Immigrés et bibliothèques publiques aux États-Unis

Marie-Noëlle Icardo

Cette étude qui s'appuie sur la visite de sept bibliothèques publiques, aux États-Unis, montre l'action de ces établissements en faveur des minorités ethniques non anglophones : comment s'organisent l'acquisition et le traitement des documents en langues étrangères ; quelles activités particulières sont proposées

This survey based on the visit of seven public libraries shows how these libraries serve non-English language ethnic minorities : how they deal with the acquisition and processing of foreign language materials ; what special services they provide

Note de la rédaction

Dans le cadre du programme des missions d'étude subventionnées par la Commission franco-américaine d'échanges universitaires et culturels et avec l'appui du Service des bibliothèques trois conservateurs ont pu bénéficier de bourses d'étude.

Nous présentons ci-après leur rapport de stage.

Sur 203 210 158 habitants recensés aux États-Unis en 1970, 42 493 045 (20,91 %) n'étaient pas d'expression anglaise ; pour l'état de Californie, les chiffres sont 19 957 304/5 692 443 : plus d'un quart de la population parle une langue autre que l'anglais. Un article du San Francisco Examiner de mai 1980 rapporte que, d'après les fonctionnaires de l'Éducation, dans une famille d'enfants inscrits dans les écoles publiques de la ville sur deux, on parle une langue autre que l'anglais.

A New York, la deuxième langue est l'espagnol, et nombre de panneaux de signalisation et d'informations de toutes sortes sont bilingues.

Jour après jour, de divers horizons, les réfugiés affluent : 90 000 Cubains arrivés aux États-Unis d'avril à mai 1980 ; 1 000 Haïtiens en une semaine en avril 1980. Aucun service public ne peut ignorer oette situation : quelle est l'attitude des bibliothèques face aux besoins de ces populations transplantées, partagées entre deux mondes ?

1. - Service public

1.1 - Accueil

1.1.1 - Signalisation

Une affiche sur la porte indique « aqui se habla español » ; dès que l'on a franchi l'entrée-accueil, on aperçoit au fond de la vaste salle de lecture, « foreign languages » et « español français ».

C'est à la Bibliothèque municipale de New Orleans, seul cas rencontré de l'annonce, dès l'extérieur, que l'on se préoccupe des non-anglophones. Si le fonds en langues étrangères existe, il est signalé plus ou moins nettement. La mention « Foreign Languages » généralement utilisée n'apparaît - en anglais -qu'après l'entrée dans la bibliothèque. A San Francisco, à la bibliothèque centrale, il faut franchir le seuil, gravir l'escalier monumental, aller à droite vers la littérature, et tourner la tête à gauche pour apercevoir, au fond, à l'entrée d'une dernière salle, « Foreign Languages » : vingt-six langues différentes sont représentées. Sur les rayonnages eux-mêmes, en général, chaque fonds est annoncé dans la langue.

Par contre, il n'est écrit nulle part, à la petite bibliothèque d'El Pueblo, à Tucson, que l'on y trouve des livres en espagnol (20 % du fonds de la bibliothèque). Et pourtant, on y vient : 75 % des livres prêtés sont en espagnol : la publicité se fait de bouche à oreille parmi les immigrés mexicains récents, dont certains sont entrés illégalement aux États-Unis. On a souvent sa carte de bibliothèque avant tout autre papier officiel.

1.1.2 - Bibliothécaires bilingues

Si l'on vient si vite à la bibliothèque d'El Pueblo, c'est que l'on sait y trouver des personnes parlant espagnol : le bibliothécaire, 'diplômé d'une université américaine, est bilingue ; l'employée de bibliothèque, quant à elle, parle à peine l'anglais. Dès l'entrée, les intéressés reconnaissent sur les tourniquets les « novellas », romans faciles en collections de poche (on pense aux présentoirs des «bibliothèques de gare » françaises) et, se sentant en pays connu, s'en vont à la découverte.

A New Orleans, on sait que la bibliothécaire parle espagnol : on lui demande, de vive voix ou par téléphone, les renseignements les plus divers, qu'elle donne grâce à un très bon réseau d'informations (annuaires, répertoires, adresses de travailleurs sociaux, etc.). La bibliothécaire qui m'explique le fonctionnement de la Bibliothèque Donnell, à New York, s'interrompt pour répondre en sa langue, le serbo-croate, à un habitué qui lui pose une question. Ce sont des employées chinoises (de visage et de langue, sinon de nationalité) qui vous accueillent à l'annexe de Chinatown, à San Francisco. La communauté chinoise se sent chez elle (la signalisation est ici bilingue chinois et anglais) ; c'est elle qui a fait pression auprès des autorités pour obtenir une bibliothécaire bilingue. Dans cette annexe, les statistiques de prêt montrent qu'un livre sur deux est en chinois (le fonds se décompose ainsi : chinois 15 000 volumes, anglais 26 000 volumes).

