Le livre et son miroir

la publicité du livre

Françoise Salamand

Faire de la publicité pour promouvoir un livre, voilà une opération de plus en plus vitale pour les éditeurs. Qu'elle se présente sous forme d'incitation à l'achat sur les lieux de vente, de prospection par courtage ou mailings, de discours critiques sur l'ouvrage lui-même, ou de purs placards publicitaires, elle est indissociable de la fonction éditoriale. On en trouve sur les murs des villes sous forme d'affiches aguichantes et sur les ondes, notamment sur RMC. Un problème d'ordre réglementaire la bannit de l'écran de télévision mais elle envahit la presse. Les journaux, vivant essentiellement de la publicité, ont intérêt à faire passer les placards élaborés soit par les éditeurs eux-mêmes, quand un service publicité est attaché à leur maison, soit par des agences spécialisées. « Le Monde » et surtout « Le Monde des Livres » tient une place de choix dans ce marché. Les budgets mis en œuvre pour la publication des annonces sont importants : en 1978, le prix du millimètre oscillait entre 8,50 et 15,00 F. L'annonce elle-même fonctionne comme une machine destinée à retenir l'attention du lecteur. On étudie avec profit les moyens techniques et psychologiques mis en œuvre : rôle de l'illustration, arrangement des caractères typographiques, position dans la page, références à la mythologie collective, valorisation outrancière du produit, appel au désir de possession. Privilégiant un titre, l'encart utilise toute une rhétorique textuelle et visuelle, grâce aux connotations affectives ou intellectuelles dont s'entoure l'ouvrage. Certaines maisons, à la production peu diversifiée, concentrent leur effort sur le maintien de leur image de marque

Doing adversiting campaigns for their books is now a vital necessity for publishers. Some of them are held in bookstalls in order to incite people to a purchase. Other publishers prefer to deliver cards that the prospects have to send back to get more information. Intellectual criticisms on radio and TV can also be considered as advertising. Most of ail, placards in newspapers are very efficient. Now, one can meet posters promoting books on the walls in cities, and hear some spots on radio, especially on Monte-Carlo radio. However, because of statutory matter, no ads for books can be seen on French TV. But, a lot of them come out in newspapers mostly because papers need such investments. Newspapers publish many placards for books, designed either by the publishing house itself, when it shelters marketing department, or by a specialized advertising agency. In this area, «Le Monde and especially «Le Monde des Livres » is the most important papers. But one must tell that this kind of campaign is to be expensive : in 1978, one millimeter for ads cost between 8,50 and 15,00 French francs. The ad itself functions as a machinery designed for catching the eye of the reader and the technical and psychological devices chosen for this purpose could be usefully looked into : picture and text, type setting, page setting, references to everybody's mythology, excessive prize of the item, appeal to people's strong desire of possessing. When dealing with a specific title, the ad gets a textual and visual rhetoric, thanks to the emotional and intellectual connotations surrounding the book. Some publishing houses, whose production is too miscellaneous, support first of all their reputation and their trade mark

Durant l'année scolaire 1979-1980, Françoise Salamand a rédigé sous notre direction un mémoire de fin d'année à l'École nationale supérieure de bibliothécaires sur « Le Livre et son miroir, essai sur la publicité du livre ». Il s'agit d'un travail très documenté et relativement important (79 p. dactylographiées) qu'il n'était pas possible de reprendre en entier dans le Bulletin des bibliothèques de France. Des développements importants y sont consacrés aux campagnes de publicité des éditeurs d'encyclopédies et de dictionnaires. Il nous a paru intéressant de demander à Mlle Salamand de présenter les conclusions d'ensemble de son étude qui éclairent d'un jour souvent mal connu la politique actuelle des éditeurs français en matière de publicité et qui permettent de s'interroger sur ses évolutions prévisibles.

Jacques Breton, Conservateur à l'École nationale supérieure de bibliothécaires

Parler de publicité à propos de livres et de vente de livres, n'est-ce pas s'attaquer à un tabou culturel ? Pourtant, ces dernières années ont vu se multiplier, surtout dans les publications professionnelles, les études sur les rapports du livre et de la publicité. N'a-t-on pas trop longtemps cherché à oublier que « publicité » et « publier » avaient une origine étymologique commune, une signification partagée : faire connaître au public, accroître l'audience d'un événement.

Les formes de la publicité du livre

La publicité du livre est multiforme. Quelquefois, c'est le livre qui sert de support au message destiné à promouvoir un autre produit 1. Ainsi la « Série Noire » fait-elle paraître des annonces pour telle eau de toilette. Citons également l'exemple, original au niveau éditorial, de « Poésie 1 ». Cette collection n'hésite pas à encarter des annonces pour Vittel ou le Crédit Lyonnais, à seule fin de faire baisser les prix de revient (et en conséquence les prix de vente) de chaque numéro. Le temps n'est plus où éditeurs et bibliothécaires se détournaient pudiquement de la publicité, concept associé à cette idée de vénalité dont le livre devait être protégé.

