Les objectifs de la bibliothèque du CNAM en 1983, ou comment concilier le passé et l'avenir ?

Brigitte Rozet

La Bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers est à la fois une bibliothèque de grand établissement d'enseignement supérieur, spécialisée dans les sciences et les techniques, et une bibliothèque de lecture publique ouverte à tous, autodidactes, journalistes, historiens : c'est un centre de référence pour l'histoire des sciences, des techniques et de l'industrie. Après une présentation de ses collections, liées à l'histoire du CNAM, et des locaux dans lesquels elle est installée, on décrira son organisation, correspondant aux objectifs qu'elle s'est fixés : fournir la documentation nécessaire aux enseignements et aux recherches du CNAM, jouer un rôle central en matière d'information scientifique et technique (en particulier pour la documentation informatisée), assumer sa vocation à être CADIST en histoire des sciences et des techniques, introduire progressivement l'informatique, faire prendre conscience aux 30 points bibliothèques du CNAM de la nécessité d'une politique documentaire commune.

The Library of the Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) is both an academic library, specialized in science and technics, and a public library for autodidacts, journalists and historians : it is a reference centre for history of science, technology and industry. After a survey of its collections (which are bound up with the CNAM history) and a look at the building, will be described its organization that meets the following objects : to acquire and make accessible all types of recorded information supporting the program of the CNAM campus ; to be a central cell producing scientific and technical information (especially automated documentation) ; to accept the responsability of being a national reference centre on history of science and technology, to introduce automation step by step, and make the 30 libraries of the CNAM feel the need of a cooperation.

Il est difficile de définir nettement la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Ce n'est pas une bibliothèque universitaire classique, ni une bibliothèque de lecture publique, ni un centre de documentation en histoire des sciences et des techniques. Et pourtant, on pourrait dire qu'elle est les trois à la fois.

Bibliothèque de grand établissement, elle ne figure pas sur la liste qu'en a établie la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique, car son budget ne dépend que du CNAM. Cependant, la richesse de ses fonds, auxquels on doit ajouter ceux de plus de trente centres de documentation existant au CNAM, en font un centre privilégié dans les Sciences, les Techniques et l'Industrie.

Après l'avoir située historiquement par rapport aux enseignements du CNAM et aux instituts qui se sont créés, nous présenterons son fonctionnement, à la fois traditionnel et original, lié à ses objectifs variés, en insistant plus particulièrement sur l'un d'entre eux : la coordination de la politique documentaire du CNAM.

L'historique

« Des machines »

« Il sera formé, à Paris, sous le nom de Conservatoire des arts et métiers, un dépôt de machines, modèles, outils, dessins, descriptions et livres dans tous les genres d'Arts et Métiers ».

Ce décret de la Convention, du 10 octobre 1794, est à l'origine du Conservatoire, de son Musée et de la Bibliothèque.

Simple lieu de démonstration en 1794, le Conservatoire devint vite un établissement d'enseignement des « sciences appliquées aux arts industriels ». C'est en 1819 que furent créées les trois premières chaires, dont le premier titulaire, pour l'économie industrielle, fut J.B. Say.

Actuellement, 63 chaires sont regroupées en 12 départements, couvrant les domaines suivants :
- Chimie, Électrochimie, Biologie.
- Économie et Gestion.
- Électronique, Électrotechnique, Automatisme.
- Énergétique.
- Matériaux industriels.
- Mathématique, Informatique.
- Mécanique.
- Physique, Métrologie.
- Sciences de l'aménagement et de la mise en valeur.
- Sciences nucléaires.
- Techniques de la construction.
- Travail et entreprise.

Parallèlement à ces activités d'enseignement, se sont créés 23 laboratoires où la recherche appliquée est développée dans tous ces domaines par 1 500 enseignants-chercheurs.

A cette structure classique s'ajoute celle constituée par les instituts et les centres du CNAM : la plupart délivrent des diplômes à caractère professionnel et ont des activités de service qui leur donnent une autonomie budgétaire relativement importante par rapport aux laboratoires ou aux départements.