1.1.3 - Documents d'accueil

Dans la plupart des bibliothèques, des formulaires d'inscription dans les diverses langues représentées dans la population du quartier sont mis à la disposition du public dès l'entrée, ainsi que des guides du lecteur ; des brochures à caractère social publiées par des organismes publics ou privés ; des marque-pages « livres, bücher, libros, ksiegi, livros : books in foreign languages », « science fiction and the occult : libros de ciencia fiction y de lo oculto », « the library goes to the movies : la biblioteca va al cine ».

A San Francisco et à Oakland, on a réalisé un film en anglais et en espagnol expliquant au public l'utilisation de la bibliothèque municipale.

1.2 - Nature des documents s'adressant aux non-anglophones

1.2.1 - Livres

A - Quels livres trouve-t-on ? Le bibliothécaire chargé de la section « Langues étrangères » et des achats dans les soixante-quatre langues représentées à la Bibliothèque municipale de Brooklyn achète les best-sellers originaux de la langue considérée, d'une part, les traductions de olassiques (Dostoïevsky, Hugo, Sartre, etc.) et les best-sellers mondiaux (Les Dents de la Mer, Les Oiseaux se Cachent pour Mourir, Autant en Emporte le Vent) d'autre part. Le secteur des romans et celui des documentaires pratiques sont très développés. Cette façon de procéder semble appliquée lorsque le bibliothécaire ne connaît pas la langue ; sinon, le choix est affiné : c'est le cas à l'Asian Community Center de la Bibliothèque municipale d'Oakland, où chacune des quatre langues représentées à la bibliothèque est connue d'au moins un membre du personnel.

A la Bibliothèque Donnell, principale bibliothèque de langues étrangères du réseau de la Bibliothèque municipale de New York, il est prévu, en principe, de n'acquérir que des textes originaux dans la langue considérée, donc d'exclure les traductions d'autres langues. Ainsi, aucun texte de Victor Hugo ne devrait figurer dans les rayons de livres russes.

A New Orleans, un panneau annonce : « libres mas vendidos » ; la bibliothécaire indique qu'on lit beaucoup de romans français du XIXe (dans diverses langues) ; Astérix et Tintin en espagnol ont beaucoup de succès, de même que, comme à Tucson, les « fotonovellas ».

B - Dans les quartiers où une culture domine, un secteur spécial est consacré aux écrits sur cette culture. A l'annexe de Chinatown, à San Francisco, un secteur regroupe les ouvrages en anglais ayant trait à la Chine ou au chinois ; de même, à l'Asian Community Center d'Oakland, pour les livres sur l'Asie publiés aux États-Unis. L'annexe Latin American d'Oakland propose un rayon « Latin american kids » : il s'agit d'ouvrages en anglais, écrits et édités aux États-Unis, mettant en scène des enfants d'origine latino-américaine, vivant aux États-Unis : Mann (Peggy). - The Street of the Flower Boxes. - New York : Coward Mc Cann, Inc.

Lexau (Joan M.). - Jose's Christmas Secret. - New York : The Dial Press.

Des livres pour apprendre l'anglais (accompagnés la plupart du temps de cassettes ou de disques) sont à la disposition des lecteurs qui connaissent mal cette langue, dans toutes les bibliothèques visitées. Ces documents remportent un vif succès tant auprès des enfants qu'auprès des adultes.

C - Les enfants d'immigrés s'adaptant assez vite à leurs nouvelles conditions de vie, finissent par méconnaître la langue et la culture de leurs parents. Pour leur permettre de combler cette lacune, des bibliothèques proposent des documents appropriés :
. des livres bilingues publiés par le National Network of Bilingual Education Center. A l'Asian Community Center d'Oakland, on m'a fait remarquer que le texte de ces livres, établi par des Américains des États-Unis, n'était pas bon. Pour les livres en espagnol, par exemple, il vaut mieux disposer de livres d'Espagne, textes originaux ou traductions : grand succès des « Martine » : Delahaye - El Cumpleaños de Martita (annexe latino-américaine d'Oakland).
. des livres dans la langue de leurs parents : un secteur de la bibliothèque latino-américaine d'Oakland s'intitue « español para niños », ouvrages en espagnol de différents niveaux de difficulté.

1.2.2 - Brochures

Les brochures jouent un grand rôle dans la documentation à l'usage des immigrés. Elles sont en anglais ou en langues diverses, en vrac sur des présentoirs ou classées dans des dossiers, par sujet. La Bibliothèque de New Orleans propose des brochures sur la Sécurité Sociale, sur la santé de bébé, sur l'acquisition de la citoyenneté américaine. A San Francisco, dans le dossier « Immigration », une brochure informe les immigrés sur leurs droits et indique l'adresse d'organismes susceptibles de les aider dans leurs divers problèmes et démarches.

