Les documents graphiques et photographiques
analyse et conservation : travaux 1980-1981
Gaël de Guichen
John Morris
ISBN 2-222-03007-2 : 95 F.
ISBN 3-465-01448-0 : DM 72.
Bibliogr. p. 187. - ISBN 88-221-0010-7 : L 12000.
28 F.
ISBN 0-9602278-1-4.
Les documents graphiques posent de nombreux problèmes de conservation. On commence à se rendre compte que leur permanence est menacée sous l'effet de divers facteurs. Cette prise de conscience n'est pourtant pas nouvelle. Le travail accompli en ce domaine par un groupe de chercheurs réunis autour de Mme Flieder a été officialisé en 1963 par la création d'un laboratoire associé du CNRS, lié par une convention au Ministère de la Culture, à la Bibliothèque nationale et au Muséum national d'histoire naturelle qui l'abrite dans ses locaux. Le Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques a pour but de promouvoir des recherches sur la conservation des documents rassemblés dans les bibliothèques, les archives et certaines sections de musées. Ces recherches ont donc pour objet tous les composants des documents graphiques : papier et matériaux synthétiques, cuir et parchemin, adhésifs, encres et pigments, etc., sans oublier les surfaces photosensibles. Les recherches portent aussi sur les microorganismes qui peuvent les atteindre et sur les conditions de leur environnement (température, humidité relative, éclairage, pollution atmosphérique).
La recherche est d'abord analytique pour informer les restaurateurs sur la nature exacte des documents qu'ils doivent restaurer et fournir aux chercheurs des éléments pour la datation et la localisation des documents sur lesquels ils travaillent. Mais la recherche appliquée occupe une place essentielle dans les réalisations du Centre, pour obtenir une sélection de nouvelles matières premières proposées aux restaurateurs et étudier le comportement de celles-ci, pour aboutir à l'élaboration de produits adaptés à des besoins particuliers, et à la mise au point de nouveaux procédés afin d'améliorer ou même de remplacer ceux qui sont en usage, etc.
En 1969, Mme Flieder publiait sa thèse qui rassemblait les résultats déjà obtenus sous le titre : La Conservation des documents graphiques. Même si cet ouvrage est épuisé et dépassé par les recherohes ultérieures, il peut rendre encore des services très appréciables. Le volume présenté aujourd'hui rend justement compte d'une partie de ces recherches ultérieures, particulièrement de celles qui ont abouti au cours de l'année 1980-1981. Les six contributions qu'il comporte témoignent bien de l'intérêt et de la variété des recherches entreprises par le Centre.
La première relate une expérience significative sur l'état du papier des documents imprimés de la Bibliothèque nationale. Une enquête effectuée par sondages sur deux millions de volumes imprimés entre 1875 et 1960 avait révélé que plusieurs centaines de mille présentaient un état de conservation alarmant. L'expérience du Centre a porté sur 125 livres imprimés et 30 périodiques. Elle a consisté en l'analyse de la composition fibreuse des papiers, l'analyse des charges, la mesure de l'acidité sur plusieurs points déterminés et l'analyse de l'encollage. Des tableaux détaillés en donnent le résultat. On peut en conclure que la nature des pâtes utilisées pour la fabrication du papier est le facteur essentiel de leur conservation. En effet, si tous les papiers examinés sont très acides, ceux qui sont composés de pâte de chiffon ou de pâte chimique ont mieux résisté que ceux qui sont faits de pâte mécanique. L'étude débouche sur un exposé des différentes méthodes de désacidification et de renforcement des documents. Ici (p. 19), une fâcheuse coquille a transformé en minutes le temps de passage sous presse des documents renforcés par thermocollage, alors qu'il faut lire des secondes.
