International Association of Labour History Institutions (IALHI)
12e Congrès, Barcelone, 14-17 septembre 1981
L'International Association of Labour History Institutions (IALHI), dont la première rencontre internationale eut lieu à Londres en 1970, a tenu son 12e congrès à Barcelone du 14 au 17 septembre 1981. L'IALHI est une organisation, regroupant au plan international, des bibliothèques, instituts, centres d'archives et de documentation spécialisés en histoire sociale, ou ayant une part importante de leurs fonds consacrés à l'histoire sociale. Les objectifs de l'Association sont d'instaurer une coopération entre ses divers membres, d'encourager entre eux des échanges de doubles et de publications, de prendre en charge l'édition de travaux tels que des catalogues collectifs, des bibliographies ou des annuaires portant sur l'histoire sociale.
Ce 12e congrès de l'IALHI a été organisé par le Centre d'estudis historics internacionals (CEHI) et la Fondation internationale d'études historiques et sociales sur la Guerre civile d'Espagne (FIEHS).
Il est intéressant de présenter les deux institutions organisatrices de ce congrès international. Le CEHI est un centre d'études de l'Université de Barcelone créé en 1948 sous l'impulsion du professeur Jaume Vicens Vives qui, entre autres activités, publie Indice Historico Español, revue d'information et de critique historiographique, et s'est attaché à rassembler des documents de toutes sortes sur l'histoire contemporaine de l'Espagne. Bien entendu, les décennies les plus récentes sont représentées depuis la période de la guerre civile jusqu'à nos jours, avec une abondante documentation sur les mouvements d'opposition au franquisme tant à l'intérieur de l'Espagne que dans l'émigration.
La FIEHS, plus spécialement centrée sur l'étude de la guerre civile de 1936-1939, sur ses causes et ses répercussions, a été fondée en 1972 à Genève où elle a son siège social. La FIEHS a créé un Centre de recherches doté d'une bibliothèque et d'archives. Depuis sa création, ce Centre était installé à Perpignan ; il se trouve à présent à l'Université de Barcelone.
Ainsi rassemblés à la Faculté de géographie et d'histoire de l'Université de Barcelone, le CEHI et la FIEHS, étant donné la coïncidence de leurs domaines d'études, ont établi un contrat de collaboration et mis en commun leurs fonds respectifs, tout en gardant pleine autonomie administrative.
C'est sous la présidence de M. Jordi Planes, représentant le CEHI et la FIEHS que s'ouvrit donc le 12e congrès de l'IALHI.
Trente-deux institutions spécialisées en tout ou en partie en histoire sociale, représentant onze pays, participaient à ce congrès. Chaque année, les congrès de l'IALHI rassemblent davantage de participants, ce qui témoigne de l'audience croissante que rencontre cette organisation encore jeune ; rappelons qu'à la première réunion internationale, en 1970, seulement sept institutions de cinq pays différents étaient représentées.
Le secrétaire de l'IALHI, Karl Lang, représentant le Schweizerisches Socialarchiv de Zürich, commença son rapport d'activité par un hommage au Pr Giuseppe del Bo, directeur de la Fondation Feltrinelli, décédé cette même année, qui avait joué un rôle moteur dans le développement de l'IALHI et, tout dernièrement, dans l'organisation du Forum mondial sur l'histoire sociale tenu à Paris en 1980 sous l'égide de l'Unesco.
K. Lang annonça l'adhésion à l'IALHI de quatre nouveaux instituts et bibliothèques : deux italiens, un allemand et un espagnol. Il rappela qu'une des tâches du congrès était de réviser la constitution de l'IALHI et de se prononcer sur le projet de constitution élaboré par une commission ad hoc élue lors du congrès de Stockholm en 1980. L'une des séances fut, en effet, consacrée à ce travail, rendu nécessaire par le fait que la constitution d'origine, très succincte, devait être précisée sur certains points pour mieux adapter l'IALHI au large développement qui est le sien.
