Les transformations de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
Depuis 1872, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg fonctionne à la fois pour l'Université et pour l'ensemble du public. En raison de l'importance de ses collections, elle remplit uu rôle national dans trois domaines au moins : le fonds de documents anciens. les études germaniques, les sciences religieuses. Les transformations de l'Établissement n'ont pas modifié sa vocation, ni son rôle national. Elles concernent les méthodes bibliothéconomiques, qui ont changé complètement après 1918, et de façon plus progressive à partir de 1962. Ces transformations résultent aussi du développement des fonds de livres, répartis désormais entre cinq bâtiments, accessibles à des publics variés, et définis par par un niveau élevé de la recherche.
La situation géographique de la BNU de Strasbourg la destinait dès l'origine à réunir une information valable au niveau européen, et marquée par les apports de plusieurs cultures voisines. Plus facilement que d'autres institutions, une bibliothèque est en mesure de réaliser la convergence des informations, là où la politique ne faisait apparaître pendant longtemps que la divergence des intérêts ou des sentiments. Ce faisant, elle préparait les rapprochements nécessaires et contribuait à dégager les valeurs sur lesquelles s'appuie la civilisation de l'Europe occidentale.
L'incendie des bibliothèques les plus importantes de Strasbourg pendant le siège de 1870 (nuit du 24 au 25 août) avait été ressenti au niveau européen comme une atteinte grave à ce patrimoine culturel qui nous est commun. De tous côtés, des bonnes volontés se manifestèrent pour reconstituer dès que possible une bibliothèque de niveau élevé. Dès la première année, une collecte de dons fut organisée par Karl-August Barack, un des meilleurs bibliothécaires allemands, qui avait réorganisé les fonds de livres du prince de Furstenberg, à Donaueschingen. Cette collecte obtint des résultats exceptionnels, qui permirent d'inaugurer le 9 août 1871 une bibliothèque de 200 000 volumes, dont la direction était confiée précisément à Barack. Les dons restèrent nombreux au cours des années suivantes, et la nouvelle bibliothèque bénéficia également d'un budget d'acquisitions appréciable, qui la situa très vite parmi les plus importantes. En 1895, lorsqu'elle évacua le château des Rohan pour s'installer dans le bâtiment construit à son intention, elle comptait 600 ooo volumes. Pour l'histoire de cette période (et jusqu'en 1950), on pourra consulter utilement l'excellente étude de notre collègue Henri Dubled : Histoire de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg I.
Pour l'objet de notre étude, un rappel sommaire du passé permet avant tout de dégager les constantes de l'activité de cette bibliothèque. Elles apparaissent tout d'abord au niveau de sa définition même. Dès l'ordonnance impériale du 19 juin 1872, la double vocation de l'établissement se trouve reconnue : il est constitué comme une bibliothèque de l'Université et du Land d'Alsace-Lorraine. Après 1918, une réflexion prolongée sur l'adaptation du statut à la législation française aboutit à la conclusion que cette dualité est seule conforme à la nature des fonds réunis comme à leur ampleur. D'où le décret du 23 juillet 1926, dont nous pouvons fêter cette année le cinquantenaire, et qui reconnaît à cette bibliothèque un statut à la fois national et universitaire. Ce décret, qui reste partiellement en vigueur, est modifié par celui du 27 mars 1973 dont l'objectif est d'adapter la BNUS aux conséquences de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur. Cependant, il ne l'intègre pas dans le fonctionnement de cette loi, puisque la BNUS reste un établissement public de caractère administratif, et non scientifique et culturel. Les deux textes de 1926 et 1973 se complètent sur des points essentiels, en particulier pour définir les fonctions à remplir : « En tant qu'Établissement public, (elle est) à l'usage du public, comme bibliothèque d'étude », aux termes du décret de 1926. D'autre part, et cette fonction se trouve en parallèle avec la précédente, la BNUS est « en tant que bibliothèque interuniversitaire, à l'usage des Universités de Strasbourg, avec lesquelles elle passe une convention ». Ceci d'après le décret de 1973, qui remplace le passage correspondant du texte initial.