Il est bon d'analyser l'image du livre véhiculée par la publicité car elle doit rester présente à l'esprit du bibliothécaire ; elle peut l'aider à comprendre la conception du livre chez tel lecteur, le pourquoi de ses choix. Elle peut aussi, positivement ou négativement, l'influencer dans sa politique d'acquisition. Car, qu'il en soit conscient ou non, le bibliothécaire, grand consommateur de livres, ne peut rester imperméable au stimulus provoqué par telle annonce ou telle critique.

Les rapports entre éditeurs et publicistes, entre la Rage de lire de G. Suffert et la Rage de convaincre de M. Bleustein-Blanchet sont teintés de cette ambiguïté. Leur collaboration souvent difficile est un « mariage de raison », où il manque l'enthousiasme des créatifs et règne la gêne de ceux qui voudraient, en vain, pouvoir se passer l'un de l'autre. Cependant, le processus évolue puisque, en cinq ans, les investissements publicitaires de l'édition française ont été multipliés par 2,5.

Sur quelles opérations portent ces investissements ? Selon le type d'ouvrages, sur la publicité sur le lieu de vente (PLV), le démarchage ou publicité à domicile, la publicité rédactionnelle, ou la publicité « muette », placards et affiches.

La publicité sur les lieux de vente est en continuelle mutation ; les points de vente du livre sont de plus en plus diversifiés, allant de la librairie traditionnelle au kiosque de gare, en passant par le supermarché où le livre, perdu au milieu d'un amoncellement de produits de toutes sortes, doit faire un effort particulier pour se faire remarquer. De plus en plus d'éditeurs jouent sur la jaquette ou la couverture en lui donnant quelque chose d'aguichant, d'accrocheur. Comme la publicité, la couverture illustrée est le résultat d'une prise de conscience : l'éditeur se perçoit également comme un chef d'entreprise. Témoin, cette déclaration d'un collaborateur de R. Laffont : « Avec une couverture illustrée, nous tentons une opération de séduction. Il s'agit de vendre plus et mieux. » En 1978, des éditeurs proposaient aux libraires des présentoirs pour les collections érotiques « Cherry O » et « Eroscope » avec ce commentaire éloquent : « Les exposer, c'est les vendre. » Un bref entretien avec la maison Bordas nous a appris qu'elle avait choisi de privilégier la PLV sur les annonces. Bordas a un département publicité qui soigne spécialement les présentoirs destinés aux libraires : pour les livres scolaires, c'est un présentoir original de la forme d'un gros crayon. Catalogues, magazines littéraires émanant des éditeurs, concours de vitrine sont d'autres formes de la PLV.

La publicité directe, par correspondance grâce aux mailings, prospectus et cartes. T, ou par courtage, constitue l'essentiel de la politique publicitaire de certaines maisons. La publicité par correspondance s'applique surtout à certains types de livres, livres uniques et chers, encyclopédies ou clubs de livres. Ce n'est pas tant un livre qu'ils prétendent vendre qu'un service. Ces formes de publicité sont le plus souvent interprofessionnelles, fruit d'une collaboration entre le producteur, l'éditeur et le distributeur.

La publicité rédactionnelle a le rôle ambigu d'une publicité qui n'ose pas dire son nom. Elle en remplit les deux fonctions essentielles : faire connaître le produit et donc le faire vendre. Les comptes rendus paraissant dans la presse ou les émissions littéraires de la télévision et de la radio se présentent davantage comme un discours sur le livre. Cependant, on ne peut nier leur influence sur la courbe des ventes. Le critique lit l'ouvrage, s'en imprègne, afin de le restituer à autrui. La connaissance intime du contenu est la condition essentielle pour faire acquérir au livre une plus large audience. Ce qui est impossible pour un annonceur qui fait paraître un placard publicitaire et dispose d'une place réduite pour promouvoir son ouvrage. Lui doit d'abord jouer sur l'aspect extérieur du livre. La publicité rédactionnelle est le complément nécessaire de la publicité commerciale car elle dit ce que cette dernière ne saurait dire. Elle fait connaître l'esprit du livre, joue le rôle de notice critique par rapport à l'annonce payante qui est plutôt signalétique. Citons également la publicité « semi-rédactionnelle », ces textes, qui apparemment critiques, ne sont que l'émanation directe de l'éditeur ; parfois isolés ils peuvent être signalés comme « publicité » (voir la mention entre parenthèses en haut d'un texte qui a tous les aspects d'une critique littéraire, dans « Le Monde »). Ils peuvent être aussi ces textes d' « accrochage » - terme de publicité qui dit bien ce qu'il veut dire -, accompagnant une photo de l'auteur ou celle de la couverture. C'est, en fait, un avatar du discours sur le livre. Une des publicités semi-rédactionnelles les plus remarquables du point de vue imaginatif et créatif est certainement celle qui a fait sensation dès sa parution dans « Le Monde ». Elle évoquait un livre d'un général anglais, Hackett 2 La Troisième guerre mondiale. Ce n'était que du texte, mais un texte particulièrement pensé pour retenir l'attention de quiconque y jetterait les yeux : sur une pleine page, à fond perdu, on présentait le sujet du livre sous forme de « Une du « Monde », avec le titre du journal, sa mise en page, etc. en 1985. Cette fausse première page qui ressemblait en tous points à la vraie était insérée au milieu du quotidien. Elle tirait en gros caractères « La Troisième guerre mondiale a commencé » et se composait des articles habituels à la « Une ». La grande originalité était d'utiliser la politique-fiction et la notoriété du journal à des fins publicitaires. L'effet en était saisissant.