Dans les objectifs de l'IALHI, la nouvelle constitution précise notamment que l'Association doit essayer de faire un recensement de tous les congrès, conférences et symposiums en histoire sociale. Mais il fut décidé, après discussion, qu'afin d'éviter une centralisation excessive et lourde à assumer par le seul secrétariat, chaque institution devait, dans la mesure du possible, informer elle-même les autres membres de l'IALHI de ses propres initiatives et réalisations.
D'autres points de la constitution furent précisés : les langues officielles des congrès seront l'anglais et le français, les décisions seront prises à la majorité simple et le vote par correspondance est adopté. Par ailleurs, une légère réévaluation des cotisations est décidée pour permettre au secrétariat d'assumer ses fonctions de coordination.
Mais, outre la mise au point de cette « constitution de Barcelone », la rencontre de 1981 a été surtout l'occasion de la présentation de deux réalisations de l'IALHI : la Current Left and Labour Press et le Directory. Ces deux publications, intéressantes à plus d'un titre, décidées au congrès de Bochum en 1979, ont donc été présentées à Barcelone en 1981.
Peter Friedemann, représentant l'Institut zur Geschichte der Arbeiterbewegung de l'Université de Bochum, a fait un rapport sur le travail effectué par son organisme, au nom de l'IALHI, pour la confection de la Current Labour Press. C'est, en effet, cet Institut de Bochum qui a centralisé les réponses des bibliothèques membres de l'IALHI, qui a, dans certains cas, assuré lui-même l'enquête préparatoire et a effectué le travail d'édition et la réalisation pratique du répertoire (l'Université de Bochum ayant apporté le concours de son infrastructure informatique).
L'entreprise qui a amené à la publication de ce répertoire de la presse ouvrière et sociale en cours a été tout à fait internationale : 32 organismes de 13 pays y ont participé. Le titre choisi en définitive pour ce répertoire est : Current Left and Labour Press 1978-1981, car les périodiques recensés ont été sélectionnés en fonction de leur sujet (problèmes généraux de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier), mais aussi en fonction de la conception présentée par l'éditeur ou le responsable des publications (publications se réclamant du mouvement ouvrier même si elles peuvent apparaître marginales). Par ailleurs, ce répertoire recense également non seulement les publications du mouvement ouvrier traditionnel (partis et syndicats) mais aussi celles de mouvements pas nécessairement liés à ce dernier, mais reprenant à leur compte l'idée d'émancipation sociale ou politique (comme les mouvements écologistes, féministes ou alternatifs par exemple).
Ainsi, cette première édition de la Current Left and Labour Press recense plus de 4 000 titres. Le premier volume, de près de 400 pages, répertorie les titres de périodiques par ordre alphabétique. Pour chaque titre, la structure de la notice est la suivante : titre et sous-titre, directeur de publication ou collectivité éditrice, institution possédant le périodique (avec date de départ de la collection), lieu de publication et pays, date de première apparition, type de publication, périodicité, précurseur, tendance politique, thème principal. Les autres données sont relatives au programme informatique. Ce répertoire offre donc, outre la localisation des périodiques, un ensemble de renseignements fort utiles.
Mais ce qui donne tout son intérêt à ce répertoire est l'index, imprimé en volume séparé, et permettant différents types de recherches : par directeurs de publications et collectivités éditrices d'une part et par sujets d'autre part. L'index thématique est subdivisé, pour chaque sujet, par pays, par type de publication et par tendance politique.
P. Friedemann précise que cette édition de la Current Left and Labour Press est une première édition, à compléter, à perfectionner ; mais, pour continuer ce travail, un problème financier se pose et l'Institut zur Geschichte der Arbeiterbewegung de Bochum peut difficilement continuer à assumer cette tâche à lui seul. Une discussion permit d'évoquer les diverses possibilités de financement de ce travail. Les démarches déjà entreprises par le secrétaire de l'IALHI auprès d'organismes internationaux susceptibles d'apporter une aide financière, tels que l'UNESCO, l'EEC (CEE) et l'ILO (BIT), n'ont pas jusqu'à présent eu d'issue positive, mais il est certain que cette première publication du répertoire est un atout majeur pour démontrer l'intérêt scientifique du travail et sa nécessaire continuation.
