Le rôle du consultant dans le développement des bibliothèques

Esther Dyer

Patricia Layzell Ward

La section « Théorie et recherche en bibliothéconomie de l'IFLA a eu l'occasion de discuter du rôle du consultant dans le développement des bibliothèques lors de la 46e conférence annuelle tenue à Manille en 1980. Le texte qui est publié dans ces colonnes, est en quelque sorte la synthèse de la communication présentée lors de cette conférence et des discussions auxquelles elle donna lieu. Divers points sont soulevés : définition du consultant, analyse des situations qui conduisent au recrutement de consultants, qualités requises d'un bon consultant, modalités d'engagement. Ce texte est complété par les recommandations éditées par l'American Library Association dans ce domaine particulier

The IFLA section on library theory and research has been discussing the part played by consultants in the development of libraries during the 46th annual conference held in Manila en 1980. This article gives a summary of the paper presented at the conference and of ensuing discussions. Several points are listed : what is a consultant ? Which situation calls for the recruitement of a consultant ? Required qualification. Conditions of recruitement. The paper also includes the recommandations of the American Library Association for the selection of consultants

Qui sont les consultants? Que font-ils ? D'où viennent-ils ? Pourquoi, lors du développement des systèmes de réseaux de bibliothèques et d'information, sont-ils entraînés loin de leur patrie ? Qui les engage ? Comment les trouve-ton ? Sont-ils efficaces ? Quel est le rôle des consultants dans le développement des services d'information dans le Tiers-Monde ?

Ces questions ont amené la section « Théorie et recherche en bibliothéconomie » de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques (IFLA) à discuter du « Rôle du consultant dans le développement des bibliothèques», lors de la 46c conférence annuelle de l'IFLA à Manille (Philippines) en août 1980. Le thème de la conférence était l' « échange global d'information » ; c'était la première fois que l'IFLA se réunissait dans un pays du Tiers-Monde, fournissant ainsi un cadre approprié à une telle discussion. Les participants présentaient une grande diversité de pays et de formations. Esther Dyer, Professeur assistant en bibliothéconomie et science de l'information (Université de Rutgers, États-Unis) a travaillé en Amérique Latine, dirigé un projet fédéral pour la formation de bibliothécaires hispanisants et préside le Comité de l' « American Association of Library School » sur la coopération entre les bibliothèques américaines.

Ce qui suit, est le texte revu de la communication d'Esther Dyer, présenté avec la collaboration de Patricia Layzell Ward, pour donner un cadre à la discussion sur le rôle du consultant dans les pays en développement. Le but du rapport et la discussion elle-même n'étaient pas de fournir une base de recherche pour le consultant, mais plutôt d'identifier les problèmes et les domaines dans lesquels une association telle que l'IFLA pourrait accroître l'efficacité des consultants dans le développement des bibliothèques.

Le but de cette communication est de fournir un cadre pour le commentaire qui suit, pour un échange d'idées, de suggestions et d'expériences entre les consultants et ceux qui ont reçu les conseils de consultants extranationaux. En accord avec le thème de l'IFLA - Échange global d'information : la bibliothéconomie dans les pays en développement -les auteurs du rapport mettent l'accent sur le rôle du consultant extranational dans le développement des services d'information dans ces pays. Pourquoi ce thème ?

Le rôle des consultants extranationaux est une question importante à la fois pour les consultants et pour ceux qui font appel à leurs services, car si l'on peut retirer de grands bénéfices de l'emploi de consultants, de nombreux problèmes restent encore à surmonter. Les contributions de ces consultants au développement des services des bibliothèques dans de nombreuses régions du monde sont bien connues. Si importantes que soient ces contributions, elles ont été et continuent à être inhérentes à un processus qui superpose un problème culturel, une expertise technique et des expériences variées d'individus appartenant à une culture déterminée, et confrontés à des réalités nationales. Des problèmes existent dans ce processus, mais les difficultés peuvent être aplanies, les contributions positives et l'unité potentielle peuvent être accrues.