Le plus ancien des instituts est l'Institut national d'orientation professionnelle (créé en 1928), l'actuel INETOP, le plus récent est l'Institut des techniques de la mer, créé en 1981. Parmi les 17 instituts, figure celui que les bibliothécaires et documentalistes connaissent bien : l'INTD (l'Institut national des techniques de la documentation), créé en 1950.

Troisième volet : les 51 centres régionaux implantés en province et à l'étranger. Ces centres, placés sous la tutelle pédagogique du CNAM sont ses correspondants en matière de promotion sociale et d'enseignement supérieur technique.

Les enseignements du CNAM sont des plus divers allant des sciences pures et appliquées aux sciences humaines, de la formation professionnelle à la formation de formateurs ; de ce fait le public du CNAM est très vaste (74 000 étudiants pour Paris et la province), et des plus hétérogènes. Pour une large part, les étudiants sont déjà engagés dans la vie active.

Le CNAM a gardé sa vocation première, maintenant à côté de ses activités de formation les fonctions de conservation et de diffusion prises en charge par le Musée des techniques et la Bibliothèque.

« Des livres dans tous les genres d'arts et de métiers »

Partie intégrante du CNAM, la bibliothèque a suivi une évolution parallèle : dès sa création elle devait bénéficier de l'apport des confiscations révolutionnaires : traités scientifiques très anciens, exemplaires uniques par leurs annotations, leur reliure ou leur provenance. Sur les 7 000 livres antérieurs à 1800, 120 étaient considérés par Brunet comme rares ; sont également à signaler seize incunables, une collection de portraits par Clouet, des fonds divers : archives du CNAM, le fonds Bartholdi (archives sur la Statue de la liberté), le fonds Fourastié (catalogues de grands magasins).

Par la suite, enseignants et chercheurs tel E. Sarciaux devaient, en léguant leurs collec tions, contribuer à enrichir le fonds, régulièrement accru par le dépôt légal des ouvrages techniques, réaffirmé en 1926. Les collections, diversifiées avec la naissance de nouveaux enseignements au CNAM, comportent actuellement 200 000 volumes, 3 500 titres de périodiques, 7 500 mémoires d'ingénieurs, 1 100 catalogues d'expositions.

De leur côté, les responsables de la bibliothèque paraissent avoir largement participé aux activités du CNAM : d'abord appelés à faire des traductions (d'où leur nom de « bibliothécaires-interprètes ») ils jouaient aussi les écrivains publics et, à ce titre, étaient chargés d'écrire des articles sur le Conservatoire. Certains d'entre eux, devenant enseignants à part entière, ont participé à la rédaction d'ouvrages scientifiques, tel Billy suivi de Gruvel, d'Armonville, Boquillon, Levy...

Dernier élément, le cadre même de la bibliothèque : depuis 1850, la salle de lecture fonctionne dans l'ancien réfectoire du prieuré de Saint-Martin des Champs, œuvre de Pierre de Montereau, l'architecte de la Sainte Chapelle, réalisée dans le dernier quart du XIIIe siècle. Selon l'expression d'Edmond Levy « on trouverait difficilement à Paris une salle dont la beauté élève davantage l'esprit vers la haute méditation intellectuelle ». Rénovée en 1960 sous l'impulsion de Mme Michel, la bibliothèque offre une centaine de places.

Le caractère même de cette salle est à la fois un facteur de popularité 1 pour la bibliothèque et un frein au développement d'autres activités : déjà trop petite pour accueillir les 250 lecteurs quotidiens, la salle s'accommode mal de transformations où l'harmonie de la pierre et du bois ne serait pas respectée. C'est ainsi qu'un lecteur de microfiches devra être installé, dissimulé derrière un pilier du XIIIe siècle. Peut-être faudra-t-il faire de même pour des Minitels si nos projets d'extension n'aboutissent pas...