1.2.3 - Documents sonores

Disques et cassettes, nous l'avons dit, servent de support à l'apprentissage ou au perfectionnement des langues, qu'il s'agisse de la langue d'accueil ou de la langue d'origine. On trouve aussi des disques de musique, de poésie, de textes littéraires des différentes ethnies qui visent à l'entretien de la culture d'origine, mais aussi à sa connaissance par des personnes d'ethnies différentes.

1.2.4 - Périodiques

Dans toutes ces bibliothèques, de nombreux périodiques informent le public :
- périodiques publiés dans le pays d'origine : Claudia, Paris-Match, Oggi, Epoca, der Spiegel, Mecanica Popular (Argentine), Times of India, etc.
- périodiques d'une langue autre que l'anglais, publiés aux États-Unis : nombreux périodiques chinois, Sélection du Reader's Digest, Replica (en espagnol, édité à Miami), etc.
- périodiques en anglais correspondant aux différentes ethnies : Nuestro, Americas, Buen Hogar, Latin New York, etc.

Grâce aux périodiques, les usagers sont d'emblée un peu plus à l'aise : au milieu d'un monde étranger, ils trouvent régulièrement des repères familiers.

1.2.5 - Autres documents

Outre les dictionnaires, grammaires, répertoires divers, les bibliothèques proposent aussi des dossiers de presse (Asian Community Center, Oakland), des gravures (de costumes sud-américains, à la bibliothèque latino-américaine d'Oakland), des photographies anciennes.

1.3. - Place des documents dans la bibliothèque

1.3.1 - Nous avons vu comment étaient annoncés, ou cachés, les documents ayant un intérêt direct pour les non-anglophones. Dans certains cas, ces documents sont regroupés dans la section « langues étrangères » (New Orleans, annexe El Pueblo à Tucson, annexe de Chinatown à San Francisco). Le plus souvent pourtant, les livres pour enfants se trouvent sur les rayons de la section enfantine (annexes Donnell, Tompkins Square, Bloomingdale, Jackson Heights, Mapleton, à New York ; Asian Community Center, Latin American Library à Oakland ; Mission à San Francisco).

Le classement des ouvrages en langues étrangères, après répartition par langue, est calqué sur celui des ouvrages du fonds général. Ainsi, les livres brochés, au format de poche, sont posés sur des tourniquets, sans classement, et ne possèdent souvent qu'une fiche sommaire (c'est le cas des « fotonovellas » à El Pueblo, Tucson, à Latin American Center, Oakland, à la Bibliothèque centrale de Minneapolis). La distinction roman/documentaire, probablement appliquée, n'apparaît pas avec évidence, étant donné la petite quantité de livres dans chaque fonds.

Les périodiques en langues étrangères ou sur des cultures étrangères sont placés tantôt avec les ouvrages de la langue, tantôt avec les périodiques en anglais. Il en est de même pour les disques.

1.3.2 - A El Pueblo, Tucson, les volumes en espagnol représentent 20 % du fonds total. A Chinatown, San Francisco, sur un total de 41 000 volumes, 15 000 sont en chinois. A Mission, San Francisco, le fonds de livres en espagnol représente 10 % du fonds total. Il s'agit là d'annexes implantées dans des quartiers où une langue prédomine. Dans certaines annexes de New York où plusieurs langues sont représentées, chacune tient sur quelques tablettes de rayonnages.

1.4 - Catalogues

Les catalogues qui permettent d'avoir connaissance du fonds en langues étrangères sont en général distincts de ceux du fonds général. A l'annexe Tompkins Square, New York, le fonds polonais, assez important, possède son propre catalogue sur fiches : celles-ci sont rédigées dans la langue d'origine avec alphabet propre et conversion. A Chinatown, San Francisco, le fonds chinois est représenté par un catalogue (avec conversion des mots) à classement alphabétique dictionnaire et un catalogue topographique.

Au Asian Community Center, Oakland, on trouve pour chaque langue : un catalogue topographique avec conversion et alphabet propre, un catalogue matière, avec le mot « matière » en anglais et notice avec conversion des mots. Dans cette bibliothèque, on m'indique que c'est surtout le personnel qui utilise les fichiers ; les lecteurs regardent ce qu'il y a sur les rayons.

1.5. - Animations et services

Pour faire connaître la bibliothèque et ses ressources, pour mettre le public non habitué en confiance, les bibliothèques organisent des animations et proposent divers services.

1.5.1 - Heure du conte

L'heure du conte, à l'intention des enfants, est une animation courante. A la Bibliothèque centrale de Tucson, il existe une heure du conte bilingue. A Queensborough, New York, on peut se faire raconter une histoire par téléphone (dial-a-story 658-4070).

L'heure du conte a parfois lieu pendant les visites de classes. A Oakland, au Latin American Center, on reçoit des olasses bilingues. Une des bibliothécaires (cubaine d'origine) raconte des histoires en espagnol aux enfants dont c'est la langue maternelle : le quartier est mexicain ; un tiers des enfants est né au Mexique : ils parlent espagnol chez eux. Les instituteurs qui accompagnent les enfants demandent à ceux qui sont anglophones d'écouter les histoires en espagnol, pour s'habituer à une langue et à une culture différentes de la leur.

