L'expérience de liaison télex entre les bibliothèques de pharmacie de Paris-Luxembourg et de Châtenay-Malabry
Une liaison télex a été établie entre la bibliothèque de pharmacie de Paris-Luxembourg riche de 200 ooo ouvrages et d'un important fonds de périodiques et la Bibliothèque de pharmacie de Châtenay-Malabry ouverte en 1972. Le bilan du système de liaison qui se révèle simple, pratique, bien adapté, relativement peu onéreux est présenté après un an de fonctionnement positif pour les deux établissements; l'expérience pourrait être étendue à d'autres bibliothèques, même si elle n'est que complémentaire d'un réseau informatique.
Le télex est utilisé depuis longtemps par de nombreuses entreprises et par les services d'information. Les bibliothèques ont montré beaucoup moins d'empressement à adopter ce moyen de télécommunication qui, pourtant, permet des liaisons rapides propres à faciliter leur coopération, en particulier dans le domaine du prêt interbibliothèques. L. J. Van der Wolk notait qu'en 1964, 10I bibliothèques seulement dans le monde étaient abonnées au télex 1 ; Tony Ford en recensait 150, dont 26 bibliothèques universitaires, en 1970 2. Actuellement, on en compterait davantage, dont la plupart sont des bibliothèques médicales américaines 3.
En France, le télex a permis l'expérience de télécatalogage menée par Yvette Enjolras à partir de 1964 entre la Bibliothèque de l'École des mines et le Bureau de recherches géologiques et minières d'Orléans mais il n'avait pas été utilisé jusqu'ici pour le prêt-inter.
En 1974, la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, à l'initiative de M. Thirion, alors chef de la section des bibliothèques de recherche et d'étude, décidait de faire une expérience de liaison télex entre les deux bibliothèques de pharmacie de Paris-Luxembourg et de Châtenay-Malabry.
Ce choix ne s'imposait certes pas par l'importance du prêt entre les deux bibliothèques (16 volumes prêtés, 54 articles photocopiés de décembre 1974 à novembre 1975) mais plutôt par la nécessité de le développer. L'ouverture en octobre 1972 de la Bibliothèque du Centre d'études pharmaceutiques et biologiques de Châtenay-Malabry, puis en octobre 1974 de son niveau Recherche, n'empêchait pas les professeurs et les chercheurs de la nouvelle faculté de continuer de fréquenter essentiellement la Bibliothèque de Paris-Luxembourg, au prix de longs et fréquents déplacements. Un fonds de recherche, même scientifique, ne peut se suffire des ouvrages les plus récents et surtout des toutes dernières années des périodiques ; il ne devient pleinement exploitable qu'après une période de 10 ou 15 ans.
Une liaison télex pouvait donc faciliter aux enseignants de Châtenay la consultation et l'exploitation du riche fonds d'ouvrages (200 ooo livres) et de périodiques (4000 dont 900 en cours) de Paris-Luxembourg. Elle a été réalisée fin novembre 1975; un an après, il est possible de dresser un premier bilan de l'expérience.
Le télex : installation, utilisation, coût.
Le télex est essentiellement un moyen de télécommunication permettant la transcription simultanée ou différée sur une machine à écrire « réceptrice » d'un texte tapé sur une machine « émettrice ». L'obtention d'une ligne télex est relativement aisée et rapide. Les frais initiaux sont actuellement les suivants :
- taxe de raccordement : 800 F, plus 300 F d'avance sur les abonnements de 5 bimestres;
- taxe d'installation du poste : 97,50 F.
L'abonnement bimestriel coûte 967,20 F.
L'installation du matériel est réalisée par les P.T.T. L'abonné doit avoir aménagé une prise de terre, une prise électrique réservée au télex et bien entendu une table support pour les appareils avec une chaise-dactylo.
L'ensemble de l'appareillage est peu encombrant :
- un téléimprimeur avec clavier type AZERTY à 400 caractères-minute;
- un coffret de manœuvre relié au réseau télex;
- un bloc perforateur;
- un lecteur de bande à transmission automatique.
Les messages peuvent être tapés sans difficulté (fig. I) par une dactylographe ayant participé à un stage de télexiste d'une durée de 6 jours organisé par les P.T.T. et dont le prix était en 1975 de 700 F (voire à une initiation gratuite de deux demi-journées).
Le message tapé à vitesse normale est enregistré simultanément sur une bande perforée; cette bande est passée immédiatement ou de préférence entre midi et 14 h ou 18 h et 8 h à vitesse maximum et demi-tarif. Le texte arrive au même moment en clair sur le rouleau-papier et perfore la bande de l'appareil récepteur.
