Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen âge
trois essais de codicologie quantitative...
Carla Bozzolo
Ezio Ornato
Cet ouvrage, dédié à Charles Samaran, présente une approche quantitative de trois aspects du livre manuscrit au Moyen âge : production, constitution des cahiers, dimension des feuillets. L'enquête est établie (pour les essais I et III) à partir de 6 200 manuscrits recensés dans le Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, t. I-VI, le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, série in-8°, t. I-XLVIII, le Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, t. I-III, VI.
Le premier essai étudie la production du livre manuscrit en France du Nord. Après avoir déterminé le prix moyen d'un manuscrit d'occasion aux XIVe et XVe siècles (4 livres parisis, soit six jours et demi d'émoluments d'un secrétaire de Chancellerie en fin de carrière) et le coût moyen de fabrication d'un manuscrit neuf (7 à 8 livres parisis, soit onze jours et demi d'émoluments du même secrétaire de Chancellerie), les auteurs estiment - à partir des manuscrits actuellement conservés dans les bibliothèques -les fluctuations de la production du livre manuscrit du IXe au XVe siècle : l'augmentation de la production, à peu près continue jusqu'au XIIIe siècle, subit une baisse sensible (environ 25 %) au XIVe siècle et au début du XVe siècle ; elle reprend de manière très nette vers 1450 et atteint son maximum dans le troisième quart du XVe siècle.
Le deuxième essai envisage la constitution des cahiers dans les manuscrits en papier d'origine française et le problème de l'imposition. L'enquête a porté sur 74 manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris. Les auteurs abordent le problème de l'imposition, évoqué dès 1928 par Charles Samaran dans le Bulletin de la Société des antiquaires de France, repris récemment par Léon Gilissen dans les Prolégomènes à la codicologie (1977). Définissant comme « imposé, tout manuscrit où la transcription du texte a précédé le découpage des diplômes » (p. 156), ils estiment que la présence d'une signature dans un diplôme sur deux à l'intérieur d'un cahier constitue un critère de reconnaissance du procédé de l'imposition. Les manuscrits imposés seraient beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense (10 % de l'échantillon étudié) ; le manuscrit Bruxelles, B.R. 11809, daté de 1439, en serait le plus ancien exemple actuellement connu.
Le troisième essai examine les dimensions des feuillets dans les manuscrits français du Moyen âge. Les auteurs mettent en évidence une standardisation progressive de la taille des manuscrits autour de certaines valeurs et une uniformisation de la proportion (longueur / hauteur) des feuillets.