Analysis of marine ecosystems
Au vu de cette référence, ma première réaction a été quelque chose comme : « Encore un livre d'écologie marine ! On en publie beaucoup et ils coûtent trop cher. » Cependant, après l'épluchage de rigueur, il convient d'ajouter que ce livre-ci n'est pas comme les autres. Avant de dire pourquoi, examinons son contenu : 24 chapitres signés, au total, de 31 auteurs notoires ou illustres, et répartis en trois parties, comme suit :
- Fonctionnement des écosystèmes marins les plus caractéristiques : zones anticycloniques des basses latitudes ; résurgences (upwellings) côtières ; résurgences équatoriales ; mers polaires ; récifs coralliens ; plateau continental ; fronts et zones tourbillonnaires ; couches profondes.
- Problèmes de pointe communs, en principe, à tous les milieux : valeur trophique des substances dissoutes ; rôle des micro-hétérotrophes ; production primaire ; mécanismes et comportements alimentaires vis-à-vis des particules ; rôle des mammifères marins ; distributions spatiales du phyto- et du zooplancton, et leur interaction ; variabilité temporelle aux diverses échelles ; rôle des macrophytes ; lipides et divers hydrates de carbone ; concentration de certains éléments chimiques au fil de la chaîne alimentaire.
- Approches actuelles de l'écologie expérimentale : théorie des relations entre proies et prédateurs ; réalisation d'écosystèmes semi-naturels in situ (benthos, plancton) ; principes de la modélisation ; pratique des modèles de simulation (en 2 chap.).
On le voit, il y a une charpente, et elle est magnifique. Ces trois parties, en effet, correspondent à trois niveaux épistémologiques : 1) comment fonctionnent les écosystèmes ? 2) quels problèmes s'y posent ? 3) comment peut-on contrôler ces écosystèmes et prévoir leur évolution ? Voilà donc enfin balisées les voies qui mènent de l'écologie marine descriptive à l'écologie marine appliquée ; oui, l'écologie marine peut donc « servir à quelque chose »... Par ailleurs, en y regardant de plus près, on voit aussi que deux ou trois chapitres sont moins bien lestés que les autres, et que certains milieux et certains problèmes sont négligés. Là-dessus, l'éditeur fait amende honorable dans sa préface ; il confesse notamment une prédilection pour le domaine pélagique (et la justifie par l'assertion que le benthos est moins bien connu, ce qui constitue un argument doublement critiquable). Mais peu importe, car ceci était inévitable et n'altère pas la cohésion de l'ensemble.
Car ce livre est le contraire d'un fourre-tout, à la différence de ce qui résulte généralement de la coopération d'un grand nombre de spécialistes, même éminents. On imagine que l'éditeur, dans le cas présent, s'est voulu implacable et s'est peut-être rendu odieux, mais le résultat est là. Presque tous les chapitres sont véritablement excellents, commençant par une introduction limpide et s'achevant sur une conclusion ou des perspectives constructives. L'illustration est exemplaire (originale ou non, on n'y retrouve aucun des diagrammes éculés de la première moitié du siècle). Et dans cette publication du printemps 1981, les références de 1979 et 1980 ne sont pas rares.
Pour qui, ce livre ? Toute bibliothèque relevant de l'un des mots-clés suivants : biologie marine, écologie, hydrobiologie, océanographie, pêches. C'est un achat prioritaire dans la mesure où - que l'on pardonne l'emphase - ceci n'est pas seulement un « ouvrage de référence », mais un événement, et aussi un exemple.