Eugène Morel (1869-1934) a pioneer of public libraries in France
thesis approved by Board of advanced studies for fellowship of the Library association (FLA), United Kingdom
Gaëtan M.N. Benoît
Cette thèse constitue une étude massive et quasi complète sur l'un de nos plus éminents bibliothécaires. Jusqu'alors, il n'avait paru sur Eugène Morel, en dehors des critiques publiées au moment de la sortie de ses œuvres, que des articles dans des revues d'édition ou de bibliothéconomie. Citons ceux de G. Girard (1924), d'E. et G. de Grolier (1934), d'E. Coyecque (1934), de H. Raux (1950), de J. Hassenforder (1964 et 1969). Mentionnons également l'hommage que lui a rendu M. Bouvy dans Lecture et bibliothèques à l'occasion de son centenaire (1969).
L'œuvre de Gaëtan Benoît est donc la première, importante, consacrée à Eugène Morel. A ce titre, elle mérite déjà notre considération, et l'on se doit de saluer le courage de son auteur, jeune Mauricien, bibliothécaire de la ville de Port-Louis, parfaitement bilingue, mais de culture anglaise. Qu'on s'imagine, en effet, les difficultés qu'il a dû rencontrer ! Certes il a pu, au cours d'un stage en Grande-Bretagne, réunir de nombreux documents et par la suite en faire venir de bibliothèques anglaises et de la Bibliothèque nationale ; sa bibliographie le prouve. Certes, grâce aux deux plus jeunes enfants d'Eugène Morel, Frédéric et Françoise Morel, qui détiennent les archives de leur père, il a pu obtenir des réponses, accompagnées de photocopies, aux questionnaires longs et précis qu'il nous a adressés sur : les ascendants, l'enfance et la jeunesse, les activités littéraires et sociales, la carrière de bibliothécaire, etc., d'Eugène Morel. Mais tout de même ! Il lui a fallu parler d'un pays où il n'a jamais pu se rendre, d'institutions différentes de celles auxquelles il était habitué, d'une époque déjà lointaine et suivie de tant de bouleversements, en matière de culture et de bibliothèques notamment, que même les jeunes bibliothécaires français ont souvent du mal à se la représenter. Une somme considérable de lectures et un grand effort d'adaptation ont donc dû être nécessaires à l'auteur, d'autant qu'il ne pouvait baser son travail, contrairement à tant de biographes, sur une étude complète antérieure. Ce travail de défrichage accompli par un étranger est donc largement digne de notre estime.
Un autre mérite de Benoît est son don de sympathie. On sent à travers sa thèse son admiration pour la personnalité dont il s'est appliqué à montrer l'ouverture d'esprit et la clairvoyance. On devine son étonnement apitoyé devant l'indifférence, l'incompréhension, voire l'ostracisme, auxquels a été soumis l'auteur de La Librairie publique qui avait eu pourtant l'intelligence et le courage de dénoncer le retard pris par la France dans le domaine des bibliothèques et de chercher à y remédier. Et Benoît donne à ce propos de larges extraits de l'œuvre, aujourd'hui épuisée.
De grandes qualités donc dans cette thèse. Malheureusement elle n'est pas au point. On y trouve beaucoup de considérations hors du sujet, beaucoup de longueurs, de redites. Le plan n'en est pas toujours heureux. On y relève aussi des erreurs dues, pour la plupart, à une connaissance insuffisante de nos institutions. Il en résulte un ouvrage pesant pour nous Français, touffu, difficile à lire.
La fille aînée d'Eugène Morel, le docteur Ronsin-Morel, dans un esprit de dévotion à la mémoire de son père dont elle était très proche, a traduit cette thèse et l'a beaucoup allégée, tout en corrigeant ici une faute, comblant là une lacune.
Ainsi revue, et bien que des erreurs aient pu encore rester dans le chapitre sur l'histoire des bibliothèques « populaires » et sur le dépôt légal -mon ignorance de ces matières ne m'a pas permis d'apporter à ce sujet une aide à Mme Ronsin-Morel - il me semble que la thèse de Gaëtan Benoît pourrait intéresser nombre de bibliothécaires et mériterait donc d'être publiée, ne serait-ce que parce qu'elle constitue le premier ouvrage d'ensemble sur notre nlus grand Dionnier.