Les magasins qui entourent la salle de lecture sont également saturés : à l'heure actuelle 900 m2 sont occupés mais les prévisions pour l'an 2000, en pariant sur le succès des microformes, nécessiteraient une surface supplémentaire de 1 000 m2. Un projet de restructuration globale du CNAM est à l'étude : cette opération devrait permettre l'extension nécessaire mais aussi la mise en œuvre de services nouveaux aux lecteurs : salles pour le prêt, pour la documentation audiovisuelle, pour le travail bibliographique, à côté du bureau de recherche documentaire informatisée.

Le public de la bibliothèque est d'abord celui du CNAM : étudiants des départements ou instituts (plus de 40 000 sur Paris), enseignants, chercheurs. Le profil même de ce public - en majorité des personnes insérées dans la vie active - appelle des horaires d'ouverture adaptés à ses besoins : la bibliothèque ouvre tous les après-midi (sauf le dimanche) de 13 h à 20 h 30 et les deux matinées du samedi et du dimanche. Le service aux étudiants a jusqu'à présent été limité à la consultation ; enseignants et chercheurs disposent de services plus étendus 2 : prêt d'ouvrages, communication des derniers numéros de périodiques parus.

A ces utilisateurs se superpose un public plus large et plus diffus lié à la vocation originelle de la bibliothèque ; ouverte à tous, elle accueille régulièrement un public varié : des médiateurs tels que journalistes ou documentalistes mais aussi autodidactes, personnes participant à différents concours, chercheurs étrangers, etc. L'action de la bibliothèque dans le domaine de la vulgarisation scientifique, encore limitée, devrait, à nos yeux, être un des points fondamentaux de son développement : toute l'histoire du CNAM témoigne de la complémentarité des démarches vulgarisation-autodidaxie-formation permanente.

Les perspectives

L'équipe de la bibliothèque se compose actuellement de :
- 3 conservateurs,
- 4 sous-bibliothécaires (chiffre inchangé depuis 1955),
- 1 documentaliste CNRS 2 B,
- 1 assistant CNAM (pour la recherche documentaire informatisée),
- 2 gardiens de musée,
- 2 contractuels CNRS 7 B et 8 B faisant office de gardien,
- 1 agent de service,
- 1/2 agent de bureau,
- 0 secrétaire...

Par ailleurs des liens ont été établis avec les trois sous-bibliothécaires affectés à l'INETOP : des relations amicales se sont nouées depuis six mois ; nous leur avons donné la possibilité de suivre avec nous un stage d'informatique organisé pour le personnel de la bibliothèque du CNAM. Depuis janvier 1983, une fois par semaine, l'une d'entre-elles vient nous aider à réaliser le catalogue collectif des périodiques reçus au CNAM.

Une équipe réduite et hétérogène, un intérim de direction qui s'est prolongé près de deux ans jusqu'en octobre 1982 : il serait vain de nier la complexité des problèmes de personnel à la bibliothèque du CNAM.

Et pourtant, comme disait Galilée, ça tourne...

A une organisation par types de documents 3 se superpose une organisation par objectifs. Il n'y a pas de responsable de secteur à proprement parler. La hiérarchie entre les sous-bibliothécaires et les conservateurs est sans doute moins marquée que dans d'autres établissements, dans la mesure où ce sont des sous-bibliothécaires qui ont assuré l'intérim.

Très schématiquement, nous avons défini les objectifs suivants :
- En premier lieu, répondre à la demande en documentation venant des enseignements et des recherches effectués au CNAM.
- En second lieu, nous estimons que nous avons un rôle d'accueil, d'information et d'orientation, qui doit être pris dans un sens très large.
- Notre troisième objectif consiste à assumer notre rôle de centre de référence dans le domaine de l'histoire des sciences et des techniques, avec la perspective d'être CADIST (Centre d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique) dans ce domaine.
- Vient ensuite notre quatrième objectif : l'informatisation de la bibliothèque.
- Le cinquième objectif concerne la politique documentaire du CNAM : il revient à la bibliothèque centrale un rôle de coordination des 30 centres de documentation existant au CNAM.

