plusieurs communications lui sont consacrées. Les ouvrages alors publiés dépassent l'usage local pour servir à la propagande évangélique en Europe et surtout en France. Aussi F.M. Higman étudie-t-il d'abord la censure des impressions genevoises par la Faculté de théologie de l'Université de Paris de 1520 à 1551. G. Berthoud analyse les 28 impressions de Jean Michel entre 1538 et 1544. J.F. Gilmont donne un aperçu des pratiques de la fabrication du livre dans la Genève de Calvin pour éclairer les problèmes posés par la transmission des textes. P. Pidoux montre que les éditions notées du Psautier antérieures à 1551 n'ont pas été imprimées à Genève, les typographes de la ville n'ayant été équipés pour cela qu'à cette date. L'activité des imprimeurs et libraires italiens, réfugiés à Genève, est décrite par E. Balmas qui étudie aussi l'édition genevoise en langue italienne. B. Lescaze recherche quelles étaient les lectures des Genevois à travers des documents très divers, y compris des procédures pour vols de livres. J.M. Arnoult pénètre dans le monde interlope des petits imprimeurs de l'époque, en retraçant la carrière mouvementée (1556-1564) de Pierre Estiard qui passa par Genève, ainsi que sa carrière posthume, car une quinzaine d'éditions (notamment de Rabelais) portent encore son adresse, fictive, de 1565 à 1597. O. Labarthe analyse et édite une liste de 347 livres dont les permissions ont été demandées entre 1567 et 1586, et qui semblent correspondre à des ouvrages dont le dépôt n'a pas été effectué. L. Desgraves donne des indications sur les relations entre imprimeurs de Genève et de La Rochelle à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle.
La fin de la propagande réformée n'arrête pas l'essor de l'imprimerie genevoise. Une importante production d'ouvrages en grec commence avec Robert Estienne en 1551, connaît son apogée avec Henri Estienne et se poursuit au XVIIe siècle (O. Reverdin). J.D. Candaux présente ses recherches bibliographiques sur les ouvrages concernant l'histoire de Genève, antérieurs à 1700. R. Staufenegger étudie la place du livre dans la pastorale genevoise du XVIIe siècle. H.J. Martin apporte des précisions sur les relations des libraires genevois avec la France à la même époque. M. Germann étudie les rapports de l'un d'eux, J.H. Widerhold, avec le public savant de Zurich vers 1670. Les recherches de W. Kirsop sur La Terre australe connue de Gabriel de Foigny (Genève, 1676), ses éditions et émissions postérieures, cherchent à dégager la « bibliographie matérielle » de l'analyse stricte des éditions pour l'étendre à l'étude des exemplaires et de leur diffusion.
Le XVIIIe siècle, notamment sa seconde moitié, ouvre une ère nouvelle pour l'imprimerie genevoise qui participe au mouvement des « lumières ». Etudiant la circulation des journalistes français à Genève entre 1685 et 1789, J. Sgard constate que très peu ont pu s'y fixer. G. Bonnant montre comment les éditions genevoises se sont répandues en Amérique latine, surtout par l'intermédiaire de libraires espagnols. F. Weil décrit le rôle assez modeste de Genève dans la production des romans français entre 1730 et 1755. G. Barber étudie l'édition originale de Candide et ses contrefaçons immédiates. R. Darnton essaie de débrouiller l'imbroglio que présente l'édition in-4° de l'Encyclopédie, parue sous l'adresse de Pellet à Genève. S. Tucoo-Chala montre comment Charles-Joseph Panckoucke a souvent utilisé les presses de Genève pour ses entreprises éditoriales. Deux contributions concernent les troubles politiques de Fribourg dans les années 1780 ; si les imprimeurs genevois ont contribué à la diffusion des pamphlets publiés à cette occasion (G. Andrey), les gouvernements de Genève et de Fribourg n'en ont pas moins collaboré à la poursuite des écrits séditieux (M. Neuenschwander). Enfin P.M. Gason publie des documents sur des tractations entre des libraires liègeois et genevois en 1783.
Le XIXe siècle n'est pas oublié. L'étude de la « Bibliothèque britannique » de Genève (1796-1815) apporte des données nouvelles sur la presse française au temps du Consulat et de l'Empire (D.M. Bickerton). Faisant des recherches sur la bibliographie genevoise du XIXe siècle, P. Waebler présente la Bibliographie chronologique genevoise (1800-1900) de Duvillard, demeurée manuscrite. G. Mützenberg retrace la carrière mouvementée du Français Elisé Lecomte, journaliste à Genève entre 1829 et 1842. A. Dufour présente deux bibliophiles genevois, Jean-Jacques Chaponnière (1805-1859) et Henri-Léonard Bordier (1817-1888). M. Vuilleumier étudie l'impression et la diffusion de la propagande républicaine à partir de Genève et de la Suisse au temps du Second Empire.
Enfin, entre 1865 et 1917, Genève fut un foyer d'émigrants russes, et aussi polonais, arméniens et turcs, en opposition avec le gouvernement de leur pays ; aussi des imprimeries révolutionnaires s'y développèrent-elles et L. Mysyrowicz étudie leur activité. Si cette analyse est un peu longue, du moins espèret-elle rendre compte de l'importance de ce recueil pour l'histoire du livre en Europe dans la mesure où l'action des imprimeurs genevois dépassa très souvent les frontières du canton.