Conférence internationale sur la conservation des documents de bibliothèques et d'archives et des arts graphiques

Cambridge, Grande-Bretagne, 20-26 septembre 1980

Jeanne-Marie Dureau

Environ 450 personnes venues du monde entier, avec une prédominance très forte d'Anglais, d'Américains et de Canadiens, ont participé à cette conférence. Il s'agissait essentiellement de restaurateurs auxquels s'étaient joints quelques chercheurs, archivistes, bibliothécaires et responsables de galeries d'art.

Chaque demi-journée était orientée autour d'un thème avec un président de séance, veillant à contenir les orateurs dans les limites précises d'intervention, ce qui laissait place à une réelle discussion menée par le président. Il faut également souligner la qualité des documents de travail fournis : le dossier du congrès contenait, outre les renseignements pratiques indispensables, un recueil des exposés, remarquable pour son impression, pour la qualité des photos et de la bibliographie. Les actes seront publiés courant 1981 et seront annoncés dans Paper Conservator.

Les interventions ont été de deux types : le but de cette conférence était de diffuser et de discuter les derniers résultats de la recherche sur les techniques de conservation et de restauration : le support (papier ou parchemin), les moyens d'écriture (crayon, aquarelle, encre), ou enfin la présentation extérieure, la reliure. Ce type de sujet a été traité par les chercheurs eux-mêmes spécialement anglo-saxons, du « Canadian Conservation Institute » et de la « Library of Congress », particulièrement.

Mais à côté du résultat des recherches, a été également montrée l'application de techniques récentes par des ateliers de restauration, essentiellement celui du « Trinity College » de Dublin, et celui du Centre national de restauration de Madrid.

Cette partie a été beaucoup plus illustrée, plus pratique et moins scientifique que la précédente.

Dans le même ordre d'idées, diverses institutions ont exposé leur manière de conserver, présenter, entreposer les documents, qu'elles fussent galeries d'art, bibliothèques, ou centres spécialisés.

Enfin, une demi-journée a été consacrée à la formation des restaurateurs. Un choix avait été fait pour montrer un échantillonnage variant de l'école limitée dans ses buts et temps de formation (comme celle formant les restaurateurs d'archives anglais à quelques questions précises), à l'école à visée plus générale formant en plusieurs années des restaurateurs pour tous les types d'objets, comme le « Delaware Institute » (USA).

L'Institut français de restauration des œuvres d'art (IFROA) avait envoyé trois étudiants de la section Arts graphiques suivre cette conférence de Cambridge mais n'a pas présenté ses activités. La seule communication française a donc émané de l'Institut néerlandais (Paris) qui a présenté ses dessins et gravures.

Il est difficile de rassembler en quelques lignes l'apport de cette réunion. Nous y essayant, il faut distinguer entre ce que représentent les techniques scientifiques récentes dont le bien fondé, l'innocuité, le coût, semblent admis, et les propositions nouvelles, encore en cours d'examen, et les idées et les perspectives.

Les acquisitions récentes : elles portent essentiellement sur le travail avec la pâte à papier et sur l'usage des enzymes.

La réparation des papiers endommagés par restauration à l'aide de pâte à papier (leafcasting), grâce à divers types de machines dont l'historique fut présenté, entre, avec les derniers modèles mis au point, dans la routine d'un atelier comme on peut le voir à Madrid. Bien entendu, cette pratique doit absolument s'appuyer sur des bases scientifiques très sûres (examen au microscope électronique) et sur une méthodologie, exposée par le « Canadian Conservation Institute ».

Décoller forme les trois quarts du travail des restaurateurs du papier. L'utilisation des enzymes remonte à 1977 et semble un fait acquis. On a évalué l'utilisation comparée des différents enzymes, lors de la conférence.

Les propositions : les plus importantes ont porté sur les cuirs et surtout les papiers.

Le « British Leather Manufacturers Research Institute », après une large et utile introduction sur la structure et sur la fabrication des cuirs, a présenté ses premiers résultats et projets. Il nous a semblé ressortir des discussions après la séance que, si les restaurateurs avaient intérêt à essayer de s'enquérir précisément du type de tannage subi par le cuir qu'ils veulent utiliser (ce qui est pratiquement bien difficile !), on leur conseillait de se servir d'un cuir qui a fait ses preuves, cuir qui n'est pas tanné mais traité seulement avec alun et sel. Ce procédé artisanal garantit la vie du cuir pour très longtemps s'il n'est pas mouillé.

Deux graves problèmes touchent surtout les papiers modernes : l'effritement des papiers (brittle papers) et leur hyperacidité. Pour le premier point, a été proposé un lavage à l'ammoniaque qui semble bien renforcer les fibres. Pour l'hyperacidité, elle pose un tel problème, les documents sont si nombreux que la voie est à tracer vers des traitements de masse, non nocifs, et peu coûteux. Deux procédés ont été présentés, celui gazeux de la « Library of Congress » et celui à partir de gaz liquéfié des Archives nationales canadiennes. Le procédé de la « Library of Congress » se pratique dans les chambres à gaz du « Space Programme Center » et peut traiter 5 000 livres à la fois... mais les dangers d'explosion sont si considérables que l'Administration américaine met un frein à son utilisation autrement qu'expérimentale, et la procédure doit être revue.

Les Archives du Canada ont au contraire mis au point un procédé utilisant de l' « alkoxide » de magnésium dissous dans un gaz liquéfié et qui est sans danger.

Comme on vient de le voir, cette conférence a été à 90 % technique. De l'avis unanime, il y eut peu de place pour la réflexion et l'éthique.

Enfin, il fut regretté que le mot conservation ait été compris dans un sens trop étroitement technique. Le premier sens étroit et technique requiert en effet la collaboration de savants, bibliothécaires et restaurateurs et il était dommage que seuls 10 bibliothécaires fussent là. Le deuxième sens plus large incluant toute mesure visant à protéger un patrimoine connu, toute une politique pour engranger et protéger le patrimoine en cours de constitution, suppose une tâche beaucoup plus active où les bibliothécaires ont la responsabilité entière d'établir une politique à l'échelon d'une bibliothèque, d'une région et d'un pays.