Le second article pose le problème du blanchiment des papiers tachés par l'humidité ou la moisissure. La plupart des méthodes emploient des solutions oxydantes, notamment l'hypochlorite de sodium ou de calcium (d'ailleurs dans des proportions bien moindres que celles qui sont indiquées ici), mais le traitement doit se terminer par un lavage abondant à l'eau courante, ce qui présente des risques pour la conservation des encres et oblige à dérelier les volumes. Le Centre a donc expérimenté un traitement gazeux au bioxyde de chlore, qui a donné des résultats satisfaisants, tant pour son efficacité que pour la permanence du support. Cependant, ce gaz est d'un maniement délicat ; de plus, le traitement doit aussi se terminer par un lavage à l'eau courante, par immersion ou flottation, ce qui diminue beaucoup son intérêt ; enfin le bioxyde de chlore provoque un pâlissement des encres noires métallogalliques. J'ajouterai que le blanchissement des papiers, souhaité par les bibliophiles et les collectionneurs est moins utile pour les bibliothèques qui conservent avant tout des documents ; il n'y serait valable que si les taches gênaient la lisibilité ou présentaient des risques de dégradation ultérieure.
La troisième contribution s'attaque au problème des encres, en se limitant à ceux que posent les encres métallogalliques. Deux types d'altération peuvent survenir aux manuscrits qui ont utilisé ces encres : corrosion du support, due en général à un accès d'acidité, pâlissement de l'écriture. L'étude porte particulièrement sur ce second cas. Les principaux agents de détérioration résident dans l'environnement, dans la constitution de l'encre (nature et proportion des constituants), dans le support de l'écriture et dans les instruments, la plume d'oie étant moins nocive que la plume métallique. Les méthodes pour la révélation des encres pâlies peuvent être optiques ou chimiques. Parmi ces dernières, les auteurs insistent sur trois traitements : à la noix de galle, au sulfure d'ammonium et au ferrocyanure de potassium, et décrivent les expériences opérées sur ces bases. Cette étude est complétée par une bibliographie abondante (109 références), des tableaux, et l'exposé des recettes recueillies dans la littérature.
Les grandes bibliothèques, les dépôts d'archives importants et les principaux musées sont situés dans les villes, et surtout les grandes villes. La permanence des documents et des objets qui y sont conservés est donc compromise par l'action de la pollution atmosphérique qui règne en milieu urbain. Le cuir des reliures est particulièrement exposé à cette pollution, comme le montre l'état de celles des bibliothèques de la région rouennaise, l'un des sites les plus pollués de France ; ce qui a provoqué la présente étude. Les principaux agents de la pollution atmosphérique sont d'abord analysés ; ce sont les particules en suspension et, surtout, les polluants gazeux : gaz contenant de l'azote, gaz contenant du carbone, ozone et oxydants, acides chlorhydrique et fluorhydrique, gaz contenant du soufre. On insiste sur les problèmes spécifiques à l'anhydride sulfureux qui, par réaction avec la vapeur d'eau, forme de l'acide sulfurique, un des principaux agents de la détérioration des matériaux. L'exposition d'échantillons de cuir à Rouen et la reproduction expérimentale du phénomène de détérioration en laboratoire conduisent à des résultats prometteurs qui doivent déboucher sur une étude de la protection des reliures. Le présent article est aussi complété par une bibliographie substantielle et par des tableaux analytiques.
Le Centre se préoccupe aussi des surfaces photosensibles et deux études de ce recueil leur sont consacrées. La première analyse l'influence de l'environnement (température, humidité relative, éclairage) sur les phototypes argentiques en noir et blanc et en couleurs. L'expérimentation a permis de préciser les stabilités, relatives des divers procédés examinés. Les phototypes en noir et blanc n'ont guère subi d'altération, ce qui n'est pas le cas des phototypes couleurs étudiés. Un fait nouveau a été dégagé, le caractère plus nocif de la chaleur que de l'humidité qui ne semble être un facteur de dégradation que dans les températures élevées. De plus, il demeure évident que les phototypes se dégradent sous l'effet de la lumière. Ces travaux seront poursuivis en augmentant les durées d'exposition et en recherchant des températures différentes ; ils s'étendront aux procédés diazoïques, vésiculaires et électrostatiques, et devront aboutir au choix du support idéal pour la conservation et l'archivage.
