Le journaliste et sa documentation

par Christine Leteinturier

Jean de Bonville

Québec : Groupe de recherche en information et communication-Université Laval, 1977. - 236 p. ; 30 cm. - (Travaux et recherches du GRIC ; 2.) 6.00 $

Cet ouvrage est le résultat d'une enquête réalisée auprès de journalistes québécois et qui a porté sur les habitudes et les sources d'information documentaires des journalistes de la presse quotidienne francophone du Québec.

Il en ressort que, d'après l'échantillon interrogé, le journaliste consacre un quart environ de son temps de travail à la documentation écrite (lecture, étude et classement de documents), le reste se partageant entre recherche d'information orale et rédaction. Cette documentation écrite peut être segmentée selon les supports et le contenu et l'on parvient ainsi à savoir quels documents sont utilisés de manière privilégiée par les journalistes : en priorité viennent les dépêches d'agence et les communiqués de presse, puis les journaux et les magazines ; en troisième position, les périodiques professionnels, les livres, les publications officielles, les rapports et documents techniques, les statistiques ; enfin, loin derrière, les périodiques scientifiques et les bibliographies et répertoires. Il est significatif que le journaliste de presse quotidienne n'utilise que des documents d'information immédiate, et ponctuelle et ne s'intéresse pas ou peu aux sources d'information rétrospective : il ne fait pas de recherche documentaire dans la mesure où la tendance du journaliste est de privilégier le fait, le reportage, l'affirmation de l'information au détriment du commentaire, et de l'explication. Il ne jouit donc pas d'une dextérité et d'une autonomie documentaires élémentaires.

Mais pour combler cette lacune, il dispose dans certains cas, d'un centre de documentation au siège de son journal. Assez souvent, néanmoins, il se constitue pour lui-même une documentation personnelle. Cette documentation personnelle est généralement peu fiable : manque de temps pour le tenir à jour, manque de pertinence, manque de recul chronologique. Elle ne permet donc pas de se passer du recours au centre de documentation du journal. Dans l'échantillon des journalistes interrogés, 88 % estime nécessaire la fréquentation du centre de documentation, 25 % la fréquente quotidiennement mais la majorité ne l'utilise qu'une fois par semaine.

Quels documents utilisent-ils ? C'est principalement le dossier de presse, puis les rapports techniques et les documents officiels, donc des documents d'information ponctuelle et d'actualité immédiate. Le reste de la documentation du service reste peu ou mal ou pas utilisé. A ce sujet, il faut noter les problèmes de relation qui se posent tant au niveau du journaliste qu'à celui de la (du) documentaliste. Le journaliste n'a aucune notion réelle de ce qu'est le travail des documentalistes, lui-même n'ayant la plupart du temps aucune formation ni même initiation aux techniques documentaires ni à leur utilisation (et utilité). Par ailleurs, le documentaliste de presse se sent souvent sous-estimé par le journaliste, comme ne faisant qu'un travail aride, répétitif et sans gloire dont il ne profite pas directement.

Il apparaît donc souhaitable qu'un dialogue réel puisse s'ouvrir entre les documentalistes et les journalistes et qu'une collaboration égalitaire puisse s'instaurer entre les deux professions, surtout cohabitant au sein d'une même entreprise. Ceci pourrait d'ailleurs avoir des conséquences positives sur le discours des media, leur restituer une certaine crédibilité, si au lieu de se contenter de répéter la même nouvelle sous des formes variées, les différents organes d'information laissaient plus de place à l'explication, à l'élucidation pour aider à la compréhension par les publics des nouvelles qu'ils reçoivent.