La librairie publique

L'objectif n° 1, qu'on pourrait aussi appeler « vie quotidienne », consiste à acquérir, traiter, communiquer et néanmoins conserver la documentation nécessaire aux enseignements et aux recherches du CNAM. Six temps pleins de bibliothécaires et quatre temps pleins de gardiens y sont consacrés. L'organisation par types de documents y joue un rôle prépondérant.

Le secteur périodiques est de loin le plus important et ce, de façon suivie, depuis des dizaines d'années. Il est vrai que pour la recherche scientifique et technique, c'est le support privilégié que choisissent les chercheurs, c'est celui qui est encore le mieux adapté à l'accélération des connaissances. L'ensemble de la collection de périodiques représente 3 500 titres 4, dont 1 000 courants, répartis entre 613 acquisitions et 387 dons (dépôt légal, ou service des échanges internationaux). Les crédits consacrés aux abonnements représentent 3/4 du budget de fonctionnement, soit 800 000 F pour 1983.

Le catalogue des périodiques a été imprimé sous deux versions : en 1972 est paru le catalogue des périodiques en cours et des principales suites étrangères. En 1978 est paru le catalogue des périodiques existant à la bibliothèque du CNAM depuis sa création. 2 500 titres arrêtés ont ainsi été portés à la connaissance du public : ces collections sont particulièrement importantes pour l'histoire des sciences et des techniques, car elles se composent de bulletins de sociétés savantes, d'académies des sciences, de sociétés industrielles, voire encore d'annales de grandes écoles. Une mise à jour dactylographiée existe pour le catalogue édité en 1978. L'édition de 1978, tirée à 1 000 exemplaires, a été fort onéreuse : c'est pourquoi la réédition de ce catalogue, bien que réclamée par de nombreux correspondants, n'est envisagée qu'avec prudence.

Notre participation au CcN (Catalogue collectif national), nous rattache au centre régional Jussieu et nous a fait prendre conscience de notre richesse. La bibliothèque du CNAM fait partie des rares établissements qui ont pu continuer leurs abonnements malgré l'augmentation de 47 %, due au coût du dollar, en 1983. Cette participation au CCN permet d'envisager la possibilité d'éditer de façon plus économique le prochain catalogue des périodiques : lorsque nos collections françaises seront chargées dans le CcN, il suffira de demander un listing. Nous allons, par ailleurs, essayer de convaincre certaines bibliothèques d'instituts du CNAM, de l'utilité de participer au CCN.

Les périodiques du CNAM sont communiqués à différents niveaux :
- les lecteurs étudiants en font une consommation moyenne correspondant à 200 demandes environ par mois ;
- les lecteurs extérieurs au CNAM, utilisant le prêt-inter ont fait 300 demandes en 1982 ;
- les lecteurs privilégiés sont essentiellement les chercheurs et enseignants du CNAM puisque les derniers numéros de 600 périodiques sont mis en circulation auprès de 224 chercheurs, principalement chimistes et physiciens. Une des particularités de ce prêt-roulant « en marguerite » est que chaque fascicule revient toujours au service des périodiques avant d'être prêté de nouveau. Ce service est rendu nécessaire par l'absence de salle de consultation des périodiques.

Les périodiques font l'objet d'une attention particulière dans le domaine de la conservation : leur budget reliure courante s'élève à 40 000 F pour 1983. Nous essayons, bien que les résistances soient fortes, d'habituer les lecteurs à consulter des collections sous forme de microfiches. Le gain de place est tel que cette politique sera systématiquement développée.

Il en sera de même dans le domaine des Mémoires d'ingénieurs CNAM, assimilables à des thèses de 3e cycle. Outre les mémoires soutenus dans les chaires du CNAM de Paris, sont également déposés tous ceux qui sont délivrés dans les centres régionaux de province.