1.5.2 - Films

Les bibliothèques sont nombreuses à offrir des films en langue étrangère. Celle de Queensborough, New York, annonce tous les mois par un dépliant et des affiches les films en différentes langues qui seront projetés dans les annexes. Les films (dix langues différentes en avril 1980) sont sous-titrés en anglais. A l'Asian Community Center, Oakland, on propose des films en langue étrangère, avec sous-titres, et des films en anglais.

La bibliothécaire de l'annexe de Chinatown, à San Francisco, qui ne dispose que de films en anglais sur la Chine, prévoit toujours une présentation du film en chinois, lors des deux projections organisées dans l'auditorium de la bibliothèque : une l'après-midi pour les personnes du 3e âge, une à 19 h 30 où il vient de 60 à 90 personnes.

1.5.3 - Prêt de salles

Pour le bibliothécaire de l'annexe Mission, à San Francisco, il faut que la bibliothèque soit accueillante aux groupes constitués, qu'elle puisse prêter une salle à l'association qui en fait la demande. Ce sont alors les membres de l'association qui organisent leurs manifestations : club de poésie, représentation théâtrale, défilé costumé, atelier de création de livre. Les utilisateurs se sentent ainsi encore plus chez eux à la bibliothèque : le dialogue est facilité, l'utilisation du fonds de la bibliothèque aussi.

L'annexe de Chinatown, à San Francisco, prête gratuitement l'auditorium aux associations qui en font la demande, à condition que celles-ci ne perçoivent pas de droit d'entrée pour leurs manifestations.

La Bibliothèque centrale de Queensborough, New York, qui annonce, en anglais, un atelier de poésie ou une table ronde sur les problèmes de l'adolescence, annonce aussi, en espagnol, un atelier de création littéraire pour les jeunes, animé par un écrivain argentin.

1.5.4 - Livres par correspondance

A Queensborough encore, le service gratuit des livres par correspondance aux handicapés physiques a été étendu aux non-anglophones. Des listes de titres disponibles dans diverses langues (espagnol, chinois, etc.) sont adressées aux personnes intéressées. Sur demande de leur part, les livres leur sont envoyés par la poste. Ce système a été instauré pour que les personnes éloignées de la bibliothèque centrale, et donc du fonds de livres en langues étrangères, ne soient pas trop défavorisées.

1.5.5 - Cours d'anglais

La plupart des bibliothèques municipales abritent des cours gratuits d'anglais deuxième langue pour adultes :
- des cours traditionnels avec professeurs, comme à l'annexe Jackson Heights de la Bibliothèque de Queensborough, où les cours sont suivis par des Cubains et des Russes, surtout. La moyenne d'âge est élevée (70 ans) ; il s'agit de nouveaux arrivants aux États-Unis ou de personnes habitant depuis longtemps dans le quartier et qui se décident à apprendre l'anglais.
- des vidéo-cassettes éditées par Adult basic education service (à la Bibliothèque centrale de Tucson).
- l'anglais élémentaire enseigné par l'intermédiaire d'un terminal d'ordinateur : ce système a été mis en service à la Bibliothèque centrale de Tucson en mai 1980.

1.5.6 - Renseignenients

Un service important rendu par les bibliothèques est celui des renseignements de toutes sortes donnés par téléphone, de vive voix, ou grâce à des brochures bilingues.

Nous avons déjà vu l'importance des brochures pour l'accueil et l'information des non-anglophones. Il arrive aussi qu'une information sur la vie pratique (la recherche d'un emploi par exemple) soit donnée par des spécialistes. A New Orleans, la bibliothécaire du secteur « Langues étrangères » aide les demandeurs à prendre contact avec l'organisme dont ils ont besoin, rédige des curriculum vitae, sert souvent d'interprète, fait quelquefois du SOS Amitié, effectue un travail social important.

1.6 - Qui sont les utilisateurs effectifs ou potentiels ?

L'utilisation de la bibliothèque par les immigrés varie suivant certaines données très imbriquées.

1.6.1 - L'origine nationale

Certains pays connaissent plus que d'autres l'institution « bibliothèque ». Ainsi, les Russes, et en particulier les Russes juifs, sont des utilisateurs assidus. De plus, dans le cas précis des Russes ayant émigré aux États-Unis, il s'agit de personnes voulant lire tout ce qui ne leur était pas accessible en URSS. Un bon nombre ne connaissent pas du tout l'anglais ; certains ne lisent que le russe ; d'autres lisent le yiddish, l'allemand.

Un sondage effectué à San Bernardino, California, parmi les 21 % de la population d'expression espagnole ou de nom espagnol, faisait ressortir le fait que les Américains mexicains n'ont pas de tradition de bibliothèque publique : « Les personnes d'expression espagnole saisissent mal le fonctionnement des bibliothèques et ne savent pas ce qu'elles peuvent en attendre : 42 % des personnes interrogées ignoraient qu'un des services de la bibliothèque était de fournir des livres ».