L'altération des phototypes mène à la recherche de procédés de restauration. Le contretypage permet, certes, de conserver l'information, mais ne résout pas le problème de la sauvegarde des originaux, qui nécessite une restauration chimique ou mécanique, menée avec prudence et délicatesse. La dernière contribution du recueil propose donc une synthèse des travaux recueillis dans la littérature sur la restauration des photographies en noir et blanc. Après avoir rappelé ce qu'est une image photographique, quels sont ses facteurs d'altération, l'auteur passe en revue les différents procédés : les daguerréotypes, les procédés sur papier à noircissement direct (papiers salés et papiers albuminés, épreuves au collodio-chlorure et au gélatino-chlorure), les procédés à développement chimique (calotypes, plaques de verre albuminées), procédés au collodion humide, procédés au gélatino-bromure. Dans chaque cas, sont successivement étudiés les techniques de fabrication, les mécanismes de dégradation et les traitements de restauration. En conclusion, s'il est nécessaire de poursuivre l'analyse et l'amélioration des méthodes de restauration déjà connues, il est opportun d'étendre un domaine de recherches qui n'est bien souvent qu'à ses débuts. Une abondante bibliographie de 179 références soutient cette étude prometteuse.
L'intérêt de ce recueil est d'autant plus grand pour les conservateurs de bibliothèques, d'archives et de musées et pour les praticiens de la restauration qu'il éclaire les problèmes qu'ils se posent, et que la littérature en langue française est peu abondante en ce domaine. Il faut donc souhaiter que ce centre si original dispose de moyens suffisants pour poursuivre des recherches essentielles à la conservation des documents et pour en diffuser les résultats. Un second volume est déjà sous presse, et sa publication est attendue avec impatience.
Le papier demeure la matière première privilégiée des documents d'archives et de bibliothèques mais, nous venons de le voir, sa conservation pose de nombreux problèmes. Aussi est-ce à ces problèmes que furent consacrés les travaux du quatrième congrès de l'IADA (Association internationale des restaurateurs d'archives, de bibliothèques et de collections graphiques) qui s'est déroulé à Göttingen en septembre 1979. Le recueil des actes de ce congrès, riche de 21 communications, constitue un ensemble intéressant sur les questions posées par la permanence du papier.
Les deux premières ont un aspect théorique. H. Bansa donne d'abord quelques notions indispensables sur la chimie du papier et sur son composant essentiel, la cellulose : structure, polymérisation, rôle de l'hydrogène, polarité, oxydation, hydrolyse, solubilité alcaline, etc. Puis Th. Krause analyse les processus de vieillissement du papier et l'influence des conditions de sa fabrication et des matériaux auxiliaires.
L'acidité étant la cause principale de la dégradation du papier, les trois articles suivants concernent les méthodes de sa désacidification. H. Bansa présente les méthodes aqueuses, qui sont les plus usitées, mais nécessitent le démontage des volumes : carbonates d'alcalino-terreux, carbonate de calcium, méthode de Barrow, carbonate de magnésium, carbonate de sodium, et il termine par des réserves au sujet du carbonate de magnésium. H. E. Udowski revient sur l'emploi des carbonates pour la désacidification. A. D. Baynes-Cope analyse les méthodes non aqueuses, particulièrement les méthodes gazeuses, qui permettent un traitement plus rapide et sans que le démontage des volumes soit obligatoire ; mais il demeure sceptique sur leur efficacité et se méfie de leur coût et des dangers que leur maniement peut présenter.
Les moyens dont dispose la fabrication du papier moderne présentent des avantages et des inconvénients au point de vue de leur conservation, comme le montre O. Wächter. L'encollage du papier est un procédé très ancien pour remédier à ses capacités absorbantes ; H. H. Hofer et J. Weigl étudient les possibilités de l'encollage dans l'optique d'obtenir un papier neutre à réserve alcaline, et W. Hein et W. Willmer présentent 'les recherches effectuées par la firme Hahnemülle dans le domaine de l'encollage pour empêcher le jaunissement du papier, tandis que M. Rustige montre les efforts que le moulin Barcham, Green & Co a entrepris pour fabriquer un papier permanent destiné à la restauration.
