Text and context

explorations in the semantics and pragmatics of discourse

par Nicole Soulé-Susbielles

Teun A. Van Dijk

London : Longman, 1977. - XVII-261 ; 23 cm. - (Longman linguistics library.) Bibliogr. p. 249-255. Index p. 258-261. - ISBN 0-582-55085-5 : 6.50 £

Cet ouvrage s'inscrit dans le courant actuel d'analyse du discours, où les composantes du langage (linguistique, psycho- et socio-linguistique entre autres) sont étudiées de concert, pour tenter d'éclairer ce que, depuis Hymes, on appelle la « compétence de communication ». Ici, l'auteur entreprend son analyse successivement sur deux plans : le plan sémantique, celui du texte lui-même, et le plan pragmatique, du contexte.

La première partie porte l'analyse linguistique au niveau supra-phrastique, où jouent les divers procédés de connexion qui assurent la cohérence interne du texte. C'est ainsi que le discours se développe en un certain nombre de « macro-structures ». L'un des éléments les plus puissants de cette cohérence est le « sujet de la conversation » (« topic of conversation »), qui garantit une base commune aux différentes parties du discours et qui fournit un cadre général dans lequel s'intègrent les développements successifs. Chaque « sujet de conversation » ouvre un certain (un grand) nombre de voies possibles, quelques-unes ou une seule étant retenues dans une conversation donnée ; à chaque tournant que prend la conversation, il subsiste un point commun entre le passage précédent et celui qui s'amorce. Van Dijk donne le nom de « topic » à ce qui est déjà connu et de « comment » aux éléments introduits pour la première fois ; on obtient ainsi un certain nombre de « macro-structures » qui s'articulent selon une structure particulière à chaque type de discours (« mapping »).

Les connecteurs (« connectives ») constituent l'outil le plus immédiatement repérable des relations sémantiques à l'intérieur du texte. Quatre types de connecteurs sont développés : ceux qui signalent les liens conjonctifs, disjonctifs, conditionnels et contrastifs (l'auteur prévient qu'il ne traite pas les procédés anaphoriques ici) ; l'absence de connecteurs impose des contraintes séquentielles dans l'ordre des énoncés.

La connaissance du monde, et la connaissance qu'ont les interlocuteurs l'un de l'autre, contribuent également à souder entre eux les énoncés : c'est la notion du savoir partagé (« shared knowledge ») développée par les chercheurs anglais d'analyse du discours (en particulier H. Widdowson) : grâce à ce savoir partagé, les relations entre les phrases ou propositions peuvent exister sans être formellement exprimées.

La seconde partie, la pragmatique, débute par un rappel de la théorie de l'action : on peut s'interroger sur l'utilité de cette présentation, trop brève pour un domaine aussi vaste ; on en retient l'impression d'une suite d'évidences d'intérêt très limité.

La pragmatique du discours est définie comme étant l'étude des rapports entre les signes et leurs usagers. Deux notions dominent cette partie de l'analyse : le caractère approprié de l'énoncé (« appropriateness ») et l'intentionnalité du locuteur. C'est la dimension illocutoire, qui se définit en termes d'objectifs : quels effets le locuteur désire-t-il que son énoncé produise sur la situation et sur son interlocuteur ? Cette condition est indispensable pour assurer le succès d'un énoncé : « an act of language is successful if a hearer recognizes the intended meaning/reference of the utterance » (p. 198).

Certains aspects de l'ouvrage appellent quelques réserves, et aucun ne provoque l'enthousiasme. L'auteur introduit dès le début un appareil formel peu accessible et particulièrement lourd, pour signaler plus loin qu'il n'est pas entièrement applicable au langage naturel, et que par conséquent on ne poursuivra pas dans cette voie (« we will in future omit fully explicit formulations, in order to avoid overcomplicating this chapter », p. 66). D'autre part, le lecteur a du mal à cerner les limites exactes de cette étude, car une quantité de problèmes sont abordés en chemin pour être aussitôt mis de côté. Alors qu'au départ, on nous prévient qu'on ne s'occupera que du discours d'un seul locuteur et non de dialogue, les exemples donnés dans la seconde partie sont des dialogues. La terminologie utilisée est hautement spécialisée, chaque terme donnant lieu à de longs développements qui manquent parfois de clarté et qui, souvent, paraissent inutilement complexes.

On ne conseillera pas cet ouvrage à ceux qui désirent s'initier à ce domaine d'étude en plein développement : sa lecture dense et difficile ouvre cependant des perspectives intéressantes aux chercheurs qui entreprennent de rapprocher les sciences humaines des sciences exactes.