Parmi les Mexicains qui utilisent la Bibliothèque de El Pueblo, à Tucson, certains sont alphabétisés en anglais et en espagnol (ils viennent de Mexico) ; les immigrés illégaux sont souvent peu instruits. Tous sont représentés parmi les utilisateurs de la bibliothèque.

Parmi les Vietnamiens arrivés dans les cinq dernières années, beaucoup étaient scolarisés dans leur pays (enseignement secondaire ou supérieur). Même s'ils ne savent pas l'anglais en arrivant, ils veulent trouver du travail et s'insérer dans la vie américaine. Ils saisissent les facilités qui leur sont offertes - ils utilisent en particulier les bibliothèques - pour apprendre ce qui leur est nécessaire pour subvenir à leurs besoins sans être à la charge de la société. Dans les cinq ans qui viennent, les États-Unis accueilleront tous les mois 1 500 Vietnamiens parmi ceux qui sont en mauvaise santé, qui ne sont pas scolarisés : le schéma sera-t-il le même ?

1.6.2 - L'origine sociale

Les Cajuns de Louisiane (d'expression française) appartiennent en majeure partie à des classes défavorisées ; ils ne lisent pas (65 % de la population de Louisiane est analphabète) et ne fréquentent pas les bibliothèques.

Les immigrés mexicains de la Bibliothèque de El Pueblo, à Tucson, ne font pas partie des classes favorisées et pourtant ils fréquentent la bibliothèque : la proximité de cet équipement par rapport à leur domicile, le contenu de la bibliothèque, l'accueil qu'ils y trouvent, tous ces facteurs l'expliquent.

1.6.3 - Situation de la bibliothèque dans la ville

L'annexe de El Pueblo est située au milieu de la communauté qu'elle dessert. Par contre, l'Asian Community Center d'Oakland se trouve éloigné de son public. En effet, cette bibliothèque est située actuellement dans le quartier administratif, alors que le public effectif et potentiel habite un autre quartier. Étant donné la distance et l'insécurité (le taux de criminalité est élevé à Oakland), les personnes âgées et les enfants peuvent difficilement fréquenter la bibliothèque. Les enfants viennent presque uniquement avec leur classe. Si, comme il en est question, la bibliothèque s'installe dans le quartier chinois, la fréquentation sera encore plus importante qu'elle ne l'est actuellement : 30 % de la population asiatique d'Oakland est inscrite à la bibliothèque (le taux de fréquentation de la population totale d'Oakland, ville de 350 000 habitants, est de 20 %).

1.6.4 - Age

Il est difficile de déterminer la fréquentation des bibliothèques selon l'âge, ce critère se combinant obligatoirement avec les autres données énoncées ci-dessus. A titre d'exemple : une grande partie de la Bibliothèque de Chinatown, à San Francisco, est formée de personnes âgées (souvent des personnes seules, mal logées, parlant difficilement l'anglais) ; les adolescents vietnamiens sont assidus à l'Asian Community Center d'Oakland ; ce sont des personnes âgées qui empruntent les livres polonais à Tompkins Square, à New York, et les livres en yiddish à Brooklyn (les jeunes lisent plutôt l'hébreu).

Quant aux enfants, ils ont plus de chances que leurs parents de connaître la bibliothèque, d'y entrer, de savoir l'utiliser. S'ils n'y viennent pas seuls, ils le font par le biais de la classe. Tous ont alors les mêmes chances. Dans la majorité des cas, les enfants ne souhaitent pas, d'eux-mêmes, emprunter des documents dans la langue de leurs parents : ou bien ils ne connaissent pas cette langue, ou bien ils souhaitent s'en détacher : c'est le cas pour les livres espagnols à Tompkins Square, New York, et pour les livres en allemand et en yiddish à Bloomingdale, New York (où pourtant les livres espagnols sont très demandés).

De nombreuses classes bilingues existent et viennent à la bibliothèque (classe chinoise à Tompkins Square, école d'été vietnamienne à Oakland, classe espagnole à la Latin American Library, Oakland) : les enfants apprennent ou réapprennent la langue et la culture de leurs parents en même temps qu'ils s'américanisent.

2 - Services intérieurs

Un bon service public suppose des services intérieurs organisés. Quels sont les moyens mis en œuvre dans ce domaine ?

Dans les grandes bibliothèques, achats et catalogage du fonds général sont centralisés ; il en est de même, la plupart du temps, pour les ouvrages en langues étrangères.

Le catalogage est souvent effectué par un spécialiste de la langue, dans cette langue. La cote de l'ouvrage comporte un code représentant la langue de l'ouvrage.