Certains sont déclarés « incommunicables » par le bureau des ingénieurs, pour une période de 10 ans : c'est un des moyens utilisés par les entreprises dans lesquelles ont été réalisés ces mémoires, pour protéger le secret industriel.

7 500 mémoires sont ainsi conservés depuis 1924, répertoriés en différents fichiers (auteurs, sujets, systématique). Un catalogue imprimé en deux tomes, couvrant la période 1924-1976 a été édité en 1981 et 1982. Il conviendrait d'éditer un troisième tome, couvrant 1977-1982.

C'est en prenant en compte le coût d'une édition traditionnelle que nous avons estimé que ces mémoires devraient faire l'objet d'un traitement informatisé. Nous n'avons pas encore donné de nom à la future base de données des mémoires d'ingénieurs CNAM, mais nous savons déjà que ce sera notre premier travail sur micro-ordinateur.

Comme les mémoires d'ingénieurs sont très consultés (350 communications par mois) et fréquemment demandés sous forme de photocopies (210 demandes en 1982), une solution de microfichage systématique est envisagée, avec duplication gratuite pour toute demande de prêt interbibliothèque.

Comparativement aux périodiques et aux mémoires, les livres et brochures font figure de parents pauvres ; les acquisitions ont longtemps été réduites : en 1982, alors que 800 volumes entraient par la voie du dépôt légal, moins de 200 ouvrages, français et étrangers, ont pu être achetés en raison du coût des ouvrages scientifiques 5. Les acquisitions ont dû être limitées aux ouvrages demandés expressément par les enseignants et chercheurs du CNAM : ceux-ci sont par ailleurs invités à donner à la bibliothèque un exemplaire de leurs publications.

Les photographies : c'est le laboratoire photo du CNAM qui effectue les prises de vues sur les livres, pour illustrer article, ouvrage, émission... Il faut compter environ huit jours pour que les travaux demandés soient réalisés. Un fonds de photographies correspondant à notre fonds de livres et de gravures est en cours de constitution.

L'information du lecteur

Notre deuxième objectif est d'améliorer notre rôle d'accueil, d'information et d'orientation. A un service de renseignements classique s'ajoutent diverses activités qui vont de la simple réponse par téléphone à la bibliographie plus élaborée, établie à la demande et souvent réutilisée pour une exposition, une émission de télévision, un livre de vulgarisation, etc. Les utilisateurs de ces recherches sont en effet d'origine très diverses : journalistes, éditeurs, « curieux » en tous genres.

Outre ces recherches manuelles qui amènent à dépouiller des revues du xixe siècle comme les Annales des mines ou le Bulletin de la Société d'encouragement, un service de recherche documentaire informatisée a été implanté grâce à la DBMIST. Ouvert en novembre 1982, il a été appelé DECIBEL (Division d'études de conseils et d'informations bibliographiques en ligne). DECIBEL est animé par un assistant (chimiste de formation), un conservateur et une sous-bibliothécaire.

Les 7 serveurs (Dialog, Questel, G. CAM, ESA-IRS, Datastar, SDC Infoline) avec lesquels sont passés des contrats, donnent accès à plus de 250 bases de données. Le prix moyen d'une recherche est de 250 F, mais certaines (en chimie, sur DARC), peuvent s'élever à plus de 1 000 F. Néanmoins, les chercheurs y font appel (10 questions en moyenne par mois) et reviennent...

Les destinataires de ce service sont essentiellement les enseignants et les chercheurs du CNAM, ainsi que les étudiants de cycle C (3e cycle), sous la responsabilité de leur directeur de recherche. Une initiation à l'information scientifique et technique, réalisée dans le cadre de certains enseignements de physique et de chimie sera développée en 1984. Une ouverture vers l'extérieur sera également envisagée pour 1984, prioritairement en direction des CNAM de province.

