L'enseignement de la science de l'information aux États-Unis

Jean-Louis Tafarelli

Si toutes les écoles de bibliothéconomie américaines semblent avoir réagi à l'introduction des ordinateurs dans les bibliothèques et à l'émergence d'une information science à côté de la library science par une adaptation de leurs programmes, elles l'ont fait à des degrés et par des moyens divers : de l'accroissement notable du nombre de cours consacrés aux aspects nouveaux de la profession, avec une insistance plus ou moins grande sur la technique, à la scission en deux départements distincts menant pratiquement à deux professions différentes.

American librarianship schools have ajusted their programs in different ways, not only to automation in libraries, but also to information science growing together with library science. More lectures are now dwelling on the new profile of the profession (with a special emphasis on technical aspects), while two distinct departments leading to two different careers start to appear.

Deux éléments ont contribué à modifier profondément depuis quelques années l'enseignement bibliothéconomique aux États-Unis. L'introduction massive des ordinateurs d'une part, d'autre part le contrôle financier très étroit et l'exigence de « rentabilité » qui sont le lot de toutes les bibliothèques sans exception, qu'elles soient services documentaires d'entreprises privées, ou bibliothèques universitaires ou publiques. Les écoles, quoique dispersées sur un immense territoire, se trouvent en compétition du fait de la mobilité des Américains qui n'hésitent pas à chercher du travail très loin de leur état d'origine quand cela devient nécessaire. Il leur faut donc de gré ou de force réagir rapidement aux exigences du marché et donner à leurs étudiants des chances raisonnables de conquérir un emploi. Or, s'il est encore possible à un bibliothécaire d'âge moyen de conserver son poste sans se mettre au courant des techniques nouvelles, un débutant ne peut guère espérer obtenir une situation satisfaisante s'il n'a pas au minimum les connaissances nécessaires pour interroger de façon rentable au moins l'un des grands serveurs américains. Quant aux connaissances plus proprement du domaine de la science de l'information elles sont de plus en plus demandées et procurent en tout cas à ceux qui les possèdent les emplois les plus intéressants et les plus rémunérateurs. Les études coûtant relativement cher, les étudiants considèrent justement le prix de leur inscription à l'université comme un investissement qui doit rapporter et s'informent soigneusement sur les conditions du marché du travail. Une école qui n'offrirait pas de cours en science de l'information verrait bientôt cesser son recrutement. D'autre part l'accréditation par l'ALA (American Library Association) lui serait vraisemblablement retirée. Cette accréditation n'est en théorie pas indispensable et une école qui ferait la preuve de sa valeur auprès des employeurs pourrait fort bien s'en dispenser mais elle est encore, et avec raison, considérée comme une garantie de sérieux.

Dans tout ce qui suit il convient de garder conscience de l'incertitude qui subsiste toujours quant à la signification des termes employés. On sait qu'il n'existe presque jamais d'équivalent exact d'un mot d'une langue dans une autre. A plus forte raison quand il s'agit d'un domaine où les concepts même ne sont pas encore toujours clairement délimités. Si l'on traduit volontiers bien sûr information science par « science de l'information » il est probable que le terme américain tend à englober aussi, et plus que le français, les aspects humains, sociologiques, etc. Library science égale « bibliothéconomie » mais inclut plus facilement les aspects technologiques. Quant à l'expression computer science elle offre l'exemple inverse. C'est exclusivement l'aspect technique des ordinateurs, ce que n'est pas vraiment chez nous « informatique ». Si l'on veut, mais ce n'est là qu'une opinion personnelle, il semble que l'interpénétration entre science de l'information et bibliothéconomie soit plus avancée aux États-Unis qu'en France, et cela expliquerait le flou que l'on constate aux points de contact.

Il n'en reste pas moins que la profession de bibliothécaire, aux États-Unis comme en France, attire massivement les « littéraires » et que cela ne va pas sans créer de difficultés. Cependant, si les étudiants choisissent leur école, les écoles choisissent leurs étudiants et n'hésitent pas, quand elles souhaitent développer leur enseignement scientifique, à sélectionner les candidats, même littéraires, sur la base de connaissances mathématiques ou d'aptitude à leur acquisition, démontrée par des tests. Ceci peut représenter une lourde charge de travail mais les étudiants sont conscients de son intérêt et ils l'acceptent en connaissance de cause. Il est toujours possible à un étudiant de s'adresser à une école où les exigences seront moindres dans ce domaine, mais il sait très bien que ce n'est pas seulement l'obtention de son Master of library science qui compte mais aussi son contenu. Il ne s'agit pas de collectionner des unités de valeur mais d'accumuler des connaissances utiles et utilisables. L'école et l'étudiant travaillent de concert et si pour une raison quelconque on plaçait la barre trop bas, l'étudiant, loin de considérer cela comme une faveur, aurait plutôt l'impression, selon la formule populaire, de ne pas en avoir pour son argent.

Un autre moyen d'accroître les chances de l'étudiant sur le marché du travail a été suggéré par le besoin en bibliothécaires spécialisés. On connaît le problème. L'employeur a généralement le choix entre engager un bibliothécaire connaissant bien son métier mais ignorant tout ou presque du domaine concerné ou utiliser un spécialiste dudit domaine totalement ignorant des problèmes de gestion documentaire. S'il est difficile de déterminer le moins mauvais terme de l'alternative, on peut dire en faveur du bibliothécaire qu'il a au moins conscience de l'importance du contenu des documents dont il s'occupe alors que le spécialiste ignore même qu'il puisse exister des problèmes bibliothéconomiques. Quoiqu'il en soit, certaines écoles ont entrepris de tirer parti de la situation en créant des joint programs. Il s'agit, en association avec un autre département de l'Université, de délivrer conjointement un MLS 1 et un Master dans une autre spécialité. A Chicago l'association se fait avec le département d'administration des affaires ou le département de langues et civilisations de l'Asie du Sud-Est. A Pittsburgh avec le département de théologie ou le Collège d'agriculture de l'université de West Virginia. L'intérêt pour l'étudiant est double : certains cours sont considérés comme communs et le nombre total de points nécessaire sera inférieur à la somme de deux masters pris séparément ; les besoins spécifiques du domaine concerné sont mieux pris en considération et l'étudiant recevra par exemple une formation plus complète aux bases de données dans le domaine qui l'intéresse. Dans certains cas ceci mène à la création d'un diplôme nouveau ; ainsi à Pittsburgh l'Agricultural information specialist certificate.