Un autre ensemble d'articles aborde le délicat problème de l'utilisation des matériaux synthétiques dans la restauration des documents graphiques. W. Feindt retrace l'historique et l'évolution de cette utilisation et, en conclusion, il attire l'attention sur deux faits : d'une part, toute affirmation sur la durée de vie d'un produit nouveau ne peut être faite qu'en référence à d'autres matériaux ; d'autre part, en science naturelle et dans l'industrie même des plastiques, on voit un inconvénient décisif de ces matières en leur stabilité relativement restreinte au vieillissement. Deux articles collectifs présentent ensuite des méthodes pour juger de l'aptitude des feuilles de polyéthylène et l'acétate de cellulose à doubler les documents d'archives, les unes s'appuyant sur des procédés mécaniques de recherche, les autres sur des méthodes chimiques et physico-chimiques. A. Baynes-Cope rappelle les possibilités d'utilisation du nylon soluble dans la conservation des documents, notamment pour le renforcement invisible d'une surface ou de parties coloriées s'écaillant, avec possibilité d'employer ensuite un solvant pour éliminer les substances solubles indésirables, et pour le réencollage du papier ou le renforcement du parchemin abîmé dans le cas où l'eau ne peut pas être employée comme solvant, mais l'alcool, en liaison possible avec un réactif alcoolique désacidifiant. A. Wensky montre l'usage que l'atelier de Munich fait de trois polyacrylates, produits par la firme Röhm à Darmstadt : le plexigum utilisé comme fixatif pour protéger les initiales peintes, les rubrications, les notes manuscrites de papiers imprimés nécessitant un traitement aqueux, et le plexisol B 597 et le plextol P 563 pour la limination du papier ou du parchemin ne supportant aucun traitement humide, par exemple en cas de corrosion par l'encre ou les couleurs (rappelons que c'est le plexisol 550 que le laboratoire de Mme Flieder 1 recommande, entre autres produits, pour la fixation des tracés pulvérulents). Enfin H. Moroff revient sur les propriétés chimiques des résines polyacryliques.
Après un article de K. Casemir et K. D. Vogt sur l'amélioration de la fabrication industrielle des papiers autocollants, W. Feindt présente l'organisation de la « restauration de masse » à l'atelier des Archives de Basse-Saxe à Buckeburg et en détaille le processus : préparation et nettoyage, réencollage, refibrage, lamination sous papier japon et sous polyéthylène, finition, le tout souligné par l'illustration. D'après des recherches effectuées, particulièrement sur des matériaux doublés, W. Kerner-Gang propose des mesures pour combattre les micro-organismes dans. les archives (pentachlorphénolate de sodium, salicylanilid, orthophenylphenol, oxyde d'éthylène, procédés d'isolation). Enfin, deux articles par J. Amoignon et Ph. Larrat et par H. Pete, décrivent la méthode de la lyophilisation qui permet de sauver les papiers inondés par congélation, puis par sublimation. Une vue générale de H. Bansa sur la restauration des documents graphiques de nos jours conclut cet intéressant recueil.
Un autre recueil général sur la conservation vient de paraître : La Conservation des documents d'archive et de bibliothèque. Il reproduit les conférences prononcées au cours de l'école d'été européenne sur la conservation des documents d'archive et de bibliothèque, qui s'est tenue à Rome du 3 au 12 avril 1980, sous l'égide de la Division de l'enseignement et de la recherche du Conseil de l'Europe et avec le soutien des ministères intéressés du Gouvernement italien. Cet ensemble constitue un numéro spécial du Bulletin de l'Institut de pathologie du livre, et c'est justice, car cet institut a hébergé cette école d'été et lui a assuré une bonne part de son encadrement scientifique. Le déroulement de cette école d'été a déjà été analysé et la suite des exposés largement évoquée dans le numéro de février 1981 de ce Bulletin (p. 91-93). Aussi n'y reviendrons-nous que pour en rappeler les grandes lignes et pour tenir compte de quelques modifications qui ont marqué le passage de l'oral à l'écrit.
