Faire lire
Alain Viala
Michel P. Schmitt
Cet ouvrage, écrit par des spécialistes et s'adressant d'abord à des spécialistes - enseignant ou étudiant le fait littéraire - est d'un accès difficile mais d'une grande richesse. Il faut souligner d'abord la rigueur et la précision de la démarche des auteurs ; ils partent de situations vécues, soit dans les classes de second cycle du secondaire, soit dans le premier cycle universitaire pour dresser des constats, évoquer lucidement les difficultés de communiquer, transmettre, faire vivre et faire partager et proposer des méthodes de pédagogie concrète, sans rien dissimuler de l'effort exigé tant des élèves et des étudiants que de l'enseignant lui-même. Il y a aussi une volonté très ferme et très justifiée de définir les termes et les techniques d'approche qui sont proposées. C'est à ce prix que la « littérature » cessera d'être une chose morte, intemporelle et ennuyeuse, que la lecture sera autre chose qu'une pénible obligation.
Les auteurs, à partir de textes « classiques » ou contemporains (romans, nouvelles, théâtre) proposent à une classe une étude approfondie, menée par de petits groupes d'élèves, d'un texte donné dans son intégralité et éclairé par des approches diverses, une lecture plurielle faisant appel à des données historiques, sociologiques ou autres et, surtout, refusant les évidences, la fausse transparence de textes si connus, qu'on a perdu l'habitude de s'interroger pour savoir d'une part pourquoi l'auteur les a produits sous cette forme, et d'autre part en quoi ces textes nous intéressent encore aujourd'hui. Il s'agit en fait de la formation de l'esprit critique « par étape et dans une progression », sans oublier la nécessité d'une certaine cohérence d'un apprentissage à l'autre. Ce qui est utile pour l'interprétation de toute sorte de message (voir, par exemple, ce qui est dit de la publicité, p. 149).
La lecture n'est plus conçue comme passe-temps agréable et presque superflu mais comme « plaque tournante des principaux apprentissages... car elle peut être création, ... lire ce peut être jouer de plusieurs codes et même passer à l'écriture » (p. 185 et suivantes).
Quant au rôle de l'enseignant, il est fondamentalement modifié : « présent, il perd son statut d'émetteur unique de la parole et du savoir pour prendre celui d'animateur, de coordinateur et d'observateur » (p. 102). Ainsi peut se trouver réalisé l'un des objectifs d'un fort courant actuel de rénovation pédagogique qui fait de l'élève l'acteur de son apprentissage (autoformation, autodocumentation).
La bibliographie comporte environ 80 références, toutes en français. L'index alphabétique permet de retrouver tous les passages où est utilisé et explicité un terme technique. Il y a aussi d'utiles renvois dans les marges.
Une lecture à recommander à tous les adeptes des méthodes actives qui font participer les élèves à l'apprentissage des méthodes de travail et à l'acquisition du savoir, dont ils auront besoin dans la vie adulte.