Au total, le cadre administratif s'est donc peu modifié sous les régimes successifs, probablement parce qu'il avait fait l'objet de discussions approfondies et d'une longue concertation, avant les décisions de 1872 et de 1926. Aujourd'hui encore, il se révèle assez souple par sa dualité même pour répondre à l'ensemble des besoins. C'est aux intéressés qu'il appartient de le mettre en œuvre, et de ne pas rétrécir les perspectives assez larges qu'il a ouvertes.
Un effort considérable a été consenti par les fondateurs, pour que la qualité des collections réponde à la vocation et au statut de l'établissement. Très conscients du rôle joué depuis le Moyen âge par l'axe fluvial rhénan pour la diffusion de la culture, le gouvernement et les universitaires allemands ont accordé à cette bibliothèque, comme à d'autres institutions de Strasbourg, un intérêt particulier. Cette politique culturelle est valable pour tous, car elle repose sur des considérations historiques et géographiques permanentes, qui dépassent d'ailleurs le dialogue franco-allemand, pour concerner l'évolution de tous les pays voisins : Suisse, Autriche, Benelux, etc. Au-delà des frontières politiques, les pays rhénans ont toujours été un des secteurs privilégiés des échanges, et à cet égard ils apparaissent comme le creuset d'une conscience européenne. Cette réalité, qui était déjà perçue voici un siècle par un état qui n'éprouvait cependant que ses besoins nationaux, est encore plus valable à notre époque, où l'Europe des patries ou des communautés repose sur l'échange objectif des points de vue et des informations.
Les décisions prises par l'administration française en 1926, et la politique qu'elle a poursuivie depuis lors, vont effectivement dans ce sens. Cette orientation était limitée en certains cas par l'inaptitude de la Troisième République à décentraliser ses activités. Nous n'en sommes plus là aujourd'hui, où des raisons qui sont parfois même la simple nécessité matérielle amènent les administrations à rechercher des implantations éloignées les unes des autres, en vue d'un meilleur « aménagement du territoire ». Décentraliser est devenu un objectif permanent, et l'existence en province d'un établissement national public s'intègre tout naturellement à ce programme. Cinquante ans après le décret de 1926 sur la BNU de Strasbourg, ce texte prend ainsi une actualité nouvelle.
Les collections constituées par la BNU permettent de remplir ce rôle national dans trois domaines au moins : le fonds ancien, les études germaniques, les sciences religieuses.
Le fonds d'ouvrages et de documents anciens s'est développé d'une façon presque paradoxale dans une bibliothèque qui conservait très peu de documents de son passé propre. Nous le devons avant tout à deux bibliothécaires à qui fut confiée successivement la charge de diriger cet établissement : Karl-August Barack et Julius Euting. Le premier, qui avait pris l'initiative des collectes de dons, sut les orienter dans le sens de la qualité et souvent de l'ancienneté. Il n'hésita pas à déborder le cadre habituel de la recherche pour s'intéresser à des secteurs moins courants, et ce faisant il rencontra l'inlassable curiosité d'esprit de son adjoint et successeur Euting. L'un et l'autre poursuivirent ces mêmes objectifs dans leurs programmes d'acquisitions. Il n'était pas évident qu'on réunirait aussitôt, et parmi bien d'autres enrichissements, un fonds Dante ou encore une collection de deux mille trois cents livres sanscrits, et c'est pourtant ce que Barack parvint à réaliser dès la première année. Les collections anciennes furent ainsi développées en des domaines très divers, d'où l'importance des fonds arabe, hébraïque, persan, sanscrit, etc. Toutes les catégories de documents étaient recherchées, et cette conception très large des acquisitions a toujours été maintenue depuis lors, ce qui permet aujourd'hui à la BNU de réserver pour les études des chercheurs spécialisés : 5 837 manuscrits, 2 018 incunables, 4 678 papyrus, 3 024 ostraca, 255 tablettes de bois, 487 tablettes cunéiformes, 25 ooo monnaies et médailles, 30 ooo estampes, 3 ooo portraits, 3 000 cartes géographiques, 3 000 cartes et plans. L'égyptologie est bien représentée, et les papyrus grecs méritent une mention particulière. Ils sont en cours de publication, sous la direction du professeur Jacques Schwartz.