La conservation ne se réduit pas à des problèmes techniques. Avant de savoir comment conserver, il est bon de s'interroger sur les causes et les finalités de la conservation, ce que font A. Labarre pour les bibliothèques et A. d'Addario pour les archives. Viennent ensuite plusieurs groupes d'exposés. Le premier concerne le milieu des organismes de conservation : milieu humain (N. Barker), milieu atmosphérique (G. de Guichen), milieu architectural (V. Lucense). La photographie prend une place de plus en plus importante dans les problèmes de conservation. Elle apporte d'utiles moyens de substitution aussi bien dans les bibliothèques (C. Crespo) que dans les archives (V. Crescenzi). Mais les supports photosensibles sont aussi fragiles : E. Ormanni traite de la prévention dans la consultation des archives sur nouveaux supports et C. de Navacelle de la conservation des documents audiovisuels ; Jan Moor expose des méthodes de restauration des documents photographiques. Une bonne conservation nécessite la connaissance des agents biologiques de détérioration : M. Montanari dresse un tableau de ceux qui endommagent les documents, distinguant l'infezione et l'infestazione, tandis que F. Gallo fait le panorama des facteurs qui favorisent les attaques des agents biologiques. Elle nécessite aussi une connaissance sérieuse de l'histoire, de la fabrication et des processus de détérioration des matériaux constituants des documents graphiques ; c'est ce qu'apportent les contributions de B.M. Haines sur le cuir, de G. Calabro sur l'histoire du papier et de ses vicissitudes, et de N.J. Seeley sur les aspects chimiques de la détérioration et de la conservation du papier. Viennent ensuite des réalisations concrètes. V. Vinas Torner présente les matériaux et les techniques pour la restauration des documents graphiques, d'après son expérience au Centre national pour la restauration de Madrid. H.P. Pedersen dresse un panorama historique et actuel de la restauration des matériaux graphiques dans les pays scandinaves. A. Cains montre comment 'l'on restaure livres imprimés et manuscrits à Trinity College de Dublin. Enfin sont traités quelques sujets particuliers, mais importants : le manuscrit comme produit et comme objet de restauration (G. Bozzacchi), méthodologie et pratique de l'analyse archéologique dans l'étude des documents de bibliothèque (C. Federici), problèmes posés par les expositions (A. Morandini), organisation d'un service d'intervention rapide (E. Ormanni), l'intervention en cas de sinistre d'après l'expérience de Florence en novembre 1966 (F. Morandini), avec une bibliographie substantielle.
Agréablement présenté, ce volume est enrichi d'illustrations suggestives en noir et en couleurs. Une version anglaise doit être aussi publiée par Pact en Belgique. Mais ces textes risquent d'être méconnus en France et dans les pays francophones faute d'une édition en français (pourtant l'une des langues officielles du Conseil de l'Europe) dont la réalisation serait d'autant plus facile qu'il s'agit de la langue originale de bon nombre de ces communications.
Un autre recueil italien propose une approche différente des problèmes de conservation, en leur apportant quelques contributions pratiques. Les deux tiers du volume sont occupés par une recherche descriptive sous le titre « Nous interrogeons le livre ». Après une introduction générale sur les nécessités de la conservation, Gisella Guasti et Libero Rossi donnent sous le nom de « prontuario » le plan détaillé d'une description codicologique du volume, mais dans une optique de conservation. Un millier de notions réparties systématiquement sous quelques rubriques : généralités, forme, reliure, support de l'écriture, aspect matériel, composition, mise en page, matériel de l'écriture, écriture du texte, impression, ornementation et illustration, état de conservation, contrôle, traitement. La plupart des rubriques sont elles-mêmes subdivisées, par exemple, celle de la reliure comporte une douzaine de sous-rubriques. Ensuite, un guide-glossaire explicite ce millier de termes, non pas selon l'ordre alphabétique, mais suivant l'ordre du plan, ce qui est plus logique, mais d'un maniement difficile faute de numérotation et de renvois. Le cas échéant, les explications sont soutenues par des croquis. Le tout est complété par une bibliographie de plus de 500 notices, elle-même répartie sous onze chapitres suivant en gros le plan de la notice descriptive.
En seconde partie, C. Mantelatici et L. Rossi proposent un système de renforcement des documents graphiques, qu'ils appellent « velatura » (que l'on peut traduire par : envoilement). Ce système se distingue des différents procédés de lamination en ce qu'il est appliqué à température ambiante, sans aucune pression et sans qu'il soit nécessaire que les livres soient déreliés. L'adhésif (tylose mélangée dans de l'eau distillée, puis diluée dans l'acétone) est étendu avec un pinceau souple sur la matière de doublage (tissu non tissé en nylon, probablement le « cerex » de Monsanto) qui est appliquée sur le document à l'aide d'un tampon de coton hydrophile imbibé. Cette méthode semble très artisanale ; ce qui l'explique sans doute, c'est qu'elle a été expérimentée sur des manuscrits non déreliés. Une soixantaine de références sur la lamination complètent pourtant cet article. En troisième partie, les mêmes auteurs auxquels s'est joint S. Gomiti, analysent du point de vue de la conservation la structure et l'environnement de quatre magasins de la Bibliothèque nationale de Florence. Ce texte est complété par deux notes sur quelques substances utilisées pour la restauration et sur les agents qui contribuent à la dégradation des documents graphiques.