Qu'est-ce qu'un consultant?

Plusieurs définitions d'un consultant en bibliothèque, sont apparues dans la littérature. James Lockwood dans son article : « Consultants impliqués dans le changement des bibliothèques », a adapté une définition de consultants ingénieurs en gestion bibliothéconomique.

« Un consultant en bibliothèque peut être défini comme un individu qualifié par sa formation, son expérience, ses capacités de technicien, et son tempérament, pour conseiller ou assister, sur une base professionnelle, en édifiant, définissant et résolvant des problèmes spécifiques de bibliothèque, impliquant l'organisation, la planification, la direction, le contrôle et le fonctionnement d'une bibliothèque. Le consultant sert la bibliothèque comme un expert impartial, objectif et n'est pas un employé de cet organisme ».

Les éléments essentiels de cette définition sont les capacités professionnelles du consultant conjuguées avec le tempérament ou la capacité personnelle de donner des avis, définir et trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans les bibliothèques. De plus, cette définition met l'accent sur l'objectivité du consultant, agent impartial venu de l'extérieur.

On a fait quelques distinctions entre le consultant qui travaille sur un projet depuis sa conception jusqu'à sa réalisation et le critique qui intervient sur un point particulier dans un projet. En pratique, ceci n'est pas une définition rigoureuse et le rôle du critique et celui du consultant doivent être considérés comme un seul et même rôle. De plus, quelques cyniques ont décrit les consultants alternativement comme les boucs-émissaires, les missionnaires, les agents du changement et occasionnellement des médiateurs, selon le point de vue et l'image que l'on se fait du consultant.

En vérité, tandis que la définition formelle d'un consultant peut être volontiers acceptée, ces derniers rôles sont aussi une part du rôle du consultant et peuvent être inclus à la fois dans « le programme caché » de l'employeur et du consultant lui-même.

Les descriptions appliquées au rôle de consultant varient en fonction de l'attente de l'employeur et de la capacité du consultant à remplir à la fois les objectifs fixés et non fixés. Enfin, le succès, à la fois pour l'employeur et le consultant, dépend de la communication, de la définition et de l'accord entre les objectifs, du partage de ceux-ci, de la perception commune du problème, de l'accord pour l'approche du problème et des paramètres du projet.

Parmi ces obstacles à la compréhension, il y a celui des communications interculturelles. On peut définir les différences culturelles, telles que la perception de l'espace, du temps, les conventions sociales et territoriales comme des structures globales qui doivent être surmontées ou neutralisées. De plus, les contacts humains établis par le consultant sont brefs, manquant à la fois de passé et de futur. Beaucoup de facteurs tels que le temps, l'espace et les pratiques sociales, divergent avec le mode de culture du consultant. Prenez par exemple les différences dans la perception de l'espace entre un Américain et un homme du Moyen-Orient, l'Américain préfère mettre une distance substantielle entre lui-même et les autres dans la conversation. Il y a une phrase en anglais qui éclaire ce phénomène « Stay out of my space, man ». D'autre part, quand un Oriental veut avoir un échange d'idées, veut mettre l'accent sur un sentiment particulier dans la conversation, il tend à se rapprocher de plus en plus près de son collègue. Sans avoir l'intention de le faire, il est tout à fait possible que l'Américain se recule littéralement, qu'il se rencogne, tandis que l'Oriental s'avance pour faire ressortir son argument. Dans la lutte pour un espace culturel acceptable, la compréhension du contenu de l'interaction peut être perdue ou, à l'extrême, chacun peut percevoir de l'hostilité chez l'autre, là où il n'y en a aucune. Le consultant, comme le voyageur, est perdu dans une nouvelle structure sociale, sans lien avec le passé ou le futur. Le consultant rencontre des contemporains, ceux qui partagent une communauté de temps. L'essence de l'expérience des consultants est que lui et ses collègues deviennent « coassociés »..., des individus qui se rencontrent, partagent idées, espace et temps.