En même temps qu'ils constituaient un fonds de documents anciens, nos devanciers étaient amenés d'autre part à s'intéresser de façon très active à certains secteurs de la recherche. Pour des raisons évidentes à l'époque, le fonds germanique fut particulièrement développé, et ceci ne concerne pas seulement la langue et la littérature, mais aussi pour certaines périodes l'ensemble de la production imprimée en allemand. Dans un contexte renouvelé, ceci nous est utile aujourd'hui sur le plan national, pour disposer d'un ensemble cohérent qui intéresse tous les germanistes de nos universités.
Il en va de même en un secteur complexe, et qui inclut de nombreux éléments de la philosophie comme de l'histoire, celui des sciences religieuses, où la législation appliquée en Alsace a permis de développer, en relation avec les différentes confessions et parfois au niveau interconfessionnel, un groupement documentaire de valeur nationale. Le fonds réuni sur l'histoire de la Réforme est particulièrement développé, mais ceci dépasse le domaine des sciences religieuses, car on pourrait faire la même remarque pour l'histoire de l'humanisme, ou celle du seizième siècle en général. La BNU travaille de façon constante avec les deux Facultés de Théologie catholique et protestante, et ces acquisitions restent aussi importantes aujourd'hui qu'hier, car ces Facultés poursuivent l'une et l'autre un programme de recherche très actuel.
La BNU a donc conservé depuis l'origine quelques grandes orientations qui correspondent aujourd'hui encore à sa vocation nationale sur le plan de l'information. L'évolution est plus sensible au niveau des méthodes de travail, qui ont subi l'influence de plusieurs systèmes bibliothéconomiques, et là encore la situation géographique de Strasbourg a entraîné des conséquences notables.
Le traitement des ouvrages était tout d'abord assuré d'après les principes des bibliothèques allemandes qui, voici un siècle, accordaient volontiers une priorité au classement systématique. A cet égard, quand on médite cette expérience alsacienne, on reconnaît au niveau de la conception une similitude assez nette avec ce qu'est aujourd'hui encore la shelf-list américaine. Les moyens étaient différents, l'usage des chiffres se trouvait tempéré par celui des lettres, mais les intentions paraissent bien les mêmes : on déduit la place du livre, quasi dialectiquement, et on envisage moins l'accès alphabétique à tel livre que l'accès collectif à tel secteur de la recherche. Au même moment, les universités françaises fondaient une gestion très économique des bibliothèques sur un système plus simple et tout différent, celui de l'accès, par le catalogue auteurs et le numéro inventaire, à des documents qui restaient classés dans le sanctuaire d'un magasin inaccessible. Par un étrange retour des situations, les grandes bibliothèques allemandes d'aujourd'hui se sont rapprochées de cette formule, tandis que la bibliothéconomie française inspirée par les instructions de 1962 adapte le système américain à la modicité de nos moyens, et tente une synthèse souvent féconde entre ces expériences diverses.
Bien entendu, nous n'en étions pas encore là en 1918. La synthèse ne pouvait prévaloir à cette date, puisque son principe même n'était pas encore reconnu. Au moins fut-il possible d'adopter ce que le système français avait de plus valable : un enregistrement complet de chaque ouvrage, permettant de le localiser, et ce fut un des aspects majeurs de l'œuvre accomplie sous la direction du Dr. Wickersheimer, administrateur de cette bibliothèque jusqu'à 1950. Cet enregistrement nouveau n'empêcha pas de conserver la partie initiale du classement systématique, marquée par une majuscule latine (parfois suivie d'une minuscule). Mais cette survivance des méthodes antérieures est très limitée, et la définition de la discipline reste moins précise que celle de l'enregistrement semi-systématique prévu par les instructions de 1962. Ainsi, toutes les sciences exactes sont classées dans la série H, alors que le schéma de 1962 les répartit entre les séries A à E.