Ainsi donc, placées devant l'impérieuse nécessité de s'adapter aux changements qui affectent la profession, les écoles ont réagi en développant la partie de leur enseignement qui touche à l'informatique et aux systèmes d'information fondés sur les techniques nouvelles. Cela peut aller plus ou moins loin, d'un renforcement de certains cours à de profondes modifications structurales. Les écoles visitées ont toutes trois fait des efforts très nets mais dans des perspectives différentes. Elles offrent donc trois solutions intéressantes au problème et pour cette raison je les examinerai tour à tour, donnant le détail de leurs programmes puis essayant de résumer brièvement leur philosophie. Les questions qui peuvent avantageusement être regroupées viendront ensuite. Je m'efforcerai enfin de caractériser l'état actuel de l'enseignement de l'information science aux États-Unis tel qu'il ressort de l'activité de ces trois écoles que l'on peut qualifier d'importantes sans exciter le mécontentement de leurs concurrentes. Quant à savoir s'il est possible d'en tirer des conclusions sur ce que devrait être l'enseignement en France, c'est une autre affaire. Les structures et les mentalités sont si différentes que rien ne semble directement transposable. Le dynamisme des Américains, l'indépendance absolue des écoles qui ne sont jugées que par leurs résultats sur le marché du travail, l'énergie et la persévérance qu'elles apportent à créer, tester et éventuellement supprimer des programmes, tout cela compose l'image d'un système extrêmement mobile et plein d'enseignements mais difficilement exportable. Par ailleurs certains développements prévisibles risquent de faire diverger encore davantage nos situations respectives. La France semble vouloir s'orienter vers les gros systèmes centralisés au moment où les Américains cessent d'y croire. Si tous ne vont pas jusqu'à prévoir même la disparition de ceux qui existent déjà, tel l'OCLC 2, l'opinion très généralement répandue est que les possibilités constamment accrues des microordinateurs vont favoriser la prolifération des petits systèmes, ce qui est considéré comme très satisfaisant. Dans une conférence prononcée en septembre 1982 à l'Université de Columbia à New York, Richard de Gennaro, directeur des bibliothèques de Pennsylvanie, a exposé les développements auxquels il s'attend dans les prochaines années. L'apparition des ordinateurs a d'abord eu un effet décentralisateur qui s'est prolongé jusque dans les années 60 pendant lesquelles l'insuffisance des moyens de télécommunication ne permettait pas le partage des ressources. Les années 70 ont été marquées par la centralisation avec la généralisation du format Marc, l'OCLC... Mais pendant ces mêmes années 70 se préparaient les éléments d'un retour vers les systèmes locaux : essentiellement les mini et microordinateurs puissants et bon marché. Le résultat sera que les années 80 seront marquées par la prolifération des petits systèmes basés sur des microordinateurs. Les grands réseaux ne disparaîtront sans doute pas mais ils risquent de se trouver dans une situation difficile, les responsables de bibliothèques tentant de récupérer une partie des responsabilités qu'ils leur ont abandonnées au cours des dernières années. Il ne faut pas s'attendre à un réseau national aux États-Unis. La situation sera beaucoup plus floue. De plus en plus de bibliothèques achèteront des systèmes clés en mains, qu'il sera possible de relier entre eux grâce à des interfaces appropriées. Enfin force est de constater que les bibliothèques représentent une fraction de plus en plus faible du marché de l'information. Pour autant que je puisse en juger, une partie importante de la profession fait la même analyse que R. de Gennaro.

Si cette tendance se confirme, de plus en plus de bibliothécaires se trouveront au contact immédiat des micro et miniordinateurs et l'enseignement devra en tenir compte. L'école de Columbia met en place cette année un cours intitulé « le microordinateur dans la bibliothèque publique ».

Columbia university school of library science

Si l'on exclut les séminaires de doctorat, l'école offre 21 basic courses et 37 advanced courses. Plus 6 cours de première année et 8 de seconde année sur la conservation et la préservation des documents. C'est là le point fort de l'école qui offre également des travaux de laboratoire sur les problèmes de restauration et de traitement des papiers.

Sur cet ensemble de 72 cours, 8 peuvent être considérés comme ressortissant à la science de l'information. Tous durent théoriquement 28 heures. Ce sont :

Introduction à la science de l'information : c'est une introduction aux principes de base et à la pratique de l'automatisation des bibliothèques, ainsi qu'aux applications de la science de l'information le plus généralement utiles aux bibliothécaires. Des travaux pratiques complètent les cours.

Programmation pour les systèmes d'information :la programmation appliquée à la gestion des bibliothèques et de l'information. L'accent est mis sur la manipulation de fichiers volumineux et les méthodes de ressaisie de l'information. On demande à l'étudiant d'avoir quelque familiarité avec les concepts utilisés en traitement de l'information et quelque expérience du travail en ligne mais on ne lui demande aucune expérience préalable de la programmation. Les cours sont complétés par 12 heures de pratique sur un microordinateur Apple II. Ces 12 heures sont actuellement considérées comme insuffisantes et seront portées à 20 dès que possible. Le langage enseigné est le BASIC mais il sera remplacé par le PASCAL.

Base de données bibliographiques : caractéristiques, coûts et utilisation des bases de données. Stratégies de recherche. Travaux pratiques.

Analyse de systèmes dans les bibliothèques : analyse des entrées et sorties, flow charts, tables de décision, théorie des files d'attente, modèles et simulation, outils et techniques pour la prévision et la planification.

Systèmes d'information : examen des programmes documentaires existants et des systèmes d'information ; leurs implications pour la bibliothéconomie traditionnelle.

La bibliothèque et les réseaux d'information : les problèmes de coopération.

Les facteurs humains dans les systèmes d'information : les êtres humains et les systèmes d'information : les relations interpersonnelles pendant l'analyse, la mise en place et le fonctionnement d'un système d'information. Ceci inclut la commodité d'utilisation, l'ergonomie, la relation homme/machine, les modes d'utilisation de l'information, les facteurs interculturels dans le transfert et l'utilisation de l'information, la politique et la commercialisation de l'information.