Cette première édition de la Current Left and Labour Press pourra être publiée sous forme de microfiches ; mais, il est nécessaire qu'elle soit largement diffusée auprès des bibliothèques, centres de recherches, centrales syndicales et autres organismes susceptibles de l'acheter sous sa forme actuelle. Il serait intéressant que la parution du répertoire soit annoncée dans des bibliographies nationales et dans des revues spécialisées afin d'en assurer la diffusion. 11 est décidé, après discussion, que le répertoire sera vendu également aux membres de l'IALHI, étant donné le coût élevé de sa réalisation. Les institutions faisant partie de l'Association doivent, par ailleurs, essayer de trouver dans leur pays des sources de financement.
Une résolution fut adoptée à l'unanimité au sujet de la Current Left and Labour Press. Elle décide de poursuivre ce travail et de prendre les mesures suivantes :
- les membres de l'IALHI s'engagent à compléter le répertoire en signalant les nouveaux titres de périodiques qu'ils possèdent dans ce domaine et en communiquant de possibles critiques ;
- les institutions dont les périodiques ne sont pas recensés sont invitées à participer au projet ;
- le déficit devrait être comblé par la vente du répertoire ;
- pour la continuation du projet, il est indispensable que, d'ici le prochain congrès, une somme suffisante soit recueillie (en plus de la contribution apportée par l'IALHI) ;
- l'Institut zur Geschichte der Arbeiterbewegung de Bochum est chargé de continuer le travail de coordination ;
- le secrétaire de l'IALHI va entreprendre des démarches afin de trouver un éditeur pour l'impression de la prochaine édition, dont la date sera fixée ultérieurement.
Cependant, telle qu'elle se présente actuellement, avec ses possibles erreurs et imperfections et son nécessaire élargissement, la Current Left and Labour Press est une réalisation remarquable, extrêmement utile pour les bibliothécaires et les chercheurs, et fruit d'un travail de collaboration internationale jusqu'à présent unique. C'est une entreprise très intéressante sur le plan scientifique et qui devrait inciter à la réalisation d'autres catalogues du même type (pourquoi pas, par exemple, un répertoire de la presse ouvrière et sociale possédée dans les bibliothèques et centres de documentation français ?). Ce travail réalisé par l'IALHI pour la presse ouvrière et sociale en cours peut ainsi servir d'exemple et de catalyseur pour des réalisations encore plus vastes par pays. C'est pourquoi, l'entreprise de l'IALHI, entreprise pionnière en histoire sociale, doit absolument être poursuivie.
La seconde publication de l'IALHI présentée lors de ce congrès a été le Directory, annuaire des membres de l'Association. Le rapport sur ce travail a été fait par le représentant de l'organisme qui a recueilli les données et assuré l'impression de l'annuaire : Horst Ziska, de la Friedrich Ebert Stiftung, de Bonn.
Ce Directory recense 70 bibliothèques, instituts, centres d'archives et de documentation faisant partie de l'IALHI. Vingt pays sont représentés : quatorze pays européens, trois d'Amérique (USA, Canada, Venezuela), un d'Asie (Japon), ainsi que l'Australie et Israël.
A partir d'un questionnaire envoyé aux différentes institutions, ce Directory donne une description de chacune d'elles : adresse, directeur, date de création, nombre de documents, système de classification, thèmes, langues des documents, accès, fonds spéciaux, publications... Ce sont, par conséquent, de très utiles renseignements qui sont donnés dans ce Directory, utiles tant pour les professionnels des bibliothèques que pour les lecteurs.
Il serait intéressant d'assurer une large diffusion de cet annuaire, même s'il ne s'agit encore que d'une première édition destinée à être améliorée et complétée ; en effet, il serait nécessaire d'homogénéiser la présentation des différentes institutions, car en dépit du plan envoyé par l'IALHI et des échanges de correspondance, les notices ne suivent pas toutes le même schéma et sont de longueurs très diverses (pas toujours proportionnées avec l'importance des fonds). La nouvelle édition pourrait également développer la description de fonds rares possédés par les bibliothèques. Mais cette première réalisation est déjà un précieux instrument de travail.