Cette première transformation en 1920 des méthodes appliquées par la BNUS entraînait un effort considérable, en raison du nombre des documents concernés. Malgré l'avantage incontestable de l'enregistrement numérique, dont nous bénéficions désormais, elle était diversement appréciée parce qu'elle faisait disparaître l'intérêt d'une consultation directe en magasin, où les enseignants s'attendent toujours à trouver les ouvrages classés suivant leurs sujets. A cet égard, la rénovation des méthodes entreprise pour l'ensemble de la France à partir de 1962 a pris une valeur libératoire, puisqu'elle a permis de restituer au classement systématique sa valeur en l'adaptant à des circonstances nouvelles. C'est le cas à Strasbourg pour les fonds de sciences exactes et de techniques, qui sont présentés au public depuis huit ans suivant la CDU. Des travaux comparables ont été réalisés en médecine, avec appel dans certains cas à la classification de la National Library of Medecine. La situation est plus complexe pour les sciences humaines et sociales, mais un effort est envisagé dans plusieurs cas pour définir la discipline de façon plus précise, au niveau de l'enregistrement.
Cette nouvelle étape de l'évolution doit rester prudente, puisqu'elle s'adresse à un fonds de livres dont les modes d'accès ne peuvent plus être soumis à des remaniements trop nombreux. Mais elle témoigne des orientations acceptées en général par les bibliothèques pour rapprocher le livre du lecteur et de ses habitudes de travail. Il n'est pas exact qu'une grande bibliothèque de vocation universitaire puisse donner satisfaction par le système de la fixed location, de l'emplacement déterminé par la seule date d'entrée, en comptant sur l'intermédiaire du catalogue et éventuellement de l'informatique pour établir le lien entre le lecteur et le livre. Ceci reviendrait à abandonner aux seules bibliothèques d'instituts le soin de donner aux chercheurs le cadre de travail où les livres sont placés à leur portée immédiate, et où un classement rationnel permet de connaître aussitôt les ressources. C'est précisément cet abandon que les instructions de 1962 ont voulu éviter, parce qu'il conduirait à un repli sur elles-mêmes de bibliothèques qui ne seraient plus utilisées qu'à demi.
Le développement des fonds de livres et l'évolution des méthodes supposaient un effort parallèle, pour accroître les surfaces utilisées. Dans le cadre du programme réalisé depuis trente ans par l'ensemble des bibliothèques françaises, la BNU put rénover ses locaux et les compléter ailleurs par des constructions d'usage spécialisé.
La rénovation concernait le bâtiment inauguré le 29 novembre 1895 dans le centre de Strasbourg, qui abrita l'ensemble des collections jusqu'en 1964, et qui aujourd'hui encore est celui de la section centrale. Situé sur la place de la République, il comporte 15 600 m2, à la suite de ses divers remaniements. Sa date de construction n'était pas favorable, puisque cette époque précède la transformation notable de l'architecture dans un sens plus fonctionnel. D'où un manque de souplesse qui ne permet pas d'adapter aisément les locaux à des usages différents de leur destination primitive. Il apparut assez vite que les surfaces réservées au public étaient insuffisantes, de même que celles des bureaux. Plus tard, les magasins de livres eux-mêmes, qui étaient cependant conçus avec plus de largeur de vues, ne parvinrent plus à contenir la totalité des collections, mais l'architecture existante ne permettait pas de trouver de solutions peu onéreuses. A la fin de la dernière guerre, il devenait cependant tout à fait urgent de résoudre ces problèmes, puisque la construction était endommagée par un bombardement, les collections éprouvées par celui-ci, par la destruction d'une grande partie du fonds médical qu'on avait transféré à la mairie de Barr, par le désordre enfin qui résultait de plusieurs déménagements successifs. M. Wickersheimer prit très rapidement les mesures nécessaires pour rétablir un fonctionnement normal, en attendant les crédits indispensables à une rénovation. Celle-ci fut réalisée principalement sous l'impulsion de son successeur M. Maurice Piquard, à partir de 1950. Malgré les difficultés architecturales, elle permit d'utiliser au maximum les surfaces pour une extension des services publics et des bureaux. Quant aux magasins, dont la surface ne pouvait être accrue, on parvint à intercaler des rayonnages supplémentaires, dans l'intervalle disponible entre les épis. Comme cette charge nouvelle était excessive, il s'agit de rayonnages autoporteurs.