Les microordinateurs dans les bibliothèques publiques : introduction au microordinateur, ses applications possibles. De plus en plus de programmes sont offerts par les constructeurs, soit écrits spécialement en vue d'une utilisation pour les bibliothèques, soit utilisables par elles au prix de minimes adaptations. Theodore Hines et al. listent de nombreuses possibilités dans un article intitulé « Micros : applications today » (Access : microcomputers in libraries, 1981, vol. 1, n° 2).

Le système est très libre, comme dans toutes les écoles, et tout étudiant peut choisir de se concentrer sur un sujet ou, au contraire, de diversifier au maximum ses connaissances. Des programmes d'étude sont suggérés mais non imposés. Un étudiant n'est jamais obligé d'en choisir un, ni, après l'avoir choisi, de le poursuivre jusqu'au bout. Le programme proposé sous le titre Information science se décompose ainsi :

3 cours obligatoires (c'est-à-dire qui le sont pour tout étudiant) :
- fondements de la bibliothéconomie et de la science de l'information. Ce cours, encore appelé core course, introduit l'étudiant au monde des bibliothèques et à ses problèmes.
- un cours sur le catalogage
- un cours sur le service de référence (bibliographie).

5 cours recommandés :
- introduction à la science de l'information - programmation pour les systèmes d'information
- bases de données bibliographiques
- systèmes d'information
- analyse de systèmes dans les bibliothèques.

3 cours optionnels (dont les liens avec la science de l'information sont moins étroits) :
- indexation
- problèmes usuels dans les services techniques
- bibliothèque et réseaux d'information.

1 cours de statistiques. Par exemple :
- méthodes statistiques dans les sciences sociales.

Pour obtenir le MLS il faut douze cours qui sont généralement pris de la façon suivante : 5 pendant le semestre d'automne (fall semester), 5 pendant le semestre de printemps (spring semester) et les deux restants pendant l'été.

Un programme ainsi composé donne à l'étudiant la possibilité de prendre connaissance des applications de l'ordinateur en bibliothéconomie. Il acquiert également une expérience de l'interrogation en ligne sur les principales bases de données. Il peut enfin s'initier à la programmation.

L'école considère que la préparation à la profession de bibliothécaire doit se fonder sur une formation sérieuse en bibliographie, indexation et organisation des collections. Les développements récents en technologie sont considérés comme faisant partie intégrante de la bibliothéconomie et sont inclus dans les cours chaque fois que cela est possible et semble souhaitable.

L'école possède deux microordinateurs Apple II qui sont à la disposition des étudiants. La partie la plus technique de l'enseignement est assurée par la directrice du Centre informatique de l'Université Columbia.

On a donc ici l'exemple d'une école qui s'appuie sur une conception traditionnelle de la bibliothéconomie mais qui, consciente de la nécessité de préparer l'avenir, introduit dans l'enseignement une quantité assez importante de connaissances relatives aux nouvelles technologies, soit dans les cours classiques, soit dans des cours nouveaux créés spécialement.

The university of Chicago graduate library school

Sur les 51 cours actuellement offerts par l'école 10 concernent plus précisément la science de l'information. Ce sont :
- Méthodes informatiques pour les traitements linguistiques : les techniques de programmation et les structures de données utiles dans le traitement des documents en langue anglaise. Historique et critique de quelques uns des programmes actuellement en usage. Applications pratiques et problèmes théoriques.
- Automatisation du contrôle bibliographique dans les bibliothèques : on y examine les développements dans l'utilisation du matériel informatique pour le travail bibliographique. L'accent est mis sur les problèmes qui se posent dans la pratique. Les principaux sujets abordés sont les différents systèmes automatisés, l'organisation, la structure et la maintenance des catalogues de bibliothèques, l'utilisation et la mise au point de catalogues sur supports magnétiques et la mesure des coûts et de la rentabilité.
- Recherche bibliographique en ligne : la nature des problèmes d'indexation et de ressaisie est utilisée comme introduction à l'étude du développement des services de recherche en ligne et des forces qui ont modelé leur croissance. Les concepts de structure de fichiers ainsi que la technologie du stockage sur disques magnétiques, des terminaux et des télécommunications sont introduits de façon concise. On insiste particulièrement sur les stratégies de recherche et les problèmes connexes. Les étudiants disposent d'un nombre d'heures variable mais substantiel pour interroger DIALOG, ORBIT et BRS 3.
- Analyse des systèmes d'information en vue du management : la circulation de l'information et les différentes tâches qui relèvent du management sont étudiées dans leurs relations réciproques. On utilise la structure des moyens d'information à l'intérieur d'un organisme pour préparer l'application de l'ordinateur à sa gestion. En particulier l'information en vue de la prise de décision dans une bibliothèque.

files d'attente et la simulation. Les effets de l'incertitude sur la prise de décision. Historique des tentatives effectuées pour appliquer ces méthodes aux bibliothèques. La programmation en Basic est enseignée et utilisée tout au long du cours.

Quatre cours méritent un intérêt particulier :
- Éléments de mathématiques pour la science de l'information : ce cours est obligatoire. Il peut toutefois être remplacé par un cours de même niveau pris dans l'un des départements scientifiques de l'université. Seuls les étudiants ayant de solides références scientifiques peuvent en être totalement dispensés. Les mathématiques sont introduites comme un langage permettant d'analyser les problèmes des systèmes d'information avec une insistance particulière sur la statistique. Les principaux thèmes sont : le concept de modèle mathématique, révision d'algèbre élémentaire, utilisation des graphes pour visualiser les propriétés des fonctions, statistique descriptive, concept de probabilité, de variable aléatoire et de distribution, vérification des hypothèses et limite de confiance. Les mathématiques sont illustrées par des exemples de leur emploi dans les bibliothèques et les systèmes d'information. Enfin on initie les participants à l'utilisation de l'ordinateur pour l'analyse des données.
- Introduction aux ordinateurs : les concepts de base et l'utilisation des ordinateurs pour des problèmes non-numériques, ceux qui intéressent les bibliothécaires. Les symboles, leur stockage et leur manipulation. Langage et signification. Exercices de programmation. Comparaison de différents ordinateurs et de différents langages de haut niveau. Insistance sur les concepts de base. Ce cours, introduit cette année, permet une approche du problème plus superficielle que le cours suivant.
- La programmation des ordinateurs : l'initiation des étudiants à la programmation se fait par l'assembleur qui est tout d'abord utilisé pour mieux visualiser les opérations internes. Ce n'est qu'ensuite que l'on passe au PL/1. L'enseignement est poussé assez loin pour que les étudiants soient capables d'écrire des programmes dont certains sont utilisés régulièrement et en particulier dans le cours suivant.
- Indexation et interrogation automatisées de documents en format MARC : une bande MARC de 1980 a été empruntée à la Library of Congress et copiée. Une partie des enregistrements qu'elle contient (environ 6 000), abrégés, forme deux fichiers (littérature pour enfants et bibliothéconomie générale) stockés sur le disque dur du microordinateur (qui sera décrit plus loin). Ces deux fichiers peuvent être interrogés à l'aide d'un logiciel dénommé Mirabilis (Microsystem for Interactive bibliographic Searching) dont une partie a été écrite par des étudiants. Mirabilis imite Dialog en le simplifiant. Les étudiants peuvent ainsi étudier de l'intérieur le fonctionnement d'une base de données. Ils sont également invités à récrire eux-mêmes une partie des programmes et à apprécier leurs performances.