La connaissance d'une culture, des valeurs qu'elle accorde au temps, à l'espace, et de ses priorités est importante pour une interaction réussie avec d'autres professionnels. Certains n'ont jamais expérimenté cette expression souvent utilisée du « choc culturel ». Une culture étrangère peut demander beaucoup à un consultant et amener celui-ci à éprouver de la fatigue, du surmenage, un sentiment d'être différent, une incapacité intellectuelle à réagir à de nouvelles situations et aux besoins de la vie courante. Quelques consultants aussi bien que des touristes n'expérimentent jamais le « choc de la culture » et sont suffisamment souples dans leur style de vie pour s'adapter à de nouvelles situations et à de nouveaux modes d'interaction.

Des situations qui conduisent à l'emploi de consultant

Il existe des situations variées qui conduisent des bibliothèques, des agences nationales de planification, des universités et des agences internationales à rechercher les services d'un consultant.

Aux États-Unis, le problème le plus commun est celui de la planification ; de façon internationale, la motivation dans les pays en voie de développement est par dessus tout le manque de bibliothécaires compétents et leur intérêt pour l'expertise technique. Quelquefois, une aide étrangère ou des agences internationales rendent des fonds disponibles pour des projets spéciaux et incluent des consultants d'autre nationalité comme partie d'une organisation standard avec l'équipement et la formation de nationaux à long terme. En général, les raisons pour employer un consultant sont : expertise technique ; capacités spécialisées, idées originales, habileté pour résoudre des problèmes spécifiques; objectivité et faculté d'exercer une influence sur ceux qui prennent les décisions.

Des projets typiques pour consultants incluent : planification à long terme, étude de la situation locale, développement des collections, considérations architecturales, automatisation, développement des systèmes bibliographiques, enseignement de la bibliothéconomie, développement de types spécifiques de bibliothèques à l'intérieur d'un pays, établissement ou développement de services nationaux de bibliothèques. A l'intérieur de ces larges exemples de projets pour lesquels on demande des consultants, la fonction des consultants peut être d'influencer les agences sur un point de vue particulier, de résoudre des conflits à l'intérieur du système existant, de fournir une source d'informations impartiales, non politiques, d'encourager les liaisons et d'améliorer les communications au sein de l'organisation des structures professionnelles et de recommander des plans à long terme pour le développement. Un bénéfice perçu par ceux qui emploient un consultant est celui d'une crédibilité accrue... le consultant qui a peu d'intérêts engagés prend parti pour le monde extérieur à la bibliothèque, pour le besoin au recours d'allocations supplémentaires, l'augmentation des budgets et les exigences du personnel.

Souvent cependant, ceci est irréaliste, car l'ampleur des propositions suggérées par le consultant, sa capacité de suggérer des améliorations sont limitées par le programme caché de l'employeur et l'intérêt financier du consultant peut être dicté par son futur emploi et par l'organisation internationale. Il peut être difficile de satisfaire deux maîtres : le pays-hôte et l'agence internationale.

Comment trouve-t-on les consultants ?

Le processus n'est ni scientifique, ni uniforme et dépend souvent d'un collège invisible au lieu d'être fonction d'informations complètes et d'appréciations des références.

La majorité des consultants sont trouvés par l'action de personne à personne, de professionnels, et les experts utilisés par des agences telles que l'UNESCO, l'OAS (Organization of American States), le CIDA (Canadian International Development Agency). Pour donner un exemple personnel, l'année dernière, je fus contactée par l'Instituto del livro au Brésil pour donner un cours sur le développement de l'école. Je n'avais jamais rencontré personne de cette organisation, ni sollicité une telle fonction. Mon nom fit surface à travers ce réseau invisible... grâce à quelqu'un que j'avais rencontré à une réunion professionnelle plusieurs années auparavant. Une fois que ce fut décidé, je pus arranger mon programme en fonction de leurs besoins. Mes certificats furent envoyés seulement deux semaines avant que j'arrive. Au Brésil, on me demanda de recommander des personnes pour des fonctions de consultants et ainsi je retombai dans le réseau que je critique. La situation entière montre le besoin pour les pays en voie de développement d'avoir un processus critique adéquat pour choisir les consultants.