L'organisation des services publics, mise en place progressivement, à partir de 1950, comprend au premier étage un dispositif comparable du point de vue fonctionnel au deuxième niveau des bibliothèques construites depuis 1960. Une salle de recherche se trouve complétée par plusieurs locaux annexes où des livres nombreux sont placés à la disposition directe des lecteurs. Cet ensemble comporte deux locaux réservés aux bibliographies et une salle de périodiques. Les catalogues auteurs et matières sont placés à proximité immédiate. Le tout étant fort bien groupé, mais avec une utilisation des surfaces si complète qu'on en vient à regretter que la place perdue en circulations soit tellement réduite : les difficultés architecturales signalées plus haut ont pu être résolues par cet usage intensif des surfaces, qui restent par elles-mêmes inadéquates aux besoins.
Le deuxième niveau, celui de la recherche, se trouve ainsi installé au premier étage, ce qui correspond bien à l'implantation normale. En revanche, le manque de place disponible au rez-de-chaussée ne permet pas d'y installer le premier niveau, celui des étudiants non-avancés, qui est situé de façon fort peu classique au deuxième étage, donc au-dessus du précédent. Là encore, les servitudes architecturales n'offraient pas d'autre solution. Une salle de 260 places fut mise en service en 1960. Elle vient d'être complétée en 1976 par une autre, de 100 places. Bien entendu, les mêmes étudiants ont accès également et de façon constante à plusieurs salles du premier étage : catalogues, bibliographie, périodiques.
Le bâtiment ainsi rénové, qui fut témoin depuis un siècle de toute l'histoire de cette bibliothèque, est maintenant utilisé par la section centrale. Le fonds de celle-ci, consacré avant tout aux Sciences humaines, comprend aussi les ouvrages d'intérêt général, la bibliothéconomie, un certain nombre de documents intéressant toutes les disciplines, mais aussi un cabinet numismatique et une réserve importante où se retrouve l'essentiel des richesses anciennes.
Il restait à étendre la BNU au-delà de son cadre d'activité traditionnel, et ce fut l'œuvre entreprise sous la direction de M. Norbert Schuller, Administrateur de 1959 à 1974. Cette œuvre fut marquée tout d'abord par la création d'une section Médecine et d'une section des Sciences et techniques.
La première est installée depuis 1964 à proximité immédiate des locaux d'enseignement et de recherche construits pour la Faculté de médecine. Cette section dispose de 3 890 m2, mais le nombre des collections ne permet pas de consacrer aux services publics toutes les surfaces que l'afflux des lecteurs rend nécessaires. La salle des étudiants a pu être complétée par une mezzanine. Pour favoriser les études plus approfondies, les locaux disponibles se révélaient insuffisants, mais un effort a été consenti dès l'origine pour installer une salle des périodiques, qui est jumelée depuis deux ans avec une salle de recherche. Ceci constitue au total l'équivalent, mais avec une extension qui reste trop limitée, du second niveau prévu pour la recherche dans les bâtiments plus étendus.
La section des Sciences et techniques est installée dans un bâtiment construit suivant le schéma classique des années soixante, avec deux niveaux d'utilisation. Toutefois, le premier niveau se trouve déjà situé au premier étage, puisque le rez-de-chaussée est occupé par un magasin de livres et des bureaux. Bien que cette section dispose au total de surfaces importantes (près de 6 000 m2), les magasins sont devenus insuffisants. En revanche, les salles de travail répondent actuellement aux besoins, et les secteurs spécialisés peuvent se développer assez largement sur l'ensemble du deuxième étage. L'implantation du bâtiment, sur le campus de l'Esplanade et à proximité immédiate des universités de Strasbourg, est certainement très favorable à la réalisation du programme que cette section a défini. Il permet d'envisager dans un proche avenir la coopération avec les chercheurs pour l'accès aux formes les plus modernes de la documentation.