On a vu que certains cours sont obligatoires. On peut apprécier l'importance attachée par l'école à la science de l'information dans ses aspects les plus techniques par le fait suivant. L'ensemble des connaissances dispensées est réparti en 5 sections.

1. Bibliothèques et société
2. Accès aux documents
3. Principaux types de bibliothèques
4. Outils et techniques
5. Applications de l'ordinateur

Dans chacune de ces sections l'étudiant doit prendre au moins l'un des cours principaux qui sont énumérés. Mais dans la section 4 il doit prendre les trois cours indiqués, qui sont :
- programmation des ordinateurs ;
- éléments de mathématiques pour la science de l'information ;
- méthodes de recherche empiriques (comprenant la méthodologie et la philosophie des sciences. Les techniques employées, expérimentation, interview, questionnaire, échantillonnage. Problème de la fiabilité et de la validité des tests).

C'est-à-dire que tout étudiant, quelle que soit l'orientation qu'il désire donner à sa carrière, doit obligatoirement acquérir des éléments de mathématiques et de statistique ainsi qu'une certaine pratique de la programmation en assembleur et en PL/1.

Il convient d'ajouter que les étudiants sont vivement encouragés, afin de parfaire leur éducation, à suivre des cours donnés par d'autres écoles et départements de l'université. C'est ainsi que, en ce qui concerne la science de l'information, des cours importants peuvent être pris par exemple au département d'administration des affaires (mathématiques pour les affaires, introduction à la science du management, modèles et simulation) ; au département d'informatique (introduction à la programmation, applications des ordinateurs, structure des systèmes d'information, management des systèmes d'information, analyse des systèmes d'information pour le management) ; au département de mathématiques (éléments de statistique, méthodes statistiques et leurs applications, conception des expériences et analyse de leurs résultats).

Les étudiants peuvent encore s'habituer à utiliser le UCLDMS : University of Chicago library data management system. Il s'agit d'un système de gestion de base de données qui maintient les index et les programmes permettant la mise à jour et l'exploitation d'un ensemble de fichiers relatifs au contenu des bibliothèques et à leurs usagers. Les terminaux de l'école permettent les recherches bibliographiques et les vérifications de disponibilité tout en protégeant les renseignements confidentiels. Le travail bibliographique est centralisé à la Bibliothèque Joseph Regenstein, bibliothèque centrale de l'Université et la maintenance est assurée par le Centre de calcul sur son Amdahl 470.

Enfin un très efficace programme de traitement de texte, Wordstar, disponible sur le microordinateur Altos Acs 8000, permet aux étudiants de s'initier à ce travail et de réaliser ainsi leurs mémoires pour le MLS, ce qui serait devenu (presque) un plaisir !

L'école de Chicago, dès le début des années 60 et l'une des premières dans le pays, a étroitement lié dans ses programmes la bibliothéconomie et la science de l'information. L'ancien doyen, actuellement encore professeur responsable de l'enseignement en science de l'information, est lui-même informaticien, fait qui a largement contribué sans doute au comportement très favorable de l'école vis-à-vis des nouvelles technologies. L'orientation donnée aux enseignements manifeste la certitude des responsables que leurs élèves devront survivre dans un environnement de plus en plus dominé par l'ordinateur et que par conséquent on ne pourra même plus se contenter de ce que Allen Kent appelle la computer literacy. L'école s'efforce donc de ne rien sacrifier des connaissances traditionnelles, sa situation dans les locaux de la très remarquable Joseph Regenstein library lui permettant par exemple d'assurer un enseignement approfondi en littérature pour enfants et en histoire du livre, tout en donnant le maximum de possibilités aux étudiants qui désirent acquérir une réelle compétence en traitement automatisé de l'information.

The graduate school of library and information science. University of Pittsburgh

L'école de Pittsburgh offre une structure bien particulière et, semble-t-il, rare dans notre domaine. En 1968, six ans après son intégration dans l'Université de Pittsburgh, une dotation de la Pennsylvania Commonwealth Science and Engineering Foundation a eu pour résultat une scission de l'école en deux départements distincts : le Department of library science et le Interdisciplinary department of information science.

La direction de l'école partage entièrement le point de vue de Richard de Gennaro selon lequel la tendance actuelle, et pour les années à venir, est aux petits systèmes supportés par des miniordinateurs et interconnectés. D'autre part, alors que selon le US census 160 000 personnes environ ont déclaré la profession de bibliothécaire, une enquête faite par un professeur de l'école révélerait environ 1 640 000 personnes actives dans le domaine de la science de l'information, dont un dixième environ de bibliothécaires proprement dits, ce qui recoupe le recensement. Il y a donc là un domaine considérable à exploiter et la distinction, établie dès les débuts de l'école, entre library science et information science n'a fait que s'accentuer. L'opinion des responsables est qu'elle répond à présent à un besoin réel et que les deux professions de librarian et information scientist n'ont qu'un petit nombre de points communs. Les bibliothécaires travaillent dans les bibliothèques universitaires, publiques et pour enfants, les information scientists dans le secteur privé (où les salaires peuvent dépasser le double). Cette politique de l'école poursuivie avec constance a fini par imposer auprès des employeurs l'image d'une nouvelle profession. C'est ainsi que la compagnie Exxon (carburants) recrute chaque année un certain nombre de MBA 4. Ayant entendu parler du MSIS 5, ils ont longuement examiné l'école et les programmes pour savoir ce qu'était cette information science si différente de la computer science, puis engagé un diplômé de l'école et enfin décidé de tendre vers un recrutement à parts égales de MBA et de MSIS. Les Bell telephone laboratories du New Jersey, considérés comme offrant le meilleur environnement et la meilleure ambiance pour ce type de travail, emploient actuellement trois diplômés de l'école de Pittsburgh. Il est intéressant de remarquer que l'un des trois avait un major en littérature anglaise et aucune formation scientifique préalable.

