La musique
une encyclopédie
Cette encyclopédie a voulu conjuguer les deux types possibles de ce genre de publication : la liste alphabétique de termes et noms d'auteurs, et les articles discursifs. Ces derniers sont placés ici à leur ordre alphabétique, avec un système d'encoches sur la tranche du livre pour les repérer. En outre, un jeu de losanges permet des notes marginales complémentaires, et le soulignement de certains mots indique que ceux-ci figurent à leur place alphabétique. Ce système (breveté) est nommé « algo-livre ». Admettons.
La partie alphabétique est réduite au strict minimum : termes courants, choix de noms. On aura une idée de son volume (700 mots au total, c'est très peu) en sachant que pour le début de la lettre S (SA exactement) il n'y a que 6 noms propres, contre un montant de 100 environ dans d'autres encyclopédies courantes. Pour les auteurs sont données : nationalité, dates de naissance et de mort, liste des oeuvres (datées, sans qu'on sache s'il s'agit de la date de composition ou d'édition) le plus souvent sélective, rarement une ou deux références bibliographiques, plus rarement encore une appréciation.
En parcourant le volume, on s'aperçoit en outre que l'accent est mis de façon exagérée sur l'époque contemporaine ou, pour les auteurs anciens, sur ceux qu'un snobisme passager a remis en vedette. D'où des disproportions choquantes (je cite au hasard) : 1 page pour Jolivet, 1 pour Cage, 2/3 pour Claude Arrieu, 1/2 pour Britten, 1/2 pour Reger, 11 lignes pour Donizetti, 8 pour Rore, Dussek... Quant aux absents, ils sont légion : j'ai « testé » l'encyclopédie en cherchant les noms des compositeurs qui figuraient aux programmes français de radio sur quelques jours' ; et voici ce que je n'ai pas trouvé : Baudrier, Caplet, De Macque, Hasse, Huré, Graun, Obouhow, Passereau, Poot, Ropartz, Senfl, Zbinden. Quant à l'article jazz, il ne cite pas le nom de Louis Armstrong.
La partie discursive est constituée d'articles de 30 à 50 pages, signés, sur des sujets divers, leur lecture continue éventuelle prétendant donner une vue d'ensemble de l'évolution de la musique occidentale, avec un exemple d'étude de musique extra-européenne, la musique asiatique. Ces articles sont de niveau très inégal : soit élémentaire, didactique (par ex. on explique que ut et do sont la même chose), soit plus difficile et supposant des connaissances préalables (par ex. l'article Langage musical de Harry Halbreich), soit exprimant des opinions personnelles, faisant état de souvenirs (par ex. celui de Maurice Le Roux sur la direction d'orchestre) ; certains sont des compilations, d'autres sont plus originaux (par ex. ceux de P. de la Gorce, de M. Le Roux, de Tran Van Khe). On a l'impression qu'aucune idée directrice précise n'a présidé à leur élaboration (les auteurs n'étant pas ici en cause).
Nombre d'insuffisances matérielles seraient aussi à relever. Aucune règle, semble-t-il, dans le choix de la forme des noms : on trouve Bach (Jean-Sébastien) à côté de Bach (Johann Christian) ; les noms russes sont transcrits... à la polonaise : Tchaikovski (mais Pjotr Illitch), mais Scriabine (Alexandre, à la française, et sans patronyme) ; les signes diacritiques sont absents (Janacek (Léos) sic), et même l'accent sur le e français (Barraqué devient Barraque) ; l'ordre alphabétique est parfois erroné (un comble pour une encyclopédie) : aksak après Albeniz, stile rappresentativo après Stravinski (sic). Les oeuvres sont citées tantôt sous leur titre original, tantôt en traduction. Il y a (au mot « œuvres») une liste des oeuvres à titre significatif citées dans l'ouvrage : il y règne la même incohérence (par ex., pour Britten, Songe d'une nuit d'été, mais The Prodigal son), et il y a des lacunes (par ex. Concerto à la mémoire d'un ange manque dans la liste des titres commençant par Concerto). Des fautes grossières ont échappé aux correcteurs (créaction contemporaine) ; dans la rubrique œuvres : Correlli, pour Corelli, etc. Tout cela dépare l'ouvrage.
Le système des renvois aurait pu être très utile, mais ne semble pas au point. Ayant lu une allusion à la musique modale, j'ai voulu en savoir plus sur celle-ci, le mot modal étant souligné dans le texte : je n'ai pas trouvé « modal » à sa place alphabétique, ni « modalité », ni, bien sûr, « musique modale », mais j'ai trouvé « mode », uniquement sous forme de renvois à diverses pages. A la septième de ces références, j'ai enfin trouvé une définition en trois lignes de la musique modale.
Cette encyclopédie, décevante et manquant de rigueur, a sans doute été trop ambitieuse. En se bornant à la partie discursive, dont certains articles sont très bons, en se limitant franchement aussi à la période contemporaine (sans vouloir chaque fois, comme par ex. dans les articles danse ou voix, donner un survol historique forcément sommaire), on aurait pu obtenir un excellent ouvrage. Tel qu'il est, c'est surtout sous cet angle contemporain qu'il sera utile : langage musical actuel, notation de la musique moderne, auteurs, vie musicale, date des œuvres de compositeurs vivants ou morts récemment, il y a là beaucoup de renseignements utiles intelligemment rassemblés.