Le choix découle aussi des consultants professionnels, de leur réputation et de leurs publications. Évidemment, les écrits d'une personne reflètent ses intérêts et peut montrer son niveau de compétence. Cependant, la réputation est un facteur imposible à mesurer. Par exemple, quelqu'un qui a une excellente réputation dans son pays natal, et qui est estimé dans le milieu des bibliothèques peut ne pas être assez souple pour s'adapter à un pays en voie de développement, à ses exigences. Comme en fait ce consultant hautement considéré doit offrir des solutions adéquates aux problèmes de bibliothèque, il risque de prendre la même attitude à Lima, Kingston, Addis Abeba et au Caire qu'à New York, Londres ou Munich.

Invariablement l'emploi d'un tel consultant, qui n'est souvent jamais allé à l'étranger auparavant, conduit au désenchantement, à la frustration et à l'impossibilité de résoudre les problèmes quand ils se présentent. D'autres sources de consultants sont données par la publicité faite par les firmes consultantes et les individus eux-mêmes.

Faut-il prendre un seul consultant ou une équipe ? Voici un autre problème auquel sont confrontés les employeurs. Un consultant isolé est la plupart du temps employé à des tâches telles que l'enseignement, des séminaires de formation bibliothéconomique, et des études particulières, en d'autres termes, là où l'avis d'un expert ou d'un spécialiste est nécessité pour une période limitée. L'une des difficultés majeures rencontrées par un consultant isolé est le manque de soutien, l'incapacité de communiquer avec d'autres experts et la nécessité d'opérer seul. Quelquefois, ces problèmes peuvent être allégés par l'utilisation d'équipes de consultants qui permettent plus de diversité, une interaction et l'impact additionnel des sources extérieures et internes. Alors qu'à la fois consultants et employeurs cherchent l'accord dans la négociation et l'établissement d'une compréhension, des problèmes qui surgissent peuvent en dernier ressort être hors de leur contrôle. Des facteurs tels que des changements de gouvernement, de politique, des barrières législatives, des exigences politiques, des changements de personnel et le manque de support administratif ou des faits imprévisibles sont incontrôlables. Pour minimiser ces problèmes, un expert local ayant des rapports avec la politique de la bibliothèque et le Ministère de l'Éducation devrait être adjoint au consultant ou aux consultants considérés trop souvent comme des fomentateurs de trouble ou des agents de liaison.

Quelles sont les qualifications et les qualités d'un bon consultant ?

Le plus important est la souplesse et la tolérance culturelle. Précisément des qualités qui ne peuvent pas être évaluées par les moyens traditionnels. Le consultant idéal est culturellement tolérant, capable de comprendre les personnes avec lesquelles il va travailler et possède la capacité d'écouter les priorités internes et de s'adapter au nouvel environnement.

Tandis que l'expertise technique du consultant est essentielle, dans des situations spécifiques, c'est souvent le généraliste qui peut renouer ensemble les fils variés de la bibliothéconomie, appliquer les idées qui résolvent le mieux les problèmes et apporter dans un effort d'équipe les idées du spécialiste. Peut-être les meilleurs consultants sont-ils ceux jugés « bouvillons errants sans marque de propriétaire » dans la profession. « Mavericks » est un américanisme qui se réfère au jeune bœuf solitaire qui fuit le troupeau, traversant les plaines. Les jeunes bœufs sont à la pointe du changement, pas effrayés d'entendre des opinions impopulaires et de défendre des positions qui s'écartent de la norme. Le haut prestige de la communauté de la bibliothèque peut même être synonyme de rigidité et prédisposer à un système.

