Architecture byzantine
Cyril Mango
L'édition en français de l' « Histoire mondiale de l'architecture » continue à paraître. C'est à un professeur d'Oxford, Cyril Mango, fouilleur à Istanbul, Chypre et Bargala, qu'on a confié le volume sur l'architecture byzantine. Il n'est en rien inférieur aux précédents, ni pour le texte, ni pour les très nombreuses illustrations : plans, relevés, axonométries et surtout magnifiques reproductions de photographies, ni pour les notes très référenciées.
Qu'entend l'auteur par « monde byzantin » : dans l'espace, il s'est limité à une partie de l'Empire romain d'Orient, excluant des régions entières où son influence est évidente : on n'y trouvera donc pas l'Italie, sauf Ravenne et Venise, l'Afrique du Nord, Chypre, la Cappadoce, la Géorgie, la Crimée. Dans le temps, cet Empire commence en théorie en 324 après Jésus-Christ (une coquille a fait imprimer 324 avant), fondation de Constantinople, et se termine en 1453, prise de la ville par les Ottomans. En fait, durant les premiers siècles, l'architecture byzantine n'a guère de caractère particulier, c'est une architecture antique en voie de transformation. Mais l'auteur ne pouvait pas adopter une attitude chronologique trop tranchée qui l'eût amené à éliminer Sainte-Sophie et l'âge de Justinien. Il a donc dû nuancer sa position. De même pour le classement des édifices, les classer par types, plan basilical, carré, circulaire, cruciforme, etc., est bien abstrait, les classer par fonction est bien difficile, on ne sait pas toujours à quoi servait un édifice et on a parfois pris pour une église ce qu'une inscription découverte plus tard identifiait comme salle de lecture ou de conférence, et une église destinée à recevoir les fidèles n'a pas les mêmes exigences qu'une église monastique, ou un martyrium commémorant un martyr ou un endroit sanctifié par un épisode de la vie terrestre du Christ.
L'auteur a adopté une approche historique et étudié les monuments d'une région déterminée à l'intérieur d'une fresque d'histoire économique, de façon à faire revivre l'ensemble d'une civilisation, mais cela n'a pas toujours été possible faute de documentation : quand il nous reste seulement une trentaine d'églises et de monastères à Constantinople sur plus de 500 construits au Moyen âge, quand nous n'avons plus un seul reste byzantin à Alexandrie et très peu à Antioche, l'approche n'est pas facile.
M. Mango commence par des explications techniques indispensables pour tout ouvrage d'architecture, et explique clairement les procédés de construction, le voûtement des édifices, leur plan ainsi que celui des villes, puis il suit à peu près l'ordre chronologique : cités de la période byzantine ancienne, architecture ecclésiastique ancienne, puis âge de Justinien, puis ce qu'il appelle les siècles des ténèbres où l'Empire est démantelé sous les coups des Perses, des Slaves et surtout des Arabes, mais où des édifices importants ont subsisté. Au IXe siècle cependant cette décadence s'arrête pour un temps et des édifices importants sont bâtis à Constantinople, au Mont Athos, à Venise, en Asie mineure, dans les Balkans et la Grèce et c'est par la Russie et la Roumanie que se termine l'ouvrage avec un tableau synoptique mettant en parallèle les principaux édifices de ces régions. La bibliographie se limite à une cinquantaine d'ouvrages mais les notes très référenciées, classées in fine chapitre par chapitre, la complètent très utilement.
Les études sur l'architecture byzantine ne manquent pas, mais toutes ne sont pas accessibles au lecteur français et certaines sont un peu anciennes. Celle-ci est excellente, à jour, très claire, tenant compte des problèmes architecturaux, ce qui est assez rare, et surtout très bien illustrée. Elle est appelée à rendre de très grands services à tous ceux qui s'intéressent à l'art byzantin, et sera lue avec plaisir par le public cultivé, surtout celui qui a voyagé dans les pays où régna l'empereur romain d'Orient.