DECIBEL ne saurait se concevoir sans une infrastructure au niveau du prêt-inter ; il est normal qu'une référence à un article puisse s'accompagner de la fourniture de cet article. A cet égard, le service du prêt interbibliothèque est sous utilisé : en 1982, 172 demandes ont été satisfaites par la bibliothèque du CNAM ; 245 demandes ont été réorientées. Mais pratiquement aucune demande n'a été faite par la bibliothèque en direction d'autres bibliothèques : c'est là un signe ou bien d'exceptionnelle richesse, ou bien de vie « en autarcie ». Les statistiques 1983 permettront de trancher entre les deux hypothèses.

Un centre de référence en histoire des sciences et des techniques

Notre troisième objectif est de devenir un centre de référence en histoire des sciences et des techniques, se préparer à être CADIST dans ce domaine : un dossier de candidature a été déposé auprès de la DBMIST. Dès maintenant nous privilégions ce domaine et travaillons dans plusieurs directions :
- achat systématique de tout ce qui intéresse l'histoire des sciences et des techniques ;
- réédition en fac-similé de certains ouvrages fondamentaux conservés à la bibliothèque : la publication du Traité d'histoire de la gravure sur bois de J.M. Papillon est un de nos grands projets ;
- sauvegarde du patrimoine de la bibliothèque : reprise progressive des catalogues pour les ouvrages antérieurs à 1800. Les 90 000 ouvrages du XIXe siècle sont notre souci n° 1 ; le papier doit être désacidifié après une étude de pH ;
- exploitation, grâce à la micro-informatique, d'une remarquable collection de catalogues d'expositions universelles ou internationales (1 100 catalogues). Ce travail sera fait en collaboration avec une équipe bibliographique rattachée au séminaire sur « l'art et l'industrie », qu'anime Madeleine Rebyrioux, du Musée d'Orsay.

Il serait hautement souhaitable que nous puissions localiser, dans cette future base de données les objets qui ont été exposés. Certains ayant été déposés au Musée du CNAM, bibliothèque et musée pourront collaborer à cette opération.

Cette base doit associer l'optique « recherche » (références et localisations) à une approche grand public : visualisation des objets exposés et de leur contexte. Un des axes de travail est en effet de mesurer l'évolution de la perception visuelle depuis le début du XIXe siècle : incidence de la photographie, évolution sémiologique des articles consacrés aux différentes expositions.

L'informatisation de la bibliothèque

Notre quatrième objectif consiste à introduire l'informatique en douceur à la bibliothèque : le CNAM a organisé un stage d'initiation pour le personnel de la bibliothèque et deux des sous-bibliothécaires de l'INETOP. Ce stage, qui ne se terminera qu'en juillet, nous permet de mieux définir nos priorités et est un atout majeur pour la réussite de nos projets.

Dès le départ, l'absence de secrétariat nous avait amené à envisager l'achat d'une machine de traitement de texte. Une étude de différents matériels nous a conduit plutôt à opter pour un micro-ordinateur, avec logiciel de traitement de texte. La première application portera sur les mémoires d'ingénieurs.

Ces mémoires déjà mentionnés, constituent un fonds spécifique au CNAM, en augmentation constante. Exposant en détail des points de technique nouvelle, à jour en permanence, ils répondent aux besoins précis de nombreux utilisateurs actuels et potentiels. L'automatisation permettra de constituer une banque de données des mémoires d'ingénieurs, interrogeable non seulement à la bibliothèque centrale du CNAM-Paris et dans les centres associés, mais aussi à l'extérieur du CNAM, suivant des modalités à définir sur le plan technique et commercial. Les voies d'accès, outre les vedettes auteurs, matières et chaires pourraient être aussi l'année (associée à une ou plusieurs de ces vedettes) et le lieu de soutenance. Le débat reste ouvert pour la liste d'autorités-matières, vraisemblablement « Laval-BPI-Orsay ».