Enfin, des consultants peuvent être suggérés ou même mandatés par des organisations telles que l'OAS ou l'UNESCO. Ici beaucoup de choses dépendent du but politique de l'individu et si il ou elle a réussi à compter dans le programme des directeurs. La variété est grande dans la qualité des consultants.

Les structures formelles ou informelles sont inadéquates. Un bureau central international pourrait être créé pour établir une base de données de consultants potentiels et actifs, indiquant les curriculum vitae, les langues parlées et la disponibilité. Le développement d'une telle base de données pourrait être assuré par la FIAB. Des associations nationales prendraient la responsabilité du développement d'une équipe de consultants à l'intérieur de leurs comités respectifs. Par exemple, le Comité des Relations internationales de l'American Library Association a développé des « Critères pour la sélection des consultants appelés à servir à l'étranger ». La demande que l'association crée une équipe de consultants qualifiés y figure. D'autres associations nationales pourraient dresser des listes semblables à l'intérieur de leurs pays d'origine et ces listes pourraient être rassemblées dans une base de données internationales sous la direction de la FIAB. Remise à jour tous les ans, cette base de données constituerait un premier pas vers la création d'un moyen approprié de recherche de consultants.

Aussi, une base plus large serait établie pour les organisations internationales et les pays, en vue de la recherche de meilleurs ajustements entre les travaux à effectuer et les qualifications des consultants. Le problème est de mettre en rapport des personnes possédant des aptitudes variées et appropriées, pas simplement celles qui sont en faveur auprès des organisations nationales, et de donner de la rigueur à la sélection des consultants. De plus, un tel service dirigé par la FIAB pourrait encourager une circulation de consultants « à double sens » ; les consultants de pays en développement pourront être amenés à travailler dans les pays développés. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

Le processus de conseil : ce qu'il faut demander ou savoir avant qu'un projet ne commence

Il dépend du niveau de complexité d'un projet donné ; il peut ne demander qu'un seul consultant ou, à l'extrême, exiger l'engagement de plusieurs équipes, de centaines d'activités individuelles. Bien sûr, ce dernier type est rare mais considérez le vaste projet social pour les bibliothèques en Iran dans les années 1970 avec Nassar Sharity. Un projet structuré est souhaitable pour s'assurer que consultants et employeurs sont d'accord sur le processus, le développement et les résultats à venir. Les phases-clés dans le planning et le développement d'un tel projet pourraient être organisées selon une perspective de gestion traditionnelle :
1) acquérir une connaissance de l'environnement, politique, culturelle, professionnelle ;
2) avoir une bonne compréhension des problèmes ;
3) diagnostiquer les problèmes actuels ;
4) établir une rétroaction vis-à-vis du client ;
5) établir une compréhension ;
6) établir les buts préliminaires et un exposé de la situation ;
7) obtenir l'engagement financier de réaliser le projet :
- une analyse des ressources ;
- une planification théorique ;
- l'approbation du plan ;
- la planification détaillée ;
- l'engagement financier final ;
- une mise en œuvre progressive ;
- l'évaluation et la nouvelle orientation du plan.

En réalité cependant, le processus de consultation s'organise rarement ainsi et peut provoquer une réévaluation constante et une redéfinition des paramètres du projet. Des réponses à certaines questions de base pourraient être fournies selon ce plan :
1) Quelle est la nature du problème ?
2) Quels sont les bénéfices que l'on s'attend à retirer en faisant appel à un consultant ?
3) Avec qui travaillera(ont) le (ou les) consultant(s) ?
4) Quelle est l'historique du problème et quelles alternatives ont été proposées et rejetées, ou acceptées et suivies d'échec ?
5) Quels sont les paramètres du problème, les contraintes de temps, les exigences budgétaires et les crédits en personnel ?
6) Quelles études se rapportent à ce thème ?

