6e assemblée triennale du Comité de la conservation de l'ICOM
Ottawa, 21-25 septembre 1981
Tous les trois ans, le Comité de la conservation de l' « International Council of Museums » se réunit pour mettre en commun les résultats des recherches entreprises dans les ateliers et laboratoires du monde entier. Dans de telles réunions, le foisonnement des communications procure un sentiment de frustration à ne pas jouir du don d'ubiquité ; mais, à Ottawa. une juste répartition des participants français permit de couvrir un grand nombre de groupes de travail,
Pour le non-spécialiste en restauration, trois domaines présentaient un réel intérêt : la formation du personnel, la documentation et la présentation - permanente ou non - des œuvres.
La formation des restaurateurs, dont le niveau est variable selon les pays, est d'abord liée à la éfinition même du restaurateur : quel est son rôle, quelle est sa responsabilité ? Est-il un habile exécutant ou doit-il être responsable de la décision de restauration ? En fonction de sa formation initiale, il revendiquera l'une ou l'autre de ces acceptions. Dans certains pays, anglo-saxons essentiellement, il sera surtout un restaurateur actif, l'égal d'un conservateur. Dans d'autres pays, il sera passif, confiné dans un rôle d'exécution et il contestera l'autorité du conservateur dont il souhaitera partager les responsabilités. Les discussions passionnées ont témoigné de la relative jeunesse de ce métier qui éprouve le besoin d'affirmer hautement le rôle essentiel qu'il joue dans la conservation du patrimoine. Un texte a été rédigé qui fut accepté avec valeur de recommandation : il a le mérite de proposer une définition du métier de restaurateur, de sa fonction, de son éthique très proche dans le fond de celle affirmée par l' « International Federation of Library Associations and Institutions » (IFLA) pour les bibliothèques. Rédigé par des restaurateurs conscients de l'ambiguité de leurs tâches, il 'laisse entrevoir un excès en dépit des précautions : la suppression des conservateurs. Un tel texte ne peut avoir, dans un premier temps, qu'une portée limitée ; mais il tendra vite à susciter des réflexions dans de nombreux pays où la formation des spécialistes de la restauration est encore lacunaire, et c'est son principal mérite.
La documentation dans le domaine de la restauration et de la conservation est un sujet difficile qui, a priori, intéresse peu : quelques personnes seulement assistèrent à ce groupe de travail. Une raison explique cette désaffection : chaque atelier de restauration dispose en principe de son propre centre de documentation, à portée immédiate du personnel. Par ailleurs, le catalogue de la bibliothèque de l'ICCROM 1 à Rome et l'Art and Archaeology Technical Abstracts permettent de trouver très vite la bibliographie relative à un sujet. Il paraît cependant paradoxal que le besoin documentaire ne soit pas plus important dans une profession où la connaissance historique et technique des objets est indispensable. Le Musée du Louvre de Paris a parfaitement compris cette nécessité d'exploitation rapide de la documentation en proposant un thesaurus appliqué à sa photothèque des peintures. Limité à un domaine précis, il constitue néanmoins une heureuse initiative qu'il conviendra d'étendre à d'autres sujets.
Le contrôle des conditions climatiques des locaux de conservation reste l'une des préoccupations majeures des responsables de musées et de bibliothèques. A Ottawa, l'accent a été placé sur la recherche de solutions simples et efficaces, et de moindre coût. C'est ce que G. de Guichen a souligné en démontrant les caractéristiques du gel de silice utilisé à bon escient et dans des conditions intelligentes. C'est également ce qu'ont évoqué S. Miura et S. Weintraub en proposant un matériau à base de gel de silice pour stabiliser l'humidité relative dans les vitrines d'exposition. Ce problème a d'ailleurs retenu l'attention des techniciens de l'Institut canadien de conservation qui ont mis au point une vitrine climatisée par un module indépendant qui fournit de l'air contrôlé ; l'avantage de ce système est qu'un module peut être relié à plusieurs vitrines. Le prototype présenté à Ottawa devrait servir de base à une fabrication en série dès 1982.
Pour les spécialistes de la restauration, le congrès d'Ottawa présentait également un grand intérêt, pour les communications elles-mêmes et pour les rencontres avec des collègues de divers centres de restauration du Canada. Les échanges d'idées, les confrontations de techniques, de manières de conserver, de présenter, de ficher les documents, c'est ce que permettent de telles réunions.
L'occasion était bonne, bien entendu, de connaître les modalités de recrutement des restaurateurs rencontrés, de se renseigner sur leur formation. A titre d'exemple, aux Etats-Unis et au Canada, un restaurateur fait quatre ans d'Université, dont une année de restauration, suivis d'un stage de perfectionnement de plusieurs mois dans des grands centres de restauration en Angleterre ou en Italie. Les salaires varient entre 20 000 et 35 000 dollars par an, avec deux semaines et demie de congés (quatre semaines en fin de carrière).
Les laboratoires visités ont surpris par la place dont disposent les restaurateurs. Tous les laboratoires vus (à Washington, à Ottawa, à Montréal et à Québec) sont mixtes (peintures, papiers, textiles, objets). En général, il y a peu de restaurateurs : 1 ou 2, parfois 3 par spécialité.
Ces laboratoires sont parfaitement équipés : bacs en inox avec hotte recouvrant toute la surface, sorbonnes indépendantes, laminators, machines à biseaux (machine à faire des ronds et des ovales en biseau à Québec), nombreux pHmètres, tables à succion (vacuum paper table) pour les réparations.
L'avantage des laboratoires mixtes est la mise en commun des matériels et des produits ; les échanges d'idées et de techniques sont par ailleurs facilités entre les techniciens de spécialités différentes.
Les collections publiques étant moins importantes au Canada qu'en France, les restaurateurs consacrent davantage de temps à la recherche et sont moins sollicités par les dégradations des documents entraînées par les expositions et les communications.
Au cours du congrès, le groupe de travail sur les documents graphiques coordonné par Françoise Flieder a retenu l'attention des restaurateurs français. Parmi les 22 communications proposées, les plus directement intéressantes furent celles de M. Banik (Autriche) sur la dégradation des papiers par les pigments verts contenant du cuivre ; celle de MM. Hofenk et Degraaf (Pays-Bas) sur l'utilisation de l'hydroxyprophyl cellulose pour la restauration des dessins. L'emploi des enzymes sur les papiers (utilisées par les laboratoires américains et anglais) a été testé par Mme Burgess (Canada) : il en ressort que des précautions doivent être prises et que la gouache, par exemple, supporte très mal les enzymes.
Pour le blanchiement des papiers, les laboratoires canadiens utilisent la chloramine T qui reste toujours d'une élimination difficile ; des recherches se poursuivent encore dans ce domaine (Mme Burgess, Canada).
Le Centre de recherche sur la conservation des documents graphiques a présenté plusieurs communications : l'une sur l'influence de l'environnement dans la conservation des documents photographiques modernes (Mme Gillet) ; une autre sur les fixatifs pour la protection des documents, en particulier les fusains et les dessins à la mine de plomb (Mme Flieder).
Il est naturellement impossible de détailler toutes ces communications qu'on retrouvera dans les preprints 2 et qu'on méditera jusqu'au prochain congrès, dans trois ans, à Copenhague.