Le prix des communications est peu élevé :
- 35 centimes par 42 secondes pour les abonnés d'une même circonscription de taxe;
- 35 centimes par 18 secondes pour les abonnés de circonscriptions différentes;
- 16 centimes par 6 secondes pour la Grande-Bretagne (BLLD).
Trois données permettent de mesurer le coût et l'efficacité du télex :
- le prix de revient d'une demande de Châtenay à Paris, compte non tenu de l'abonnement, est d'environ 25 centimes;
- les frais d'abonnement et de communications sont couverts par une subvention spéciale de 10 000 F allouée par le Secrétariat d'État aux universités à chacune des deux bibliothèques;
- un volume ou les photocopies d'un article demandés à Paris-Luxembourg par un lecteur de Châtenay peuvent lui être remis dans un délai maximum de 24 heures.
Bilan d'une année de liaison télex entre les deux bibliothèques.
Bien entendu dans la situation actuelle des deux bibliothèques, les demandes de prêt et de photocopies émanent essentiellement de Châtenay, Paris-Luxembourg demandant surtout des compléments d'informations.
Le bilan d'une année d'expérience est donc différent pour les deux bibliothèques. La localisation à Paris-Luxembourg des documents demandés par les lecteurs de Châtenay-Malabry se fait aisément par la consultation :
- pour les périodiques, du « Catalogue de périodiques » édité en 196I, de son supplément de 1972 et des listes de nouveaux abonnements ou suppressions;
- pour les ouvrages, des listes ou fiches des nouvelles acquisitions. Une fois le document localisé, le lecteur remplit une demande de prêt ou de reproduction photographique comportant le maximum de données; cette demande est transcrite sur télex et numérotée, le message envoyé par passage automatique de la bande perforée (fig. 2).
La satisfaction des demandes de documents, dans un délai de 24 heures a eu sur l'activité de la bibliothèque un effet considérable; les lecteurs de Châtenay ayant moins de raisons qu'auparavant d'aller à Paris-Luxembourg résoudre leurs problèmes documentaires. Ils sont donc venus plus nombreux, plus fréquemment, ont mieux connu leur propre fonds, l'ont mieux exploité et c'est ainsi que, très rapidement, le nombre d'entrées, de consultations, de prêts et de prêts interbibliothèques a crû de façon spectaculaire (fig. 3 à 7).
Le bilan est-il aussi positif pour la Bibliothèque de Paris-Luxembourg ? Certes, le travail exigé de son service de prêt-inter (dont l'activité générale a doublé en un an) s'en trouve encore accru : la part de Châtenay, presque nulle en 1975 (70 demandes sur 3 399, soit 2,1 %) représente en 1976 10,9 % des demandes satisfaites (676 sur 6 205 : 77 volumes prêtés sur 681 soit II,3 % ; 599 articles photocopiés sur 5 524 soit 10,8 %). La bibliothèque doit sortir des périodiques qu'auparavant les professeurs de Châtenay consultaient sur place, photocopier les articles, enregistrer le « prêt », préparer l'expédition. Par ailleurs les statistiques de ses lecteurs et de ses communications sur place, de ses prêts directs vont s'en trouver diminuées; mais elles seront compensées par l'augmentation de celles du prêt-inter et des photocopies.
Il convient surtout d'admettre qu'elle est le type des bibliothèques dont une des missions essentielles est le prêt sur le plan national. En ce sens, le bilan de l'expérience télex est positif pour la Bibliothèque de Paris-Luxembourg puisque ses collections, dont l'importance dépasse le cadre d'une université, se trouvent plus largement utilisées, donc rentabilisées et justifiées.
Enseignements généraux de l'expérience : télex et prêt-interbibliothèques.
Si on cherche à tirer les enseignements généraux de l'expérience, des remarques s'imposent. Le télex ne résoud pas tous les problèmes du prêt-inter mais réduit très sensiblement ceux d'entre eux qui sont liés à la demande.
Il en assure la transmission instantanée, ce qui représente un gain de 24 à 48 heures (regroupement et expédition du courrier au départ; délais postaux; tri et répartition du courrier à l'arrivée). Si un réseau était constitué entre bibliothèques d'une même discipline ou de disciplines voisines prêtes à des réponses rapides, il permettrait, en l'absence de catalogues communs à jour, la localisation aisée d'un ouvrage ou d'un périodique par messages successifs à différentes bibliothèques et éviterait ainsi le pénible tour de France de certaines demandes; il rendrait encore possible l'interrogation des fichiers collectifs nationaux.
Il réduit les formalités administratives : le message peut être établi suivant le « Télécode » diffusé par l'IFLA 4, précisé éventuellement par accord entre les bibliothèques du réseau considéré; les demandes d'une bibliothèque identifiable par son numéro et son indicatif télex (BIPHAR pour Châtenay; BIPALUX pour Paris-Luxembourg) peuvent être numérotées.