Alors qu'il est important d'établir une bonne compréhension comme un premier pas dans le processus de conseil, invariablement il existe des différences entre les descriptions « sur le papier » des conditions d'emploi, des attentes et de l'environnement et la réalité de la situation. Il est souvent essentiel de passer par l'établissement d'un contrat avec le client, si un rapport adapté et permettant le travail est sur le point d'être préparé.

Les consultants sont impliqués dans une grande variété d'activités, allant jusqu'à l'intervention politique de haut niveau dans laquelle on demande au consultant de représenter la bibliothèque ou l'agence et d'agir comme avocat d'un programme particulier, d'un projet ou d'une politique en vue de projets définis et contenus à l'intérieur de la bibliothèque ou de l'agence elle-même. D'autres niveaux d'activité peuvent être interorganisationnels dans leur nature, exigeant du consultant qu'il se conduise comme un médiateur dans le développement, par exemple, de la gestion, des systèmes de bibliothèques, ou de réseaux. D'autres projets encore peuvent être plus spécifiques, comme le développement d'une base de données de publications en série, une collection spéciale ou un projet de formation.

La compréhension qu'a le consultant de la réalité nationale est souvent limitée. Dans une petite ville des montagnes de Colombie, l'UNESCO avait envoyé un médecin pour aider à établir une clinique régionale.

A son arrivée celui-ci découvrit avec consternation que les instruments chirurgicaux étaient stérilisés à l'eau bouillante. Il demanda immédiatement un autoclave. L'autoclave le plus cher arriva en temps voulu. Dès qu'il fut branché, non seulement les lumières de l'hôpital s'éteignirent, mais aussi le générateur pour la ville entière se trouva en panne et ne marcha plus pendant une semaine. A ma connaissance, l'autoclave est encore dans l'hôpital rural, symbole de la technologie moderne et de son inutilité dans certaines situations. Aussi, le consultant de bibliothèque doit-il être prudent quand il propose des solutions appropriées et non pas seulement des changements esthétiques importés de son pays. Les choix devraient être adaptés à l'environnement. Voici l'exemple d'un pays luttant pour développer une école de bibliothécaires et une bibliothèque nationale. Le personnel comprend surtout des bibliothécaires formés localement par quelques bibliothécaires qui ont travaillé à l'étranger. Conformément à l'attente générale, un expert fut envoyé pour aider à la planification. Parmi les recommandations de ce consultant, l'une était plus adaptée aux pays développés, à savoir que la bibliothèque ne devrait employer que des bibliothécaires qualifiés. Aucun processus intermédiaire, aucun programme de formation ne furent indiqués. Combien de plans irréalistes ont été proposés par des consultants inflexibles, dont les perceptions des réalités locales n'avaient pour base que leur propre environnement familier ! Le consultant devient souvent un « point de référence » pour le développement d'une bibliothèque particulière. Même quand le rapport est rendu ou que le projet est devenu officiel pour le consultant, les effets que peut avoir une période, même courte, de consultation peuvent être difficiles à prévoir. Par exemple, il y a la question de l'engagement financier, du collège invisible, des contrats professionnels et personnels qui continuent bien au-delà des limites d'un contrat de consultant, et cela peut avoir des conséquences sur les plans futurs, les consultants supplémentaires à demander, la formation du personnel dans les écoles de bibliothécaires à l'étranger.