Comme l'habitude a été prise lors de chaque congrès de l'IALHI, une partie des séances fut consacrée à l'historiographie du mouvement ouvrier et à un inventaire des différents fonds sur l'histoire sociale du pays qui organise le congrès.
Ainsi, M. Casimir Marti, historien et directeur des Archives de Catalogne, fit-il un très intéressant exposé sur l'état de la bibliographie du mouvement ouvrier espagnol, montrant comment, à partir des années 70, le nombre de livres et d'articles concernant le mouvement ouvrier s'est considérablement accru en Espagne.
M. Joseph Benet, historien et sénateur, dressa un panorama des principaux fonds espagnols concernant l'histoire du mouvement ouvrier (Hemeroteca municipal et Biblioteca Municipal à Madrid, Archives Nationales de Madrid, Institut Municipal d'Historia et Biblioteca de Catalunya à Barcelone, Archives de Catalunya, Fundación Figueras, FIEHS, Archives de Salamanque, Archives de l'Abbaye de Montserrat, pour ne citer que quelques fonds importants).
Par ailleurs, des représentants de bibliothèques et instituts espagnols ont présenté leur centre de manière plus détaillée : l'Institut Municipal d'Historia (importants fonds sur les mouvements sociaux en Catalogne et sur la résistance au franquisme), la Biblioteca Arus, également barcelonaise (fonds spécial sur la 1re Internationale). Toujours situés dans la capitale catalane, d'autres centres notables furent présentés : outre la FIEHS et le CEHI décrits au début de ce texte, le Centre d'estudis socials (axé sur les questions syndicales), les Archives du Parti Socialiste unifié de Catalogne (composées d'une documentation permettant d'étudier plus particulièrement l'état d'esprit de la « base » pendant la clandestinité et l'exil) et, enfin, la Fundación Figueras (consacrée à l'histoire contemporaine espagnole et catalane). Des représentants de deux centres madrilènes décrivirent leurs centres : la Fundación Pablo Iglesias (archives historiques du Parti Socialiste Espagnol, PSOE) et la Fundación Largo Caballero (archives de l'Union Générale des Travailleurs, UGT).
Ces centres sont, pour la plupart, de création ou de réorganisation (après des années d'interruption) récentes. Cette relative dispersion de la documentation sur l'histoire ouvrière s'explique par les problèmes dus à l'exil et à la clandestinité. Mais, en tout cas, il existe en ce moment en Espagne un réel regain d'intérêt pour l'histoire sociale et l'on assiste à un véritable foisonnement d'initiatives diverses. Le congrès de l'IALHI a d'ailleurs permis aux institutions espagnoles présentes d'envisager concrètement une collaboration et une coordination de leurs activités.
Enfin, trois exposés remarquables ont clôturé ce congrès, permettant d'avoir une vision d'ensemble étendue de l'histoire sociale espagnole. M. Isidre Molas, vice-président du Parlement de Catalogne, professeur à l'Université autonome de Barcelone, fit une analyse du mouvement ouvrier espagnol sous le franquisme. M. Ignasi Terrades, professeur à l'Université de Barcelone, présenta les « colonies » industrielles qui se développèrent en Catalogne, notamment dans l'industrie textile, et mit en relief les conditions de vie des ouvriers et le faible rôle qu'y joua le mouvement ouvrier. Enfin, M. Alexandre Cirici-Pellicer, sénateur, également professeur à l'Université de Barcelone, étudia le modernisme (notamment l'œuvre d'Antonio Gaudi) comme fait social et ses rapports avec l'idéologie dominante de l'époque.
Le congrès de l'IALHI 1 de 1981 a marqué une étape importante dans le développement de cet organisme : ce fut l'année des premières réalisations collectives faites sur un plan largement international. Il a été démontré que l'IALHI était non seulement un lieu de confrontation des bibliothèques et instituts intéressés par l'histoire sociale, mais aussi un instrument efficace pour rendre concrètes des initiatives fort intéressantes.