Il serait trop long et peut-être sans réelle utilité de donner le détail des cours offerts par la GSLIS. J'essaierai de donner un aperçu de leur contenu et de leur importance respective en commençant par l'école de bibliothéconomie.

74 cours abordent une grande variété de sujets. A côté des enseignements traditionnels on trouve ainsi un cours sur les bibliothèques et la liberté d'opinion, sur la bibliographie latino-américaine, sur le folklore, sur la culture afro-américaine, etc. Un cours sur les langues offre une étude des grandes familles de langues à travers le monde et enseigne à identifier une trentaine des langues les plus répandues.

Deux cours seulement relèvent de l'information science proprement dite :
- Services techniques en ligne - l'OCLC : l'étudiant y apprend de manière approfondie le fonctionnement de l'OcLC pour lequel l'école possède un terminal spécialisé.
- Analyse de systèmes pour les bibliothèques : on y présente les éléments de l'analyse, en prenant les exemples dans le domaine des bibliothèques.

Il est évident que les étudiants sont encouragés à prendre des cours au département de science de l'information et qu'ils font largement usage de cette possibilité. La possibilité inverse, offerte aux étudiants en science de l'information de prendre des cours à l'école de bibliothéconomie, est beaucoup moins utilisée. C'est ici l'occasion de remarquer que le succès de la formule des départements séparés et le besoin évident en information scientists fait que le recrutement de l'école de bibliothéconomie décline. Ceci a conduit à envisager une fusion des deux départements. Mais, outre que cette fusion ne serait pas vue d'un bon œil par le personnel ou les étudiants de l'information science, les employeurs, qui se tiennent au courant, pourraient, avec raison, craindre une baisse de la qualité consécutivement à l'inévitable dilution des programmes scientifiques.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que ce qui fait l'originalité de l'information science et la distingue de l'informatique toute pure c'est, comme nous allons le voir, l'accent mis sur la psychologie. C'est une profession d'organisation et de communication et c'est pourquoi Exxon par exemple la place sur le même plan que l'administration des affaires.

L'Interdisciplinary department of information science propose à ses étudiants de choisir entre deux orientations : spécialiste des systèmes d'information ou conseiller en information. Ce dernier recevra une formation psychologique plus poussée mais les exigences en matière de connaissances mathématiques et informatiques préalables seront pour lui les mêmes que pour l'analyste. C'est peut-être ici le moment de préciser que tous les étudiants du département doivent justifier, préalablement à leur admission, d'un cours de psychologie (behavioral science), un de mathématiques (correspondant à notre niveau de terminale scientifique), un de statistique et un de langage de programmation (aptitude effective à programmer en Fortran, en Basic, ou en un quelconque langage de haut niveau). Il est intéressant de remarquer que dans certains documents d'écoles américaines la connaissance d'un langage de programmation est assimilée à la connaissance d'une langue étrangère. Les étudiants désirant se préparer à la profession de conseiller doivent en outre passer un certain nombre de tests.

Le département offre donc une cinquantaine de cours dont douze sont plus spécialement consacrés à l'aspect humain de la profession. Entre autres : sociologie de la science de l'information, philosophie de la science de l'information, fondements de la théorie du comportement, les facteurs humains dans les systèmes, etc. Quelques cours peuvent être considérés comme des cours d'introduction :
- Les fondements de l'informatologie (informatology) : panorama des théories et des concepts sur quoi se fonde la science de l'information. Description des composants de base des systèmes d'information et état présent de la question.
- Analyse et ressaisie de l'information : on y étudie les principes et les moyens mis en œuvre en vue de l'analyse et de la ressaisie automatisées de l'information. Le cours fournit donc une vue d'ensemble, le matériel informatique n'étant étudié que brièvement.
- Mathématiques pour la science de l'information : les mathématiques sont abordées du point de vue de leur utilisation comme outil permettant de représenter les aspects fondamentaux de l'information.

Enfin, les autres cours sont consacrés à toutes les étapes de l'analyse d'un système d'information, ainsi qu'à une étude approfondie des ordinateurs et de leur programmation. Voici une liste des principaux cours limités aux titres :
- Statistique en science de l'information. I
- Statistique en science de l'information. II
- Les ordinateurs et la recherche en sciences sociales
- Syntaxe et sémantique des structures d'information (grammaires formelles, métalangages...)
- Automates
- La cybernétique et la science de l'information
- La communication de l'information et le codage
- Les systèmes interactifs (leurs éléments, matériel et logiciel, et leur fonctionnement)
- Les systèmes interactifs (leur construction)
- Centres d'information spécialisés
- Traitement des données
- Traitement des données (niveau avancé)
- L'intelligence artificielle
- La présentation de l'information (display)
- La technologie de l'information (inclut les microsupports et le traitement de texte)
- Les systèmes d'information (analyse, création, mise au point, évaluation)
- Les réseaux d'information
- Modèles et simulation
- Les systèmes d'information pour le management
- Les systèmes de gestion de bases de données
- Informatologie (niveau avancé).

Ainsi donc l'école de Pittsburgh poursuit résolument sa politique de développement séparé des deux professions. Mais il ne semble pas qu'elle pousse à ce développement. Son attitude est simplement la conséquence d'une étude attentive du marché. Les nouveaux organismes et systèmes d'information qui voient le jour demandent de leur personnel une formation différente, si différente parfois qu'il devient impossible de se contenter d'un aménagement des formations traditionnelles. La différenciation croissante des formations découle d'une évolution profonde de la profession sous l'impact des nouvelles technologies. L'école a choisi plus tôt que d'autres et avec une intuition remarquable un « créneau » qui semblait prometteur.