Il est important de réaliser que l'employeur comme le consultant assument un risque dans le fait de signer un contrat. Alors que les employeurs engagent un budget et des ressources limitées, ils gardent la possibilité de remplacer un consultant ou de rejeter un rapport final et de chercher des conseils supplémentaires. Les consultants, par contre, risquent leur réputation et leur perspective de carrière à chaque projet. Au cas où le projet de la bibliothèque hôtesse et celui de l'employeur actuel (comme une agence internationale) diffèrent, il peut être difficile de satisfaire à la fois les deux agences. L'agence internationale peut avoir son propre programme d'action. Envers qui le consultant est-il responsable ? Si la bibliothèque hôtesse n'est pas satisfaite, le consultant n'a pas rempli sa mission ; et, si l'agence internationale n'est pas satisfaite, le consultant ne pourra plus trouver d'emploi de ce côté dans un avenir proche. Les consultants devraient être attentifs à choisir des projets pour lesquels ils possèdent les aptitudes nécessaires ou peuvent les acquérir : autrement dit, un projet dans lequel il y a une bonne chance de succès et dans lequel les exigences de la mission sont claires. Un bref résumé de la situation du consultant et de l'employeur pourrait être : « Que l'employeur se méfie, que le consultant prenne garde ».

En réponse à l'esquisse large et générale du processus de conseil, et mettant l'accent sur le besoin de communication entre les cultures et d'adaptation, la diversité des réalités nationales vécues par les participants a entraîné une grande variété d'expériences personnelles dans tous les pays du monde et fait surgir des problèmes et des questions supplémentaires à l'attention du forum,

La liste suivante est une synthèse des commentaires faits par les participants lors de la discussion à Manille du « Standing Committee on Theory and Research ». En revoyant les notes prises à cette réunion, il est intéressant de noter les thèmes communs qui se sont dégagés des commentaires des participants des pays en développement qui ont reçu un certain nombre de consultants invités et de « consultants-surprise », et des consultants eux-mêmes qui ont travaillé dans les pays en développement !

Facteurs importants :

1) Le consultant doit avoir une connaissance de l'environnement, politique et culturel, ainsi qu'une idée du rôle de la bibliothèque et des contraintes administratives.

2) De claires définitions des problèmes et une estimation réaliste tant des buts que des objectifs du projet, avant de choisir le consultant.

3) Une bonne connaissance du « bagage » culturel et universitaire du consultant ainsi que de son expérience, comme facteurs principaux du choix.

4) Une approche évolutive pour la sélection des consultants, qui ait une influence sur le personnel local.

5) Une confiance accrue en les experts locaux et les experts des mêmes régions.

6) Un accord entre le personnel local et le consultant par rapport au problème, au but et aux objectifs du projet et un accord réaliste sur les résultats que l'on attend du travail du consultant.

7) Le développement du personnel local à tous les niveaux d'activité, avec une insistance particulière sur la continuation du projet au-delà des limites de l'engagement du consultant.

8) L'accent mis sur le flux à double sens des communications entre consultants et le personnel local.

9) Des paramètres clairement déterminés pour les consultants, surtout ceux qui accèdent à des postes auprès des ministres.

10) Une rétroaction des consultants et du personnel local vers les agences internationales.

11) Une promotion de l'échange de l'information dans les pays en développement.

12) Une évaluation extérieure des projets chaque fois que possible.

Conclusion

Le résultat de cette discussion lors du 46e congrès de la FIAB a été de fournir un forum pour la discussion du problème des consultants, de partager les expériences à la fois des consultants et des employeurs dans différentes régions du monde. On espère que la discussion continuera, que la profession développera des critères appropriés, des instruments d'évaluation, et un meilleur mécanisme pour l'identification des consultants pourvus des aptitudes appropriées et leur envoi, avec des projets spécifiques, dans les pays en développement.

American Library Association. International Relations Committee. Critères pour la sélection des consultants à l'étranger

L'American Library Association (ALA), au service de l'intérêt public, donne la priorité au développement des bibliothèques, de la bibliothéconomie et des services d'information dans le monde entier. L'ALA réaffirme son désir constant de promouvoir le développement des bibliothèques dans tous les pays, et espère en retour, continuer à apprendre de par sa participation.

En réponse aux demandes d'assistance des pays étrangers, l'ALA doit être à même de recommander des bibliothécaires et des spécialistes de l'information qui soient à la fois hautement qualifiés et sensibles aux différences culturelles et nationales. De tels consultants doivent pouvoir répondre aux collègues étrangers bien qualifiés qui sont prêts à considérer, à l'intérieur de leurs contextes nationaux et professionnaux respectifs, tout avis ou suggestion fait par les consultants.