A San Francisco, l'annexe de Chinatown a la responsabilité des commandes et du traitement de son fonds chinois ; l'annexe Mission effectue elle-même la plupart des acquisitions de livres espagnols. A Bloomingdale, New York, la bibliothécaire qui reçoit les livres tout équipés de la Centrale dispose cependant d'un certain crédit lui permettant d'acheter directement chez un libraire des livres en chinois.

2.1 - Bibliothécaires bilingues

Ces différentes tâches de commande, de catalogage, d'analyse, sont facilitées du fait du grand nombre de bibliothécaires bilingues. La Bibliothèque de Tucson, par exemple, a une forte proportion de bibliothécaires parlant l'espagnol (il s'agit de la langue maternelle pour certains).

Presque tout le personnel de l'annexe latino-américaine d'Oakland est bilingue anglais/espagnol ; seule la bibliothécaire de la section « enfants », née en Chine, est bilingue chinois/anglais.

Les membres du personnel de l'Asian Community Center, à eux tous, en comptant les « pages », parlent les cinq langues asiatiques représentées à la bibliothèque. Les « pages » sont des lycéens recrutés à temps partiel pour effectuer diverses tâches, en particulier le rangement des livres sur les rayons. Dans certaines bibliothèques, les « pages » sont un lien précieux entre la communauté ethnique à laquelle ils appartiennent et la bibliothèque.

Tous les bibliothécaires pourtant ne connaissent pas la langue des livres qu'ils commandent ou qu'ils prêtent. A Bloomingdale, New York, la bibliothécaire de la section « enfants » explique qu'elle ne distinguerait pas le japonais du chinois si la cote n'y aidait! Pas de livre en chinois à la section « enfants » de l'annexe de Chinatown, à San Francisco : la responsable de cette section ne connaît pas cette langue. Le bibliothécaire chargé de la section « langues étrangères » à la Bibliothèque centrale de Brooklyn effectue les achats dans toutes les langues ; il ne connaît que (!) le français et l'espagnol, en plus de l'anglais !

2.2 - Coopération entre bibliothèques

Oes tâches sont facilitées par une coopération entre bibliothèques dont voici deux exemples :

- En Californie, une commission « California ethnic services task force » a été mise sur pied pour « développer des outils et des méthodes permettant aux bibliothécaires californiens d'organiser des fonds et des services pour les populations étrangères de Californie ». Des sous-commissions sont chargées :
. d'établir un schéma directeur pour le développement des fonds et des services appropriés dans les bibliothèques, pour les populations d'origine étrangère de Californie ;
. de répertorier les sources, en vue de l'achat de documents : fournisseurs, éditeurs, instruments de référence ;
. d'établir la bibliographie d'un fonds de base dans un secteur donné ;
. de faire connaître les fonds, animations, services s'adressant aux différentes ethnies, en Californie ;
. d'établir des recommandations pour le développement de ces services ;
. de développer les instruments bibliographiques.

Une des réalisations de cette commission est une bibliographie d'ouvrages en chinois, en philippin, en vietnamien (Asian languages library materials : Chinese, Philippino, Vietnamese bibliographies). Pour chacune de ces langues sont indiqués : ouvrages de référence, livres pour adultes, livres pour enfants, périodiques, fournisseurs. Les notices sont suivies d'une phrase de présentation.

Les responsables de cette publication sont des bibliothécaires de bibliothèques publiques ou d'universités, d'origine asiatique (y ont participé les bibliothécaires de l'Asian Community Center d'Oakland et de Chinatown, à San Francisco).

- Donnell Foreign Language library, à New York, participe à la revue « Book list », bimensuel publié par l'American Library Association : chaque numéro propose une bibliographie consacrée à une langue ; chaque notice est suivie d'une phrase de présentation.

2.3 - Libraires spécialisés

La plupart des bibliothèques visitées ont un autre atout dans leur jeu : l'existence de libraires spécialisés à leur porte. Lorsqu'on travaille à Brooklyn, on n'a qu'à se rendre à Manhattan pour trouver des livres dans toutes les langues du monde, et bénéficier de surcroît de l'aide des libraires.

De Tucson, les bibliothécaires franchissent de temps en temps la frontière mexicaine et reviennent avec leur provision de livres.

A l'annexe Mission, San Francisco, la bibliothécaire n'a que cinq cents mètres à parcourir pour trouver une librairie bien achalandée en livres en langue espagnole.

2.4 - Difficultés d'édition

Cependant, pour bien des langues, les difficultés de stock et d'édition sont importantes. Ainsi pour le polonais, à la Bibliothèque Tompkins, New York, qui souhaiterait améliorer son fonds, on remarque que les livres anciens ne sont pas réédités, qu'il est difficile de se procurer des livres nouveaux, les livres venant de Pologne étant de la propagande communiste et les livres édités au Canada étant très chers.

Les livres en tagalog sont difficiles à acquérir à cause de la faiblesse de l'édition aux Philippines ; ils sont, pour cette raison, difficiles à garder : ceux que l'on a disparaissent !