Les constructions qui viennent d'être inaugurées le 27 septembre 1976 répondent à un objectif très différent, qui n'est pas avant tout universitaire, mais où on retrouve la vocation plus générale de la BNU depuis sa fondation voici un siècle. Il s'agit de deux bâtiments jumelés, situés 3 et 5 rue du Maréchal Joffre (2 200 et 3 800 m2). Achetés à une société d'assurances, ils ont fait l'objet d'une rénovation complète, et sont maintenant utilisés par la section des Alsatiques et la section Droit. De plus, la direction de l'ensemble de l'établissement et ses services d'affaires générales sont installés au premier étage du 5 rue du Maréchal Joffre.
Les deux sections nouvelles qui viennent de trouver ainsi l'instrument de travail dont elles avaient besoin s'adressent à un public aussi varié que possible, sans aucune limitation professionnelle. C'est le cas pour toutes les sections de la BNU, mais ce contact est réalisé plus facilement quand elles sont implantées au cœur de la ville. La section centrale et les deux bâtiments nouveaux se trouvent dans cette situation. En outre, la section des Alsatiques réunit un fonds régional qui est jusqu'ici à peu près exhaustif pour les documents concernant l'Alsace. On a pu s'en rendre compte récemment encore, en visitant l'exposition que cette section organisait en septembre 1976 sur la presse alsacienne des origines à 1950. Ce fonds régional intéresse des chercheurs et des personnes de toutes origines qui se sentent concernées par l'histoire, la littérature ou les traditions de leur province. Il est enrichi par le dépôt légal, mais aussi par un budget d'acquisitions, qui bénéficie d'une subvention du Conseil général du Bas-Rhin. Cette section joue de façon croissante le rôle de centre de documentation sur l'Alsace, et publie, sous la direction de Mme Lang, la Bibliographie alsacienne.
Pour la section Droit, cette implantation en pleine ville est également souhaitable, car elle favorise les relations avec les professions administratives, libérales ou commerciàles, que ce fonds de livres intéresse pour des raisons pratiques. La tradition d'une bibliothèque administrative existait de longue date à Strasbourg, et la BNU y a collaboré dans le passé, suivant des modalités qui ne se sont pas toujours révélées satisfaisantes. Un des objectifs poursuivis aujourd'hui est de développer de nouveau cette fonction de la BNU, en bénéficiant de conditions matérielles plus adéquates, et en étendant cette expérience à des secteurs professionnels plus nombreux. Cette préoccupation est partagée par l'université, qui entretient maintenant des relations constantes avec ces même professions. Le statut d'établissement public permet à la BNU de s'adapter aussitôt à ces orientations vers l'extérieur et de définir avec une pleine liberté d'action les achats ou les méthodes de travail qui donnent satisfaction à l'ensemble du public.
C'est ainsi que se développe, sous des formes renouvelées, la mission intellectuelle d'une bibliothèque qui reste attachée à ces liens nombreux et variés avec des lecteurs d'origines très diverses. L'expérience a montré que cette variété n'a pas nui à des relations très complètes avec les universités de Strasbourg, qui sont d'ailleurs représentées très largement au Conseil d'administration de la BNU et participent ainsi aux décisions les plus importantes qui la concernent. A partir d'un mode de fonctionnement lié à un bâtiment unique, l'établissement s'est développé dans le même sens que les universités, celui d'une spécialisation croissante. Mais ceci était prévisible dès les premières années, avec le classement systématique et la répartition des fonds de livres en de grandes séries, qu'on dénommait déjà sections, et dont certaines sont devenues effectivement des sections au sens nouveau et plus complet de ce terme, disposant aussi d'un bâtiment qui leur est propre. L'unité n'a donc jamais été exclusive d'une spécialisation qui découle tout naturellement du travail orienté vers la recherche, et celle-ci fait partie de la vocation d'une bibliothèque nationale.
Il est significatif qu'une de nos grandes villes, située au centre d'échanges intellectuels entre plusieurs pays, ait pu maintenir cette tradition d'une bibliothèque qui soit en même temps publique et universitaire, qui suive l'évolution des universités, mais en l'intégrant à un programme plus général, ce qui revient en fin de compte à affirmer la spécificité des problèmes documentaires. Les sources d'information qui se trouvent ainsi réunies ne sont pas définies par un public, mais par un niveau de recherche.