Les programmes

D'une façon générale l'organisation de l'enseignement est fondée sur le principe de l'option et cela exclusivement. C'est-à-dire qu'il n'y a pas ou pratiquement pas de « tronc commun ».

On constate ainsi qu'à Columbia le MLS demande 12 cours. Sur ce nombre, 3 seulement étant obligatoires, l'étudiant peut s'il le désire consacrer les trois-quarts de son travail à la science de l'information. Il peut en revanche la négliger absolument. Il convient de dire que les étudiants sont conscients de la nécessité de pratiquer au moins l'interrogation de bases de données et que le cours, quoique facultatif, est suivi par presque tous.

A Chicago, il faut 15 cours pour obtenir le MLS. Mais, comme on l'a vu, une subdivision des cours en cinq domaines, dont il faut au moins prendre connaissance, interdit à l'étudiant de négliger totalement un aspect quelconque. Cependant la science de l'information est privilégiée en ce que la programmation, les éléments de mathématiques et les méthodes de recherche sont obligatoires.

A Pittsburgh enfin, la situation se présente différemment, l'existence des deux départements permettant en principe une spécialisation absolue dans un sens ou dans l'autre. Là encore pourtant les étudiants savent qu'une incursion au moins dans le domaine voisin est extrêmement souhaitable et ils agissent en conséquence.

Le niveau des connaissances

Entrée : le niveau minimum requis des candidats dans toutes les écoles est le BA 6.

Columbia et Chicago exigent en outre de leurs candidats qu'ils passent le. Graduate record examination aptitude test, destiné à évaluer plus précisément les connaissances et les aptitudes. Pittsburgh se contente de conseiller aux candidats dont les résultats au B A sont médiocres de passer le test et de donner connaissance des résultats à l'école.

En outre à Pittsburgh le département de science de l'information exige, comme on l'a vu, de ses candidats des connaissances en psychologie, mathématiques, statistique, ainsi que la pratique d'un langage de programmation.

Tout ceci peut être complété par des entretiens avec les candidats à l'initiative soit des écoles, soit des candidats, quand l'une des parties le juge nécessaire.

Sortie : il est évidemment plus difficile d'évaluer le niveau de sortie. On peut donner une idée des objectifs tels qu'ils sont définis par les écoles.

Pour Columbia, on attend, entre autres, d'un étudiant titulaire du MLS :
- qu'il puisse exercer sa profession en appliquant les principes et les théories qui sont à la base du fonctionnement des bibliothèques et des services d'information,
- qu'il ait acquis une vue d'ensemble de la bibliothéconomie et de la science de l'information,
- qu'il soit un ferme défenseur de la liberté d'expression,
- qu'il connaisse et sache utiliser toutes les ressources et les technologies utiles en bibliothéconomie et science de l'information.

Chicago définit trois objectifs :
- aider les étudiants à cerner et comprendre les problèmes fondamentaux que les bibliothèques sont chargées de résoudre - essentiellement celui de fournir un accès aux documents ;
- aider les étudiants à développer leur aptitude à analyser de façon critique les solutions actuelles et à en découvrir de meilleures ;
- par le moyen de recherches effectuées par les professeurs et les étudiants, accroître notre connaissance de la bibliothéconomie.

Pittsburgh dit du MLS en science de l'information qu'il « vise à former des spécialistes de l'information qui seront capables de projeter des systèmes et des réseaux d'information ou d'être conseillers en information auprès de catégories très variées d'utilisateurs. Un conseiller en information sert d'interface entre un usager ou un groupe d'usagers et l'information disponible dans le monde. Un spécialiste des systèmes et des réseaux projette, organise et évalue les systèmes et réseaux dont la société a besoin ».

Il est important d'insister sur l'esprit dans lequel est conçu le travail. L'école ajoute : « En dépit de l'importance évidente du rôle de l'individu dans la transformation des données en information, la plupart des programmes de formation ont insisté sur l'aspect technologique du processus. Nous avons donc besoin de spécialistes possédant une connaissance solide de la technologie de l'information et qui considèrent l'individu comme le facteur central, si l'on veut comprendre les phénomènes de l'information ».

Le contrôle des connaissances est très minutieux. Dans certains cas les étudiants ont jusqu'à un travail par semaine à faire et à rendre au professeur qui peut donner soit une note, soit simplement un avis non noté. Chaque cours fait l'objet d'un examen final. Les notes sont A=4, B=3, C=2, D=1, F= échec. Pour obtenir le Master il faut donc avoir suivi avec succès le nombre de cours requis (généralement douze) et que la moyenne ne soit pas inférieure à une valeur fixée par l'école et qui peut donc varier (C à Columbia, 2,5 donc environ, C + à Chicago, B à Pittsburgh).

A ce principe de base s'ajoutent des variantes locales.

A Columbia, l'étudiant a la faculté, pour environ un quart de son programme, en l'occurrence pour trois cours sur douze, de choisir le système Pass-Fail, c'est-à-dire réussi ou échoué. En effet la note moyenne exigée pour recevoir le MLS est 2. Or il est possible de réussir à un cours avec la note D = 1. Le cours est obtenu mais la moyenne générale baisse. Si l'étudiant a opté pour Pass-Fail pour ce cours il ne peut qu'échouer ou obtenir la moyenne. C'est donc une sorte de joker, d'assurance qu'on lui offre et qu'il peut utiliser en choisissant Pass-Fail pour les cours où il se sent moins sûr de lui. Le système ne s'applique pas aux cours obligatoires.

Chicago demande en outre : - la rédaction d'un mémoire par lequel l'étudiant doit « démontrer sa capacité à :
. délimiter un projet convenable ;
. collecter dans des documents primaires ou secondaires les informations nécessaires ;
. organiser les informations de manière logique et cohérente ;
. présenter son travail dans un style de qualité. »

Ce travail appelé Master's project peut également consister en une bibliographie critique d'un point important de la bibliothéconomie. Dans ce cas le travail de condensation, de mise en forme et d'interprétation des éléments rassemblés doit constituer en lui-même un apport de connaissance originale. Il ne peut s'agir d'une simple bibliographie énumérative. Il arrive souvent que le Master's project ait son origine dans un devoir rédigé pendant l'année pour un cours donné.