La publicité commerciale a pour but de signaler un livre mais aussi de le faire vendre. Elle peut utiliser des extraits de critiques, mais elle choisit, bien entendu, les critiques valorisantes au vocabulaire « sensationnel », très creux au niveau sémantique. Ce qui fausse le jeu. Ce n'est plus une approche intellectuelle comme le discours sur le livre mais une approche commerciale. D'où l'hostilité que cela soulève. C'est pourtant une des formes de publicité les plus intéressantes à étudier, car elle renouvelle l'image de marque du livre. Elle tente de faire coexister un message textuel et un message visuel et iconographique. Elle joue sur tous les éléments de notre inconscient collectif pour promouvoir l'idée du « livre à acheter absolument ». Elle se présente le plus souvent sous forme de placards ou pavés publicitaires, ou bien d'encarts.

Les supports publicitaires

Cette publicité utilise moins souvent l'affiche ; encore que Grasset, en 1921, avait lancé Radiguet par un affichage qui couvrait les murs de Paris. Dernièrement aussi, on a vu fleurir dans les couloirs du métro parisien des campagnes pour les livres de Jacques Ségala ou Anne-Marie Raimond ainsi que pour les livres pratiques de chez Bordas. Bordas a choisi des affiches aux couleurs chatoyantes où le vert domine. Or, le vert, selon le système de couleurs d'Abraham Moles 3, représente l'apaisement, le repos, la fraîcheur. Dans un lieu aussi gris que le métro, où les gens fatigués se pressent en foule, une affiche verte aura toutes les chances d'attirer l'œil, comme une oasis bienfaisante. Les publicistes, d'ailleurs, ont besoin de connaître tous les rouages psychologiques de leurs clients potentiels pour savoir à quel stimulus ils répondent le mieux.

Mini-affiches, ces macarons aux couleurs de « J'ai Lu », du « Livre de Poche » et de la « Série Noire » que l'on voit apparaître dans les lieux publics ou collés aux vitres des trains ou des autobus.

Les encarts publicitaires sont aussi des dérivés de l'affiche. De petites dimensions, ils s'insèrent facilement, et avec profit, dans le journal quotidien ou hebdomadaire que le lecteur garde plus ou moins longtemps sous les yeux.

En fait, l'affiche, malgré un regain d'intérêt récent de la part des éditeurs, est relativement boudée. On préfère d'autres supports : les mass media.

La radio, tout d'abord ; elle se fait support d'une publicité rédactionnelle avec les rubriques de journaux radiodiffusés, les lectures d'extraits de nouveaux ouvrages, et enfin les magazines culturels et littéraires comme « Le Masque et la Plume ». Ce sont surtout les radios périphériques qui diffusent, en ce domaine, des annonces à caractère commercial. Pourtant, elles ne sont pas moins chères que les radios nationales. A titre indicatif, on peut renvoyer à un article paru dans la Bibliographie de la France, en 1978, article préparant le colloque de la Fédération française des syndicats de libraires (FFSL) sur la publicité du livre et donnant quelques indications sur les prix. Les tarifs publicitaires diffèrent évidemment selon les heures d'écoute. Mais les tarifs les plus élevés correspondent aux radios les plus écoutées comme RTL et Europe 1. Or, les investissements des éditeurs se répartissent à peu près également entre Europe 1 et RTL. En troisième position vient RMC. Les deux premières stations citées ne répugnent pas à la liaison livre-publicité, puisqu'elles subventionnent respectivement Comodo et Quid. La campagne de lancement d' « Harlequin » et celle de « J'ai Lu », en 1979, ont été centrées exclusivement, et avec profit, sur ce seul medium, et en utilisant ces trois stations. Cependant, deux obstacles freinent le développement de la publicité du livre à la radio : d'abord les tarifs élevés, car la durée du message étant très brève, il faut multiplier les passages, donc les dépenses. Ensuite, la cible n'est pas vraiment circonscrite, d'où la primauté des annonces pour les collections et les best-sellers.

Pour la télévision, le problème est d'ordre réglementaire. Depuis 1968, la publicité de marque y a été autorisée. Une liste, périodiquement révisée, spécifie les catégories de produits pouvant bénéficier de cette autorisation. Le livre n'y est pas inscrit. Cela, grâce à une convention entre la télévision et les directeurs de journaux pour qui la publicité est vitale. Tel n'est pas le cas aux États-Unis où un ouvrage comme O Jerusalem ! a bénéficié d'une campagne télévisée qui fut, selon ses organisateurs, « chère mais efficace ». Malgré le prix considérable d'un spot publicitaire, il est regrettable que les éditeurs français n'aient pas cette possibilité. La télévision peut expliquer en même temps que montrer. Mais ce n'est que par des adaptations filmées de romans - rôle que partage le cinéma - et des émissions littéraires comme celles de Bernard Pivot, que la télévision permet une meilleure connaissance du livre.

