Un Républicain méconnu

Martin Bernard 1808-1883

par Pierre Baudrier

Claude Latta

Saint-Étienne : Impr. Reboul, 1980. - 317 p. ; 24 cm. - (Études foréziennes ; 12.)

M. Latta a consacré sa thèse de 3e cycle à Martin Bernard, l'un des trois chefs de l'insurrection des 12 et 13 mai 1839, dirigée également par Blanqui et Barbès. Plus modéré que Blanqui, comme Barbès, il prit le parti du second contre le premier quand la révolution de 1848 fit éclater leurs dissensions. Évitant les suppositions, M. Latta expose qu'au début de 1837, Martin Bernard reconstitua une société secrète de plusieurs centaines de membres dont le secret fut bien gardé. Quoiqu'elle ait été cloisonnée, n'était-il pas pourtant permis d'en douter ?

M. Latta nous fait suivre Martin Bernard dans les prisons du Mont Saint-Michel et de Doullens, sa libération en 1848, son combat sans espoir comme commissaire de la République à Lyon, l'élection à l'Assemblée dans la Loire, l'exil après juin 1849, en Belgique, en Angleterre surtout, en Suisse et en Allemagne, le retour après l'amnistie, la participation à l'opposition républicaine à la fin du Second Empire, la réélection à l'Assemblée en 1871, à Paris, et les dernières années au soleil du jardin du Luxembourg et dans une maison de santé.

Signalant qu'en 1848, les députés de la Montagne tels que Martin Bernard et Jules Grévy votèrent pour l'élection indirecte à la présidence de la République (p. 161), M. Latta illustre l'évolution des idées au fil de l'éducation politique du peuple. Exprimée dès 1831 dans le texte attribué à l'accusé Francfort du « Procès des dix-neuf citoyens », l'idée d'un noyau insurrectionnel cédait la place - dans le vote de 1848 postérieur à l'introduction du suffrage universel - à la lutte contre les risques de propagande démagogique d'un homme providentiel.

M. Latta n'a pas pu exploiter la correspondance de Blanqui et du docteur Watteau, publiée en 1976 par M. Maurice Paz. L'étudiant ami de Bernard dont il dit tout ignorer (p. 222) y est cité à plusieurs reprises.

Les deux ouvrages présentent un intérêt pour l'histoire du livre et de la presse. Ouvrier typographe lui-même, Martin Bernard appartenait à une famille d'imprimeurs et M. Latta cite, entre autres sources, le manuscrit 973 de la Bibliothèque municipale de Saint-Étienne comprenant vingt-six volumes de lettres reliées contenant les lettres reçues par Auguste Bernard, frère de Martin et imprimeur, entre 1833 et 1865 ainsi que les brouillons des lettres envoyées par ce dernier.