Le rôle des bibliothèques universitaires et des centres de documentation pour l'amélioration de vie et de travail des étudiants.
Extrait du rapport présenté au Ministre de l'Éducation nationale par M. Claude Domenach.
Le rapport sur les conditions de vie et le contexte de travail des étudiants comporte, après une présentation de la situation actuelle, plusieurs séries de propositions sur les aides sociales et l'ensemble des services mis en place pour faciliter la vie et le travail des étudiants 1 : oeuvres universitaires, bibliothèques, sports, médecine préventive, service de gestion des campus.
Les propositions relatives aux bibliothèques sont présentées dans l'extrait ci-dessous.
« Les bibliothèques universitaires et les centres de documentation sont appelés à jouer un grand rôle dans l'amélioration des conditions de travail mais aussi des conditions de vie des étudiants. Or, malgré un effort quantitatif impressionnant de construction (500 000 m2 construits de 1961 à 1975), les bibliothèques universitaires n'assurent pas la présence qu'elles ont dans de nombreuses universités étangères.
Ce rapport n'a pas vocation à s'interroger sur leur fonction pédagogique mais sur leur rôle d'ensemble par rapport aux étudiants. Coordonnées avec celles des universités et des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, leurs actions pourraient avoir des répercussions importantes et méritent que les pouvoirs publics leur accordent des moyens dépassant le strict intérêt pédagogique.
Les bibliothèques universitaires ont une tradition de bibliothèque de recherche plus que de bibliothèque au service des étudiants. Ces derniers portent une part de responsabilité dans cette évolution : ils gardent la plupart du temps une image négative de la bibliothèque ou du centre de documentation dans l'enseignement secondaire, et n'aperçoivent pas le rôle de médiation que devraient jouer les bibliothèques universitaires. Mais celles-ci devraient comprendre maintenant qu'elles sont le cœur de l'université et qu'elles ont un devoir d'hospitalité et un rôle d'animation à remplir.
Pour cela, des transformations internes et une ouverture sur l'université et l'extérieur sont nécessaires.
Des transformations internes
II faut privilégier le service rendu plus que la conservation des documents, ou tout au moins leur accorder autant d'importance. La formation du petit personnel, au contact direct des étudiants, et la formation des usagers, revêtent donc une grande importance. Cela permettra de donner la parole à ceux qui rendent les services et à ceux qui les utilisent.
Une pédagogie dynamique se mettra en place, orientée sur le service des lecteurs, l'écoute de leurs besoins et la participation d'équipes préparées à l'analyse des questions et à l'orientation des lecteurs.
On peut envisager d'autre part de multiples expériences d'accueil : au niveau de salles de travail banalisées, de bibliothèques de loisirs ouvertes spécialement aux heures de la mi-journée, etc. La fonction accueil doit être une priorité. Le problème des heures d'ouverture est moins simple à régler. D'abord parce qu'il pose un problème redoutable de moyens supplémentaires : il ne suffit pas de quelques vacataires supplémentaires. C'est tout un travail en amont et en aval, ainsi que le maintien d'un environnement qui sont nécessaires. Surtout parce que les expériences d'ouvertures plus tardives et en week-end n'ont pas draîné un nombre important de lecteurs, contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons notamment. Les habitudes ne changent pas vite. Mais cela doit rester un objectif ; d'autant plus que l'enseignement supérieur doit s'ouvrir encore plus aux salariés étudiants et à la formation continue.
Une ouverture sur l'université et sur l'extérieur
Le développement des Unités d'enseignement et de recherche et des centres de recherche a entraîné la multiplication des unités documentaires. Les spécialistes pensent qu'ils représentent 50 % des moyens documentaires dont disposent les universités. Ces centres recouvrent une réalité très hétérogène : depuis des centres très sophistiqués et informatisés jusqu'aux salles de travail où les fonds documentaires gérés par un personnel non qualifié et en nombre insuffisant, sont pillés par les étudiants. Ce développement anarchique résulte d'un besoin de proximité et de spécialisation du service rendu. II y a là l'amorce d'un réseau dont les bibliothèques universitaires devraient être l'élément moteur. II ne s'agit pas de vouloir les regrouper, ou les fédérer sous la houlette des bibliothèques universitaires. Il faut que des commissions documentaires d'universités, ou interuniversitaires selon les cas, mettent en place une coopération raisonnée : formation des personnels non spécialisés, rationalisation des fichiers et catalogues, échanges d'informations, de documents et de services dans l'intérêt des étudiants. II faudrait qu'un véritable bilan soit établi dans chaque université pour qu'une carte réelle (et non figée institutionnellement) établisse les ressources en documents, en capacité d'information et en potentiel humain (qualification technique et aptitude à la relation). C'est le seul moyen, à partir des ressources déjà accessibles, pour faire par région un plan de développement.
L'existence d'organisations professionnelles de bibliothécaires et documentalistes dont la compétence est reconnue, devrait permettre d'avancer assez vite dans cette direction. Mais il ne faut pas négliger la formation et la coopération des enseignants chercheurs qui, dans la majorité des cas, à l'exception peut être des disciplines scientifiques, ignorent tout des exigences d'une documentation moderne et se soucient peu du service rendu aux étudiants.
Enfin l'enseignement supérieur devrait disposer de postes de documentalistes dans les bibliothèques universitaires et dans les universités permettant de recruter des personnels formés à l'Institut national des techniques de documentation, au Diplôme supérieur en sciences sociales de la Fondation nationale des sciences politiques et dans les Instituts universitaires techniques carrière de l'information (option documentation).
Ce réseau doit s'articuler sur celui des bibliothèques d'institutions spécialisées et des directions des archives départementales. Car l'étudiant n'étudie pas seulement à l'université !
Enfin les bibliothèques universitaires pourraient ouvrir librairies et kiosques à journaux qui font si cruellement défaut sur certains campus. Ainsi, à Grenoble, sur un domaine universitaire qui réunit près de 30 000 « intellectuels » (enseignants, étudiants et personnels) il n'y a aucune librairie ni kiosque à journaux. Les plus proches, si l'on excepte un supermarché de banlieue, sont dans la ville centre, à trois kilomètres !
II faut « marier la bibliothèque universitaire à son université » (M. Varloot, directeur des bibliothèques au ministère de l'Éducation nationale). Ce devrait être une priorité pour les pouvoirs publics, les universités et les professionnels. »