Nous ne renonçons pas pour autant au support papier et étudions l'édition d'un catalogue imprimé. Celui-ci pourrait être constitué d'éditions successives, suivant une périodicité à déterminer (par exemple quinquennale). Ces brochures feraient suite aux catalogues tirés jusqu'à maintenant (2 tomes couvrant respectivement les périodes 1924-1969 et 1970-1976). Le tome 3, débutant donc en 1977, serait, comme les suivants, imprimé par ordinateur. Une édition sous forme de microfiches COM aura peut-être l'avantage d'être moins onéreuse et plus facile à diffuser.

Pour les catalogues d'expositions qui doivent constituer la deuxième application, une configuration plus importante sera nécessaire : un cahier des charges est, dès à présent, en cours de réalisation.

Une politique globale de documentation

Notre cinquième objectif, coordonner la politique documentaire au CNAM, procède par étapes successives.

Une enquête générale auprès des trente points bibliothèques existant au CNAM a été menée. Au départ, nous savions qu'il y avait des bibliothèques au CNAM, mais nous n'avions pas idée de l'ampleur du travail qui nous attendait. Cette enquête devait être un moyen pour deux documentalistes stagiaires à la bibliothèque de visiter des centres de documentation et de prendre conscience des problèmes qu'elles auraient peut-être en travaillant. Nous avions établi un questionnaire assez détaillé portant sur les utilisateurs potentiels, les budgets, les locaux, les méthodes d'acquisition et de traitement, la nature et l'ancienneté des fonds, les connaissances techniques des documentalistes ou secrétaires chargées de la gestion de ces points bibliothèques. Ce questionnaire a dans tous les cas donné lieu à un entretien d'une demi-heure à deux heures. Il était en effet impossible de le donner à la plupart de nos interlocuteurs sans être là pour leur expliquer ce que nous entendions par des mots aussi étranges que : normalisation, thesaurus, mot matière, classement systématique, OcLC... L'impression générale qui s'en dégage, c'est la diversité des cas possibles, depuis l'armoire fermée à clé dans un couloir jusqu'à la salle de lecture avec service de prêt.

Quelques traits saillants ne sont peut-être pas spécifiques au seul CNAM : il y a presque trois fois plus de personnel dans les points bibliothèques du CNAM, qu'à la bibliothèque centrale..., 450 000 F ont été dépensés en 1982 pour les achats de livres et périodiques, soit presque la moitié du budget dépensé pendant la même période par la bibliothèque centrale, 1 200 titres de périodiques ont été recensés, ainsi que 46 000 ouvrages. L'ensemble des bénéficiaires de cette documentation « éclatée » se compose essentiellement de 400 enseignants et au maximum 1 000 étudiants. Seules six bibliothèques sur 30 assurent un service de prêt étudiant. Le nombre de places assises est toujours limité : huit bibliothèques n'ont pas de salle de lecture... Le personnel a un niveau technique très hétérogène, ce qui ne facilite guère l'échange normalisé d'informations.

En mars, nous avons réuni tous ceux qui avaient répondu à l'enquête et nous leur avons diffusé des tableaux portant sur les budgets, les collections, l'ouverture sur l'extérieur. La mise en place d'un catalogue collectif de périodiques a été une des suites de cette réunion : à partir des listes que nous avons pu obtenir, nous avons reconstitué déjà quelques fichiers (à ce jour, neuf fichiers ont été reconstitués et déposés à la bibliothèque centrale et dans les centres de documentation).

Le catalogue collectif des périodiques reçus au CNAM sera présenté dans deux fichiers : l'un alphabétique par titres, l'autre par grands domaines regroupant deux ou trois départements du CNAM.

Un effet bénéfique de cette réunion a été une tendance à l'ouverture : certains centres très fermés ont accepté de recevoir des lecteurs sur rendez-vous. Nous avons pu ainsi mettre en annexe de notre « Guide du lecteur » la liste des centres, regroupés par domaines, qui pourraient avoir ce que nous n'avons pas. Quatre bibliothèques ont accepté de participer au prêt interbibliothèque et au CcoE, à condition que ce soit la bibliothèque centrale qui se charge de servir de relais.

