L'information sans frontière
Jean-Pierre Chamoux
L'information peut se définir comme un flux de données, d'images ou de messages circulant à travers le monde. Cette circulation répond essentiellement à trois catégories de besoins : les besoins d'information du grand public, c'est-à-dire l'information véhiculée par les media ; les besoins des scientifiques et des chercheurs, c'est-à-dire l'information documentaire ; les besoins des entreprises et de leurs dirigeants, c'est-à-dire les informations privées des groupes industriels. Ces informations circulent selon divers modes :
- les réseaux des postes et messageries qui transportent les courriers divers dont les journaux, c'est-à-dire de l'information matérialisée et
- les réseaux de télécommunication qui transportent par ondes et/ou par câbles des informations non matérialisées. Cette distinction permet à l'auteur d'établir une typologie de l'information en croisant les types d'information, les supports de l'information et de son transfert avec les catégories juridiques domaine public / domaine privé.
La communication est devenue un point de convergence d'influences diverses tant au plan économique que politique. Quatre pôles géographiques constituent les acteurs du jeu international de la communication :
- les administrations européennes des postes et télécommunications qui exercent un double monopole sur le réseau téléphonique et sur la poste ;
- le système américain comporte, lui, trois caractéristiques, à savoir le monopole du téléphone au profit d'ATT (American telephon and telegraph), la concurrence industrielle pour les services de télécommunication spécialisés et enfin, le contrôle de la FCC sur les communications internationales ;
- le Japon a fait son entrée sur le marché international des télécommunications sur l'option informatique (par laquelle priorité est donnée aux activités de connaissance, à savoir l'édition, la radio, la recherche, l'informatique, ...) ;
- enfin, le Tiers-Monde cherche à imposer certaines règles, une nouvelle donne des flux transfrontières d'information face à la puissance des pays industrialisés.
Dans la société post-industrielle, l'information va devenir une matière première de base de l'activité économique. Le développement technologique laisse prévoir le développement des réseaux de télécommunication (qui transforme l'information en signal) et le dépérissement progressif des services postaux traditionnels, surtout dans le domaine industriel et commercial. L'enjeu des télécommunications est triple : culturel, industriel et économique. Il s'agit donc que les règlementations relèvent elles aussi ces nouveaux défis.
Un premier point concerne le secret des correspondances privées. Si le principe de confidentialité est respecté par les législations nationales et les accords internationaux dans le cadre du courrier, il n'est guère affirmé pour les systèmes de télécommunication. Le courrier postal bénéficie de garanties en cas de vol ou de perte. Dans les services de télécommunication, non seulement le régime du secret des correspondances n'est pas applicable, mais l'usager ne bénéficie d'aucune garantie en cas de défaut d'acheminement de son message.
Un second point concerne l'information publique. Les supports traditionnels de l'information générale sont protégés par des textes réglementaires et des systèmes d'aide qui risquent de disparaître avec le changernent de support, le passage du matériel (papier) à l'immatériel (« journal électronique » sur réseau TELETEL par exemple).
Le marché de l'information publique se développe parallèlement à la diversification des supports et le déséquilibre des échanges entre pays industrialisés et pays en développement s'accentue au détriment de ces derniers tant sur le marché des programmes que sur celui des banques de données. Enfin, l'aspect culturel ne doit pas être négligé. En effet, les media électroniques peuvent conduire, non seulement à un abâtardissement de l'expression écrite et orale, mais, plus grave, renforcent les risques d' « imprégnation culturelle », autre aspect de l'appauvrissement du Tiers-Monde.
Il s'agit donc au niveau international de préserver les intérêts de tous les partenaires sur le marché des télécommunications. Or les formes multinationales ont pesé très lourd sur la constitution d'un réseau de télécommunication structuré à leur convenance pour leur permettre d'améliorer la circulation de l'information à l'intérieur de leur système et donc leurs performances économiques. La libre circulation de l'information par-delà les frontières nationales a donc renforcé la position des groupes industriels les plus puissants, multinationaux, et essentiellement d'origine américaine. Ce sont d'ailleurs des compagnies américaines qui dominent le marché des lignes transatlantiques. Pour faire face à cette situation, l'Europe devrait mener une action à deux niveaux : harmonisation tarifaire et accroissement de sa participation à l'exploitation des réseaux transocéaniques.
Enfin, les satellites vont entraîner un accroissement de la capacité de circulation de l'information puisqu'ils vont venir s'ajouter aux systèmes câblés et aux relais hertziens de faible portée. Ceci va modifier certaines règles en contribuant à rendre caduques des protections de territoires nationaux face aux informations « venues d'ailleurs ». Au niveau du consommateur d'information, les matériels de réception vont également se transformer et s'informatiser de plus en plus selon des modèles télématiques type terminal TELETEL. Il y a donc là aussi un nouveau marché pour de nouveaux matériels liés aux industries informatiques. Ces produits viendraient prendre la place ou s'ajouter aux matériels vidéo déjà présents dans les foyers. Mais là aussi des problèmes de réglementation vont surgir : comment favoriser les productions nationales dans un système économique de libre échange ? Comment éviter la constitution de monopoles multinationaux de ces productions (depuis l'information de base jusqu'au matériel de réception en passant par le support de transmission)... Et surtout comment protéger les individus face à l'utilisation qui pourrait être faite de données les concernant ?
Cet ouvrage fait donc apparaître l'ensemble des problèmes que pose le développement actuel du marché de l'information et de la communication et leur complexité, essentiellement leur très forte implication transnationale. Des annexes, un lexique et une abondante bibliographie d'ouvrages et de textes réglementaires complètent ce passionnant ouvrage.