Quant aux livres vietnamiens, ceux d'avant 1975 ont été détruits, au Vietnam. Une solution - onéreuse - pour les obtenir : la reproduction des exemplaires conservés dans quelques bibliothèques universitaires américaines, telle celle de Cornell, à Ithaca (NY).

3 - Liaisons avec d'autres organismes ou groupes

3.1 - La communauté ethnique

Dans tous les cas, les bibliothécaires remarquent que la bibliothèque est un maillon dans une chaîne. Ils insistent sur le travail effectué, en particulier, avec les membres de la communauté ethnique. De celle-ci ils reçoivent une aide diversifiée : participation aux commandes et au catalogage, grâce à des traductions ou des analyses d'ouvrages ; organisation d'activités à la bibliothèque, telles qu'expositions, représentations théâtrales, rencontres, débats.

3.2 - Les établissements d'enseignement

Les relations avec l'école sont monnaie courante. On ne compte plus les visites de classes à la bibliothèque, ni les visites de bibliothécaires aux classes.

Une action ponctuelle d'un autre type s'est effectuée à New Richmond, Wisconsin, grâce à une collaboration entre le collège d'éducation permanente d'Indianhead et la bibliothèque centrale de prêt. A la demande d'un professeur d'économie domestique, des réfugiés vietnamiens en formation technique et linguistique au collège ont été reçus à la bibliothèque. A partir d'une liste pré-établie, eux-mêmes ont choisi un certain nombre de livres en vietnamien, qui ont ensuite été déposés dans la bibliothèque municipale la plus proche de leur domicile. Ce service de la bibliothèque s'insère dans l'aide apportée aux réfugiés vietnamiens dans l'état du Wisconsin :

- le Board of vocational, technical and adult education de l'état du Wisconsin a fourni :
. des livres et des cassettes conçus pour apprendre l'anglais technique à des Vietnamiens,
. un guide de l'enseignement de la prononciation anglaise aux Vietnamiens (importance des documents adaptés à chaque culture),
. un séminaire sur l'aide aux réfugiés vietnamiens : formation professionnelle, recherche d'emplois, aide financière.

- l'Université du Wisconsin publie des guides d'économie domestique (comment accommoder le boeuf, comment équilibrer un menu, etc.) avec phrases courtes en anglais et en vietnamien, et illustration à l'appui.

- le Département des Affaires sociales de l'état du Wisconsin publie des brochures en vietnamien (plus titre en anglais) sur le planning familial, la contraception, les maladies contagieuses, la grossesse, etc.

- un Centre de la consommation édite un guide de la cuisine familiale vietnamien-anglais.

Ces documents sont à la disposition des intéressés.

3.3 - Les organismes de caractère social

« La bibliothèque doit être le lien entre la communauté ethnique et tous les organismes dont ce public a besoin. La bibliothèque doit pouvoir fournir des brochures, des numéros de téléphone, des explications sur n'importe quel sujet, surtout de caractère social. Pour cela, les bibliothécaires doivent être en relation avec toutes sortes d'organismes ». C'est l'avis de Mae Durham Roger, professeur à la School of library and information studies 1. C'est sans doute aussi l'avis des bibliothécaires new yorkais, puisque la Bibliothèque municipale de New York a publié en 1980 la deuxième édition de son Directory of community services = Directorio de servicios para la communidad, ouvrage bilingue qui répertorie plus de 2 500 adresses d'organismes proposant services et activités de caractère social, culturel ou éducatif. Ce répertoire, réalisé par le personnel des soixante-quinze annexes du Bronx, de Manhattan et de Staten Island, est un des volets de l'information gratuite donnée aux communautés ethniques. Il est financé par le service des annexes de la Bibliothèque municipale de New York (New York public library) et par le gouvernement fédéral (dans le cadre du Library service and construction act).

Sans s'appuyer sur une telle organisation, les autres bibliothèques œuvrent dans le même sens. Certaines, comme El Pueblo à Tucson et Latin American à Oakland, le font d'autant plus naturellement qu'elles sont situées dans un ensemble à caractère social : crèche, club du 3e âge, planning familial, agence pour l'emploi des jeunes, centre d'orientation pour la jeunesse, santé mentale, etc. La Bibliothèque de El Pueblo donne un exemple intéressant de son rôle social : des jeunes délinquants y sont placés temporairement pour effectuer un certain nombre de travaux au lieu de payer une amende.

3.4 - La presse

Le rôle de la presse écrite et parlée est important. Les bibliothèques semblent entretenir de bonnes relations avec la presse qui diffuse gratuitement leurs informations. Il s'agit de la presse de langue anglaise, mais aussi des journaux, de la radio, de la télévision d'expression chinoise, espagnole, etc.