A partir du mois de juin nous aurons des réunions avec les différents responsables pour mettre au point, domaine par domaine, une politique d'acquisition de périodiques prenant mieux en compte les potentialités globales du CNAM.

Enfin une expérience pilote avec le département électronique a été réalisée : deux stagiaires documentalistes ont reconstitué les fichiers livres et périodiques de ce département et un double de ces fichiers est déposé à la bibliothèque centrale. La responsable du point bibliothèque continuera, avec notre aide, la mise à jour des fichiers.

Compte tenu du fait qu'il y a près de trente bibliothèques annexes au CNAM, on voit immédiatement qu'il faudra encore beaucoup de stagiaires pour recenser tous les fonds...

Il n'y a lieu, dans l'ensemble d'être ni très optimiste, ni très pessimiste : les habitudes documentaires sont difficiles à changer et il est évident que le principal problème auquel on se heurte est celui de l'extrême personnalisation des fonds. Par ailleurs, si tout le monde est tombé d'accord pour reconnaître l'intérêt d'une centralisation des informations bibliographiques, tout le monde a également souhaité que ce travail soit réalisé par nos soins...

En conclusion

Au terme de ce bilan contrasté, sans méconnaître les difficultés et les insuffisances, la bibliothèque paraît s'être désormais engagée sur le chemin du renouveau. Dès à présent ont été inscrits au programme de rénovation du CNAM les éléments qui permettront une autre approche de la lecture : projets de section de prêt pour les étudiants, de médiathèque, nouvelles technologies d'accès à l'information. En liaison avec le laboratoire des handicapés du CNAM, doit être développée l'interrogation de terminaux Minitel couplés avec des lecteurs Braille. Tous ces éléments, avec un accroissement en moyens financiers et humains, permettront de combiner les deux aspects essentiels de notre fonds : la voie historique et la voie du progrès vont se développer.

Pendant longtemps, la nécessité de répondre d'abord au développement de la recherche a fait passer au deuxième plan l'aspect historique d'un fonds exceptionnellement riche. L'informatique sera le meilleur moyen de revaloriser les sources historiques. Les deux dimensions de cette bibliothèque se retrouveront pour la définir comme une grande bibliothèque historique et une grande bibliothèque scientifique et technique.

  1. (retour)↑  Des visites culturelles sont régulièrement organisées, donnant l'occasion au personnel de jouer les « guides ».
  2. (retour)↑  Le matin, les enseignants connaissent bien « l'entrée interdite » et savent comment venir chercher les périodiques ou faire des photocopies.
  3. (retour)↑  Voici, à titre indicatif, la répartition par type de documents :
    - livres et brochures : 1 temps 1/2
    - périodiques : 1 temps 1/2
    - mémoires d'ingénieurs : 1 temps 1/2
    - catalogues d'expositions : 1 temps
    - microformes : 1/4 de temps
    - livres anciens antérieurs à 1800 : 1 temps
    - photographies : 1/4 de temps.
  4. (retour)↑  Le classement des titres en cours, par langue et par domaine, donne la répartition suivante :
    - par langue :
    . français : 47,14 %
    . anglais : 42,49 %
    . allemand : 7,76 %
    . trad. du russe en anglais ou du japonais en anglais : 2,03 %
    . italien : 0,34 %
    . russe : 0,22 %
    - par domaine couvert :
    . chimie : 26 %
    . physique : 23 %
    . sciences économiques } 10 %
    sciences juridiques
    . biologie : 8 %
    . technologie : 8 %
    . mathématiques : 7 %
    . sciences, généralités : 6 %
    . documentation } 5 % bibliothèques . histoire, géographie} 4 % arts
  5. (retour)↑  Certaines séries, telle le Beilstein, coûtent plus de 5 000 F le volume.