- le passage d'un examen de contrôle général (comprehensive examination) vers la fin de la scolarité. La réussite à cet examen reste acquise pendant deux ans mais l'étudiant qui au bout de cette période n'aurait pas satisfait à toutes les autres exigences devrait le repasser.

- l'aptitude à lire avec une aisance suffisante une ou deux langues étrangères. L'étudiant peut prouver qu'il a étudié deux langues pendant deux ans en high-school ou un an au college. Si cela lui est impossible il peut passer le test de lecture en langues étrangères de l'Université, auquel cas une langue suffit.

Au département de science de l'information de Pittsburgh, où un stage pratique est exigé, l'étudiant peut demander à ce qu'il soit remplacé par la préparation et la soutenance d'une thèse.

Les méthodes d'enseignement

Rien n'est à relever qui soit particulièrement novateur par rapport aux pratiques françaises. Il sera donc plus commode de reprendre ce sujet à propos des ressources en matériel qui, bien entendu, conditionnent largement la pratique des enseignants. On peut cependant faire quelques remarques générales.

Tout d'abord, et c'est évident, la quantité de matériel informatique disponible a une incidence directe sur la participation plus ou moins grande des étudiants. Là où un seul terminal est disponible, l'étudiant est par nécessité relativement passif. Là où chacun dispose du sien l'atmosphère est totalement différente.

Ensuite la proportion cours ou TP/travail personnel est très largement en faveur de ce dernier. On peut dire qu'un étudiant a environ douze heures de cours par semaine et que ce chiffre est rarement dépassé. On attend de lui à peu près deux heures de travail personnel pour chaque heure d'enseignement, ce qui fait en moyenne générale trente-six heures par semaine. Mais, bien que cela soit difficile à évaluer bien entendu, il semble que le temps de travail personnel suggéré, en revanche, soit souvent dépassé. Les papers, devoirs à faire « à la maison », sont en effet fréquents et peuvent demander beaucoup de travail.

Enfin il faut noter l'attitude des Américains devant la compétition. Un étudiant français revendique le droit de travailler en groupe, avec pour corollaire la notation en groupe, chose inconcevable pour un Américain. Le fait de se passer des renseignements pendant un examen, considéré chez nous comme un exploit, est là-bas l'exception, et non pas à cause de la surveillance qui est inexistante. Alors que les étudiants, comme partout, travaillent volontiers en groupe, un enseignant peut parfaitement donner un contrôle à faire au dehors et à rapporter quinze jours plus tard, en ayant la quasi-certitude que personne n'a copié le travail d'un autre. Ceci n'est nullement dû à un manque d'esprit de corps ou de solidarité, mais plutôt à un goût pour la loyauté et l'efficacité, que l'éducation américaine s'applique à développer bien avant l'université.

On observe la même alternance de travaux pratiques et de cours magistraux que chez nous et une utilisation à peine plus fréquente de l'audiovisuel. A quelques rares exceptions près, il n'existe pas de manuels spécialement conçus comme supports de cours. Comme en France, les enseignants réalisent parfois quelques feuilles polycopiées destinées à être distribuées aux étudiants. L'EAO (Enseignement assisté par ordinateur) n'est pratiqué que pour l'interrogation de bases de données.

D'une manière générale donc, les méthodes sont assez traditionnelles et la nouveauté, pour nous, réside bien plutôt parfois dans la nature des programmes et surtout dans la conception de la profession.

Le matériel

Locaux et bibliothèques

Columbia : l'école est située dans la Butler library, l'une des bibliothèques de l'Université, où elle dispose de deux étages. L'un des étages est occupé en grande partie par la bibliothèque spécialisée qui est l'une des plus grandes, sinon la plus grande aux États-Unis, avec environ 100 000 volumes consacrés à tous les aspects de la bibliothéconomie. Un service très particulier est offert : tous les articles de périodiques mentionnés par les professeurs dans leurs bibliographies sont photocopiés, parfois en plusieurs exemplaires, et brochés dans une chemise en carton léger.

Ils sont ensuite prêtés, uniquement sur place et pour une durée maximum de deux heures. Ceci donne pratiquement la certitude de toujours trouver à la bibliothèque les textes dont la lecture a été recommandée pendant un cours.

Pittsburgh : l'école possède son propre bâtiment, à deux pas de la Cathedral of learning, building néo-gothique de 42 étages qui est le cœur de l'Université, tout près également de la grande Hillman library, bibliothèque centrale de l'université. La bibliothèque de l'école contient environ 60 000 documents, dont une copie sur microfilm de toutes les thèses de bibliothéconomie ainsi que les archives vidéo d'une série télévisée pour les enfants. La littérature pour la jeunesse est d'ailleurs l'un de ses points forts avec la collection Elisabeth Nesbitt de 5 000 livres d'enfants.

Chicago : l'école est située au rez-dechaussée de la Joseph Regenstein library, ce qui contribue certainement à rehausser le niveau. Jamais ni en France ni à l'étranger je n'ai vu de bibliothèque mieux faite pour inviter au travail intellectuel, non seulement par la richesse des collections (trois millions de volumes en libre accès) mais aussi par la perfection du plan et des aménagements. Je suis persuadé que le seul fait d'étudier dans un tel environnement doit permettre d'atteindre à de meilleurs résultats. La bibliothèque possède environ 40 000 ouvrages de référence et 60 000 volumes sur l'histoire du livre et la bibliothéconomie.

Matériel informatique

Deux des écoles visitées sont particulièrement riches en moyens informatiques. Ce sont celles de Chicago et Pittsburgh.