En fait, le support utilisé pour la publicité du livre est essentiellement la presse. Première raison : la presse s'auto-finance en grande partie par la publicité et, comme ceux qui lisent les journaux, s'avèrent être les mêmes que ceux qui lisent les livres, la cible est définie d'avance, sans trop de risque. Les journaux spécialisés peuvent donner la priorité aux ouvrages touchant leur domaine, en étant sûrs que les annonces seront considérées avec intérêt. Le journal « Le Monde » a une situation particulière car il nous a été cité par tous les éditeurs que nous avons pu rencontrer. Un sondage du « Journal des Librairies » en mai 1980 a étudié la présence des publicités d'éditeurs dans la première page du « Monde ». Le Seuil est celui qui investit le plus dans ce quotidien puisqu'il a occupé 62 fois la « Une », en 1979, année où le « Monde » a paru 311 fois. La fréquence des pavés du Seuil est une évidence pour tout lecteur régulier de ce quotidien. En deuxième position vient Cartier avec 24 annonces 4, puis deux éditeurs, Laffont et Julliard. Mais ces deux maisons n'ont fait paraître que 24 annonces sur la « Une ». On voit donc, à titre d'exemple, l'importance de l'effort publicitaire consenti par le Seuil, surtout compte tenu de sa taille. Il arrive, d'ailleurs, en septième position dans le classement des plus gros investisseurs, établi par la Secodip. Si on considère en moyenne qu'un pavé de « Une » du « Monde fait 200 mm, le pavé vaut donc au prix fort 13 200 F (66 F le mm). Le Seuil aurait donc dépensé 818 000 F, pour ses « Une ». Pour donner un ordre de grandeur, Flammarion et Gallimard n'ont fait passer que 9 pavés, Calmann-Lévy et Stock 7, Seghers 1. On peut alors imaginer les budgets mis en œuvre pour faire paraître des pleines pages. Ce qu'ont fait Ramsay, Universalis, Des Femmes, etc.

Les tarifs ne sont pas uniformes. Une annonce en première page du « Monde » coûte presque trois fois plus que la même annonce dans le « Monde des Livres », ce qui explique la concentration des annonces dans cette rubrique hebdomadaire.

Des chiffres de 1978 nous permettent de faire des comparaisons entre les périodiques. Voici quelques exemples (voir tableau).

Le « Monde » fait partie de toutes les campagnes publicitaires d'envergure faites par des éditeurs. Pour les encyclopédies et dictionnaires (Universalis investit la plupart de son budget publicitaire dans ce journal), le « Monde » est essentiel car ses lecteurs recoupent exactement la cible visée : intellectuels et curieux. En tout état de cause, c'est le premier support pour la publicité du livre par le volume de ses annonces. Mises à part, bien entendu, les revues destinées aux spécialistes, libraires et bibliothécaires. Les grands journaux nationaux reçoivent tous, à divers degrés, des annonces émanant d'éditeurs. Le problème est plus complexe pour la presse régionale qui a des tarifs aussi élevés que certains quotidiens nationaux tout en bénéficiant d'une audience moins large. Les éditeurs voient mal l'intérêt qu'ils auraient à investir dans de tels supports. Néanmoins, la presse permet une exposition plus fréquente au message car le périodique est feuilleté plusieurs fois. De plus, grâce au système des annonces couplées, l'éditeur peut, en bénéficiant d'un tarif forfaitaire, multiplier son audience en passant des pavés dans deux ou trois journaux touchant des publics différents : par exemple, un quotidien d'information générale, un hebdomadaire de mode ou de vulgarisation scientifique. Avec la presse, la cible est facilement définie. On peut connaître à quelles catégories socio-professionnelles appartiennent les lecteurs de tel journal et donc quelles sont leurs habitudes en matière de consommation. Une collection de romans « roses » comme « Harlequin » s'orientera davantage vers les journaux féminins. Un éditeur d'ouvrages hautement spécialisés vers les revues destinées aux scientifiques. La littérature générale sera annoncée avec plus de profit dans les périodiques à grande diffusion.

L'annonce dans la presse est en pleine évolution. Longtemps figée dans les modèles austères d'une publicité qui répugne à s'avouer comme telle, elle progresse dans le sens d'une plus grande créativité. Elle cherche à utiliser les ressources qui lui sont propres : photo ou illustration, photo-montage, jeux entre les corps typographiques, jongleries avec le vocabulaire, alternance noir et couleur. Cependant, pour innover véritablement, l'éditeur doit faire appel à une agence spécialisée, débloquer des crédits pour qu'une recherche approfondie soit entreprise. Cela revient cher. Il est moins onéreux de se contenter de reprendre les schémas traditionnels. Pour la même raison, on préfère une page de publicité normalisée qu'une annonce qui serait modifiée en fonction du support et qui augmenterait les coûts de fabrication.

