Sur mesure
des livres pour enfants, dans les pays en développement
Anne Pellowski
Voici le deuxième volume d'une collection de manuels qui semble devoir remplacer les manuels de l'Unesco à l'intention des petites bibliothèques. Le premier titre était Les Chemins de la lecture, par R.C. Staiger.
Madame Pellowski, qui a publié il y a deux ans, chez Bowker, un très beau livre sur l'art de raconter des histoires aux enfants, étudie ici « chaque élément du processus de création..., afin d'exposer dans le détail les multiples problèmes à résoudre pour apaiser la « soif de lire » de la majorité des enfants du monde » (p. 6). Elle rappelle en effet que « les enfants qui bénéficient régulièrement, et dès leur plus jeune âge, de lectures à voix haute, manifestent plus de curiosité d'esprit que les autres » (p. 104). Même illettrés, les parents ont un rôle à jouer pour transmettre les traditions orales (facteurs de cohésion d'une population), raconter ou lire des histoires, ou encore montrer des images. Dans certains pays en développement, « les gouvernements vont devoir décider s'il convient de poursuivre l'effort démesuré qu'ils consentent en faveur de systèmes scolaires qui peuvent inhiber le développement d'une littérature locale pour enfants de type récréatif » (p. 105). C'est dire que le modèle appliqué dans les pays occidentaux développés ne saurait s'appliquer partout sans, au moins, des aménagements. Beaucoup de spécialistes de ces questions constatent que, dans les pays en développement, « les enfants ont souvent une plus haute opinion des Blancs que des autres races, y compris la leur » (p. 43), ou bien, au Vénézuela, « nous tendons à sous-estimer ce qui est nôtre et à trouver bon ce qui vient des pays développés » (p. 51).
Pourtant, « parce qu'elle place l'accent sur les problèmes des sociétés modernes industrialisées et matériellement riches, la majeure partie de la littérature enfantine contemporaine provenant des pays développés n'offre pas de modèle utile au monde en développement. Elle est beaucoup trop loin des réalités quotidiennes que connaissent les enfants dans les sociétés plus traditionnelles » (p. 39).
Comment modifier cet état de fait ? « La libre circulation des livres est d'une importance vitale pour toutes les régions du monde... [mais] la production locale a souvent été étouffée par la concurrence des géants de l'édition et de leurs phénoménales publications multilingues en couleur et peu onéreuses » (p. 19). Dans les pays en développement, que d'obstacles à surmonter ! (p. 5) 1) faible niveau d'alphabétisation ; 2) coûts de production élevés ; 3) marchés désorganisés et souvent fragmentés sur le plan linguistique ; 4) formation professionnelle inadéquate ; 5) manque de matériel et d'équipement.
Il y a une grave pénurie d'auteurs et (p. 24) « bien que le nombre des enfants qui apprennent à lire ait considérablement augmenté, la conception d'un contenu strictement didactique n'a guère évolué au niveau mondial. Parents et enseignants continuent à rechercher beaucoup plus le côté didactique et pratique de la lecture que son aspect amusant, libérateur et créateur » (p. 24). Quant au directeur de collection (cf. p. 61 à 64), si l'on en juge par les fonctions, les compétences et la formation pluridisciplinaires qui sont les siennes, combien de personnes, même dans les pays développés, sont dignes d'assumer ces responsabilités ?
La longue et riche expérience de Madame Pellowski lui permet d'aborder son sujet sous l'aspect historique, sous celui des rapports culturels (au sens large) entre pays développés et pays autrefois colonisés. Elle donne longuement la parole à des personnalités de plus d'une vingtaine de pays. Ce qu'elle écrit du processus de création (2e partie, la plus longue), des exigences de qualité et de la difficulté d'y parvenir nous concerne tous. La bibliographie est presque uniquement en anglais. Un cahier de 16 pages (entre les p. 48 et 49) regroupe les illustrations (en noir).