La revue trimestrielle Museum publiée par l'Unesco, consacre un numéro spécial aux problèmes de conservation sous le titre La conservation : un défi à la profession. Il est utile d'en rendre compte ici, car l'ensemble d'articles qu'il contient intéresse aussi les bibliothécaires, et sa lecture attentive peut provoquer chez eux des réflexions salutaires. En effet, beaucoup de bibliothèques conservent des objets qui s'apparentent à ceux des musées ; la plupart organisent des expositions dans leurs murs et prêtent à des expositions extérieures ; enfin, presque tout ce qui est dit sur la conservation dans les musées peut être facilement transposé aux problèmes de conservation qui se posent dans les bibliothèques.
Ainsi la phrase de Paul Parrot en exergue, qui constate qu'un musée ne sert pas correctement s'il « n'administre pas convenablement les richesses héritées du passé qui devront être transmises aux générations futures pour un avenir dont on ne connaît pas la durée » vaut tout autant pour les bibliothèques qui ont une fonction de conservation. Elle définit bien aussi l'esprit de ce numéro dont les auteurs « ont cherché pour la circonstance à donner à leurs écrits un caractère à la fois instructif et percutant, voire provocateur ». D'emblée, M. de Guichen, assistant scientifique de l'Iccrom, qui a pris une part active à la préparation et à la coordination de cet ensemble, rappelle que le patrimoine culturel du passé (j'ajouterai aussi : du présent) est supporté par un matériau essentiellement périssable et reconnaît que, depuis une trentaine d'années, les conditions de conservation se sont sensiblement dégradées, alors que les responsables du patrimoine - entre autres les bibliothécaires - sont souvent mal préparés devant cette montée des dangers.
« La conservation : l'avenir du passé » est le titre-choc qu'utilise P.R. Ward pour souligner la diversité du problème : conserver c'est étudier, c'est comprendre comment les choses réagissent, c'est contrôler l'environnement, c'est stocker, c'est manipuler, c'est transporter, c'est traiter, c'est nettoyer, c'est réparer. B.M. Feilde, et G. Scichilone dialoguent sur une architecture adaptée aux musées, mais l'on sait comment se pose aussi aux bibliothèques le problème de l'adaptation des constructions ; on lira avec une attention spéciale ce qui concerne les expositions temporaires et itinérantes et ce qui a trait à l'environnement. Autre dialogue, celui de J.C. Clark et M.E. Weaver sur la conservation dans les musées canadiens et sur le rôle des laboratoires mobiles qui font le tour des musées et galeries du pays. P.E. Lasko et J. Lodewijks abordent le délicat problème des rapports entre les conservateurs et les scientifiques ; si l'interdisciplinarité est devenue un idéal impossible, il faut pourtant éviter de tomber trop facilement dans la compartimentation, et il est nécessaire que les scientifiques, les conservateurs et les restaurateurs définissent en commun les orientations de recherche. D'autres articles traitent de l'insuffisance documentaire de la conservation des collections ethnographiques, des négligences des conservateurs de musée asiatiques, du rôle du restaurateur en milieu africain.
La seconde partie, « Halte aux pratiques dangereuses », utilise la pédagogie de l'erreur, en rassemblant des témoignages et des mises en garde contre les erreurs d'organisation, de présentation et de traitement. Erreurs d'organisation : « Un laboratoire sans personnel qualifié : un danger pour les objets » qui montre qu'il ne suffit pas d'avoir un diplôme de chimie ou de physique, sans autre formation, pour faire œuvre de conservation. « Restaurateurs ou bricoleurs ? » est un appel à la polyvalence des compétences. « Les pièges du transport » (de l'emballage et du déballage) intéressent évidemment les expositions, comme l'article suivant « Les expositions temporaires, mieux vaut prévenir que guérir ». Erreurs de présentation. Il est d'abord rappelé que le contrôle du climat est une tâche prioritaire, mais difficile, que les mauvais éclairages ont des effets néfastes sur les objets exposés, que des supports mal adaptés peuvent déformer ces objets, que des matériaux instables dans la construction des vitrines leur sont aussi nuisibles, ainsi qu'un numérotage des pièces mal fait (il en est de même de l'étiquetage des volumes). Erreurs de traitement enfin : déconvenues provoquées par l'utilisation des résines synthétiques, emploi abusif du ruban adhésif (on connaît les difficultés qu'ont nos restaurateurs pour en faire disparaître les traces), traitements trop radicaux des métaux. Est-il utile d'ajouter que tout cela est illustré, dans le texte et par l'image, par des cas concrets et précis, hélas, exemples pris parmi bien d'autres ! C'est à D.M. Wilson, directeur du British Muséum qu'il appartient de conclure le tout par des considérations sur le conflit d'intérêts qui demeure entre les besoins du public et les nécessités de la conservation ; pourtant « si nos successeurs en sont réduits à contempler des photographies, nous aurons échoué dans notre tâche de conservateurs ». C'est le mot de la fin.