Le schéma général d'une annonce

Comment fonctionne une annonce destinée à promouvoir un livre ? Elle partage avec l'annonce concernant d'autres produits certaines nécessités. L'argumentation doit être visuelle parce qu'elle ne peut être discursive. Le message est donné dans sa globalité mais le publicitaire doit penser à décomposer la démarche sensorielle du lecteur. D'abord, il faut à tout prix retenir l'attention par un détail frappant. Après avoir accroché l'œil, l'annonce doit le retenir pour que le lecteur ait le temps de percevoir le message, de l'intérioriser afin d'y repenser à loisir. Elle doit donc mettre en œuvre une argumentation intellectuelle pour convaincre de la valeur du livre. Plusieurs techniques sont possibles : citations de critiques connus, liaison avec l'actualité, importance du sujet traité, nouveauté de l'ouvrage. Enfin, elle « conseille » comme le courtier qui conclut son argumentation de vente, tenant pour acquis le fait qu'il a emporté l'adhésion. L'annonce donne des précisions rapides sur les moyens pratiques de s'approprier le produit, devenu, si l'annonce a bien fonctionné, objet de désir : nom de l'éditeur, parfois nom d'une librairjie, ou adresse. Avant la loi Monory, elle pouvait utiliser le prix comme argument décisif. Exemple, ce slogan de France-Loisirs, trouvé dans le numéro de « Science et Vie » de janvier 1973 :

« Si les livres étaient moins chers, vous liriez certainement plus », qui constitue un excellent accrochage car il fait partie d'une sagesse populaire que personne ne songerait à contester, une sorte de lapalissade. La photo des livres vendus par le « club » montre le produit vanté. Le deuxième slogan, celui qui est destiné à se fixer dans l'esprit des « prospects », constitue l'argument intellectuel ou du moins logique et non plus émotif : « Chez France-Loisirs, tous les livres coûtent 20 à 30 % moins chers. »

La dernière étape, celle du « conseil », prélude à l'engagement d'achat, est présente dans les annonces promouvant les livres de prix, les livres de clubs ou les dictionnaires et encyclopédies sous forme de demandes de documentation ou d'examen gratuit, de formulaire d'adhésion, de cartes T et de coupons-réponses. Le lecteur a la possibilité de s'engager à l'achat alors qu'il est sous le choc provoqué par le message publicitaire.

On a donc, pour une annonce efficace, toujours ce même schéma à trois niveaux qui doivent, comme dans l'affiche, être perçus immédiatement et simultanément : accrochage pour attirer l'œil ; premier argument pour piquer la curiosité ; deuxième argument qui s'adresse à la logique pour emporter l'adhésion.

L'annonce peut être solitaire ou solidaire. Il arrive que des annonces paraissent une par une, ou à des périodes si éloignées que le lecteur a oublié la précédente publicité. Le cas est pourtant rare, sauf pour des collections, où le pavé a une fonction de rappel et non d'information pure. L'annonce solitaire n'est pas rentable du point de vue financier ni même dans son impact. Si dans le « Monde », il y a des annonces isolées pour « Le Livre de Poche » ou les «Éditions des Femmes» - 1 pavé à la « Une » seulement pour 1979 -, c'est que le nom de la collection ne saurait en pâtir ; il est assez connu pour ne pas être oublié facilement. Le plus souvent, les annonces sont regroupées sur une certaine période, afin de créer un aspect répétitif et de s'imposer d'une manière inéluctable à l'esprit du prospect. Ce prospect qui, dans le vocabulaire de la publicité, désigne le client potentiel, la cible visée. Néanmoins, les publicistes, ainsi qu'en témoignent les recherches de l'Institut de recherches et d'études publicitaires (IREP), ont repéré un seuil de saturation. La fréquence des messages accroît leur impact qui, à un moment donné, se stabilise avant de décroître : le cerveau s'est habitué et ne réagit plus à un stimulus trop souvent répété. Aussi les campagnes sont-elles de préférence courtes et intensives. Leur style varie en fonction de l'éditeur, qui les commandite, et de l'ouvrage mis en relief. Certaines campagnes se font au coup par coup, à mesure de la parution de livres promis à un brillant avenir, ou liés à des thèmes d'actualité : c'est ainsi qu'en 1980, on a vu dans « Le Monde » une campagne autour de Karol Wojtila, auteur. Les collections, elles, aiment à se rappeler au bon souvenir des lecteurs quand elles comptent parmi leurs nouveaux titres des publications particulièrement intéressantes. D'autres éditeurs, comme par exemple, l' « Encyclopaedia Universalis » ont des produits uniques, en tous cas peu sujets à variation. Ils organisent systématiquement des campagnes d'environ un mois, répétées plusieurs fois au cours de l'année, au moment des plus fortes ventes, lors de la rentrée des classes, au début des vacances et pour la période des étrennes.

La publicité tend à faire vendre un produit individualisé mais en même temps à construire un élément essentiel à sa réussite présente et future : l'image de marque du produit, et, par extension, dans le cas du livre, l'image de marque de l'éditeur comme garant de la valeur de l'ouvrage. En publicité, si l'annonce est le signifiant, l'image de marque peut être comparée au référent. C'est une notion globale qui comprend l'ensemble de ce qu'une marque représente pour un individu donné : caractéristiques physiques, avantages rationnels, connotations affectives ; l'image de marque est une donnée psychologique qualitative et différente selon chaque individu. Elle se distingue par là de la notoriété qui est un fait quantifiable. Les éditeurs peuvent l'orienter en privilégiant tel ou tel aspect de leur produit.

Ils s'appuient par exemple sur l'idée du livre :
- à la portée de tous : « Des livres au prix d'un magazine » (« J'ai Lu ») ;
- qui a fait ses preuves : « Le Livre de Poche, le Vrai ». « Le Livre de Poche, la plus ancienne collection des éditions de poche. » ;
- d'une haute tenue intellectuelle « Les PUF questionnent le monde ».