A Chicago : l'école avait utilisé jusqu'à l'année dernière un IBM 1401, puis uniquement le gros ordinateur du centre de calcul de l'université, un Amdahl 470V/7. En 1981 elle a acquis un Apple II pour le travail en Basic et un petit système remarquablement souple et performant. Il s'agit d'un micro-ordinateur Altos Acs 8000 de 48K supportant quatre utilisateurs simultanés. Il est associé à quatre terminaux écran/clavier, une imprimante NEC Spinwriter de haute qualité à 55 caractères par seconde et deux imprimantes rapides (110 car./s) IDS 460 paper tiger. Les mémoires auxiliaires sont fournies par un double lecteur de disquettes 8 " et un disque Winchester de 24 mégaoctets. Un modem et un logiciel ASYNC permettent la communication avec l'extérieur, en particulier avec l'Amdahl 470V/7 du centre de calcul de l'université (qui possède également un DEC 20). Les deux ordinateurs fonctionnent 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. L'école offre donc l'accès au système documentaire de l'université, LDMS (Library Data Management System), et également à des services tels que OCLC, Lockheed, SDS 7, BRS et RLIN 8. Les nouveaux micros sont utilisés essentiellement pour la recherche sur les systèmes de ressaisie de l'information et l'enseignement de l'informatique et de la programmation. Comme on l'a dit plus haut, on enseigne en PL/1-80. Pascal et Basic sont également disponibles. Un disque dur de 24 Moctets permettra le développement d'un fichier qui comprendra entre 20 000 et 40 000 enregistrements.

En 1980 l'école a emprunté et copié une bande Marc à la bibliothèque. Puis 6 000 enregistrements environ ont été recopiés sous forme abrégée sur disque. Après avoir fonctionné sur l'Amdahl le système a été adapté à l'Altos. Le fichier est interrogé par le programme Mirabilis.

A Pittsburgh toute l'activité informatique est bien entendu concentrée dans le département de science de l'information.

Le centre de calcul de l'université offre l'accès à son DEC 1099 bi-processeur. L'école elle-même dispose d'une puissante installation avec deux machines :
. un DEC 11/40 : 224 Ko de mémoire centrale, 7.2 Mo en ligne, 16 entrées ;
. un DEC 11/780 (VAX) : 1.5 Mo de mémoire centrale, 352 Mo en ligne, 32 entrées.

Les deux machines peuvent être connectées par une liaison à grande vitesse.

Un informaticien professionnel est employé à temps plein.

Le service informatique assure l'enseignement de l'informatique générale et de la programmation. En outre, un système très élaboré, un emulator, simule DIALOG, ORBIT et BRS. Plusieurs milliers de notices provenant de différentes bases ont été copiées. Des programmes simulent les trois langages légèrement simplifiés, ce qui permet dans un premier temps aux étudiants de s'entraîner à volonté sans considération de coût. La salle destinée à l'enseignement de l'interrogation des bases de données dispose de 21 terminaux et 22 appareils téléphoniques. 20 étudiants peuvent donc suivre un cours, chacun disposant de son propre terminal. Celui-ci peut être soit un Ti Silent 700, soit un DEC LA 34. L'écran du professeur est répété en grande dimension, face à la salle, par un projecteur d'image. Cette excellente installation est encore rentabilisée par des stages payants que l'école offre aux professionnels désireux de remettre à jour leurs connaissances ou d'étudier un nouveau système.

Dans une salle voisine de la salle des machines, une dizaine de terminaux permettent aux étudiants d'utiliser à loisir les deux DEC et plusieurs microordinateurs également en libre accès complètent l'installation.

Conclusion

Comme on a pu le voir, les méthodes d'enseignement des écoles américaines ne diffèrent pas sensiblement des nôtres. Les supports de cours sont tout aussi éphémères que chez nous et il n'existe pas ou peu de manuels spécialement destinés aux élèves bibliothécaires. En ce qui concerne l'enseignement de la science de l'information, la principale différence à l'avantage des Américains tient à la plus grande quantité de matériel dont disposent les écoles et surtout à la présence dans le personnel d'informaticiens professionnels qualifiés.

Mais je reconnaîtrais surtout la supériorité des Américains dans le fait qu'ils ont su, comme à l'ordinaire avant tout le monde, discerner l'avenir de notre profession et orienter aussitôt leurs efforts dans la direction qui semblait être la plus prometteuse. En conséquence, les concepts de la science de l'information, sans toutefois être réellement envahissants, tendent à colorer l'ensemble de la formation des bibliothécaires. Peut-être cette évolution a-t-elle été favorisée par la très ancienne notion de reference service familière aux Anglo-saxons et qui supposait déjà une conception plus pragmatique du métier. Il a suffi d'insister encore sur l'idée de service ; un service rendu par des moyens de plus en plus sophistiqués. L'informatisation a donc tout naturellement occupé une place centrale dans les préoccupations des formateurs. Si nous nous remémorons les résultats de l'enquête de Pittsburgh et le nombre considérable de personnes travaillant dans les services d'information mais ne se déclarant pas bibliothécaires, nous avons une indication sur l'importance de cette évolution. Ou les bibliothécaires souhaitent évoluer avec les bibliothèques, et en garder le contrôle, et il leur faut alors acquérir une connaissance suffisante des techniques nouvelles ; ou ils s'y refusent et ils risquent de se trouver marginalisés dans leur propre domaine par des spécialistes venus de l'extérieur. L'information n'en souffrirait sans doute pas mais certainement la culture et la bibliothèque classiques qui apparaîtraient de plus en plus comme des fossiles vivants. Il doit cependant être possible, et cela sans mettre en œuvre les énormes moyens de certaines écoles américaines, dont nous ne disposerons certainement pas avant longtemps, de faire en sorte qu'une orientation au moins soit donnée qui préserve l'avenir et que nos bibliothèques, et nos bibliothécaires, ne restent pas à l'écart d'une évolution irréversible.

  1. (retour)↑  Compte rendu d'un voyage d'étude effectué grâce à une bourse Fulbright pendant l'été 1982.
  2. (retour)↑  Compte rendu d'un voyage d'étude effectué grâce à une bourse Fulbright pendant l'été 1982.
  3. (retour)↑  Master of Library Science : Le Master représente 5 à 6 ans d'études universitaires et se rapproche donc de nos Maîtrises ou DES. Le Bachelor of arts - 4 ans d'études universitaires, est notre licence, le niveau terminal de l'éducation secondaire étant plutôt plus faible aux États-Unis qu'en France.
  4. (retour)↑  Anciennement Ohio College Library Consortium, actuellement Online Computer Library Center.
  5. (retour)↑  Bibliographic Retrieval System.
  6. (retour)↑  Master of Business Administration.
  7. (retour)↑  Master of Science in Information Science.
  8. (retour)↑  Bachelor of arts.
  9. (retour)↑  Systems Development Corporation.
  10. (retour)↑  Research Libraries Information Network.