4 - Moyens financiers

Une plaquette de l'ALA (American library association) sur les bibliothèques américaines publiée en 1978, indique que les ressources des bibliothèques publiques proviennent :
des municipalités, à 82 %
du gouvernement de l'état à 3 %
du gouvernement fédéral, à 5 %

Toutes les actions spécifiques en faveur des immigrés remarquées dans les bibliothèques visitées ont pu démarrer grâce à des fonds fédéraux affectés aux états, au titre de l'article 1 de la loi de 1956, amendée en 1977, sur la construction des bibliothèques et les services offerts par celles-ci (LSCA : Library Services and Construction Act).

L'article 1 prévoit « de rendre les services offerts par les bibliothèques plus accessibles aux personnes qui, pour des raisons d'éloignement, de domicile, de langue, de handicap physique ou autre, ne peuvent pas bénéficier des services qu'une bibliothèque publique propose à tous ».

Pour bénéficier de cette aide que le gouvernement fédéral prévoit pour les différents états et territoires, ceux-ci doivent constituer et proposer un dossier montrant l'utilisation de la subvention demandée. Ce crédit est géré par le State Library Administrative Agency. Les bibliothèques qui souhaitent obtenir une aide de ce type doivent donc transmettre leur dossier de demande au gouvernement de leur état. Les subventions du gouvernement fédéral au titre du LSCA sont accordées pour des actions spécifiques :

- St Croix County Library, New Richmond, Wisconsin
. acquisition de livres en vietnamien dans le cadre de l'aide aux non anglophones ;

- Queensborough Public Library, New York
. service gratuit de livres en langues étrangères par correspondance,
. cours gratuits d'anglais deuxième langue ;

- Brooklyn Public Library, New York
. acquisition de livres en langues étrangères (25 % pour la bibliothèque centrale, 75 % pour un fonds permanent de livres en langues étrangères dans chacune des cinquante-quatre annexes) ;

- California State
. bibliographies de documents en langues asiatiques dans le cadre de la commission California Ethnic Services Task Force.

En 1978, vingt-huit états et territoires ont accordé des subventions à cinquante-trois bibliothèques publiques et à quatre réserves indiennes, pour des services culturells et bibliothéconomiques s'adressant à environ 13 484 558 personnes non anglophones ; vingt-trois de ces états et territoires ont offert ces services à des personnes d'expression espagnole.

Les rapports font apparaître des dépenses de 3 707 530 dollars pour des programmes bilingues, dont 2 270 776 dollars au titre du LSCA. 1 936 304 dollars de ces subventions LSCA ont été utilisés pour des services s'adressant à des hispanisants.

États et territoires utilisent aussi des crédits d'État et des crédits municipaux pour desservir les populations non anglophones. Nombre de ces services spécialisés ont été créés grâce à des crédits LSCA, et ont été ensuite continués grâce à des crédits provenant d'autres sources que le gouvernement fédéral.

Ainsi, l'Asian Community Center et le Latin American Center, à Oakland, ont été créés grâce à des fonds fédéraux et existent encore parce qu'ils ont été intégrés, au bout de quelques années, dans les services de la Bibliothèque municipale d'Oakland.

D'autres services ou postes disparaissent lorsque la subvention du gouvernement fédéral est supprimée.

A l'occasion du cinquième congrès des bibliothécaires d'états, à Washington, en avril 1980, le député John Brademas déclarait :

« Ainsi, les bibliothèques municipales de nos grandes villes ont été l'école et l'université de centaines de milliers d'immigrants, les préparant à trouver leur place dans notre société. Et les bibliothèques doivent continuer à assumer cette responsabilité d'aide aux nouveaux immigrants des villes, qu'ils appartiennent aux différentes cultures d'Amérique latine, d'Asie ou d'Afrique, ou à d'autres régions des États-Unis ».

Les exemples rapportés dans cette étude ont peut-être montré que les bibliothèques publiques des États-Unis continuaient à travailler dans le sens de ce rôle traditionnel. Sans une étude approfondie, il est difficile de déterminer si elles le font avec succès. Mais, quel devrait être le succès ? Juxtaposer au sein d'une bibliothèque des cultures et des langues : pour accentuer les différences ou pour favoriser une connaissance mutuelle ? Peut-être les bibliothèques publiques aident-elles à la reconnaissance d'identité des immigrés, en rendant accessible l'outil culturel et éducatif qu'elles représentent.

Annexe : Bibliothèques visitées

- NEW YORK, New York

* New York Public Library et les succursales Bloomingdale
Donnell
Tompkins Square
Fort Washington

* Queensborough Public Library et la succursale Jackson Heights

* Brooklyn Public Library et la succursale Mapleton

- NEW ORLEANS, Louisiana

* New Orleans Public Library

- TUCSON, Arizona

* Tucson Public Library et les succursales
El Pueblo
Mission

Valencia

- SAN FRANCISCO, California

* San Francisco Public Library et les succursales Chinatown

Communications Center

Mission

- OAKLAND, California

* Oakland Public Library et les succursales
Asian Community Library
Latin American Library

- NEW RICHMOND, Wisconsin

* St Croix County Library