On pourrait multiplier les exemples. Pour lutter contre la concurrence, chaque maison cherche à se différencier par son image de marque. Les éditeurs sont conscients aussi de l'importance du sigle qui fonctionne comme un signe conventionnel de jeu de piste : il avertit d'une présence. Les responsables du service de fabrication du « Livre de Poche » nous ont dit que la campagne pour les vingt-cinq ans de la maison avait été centrée autour du fameux macaron. Ce rectangle aux bords arrondis apparaît, avec diverses variantes, sur tout ouvrage de la collection. Sauramps, libraire à Montpellier, signale l'emplacement du « Livre de Poche » par un macaron géant visible de l'entrée du magasin, comme un panneau de signalisation. Le sigle maintient la marque de la maison sur tous les livres qu'elle édite. La publicité faite pour l'un d'eux sert ou peut servir aux autres. Le pissenlit de Larousse, très figuratif au début, dans le style « Mucha » de la Belle Époque, a voulu se styliser pour correspondre au goût d'aujourd'hui. Il ne fallait pourtant pas qu'il s'éloigne trop de l'emblème d'origine.

Des enquêtes faites dans les années 70 ont établi que 95 % des Français connaissent le nom de Larousse. L'image de marque est un signe de reconnaissance : un lecteur peut être attiré par l'aspect extérieur d'un ouvrage qu'il connaît de réputation, avant d'en avoir appréhendé le contenu. L' « Universalis » blanche est ainsi aisément reconnaissable dans toute bibliothèque. L'image de marque est faite de connotations immédiates. Elle est à ce point importante que la plupart des budgets de publicité des éditeurs se compose d'un pourcentage non négligeable destiné à promouvoir l'image de marque à côté des investissements faits pour la publicité de titres particuliers 5.

Certains éditeurs ne font que de la publicité pour leur image de marque. C'est le cas de ceux qui n'éditent que des collections. Pour eux, comme par exemple, la Librairie générale française, il est plus rentable de miser sur l'image globale de la collection que sur des titres qui ne sont souvent que des rééditions. Il en est de même pour les éditeurs d'encyclopédies qui n'ont qu'un seul produit à vendre. Pour donner un ordre de grandeur, « J'ai Lu », en faisant une publicité de marque à la radio, a dépensé 4 843 000 F en 1979, Hachette 1 239 000 F, pour le « Livre de Poche ». Il est vrai que l'effort consenti par « J'ai Lu » cette année-là était assez exceptionnel.

En revanche, pour des maisons à la production très diversifiée comme Bordas, il est presque impossible de faire de la publicité de marque. Son budget est alors divisé en trois tranches affectées à des domaines particuliers : livres scolaires et universitaires, ouvrages scientifiques et techniques, littérature générale.

En fait, l'organisation de la publicité diffère profondément selon les éditeurs. Il faut d'abord souligner que rares sont ceux qui y consacrent, comme certaines firmes américaines, 10 % de leur chiffre d'affaires. On peut difficilement avoir des précisions sur les budgets affectés à la publicité. Encore une fois, on répugne, au nom de préjugés vieillis, à mêler culture et gros sous. En moyenne, le pourcentage du chiffre d'affaires consacré à ces dépenses est passé de 2 % en 1974 à 3,1 % en 1978. Mais cette moyenne ne reflète pas les grandes différences qui existent entre les maisons et même entre les campagnes. Bordas dépense 8 % de son chiffre d'affaires en publicité (dont beaucoup de PLV). Mais certaines campagnes ont coûté plus de 40 % du chiffre d'affaires prévu pour un an. Pour la majorité des éditeurs, le budget publicité se situe autour de 3 % du chiffre d'affaires. Certains investissent moins de 1 %, d'autres comme Larousse, presque 8 %.

Une des sources d'information les plus complètes, la Société d'étude de la consommation, de la distribution et de la publicité recense les messages publicitaires dans 500 titres de la presse quotidienne ainsi que ceux qui sont diffusés sur les ondes. Chaque mois, dans « Le Journal des Librairies », elle répertorie les éditeurs qui ont investi en publicité au moins 2 % des sommes dépensées depuis le début de l'année. Ils représentent ceux que Christian Caumer, le rédacteur en chef du « Journal des Librairies », appelle « le club des deux pour cent ».

En général, les maisons jeunes ou d'importance moyenne n'ont pas recours à des agences de publicité. Il peut n'y avoir qu'un seul responsable de la publicité, ou une équipe de quatre à cinq personnes (Hatier, Flammarion), voire un véritable service d'une dizaine de personnes (Larousse). Beaucoup travaillent avec des agences extérieures, d'autres, comme Dargaud, ont une agence intégrée. Ils leur délèguent plus ou moins de responsabilités et surtout les achats d'espaces.