Le message se trouve tapé en trois exemplaires (bandes blanche, rouge et verte) aussi bien sur la machine émettrice que sur la machine réceptrice.
La bibliothèque emprunteuse conserve un exemplaire du message avec la demande du lecteur et en classe un second chronologiquement.
La bibliothèque prêteuse a l'usage des trois exemplaires :
- le Ier est conservé dans un fichier chronologique qui peut remplacer le registre du prêt-inter;
- le 2e est utilisé pour la recherche du volume ou du fascicule et tient lieu en magasin (sous pochette rigide) de bulletin de sortie;
- le 3e est envoyé avec l'ouvrage ou les photocopies à la bibliothèque emprunteuse qui peut le retourner comme reçu.
Le message télex implique un contrôle plus strict des références bibliographiques par la bibliothèque emprunteuse qui doit le transcrire et limite ainsi les difficultés de lecture et de compréhension pour la bibliothèque sollicitée.
Encore faut-il que le personnel de celle-ci ait le souci de l'efficacité, qu'il accorde la priorité au prêt-inter et privilégie les demandes par télex. Les 24 ou 48 heures gagnées pour la transmission de la demande n'ont d'intérêt réel que si la satisfaction de celle-ci est assurée dans la demi-journée ou à la rigueur la journée qui suit par le service de prêt-inter de la bibliothèque prêteuse.
Il faut aussi une bonne organisation des services du courrier (si on n'y prend garde, une demi-journée peut être perdue au départ comme à l'arrivée) et une transmission rapide des ouvrages et des photocopies. A cette fin, la Bibliothèque de Châtenay a été dotée d'une camionnette qui, venant régulièrement, peut gagner une journée ou une demi-journée par rapport à la poste; mais cette solution n'est possible qu'à l'intérieur d'une agglomération; même par la poste, des photocopies envoyées le soir parviennent le lendemain dans la plupart des grandes villes françaises.
Perspectives de réseaux télex entre les bibliothèques universitaires.
Les possibilités que le télex offre aux bibliothèques ne se limitent pas au prêt-inter. S'il n'assure pas, en principe, la rapidité des communications téléphoniques et une réponse immédiate, il évite les diverses attentes et lenteurs effectives du téléphone, le manque de sûreté des messages oraux, la nécessité de les transcrire. Il remplace surtout le courrier urgent et permet ainsi des communications aisées et sûres : échange d'informations, demande de recherches bibliographiques, consultation avant l'achat d'un ouvrage... Dans cette mesure, il facilite une collaboration plus étroite entre établissements.
Surtout, le télex ne joue pas seulement le rôle d'une ligne directe entre deux ou plusieurs bibliothèques; il donne accès à tout un réseau national et international et ouvre ainsi de nombreuses possibilités : demandes de prêts ou d'informations à la BLLD ou à d'autres bibliothèques étrangères, commandes urgentes, réclamations ou autres communications ponctuelles passées chez des libraires ou des éditeurs ayant une ligne télex; demandes de prix à certains fournisseurs; ultérieurement, transmission de données puisqu'il est possible de connecter un ordinateur sur le réseau télex.
De ce point de vue, loin d'être un moyen de transmission dépassé, il peut être complémentaire d'un réseau informatique en permettant son utilisation par de plus nombreuses bibliothèques et en lui assurant ainsi une plus grande efficacité sans dépenses excessives. Il permettrait de plus une localisation des documents qu'il serait beaucoup trop coûteux d'obtenir d'un terminal d'ordinateur.
Le télex, moyen de transmission d'une grande souplesse d'utilisation, toujours disponible, indépendant de tout système, ouvert sur un réseau universel, ne se trouverait démodé que par un usage courant des téléphotocopies.
Il semble donc bien que l'expérience soit positive et qu'elle ne soit pas venue trop tard; mais la généralisation du télex dans les bibliothèques universitaires suppose d'une part l'amélioration des services du prêt-inter, d'autre part une programmation tenant compte de l'extension des réseaux informatiques.
L'expérience devrait être étendue d'abord aux sections de pharmacie de province, puis aux bibliothèques universitaires de médecine-pharmacie et de médecine. Il se constituerait ainsi dans un premier temps, un réseau limité bénéficiant des fonds de Paris-Luxembourg complétés assez rapidement par ceux de Châtenay-Malabry ; dans un deuxième temps, un second réseau plus important et lié au premier, à partir de la Bibliothèque centrale de médecine de Paris.
Les catalogues collectifs nationaux devraient, bien entendu, être équipés d'un télex dès qu'ils auraient un nombre suffisant de correspondants.