Cette chronique se terminera sur deux ouvrages particuliers. On sait déjà l'importance du rôle que joue l'environnement dans la conservation des objets et des documents, et la nécessité de contrôler le climat des locaux où ils sont entreposés. Ce contrôle fait l'objet d'un petit volume intitulé Climat dans les musées. Il est publié par l'Iccrom, ce qui explique son titre, mais il vaut tout aussi bien pour les bibliothèques et autres organismes de conservation. Rédigé par M. de Guichen, cité plus haut, il se présente comme un ensemble de fiches techniques sur la mesure de l'humidité. Après avoir montré quelles sont les sources de l'humidité dans l'air, l'auteur explique les notions de saturation, condensation, humidité absolue, humidité relative. Puis il détaille les différents types d'instruments de mesure ponctuelle : ceux qui n'ont pas besoin d'étalonnage, comme les psychromètres (qui servent d'ailleurs à étalonner) et ceux qui en nécessitent un. Comme les mesures ponctuelles ont un intérêt limité, l'auteur présente alors les instruments enregistreurs qui permettent de suivre les variations de l'humidité, d'en déceler les causes et de contrôler l'effet des mesures que l'on prend pour remédier à ces écarts. Puis il apprend à lire les feuilles d'enregistrement et à établir un diagramme de l'air humide. Le volume se termine par des exercices, un court glossaire et quelques adresses de fabricants. Sa concision et sa clarté en font un guide très précieux et éminemment pratique. Abondamment illustré, il est bilingue : texte anglais sur la page de gauche, français sur celle de droite.
Si les documents graphiques trouvent des sources de détérioration dans leur propre matière et dans leur environnement immédiat, il ne faut pas oublier les dangers que leur font courir des fléaux comme l'eau et le feu. Un ouvrage d'ensemble sur les dégâts des eaux dans les archives et les bibliothèques reste à faire. Il devrait montrer la diversité de leurs causes, parfois inattendues, ce qui lui permettrait de détailler les mesures de prévention à prendre et les divers traitements des matériaux atteints.
Quant au feu, le problème semble lointain, et les interdictions de fumer affichées sur nos murs semblent pour certains des tabous dépassés. Pourtant le risque existe toujours comme en témoignent les sinistres exemples donnés par un livre venu des États-Unis, pays qui n'est pourtant pas sous-développé en matière de bibliothèques. L'ouvrage de J. Morris fournit dans un ordre assez aléatoire de nombreuses indications sur les incendies de bibliothèques aux États-Unis, sur le déroulement des sinistres et des opérations de sauvetage, sur leurs causes, sur les mesures préventives. Nous n'entrerons pas dans les détails, car la première édition, parue en 1975, a été recensée dans ce Bulletin 2. Cependant l'auteur signale que la nouvelle édition a été « considerably expanded », avec de nouvelles informations couvrant les années 1975-1978, incluant une chronique des incendies de bibliothèques et donnant quelques exemples récents de réalisations dans le domaine de la protection des bibliothèques contre le feu ; c'est ce qu'apporte notamment le chapitre XI.
Le contenu et la variété de ces publications récentes montrent que la dégradation croissante des biens culturels a réussi à provoquer des réactions salutaires, et que le souci de leur conservation multiplie les recherches afin que, pour reprendre le mot de P.R. Ward, un avenir soit assuré au passé.