La planification de la campagne varie selon l'éditeur mais quelques lignes communes se dégagent. Une campagne de Larousse en 1974 6 est significative à cet égard. Elle prévoyait une page couleurs d'annonces qui passerait une fois dans un mensuel et, trois fois, dans les hebdomadaires. La fréquence de passage dans les hebdomadaires est plus grande que dans les mensuels. Certains annonceurs renoncent aux quotidiens, arguant d'un mauvais rapport efficacité-prix. Ainsi l'Encyclopédie Quillet nous a dit qu'elle investissait surtout dans « Science et Vie », « Télé 7 jours ». Choisir un quotidien comporterait un risque plus grand.

La rhétorique publicitaire

Une étude des différents pavés publicitaires concernant le livre et parus dans la presse nous a permis de dégager trois grands modèles ; ils varient selon la place qu'ils accordent à l'image. Certains choisissent de représenter le livre lui-même, en photographie ou simplement à l'aide d'un dessin. La couverture, nous l'avons dit, fonctionne ainsi comme une affiche. On trouve aussi un modèle redondant : couverture + commentaire. Le commentaire n'est là que pour expliquer ce que le titre et la photographie disent déjà.

D'autres annonceurs préfèrent la photographie de l'auteur. C'est déjà s'adresser plus directement à la culture personnelle et à l'imagination. La civilisation de l'image et singulièrement la télévision ont permis au grand public de se familiariser avec le visage ou la silhouette de l'écrivain, et pour ainsi dire, de se l'approprier. Les annonceurs ont vu le parti qu'ils pouvaient tirer de cette situation. L'homme, surtout s'il est connu par d'autres activités que l'écriture, est relié au livre par la photo. Une photo d'homme public, que les media donnent à voir fréquemment, crée la redondance nécessaire à une mémorisation optimale du message. On choisit, en priorité, pour figurer dans une annonce les personnages-auteurs dont presse et télévision divulguent l'aspect physique, hommes politiques, hommes de l'événement (cf. le livre de Kissinger en 1980), comédiens, prêtres, journalistes. S'appuyer sur le nom ou le visage célèbre de celui qui publie, ne serait-ce que ses mémoires, c'est être assuré du succès. En 1980, il y eut une campagne pour le livre de souvenirs de Laureen Bacall Par moi-même. La photographie constitue là le point d'ancrage : le regard va directement à ce qui lui est familier. Ensuite apparaissent les éléments plus intellectuels de l'annonce : argumentation, présentation de l'ouvrage, résumé, titre, citation d'autorité...

Si la photographie est celle d'un auteur inconnu du grand public, la fonction du message iconographique n'est pas la même. C'est une provocation, un appel à l'imaginaire. Barthes a très bien analysé le phénomène, dans ses Mythologies, à propos du visage de l'abbé Pierre. L'image a là un rôle redondant : le visage buriné, cheveux au vent de l'aventurier, l'air grave et la cravate ajustée de l'homme politique, le front sérieux sinon austère du professeur ou du savant. Ainsi, l'image de l'auteur tire-t-elle parti des clichés, des préjugés et des mythes véhiculés par toute une civilisation.

Certaines annonces sont composées uniquement de texte, généralement pour abaisser le prix de fabrication. Leur impact est plus faible car elles ne bénéficient pas de la puissance hypnotique de l'image et se perdent dans l'ensemble textuel du journal. Cependant, même de petite taille, elles peuvent être efficaces si elles sont placées à des points stratégiques : dans le « Monde », ce genre d'annonces apparait au milieu des programmes radio-TV, qui sont lues ou regardées au moins plusieurs fois par jour.

Face à ce degré zéro du message iconographique, on trouve une utilisation plus créative de l'image. L'image connotative renvoie à un objet extérieur au livre comme produit, renvoie à son contenu encore à découvrir. La part du mystère indispensable à toute séduction demeure. Exemple, l'annonce pour La Bagnole de Jacques Teboul allie aux citations d'autorité une saisissante photo d'un cimetière de voitures. Dans celle faite pour Putain de Mort, les hélicoptères se détachent de la couverture pour envahir de leur silhouette grise et hostile tout l'espace de l'annonce.

On voit donc qu'au niveau de l'illustration, certains éléments sont privilégiés : l'auteur, le titre et plus rarement sinon dans le cas des collections, l'éditeur. Le choix de l'élément important est fonction de sa capacité de redondance au niveau du message. La photographie pour La Rue est mon Église, de Guy Gilbert en blouson de cuir, pose décontractée, signifie à elle seule « Je vais parler des loubards ». C'est un soutien sémantique du commentaire bref qui accompagne l'annonce. La photo joue comme un signe de reconnaissance : la publicité cultive tous les clichés existants. Toutes les affirmations textuelles sont outrageusement soulignées par des indications visuelles qui sont, au niveau du sens global du message, de pures tautologies.

Le texte qui accompagne l'annonce doit être efficace et direct. Il faut remarquer, par exemple, le caractère intemporel du langage publicitaire : seul le présent est utilisé dans les annonces. Il caractérise une nature, une propriété et non un phénomène soumis au changement. Ce qui est aujourd'hui le meilleur sera encore demain le meilleur. Le signifié publicitaire est conventionnellement conjoncturel mais tend à l'intemporel.