Les consultants internationaux des bibliothèques doivent être sensibles à l'ambivalence avec laquelle les recommandations et les avis sont reçus ; par conséquent, en donnant leur opinion, ils doivent être particulièrement attentifs aux réalisations proféssionnelles et à l'orgueil national de leurs hôtes étrangers.

L'ALA appliquera les directives et les critères suivants dans la recommandation, la nomination et la sélection des consultants internationaux.

Objectifs professionnels généraux :

1) apprendre à fond la situation du pays hôte dans ses aspects politiques, sociaux et professionnels ;

2) avoir la certitude que le problème est correctement compris et posé ;

3) établir, dans le pays hôte, des contacts avec des personnes cultivées qui ont une perception et des idées, qu'elles souhaitent voir refléter dans les projets des consultants ;

4) encourager, quand c'est approprié, l'établissement de stages internes et de missions pour les nationaux du pays hôte ; toutefois, cela doit être organisé avec prudence afin de ne pas exagérer l'attente des participants aux stages ;

5) organiser des conférences locales de planification avec des experts venant d'institutions locales ;

6) présenter un rapport qui définisse clairement les problèmes et présente des solutions convenant à la culture du pays et appropriées à ses besoins en matière de développement des bibliothèques.

Les consultants possèderaient les qualités suivantes :

Qualifications professionnelles

1) une culture de base solide en bibliothéconomie et des spécialisations appropriées ;

2) une compétence reconnue dans le domaine de la théorie et de la pratique bibliothéconomiques ;

3) une bonne connaissance des bibliothèques et des institutions qui s'y rattachent, des services et des réseaux d'informations ;

4) des contacts professionnels nombreux ;

5) une expérience professionnelle ;

6) une orientation conceptuelle ; de l'expérience dans l'établissement et la mise en application de normes.

Des qualifications personnelles :

1) de la sensibilité aux attitudes et aux points de vue de personnes étrangères et aux différences culturelles et ethniques ;

2) de la réceptivité aux idées nouvelles ;

3) de l'aisance dans le domaine des relations humaines ;

4) des connaissances ou des talents pour les langues étrangères, si possible pour la langue du pays hôte ;

5) des connaissances dans les domaines sociaux, politiques, culturels ;

6) de l'expérience de la vie à l'étranger ;

7) une bonne capacité à s'exprimer oralement et par écrit.

Responsabilité de l'association :

Il est reconnu que les périodes de conseils peuvent améliorer et approfondir leurs qualifications professionnelles et donner aux consultants une compréhension accrue de la qualité du programme, des techniques opérationnelles et de la capacité à diriger. Il est donc de la responsabilité de l'ALA d'encourager l'existence des conseils au plus haut niveau.

1) l'Association devra expliquer aux gouvernements étrangers et aux institutions qu'en recommandant des consultants, elle suit une politique internationale qui ne trouve aucune excuse aux violations des droits des personnes, ni à la discrimination à propos de la race, de la couleur, du sexe, de la religion ou de l'origine nationale ;

2) l'Association devra annoncer dans American libraries et dans d'autres publications ou circulaires appropriées, les demandes des consultants de bibliothèque émanant d'organisations ou d'institutions aux États-Unis ou à l'étranger ; elle publiera également les activités internationales et les travaux des professionnels ainsi engagés ;

3) l'Association, par le canal de l'IRC (International Relations Committee) et de l'IRO (International Relations Officer) devra pourvoir à la coordination des activités des consultants et établir une liste de consultants qualifiés ;

4) l'Association demande que les copies des rapports soient remplies par l'IRO. Les membres de l'ALA qui sont consultants d'autres agences, sont priés de remplir des copies de leurs rapports avec l'IRO.