L'analyse textuelle révèle que, comme toute publicité, celle du livre utilise les procédés de la rhétorique traditionnelle. Parmi les plus employés, citons la fausse objectivité, l'hyperbole, l'appel au lecteur, la litote et la négation. Fausse objectivité, cette présentation du livre où l'éditeur semble s'effacer devant le rédacteur du résumé. En fait, le discours n'est pas un discours neutre mais une incitation subtile à la lecture. Ou bien il suscite habilement la curiosité en faisant référence à un événement que le lecteur est censé connaître sous peine de passer pour un ignare : ce jeu sur le complexe d'infériorité de tout un chacun, on le retrouve dans les argumentaires des dictionnaires et encyclopédies. Les annonces pour le livre sont également riches en adjectifs hyperboliques, vocables valorisants dont le contenu informatif est souvent pauvre parce qu'ils ont été trop galvaudés. On trouve dans la seule annonce « vantant » - le mot n'est pas trop fort - Blackbird de Tony Cartano (« Le Monde » 18 avril 1980) les expressions « roman de haut vol, « extrême richesse », « grande œuvre », « fascinante », « neuf », « fort », « ample », « son grand roman », « épique », « flamboyant », « somptueux roman ». Certaines annonces présentent un livre sous forme de question, afin de piquer la curiosité. Jeu intellectuel, cette forme d'accrochage a une allure de captatio benevolentiae. Il faut entrer dans le cercle magique et croire que seul le livre apporte une réponse à la question posée. Certains titres, d'ailleurs, usent de ce procédé rhétorique : Qu'est-ce qu'un chômeur ? de B. Brizay dans la collection Pluriel, (annonce du « Monde », 1980). La litote et la négation sont des figures qui consistent soit à mésestimer son produit pour mieux en vanter ensuite les qualités, soit à paraître se mettre du côté du lecteur pour mieux réfuter ses arguments. Dans une annonce pour les Lettres d'un curé de base à un évêque ordinaire, le commentaire répond à un jugement possible du lecteur : « Ne dites pas de ces pages : « C'est un pamphlet ». C'est un cri de vérité ». La rhétorique s'efforce de convaincre par la force de l'opposition « pamphlet-cri de vérité ». Il faut semer le doute chez celui qui lit l'annonce avec scepticisme. Parmi les procédés employés par les publicitaires du livre, on peut citer encore l'exagération, les jeux sur les mots, les paronomases, l'emploi de l'impératif. Parfois, une phrase particulièrement frappante, une phrase presque proche du non-sens. Par exemple, savez-vous que « la troisième guerre mondiale est commencée et nous sommes en train de la perdre ». Cela vous surprend ? C'est précisément l'effet recherché par les annonceurs en mettant cette citation de Nixon en tête d'un pavé destiné à promouvoir son dernier livre, publié chez Albin Michel. Enfin, soulignons le fréquent usage des citations d'autorité, citations de critiques connus, extraits de journaux, propos d'illustres personnages qui apportent leur caution à l'ouvrage présenté.

Toutes ces considérations nous permettent de mieux saisir ce que cherchent les éditeurs en faisant de la publicité. Mais cette publicité est encore engluée dans les schémas traditionnels tant au niveau de son utilisation que de sa conception graphique. Il faut noter les efforts faits par certains, Ramsay et d'autres, pour la renouveler. On se souvient de ces visages aux regards étonnés au-dessus de livres ouverts où le titre, l'auteur et le nom de Ramsay étaient bien visibles. Un « Ne me dérangez pas, je lis », écrit en caractères gras en tête de l'annonce suscitait subtilement notre sentiment de frustration et de curiosité. Le chemin est encore long avant que les éditeurs n'acceptent sans aucune honte ni réticence le fait qu'ils ont besoin de la publicité payante et avant qu'ils ne mettent en œuvre ce qui leur donnerait la possibilité d'être créatifs dans ce domaine. Les éditeurs de dictionnaires et d'encyclopédies, donc de livres coûteux, qu'on achète une fois dans sa vie, se sont appliqués, pour leur part, à mettre au point une stratégie publicitaire efficace. Le système de coupons-réponses, de mailings, de bons de documentation à renvoyer leur permet d'établir un fichier d'acheteurs potentiels. En fait, c'est chaque éditeur qui, en fonction de sa clientèle, sa production, la taille de son entreprise doit penser à s'armer et à constituer une tactique dans le combat de la concurrence. C'est ainsi pour qui veut utiliser à plein les avantages de la publicité ; il en ira maintenant nécessairement ainsi dans le domaine de l'édition puisqu'il se publie de plus en plus de livres pratiques qui deviennent interchangeables, qui se placent tous sur les mêmes créneaux, qui ont de plus en plus besoin de se vendre vite.

Illustration
Quelques exemples.

  1. (retour)↑  Cf. Le Bulletin du livre, 24 avril 1976.
  2. (retour)↑  Le Monde, 7 septembre 1979.
  3. (retour)↑  Moles (Abraham). - L'Affiche dans la société urbaine. - Paris : Dunod, 1970. - 153 p.
  4. (retour)↑  Cartier qui fait de nombreux pavés publicitaires pour ses bijoux, briquets, etc.
  5. (retour)↑  Lattès dans Le Journal des Librairies, mai 1980 : « Notre publicité se partage en deux. Nous avons un budget général d'image de marque qui représente 25 % de nos investissements ».
  6. (retour)↑  Le Bulletin du Livre, 5 octobre 1980.