Le nouveau bâtiment de la Bibliothèque du Centre universitaire de la Réunion

Jean-Claude Roda

D'une surface de planchers de I 330 m2, le bâtiment de la Bibliothèque du Centre universitaire de la Réunion qui a été mis en service en octobre 1973 s'articucule sur trois niveaux autour d'un noyau central qui regroupe escaliers et monte-livres. Au sous-sol sont installés les magasins et la salle de manutention, au rez-de-chaussée le hall d'accueil, la salle de lecture avec banque de prêt et catalogue, au premier étage les bureaux et la salle des professeurs.

A l'est de Saint-Denis, se développe entre mer et montagne, le quartier populaire du Chaudron qui a été choisi pour accueillir les nouveaux bâtiments du Centre universitaire de la Réunion 1. C'est là, à flanc de coteau, que se situe la Bibliothèque universitaire qui avait été conçue au centre et comme pièce maîtresse d'un campus dont l'achèvement semble désormais renvoyé aux calendes grecques. Ainsi, au lieu de la situation de prestige promise par l'architecte, elle se trouve reléguée aux frontières de la première tranche des bâtiments universitaires et ne pourrait être plus éloignée des laboratoires et bâtiments de recherche!

Projet de construction

Le principe de la création d'un campus universitaire et, partant d'une bibliothèque, fut arrêté en 1965; le programme pédagogique défini en 1966 prévoyait pour la bibliothèque 1 ooo m2 se répartissant de la façon suivante :
- salle de lecture 370 m2
- bureaux 50 m2
- salle des professeurs 60 m2
- magasin et manutention 210 m2
- logement 60 m2
- circulation 250 m2
Total 1 000 m2

Finalement, les surfaces réalisées furent portées à 1 330 m2 ainsi réparties :
- salle de lecture 400 m2
- bureaux 48 m2
- magasin et manutention 300 m2
- logement 100 m2
- circulation 220 m2
Total 1 330 m2

sans compter un vide sanitaire prolongeant au sous-sol les magasins et pouvant être aménagé, à peu de frais, en magasin à livres de 250 m2 environ.

Le crédit fut ouvert en 197I; l'appel d'offres ayant été lancé en août 197I, le chantier fut mis en route à la fin de cette même année.

Pour des raisons à la fois techniques (par exemple : on n'avait pas sondé le terrain, ce qui obligea, en cours de travaux, à revoir la conception des fondations) et économiques 2 (le crédit initial ne fut pas révisé malgré les augmentations successives du coût de la construction, avec pour conséquence de nouveaux arrêts du travail), la bibliothèque ne fut livrée qu'en octobre 1973. En fin de compte, elle aura coûté :
- 2 ooo ooo Francs pour la construction
- 190 464 Francs pour l'équipement mobilier et matériel.

Préparation et déménagement des collections

Dès 1966, en même temps qu'elle était dotée d'un budget de fonctionnement, la bibliothèque universitaire qui comprenait alors pour tout personnel, un conservateur, un gardien et un agent de bureau, recevait une première subvention d'équipement de 50 ooo Francs qui devait permettre la constitution d'un modeste fonds pluridisciplinaire d'ouvrages. Depuis, grâce à de nouvelles subventions et à l'augmentation régulière de la subvention de fonctionnement, les collections ont été portées en 1973, au moment de l'ouverture de la nouvelle bibliothèque, à 30 000 volumes. La première étape de la mise en route de cette Ire tranche de la bibliothèque consista donc à définir son rôle, en fonction non seulement de sa destination première (section sciences), mais aussi des difficultés à faire fonctionner la section de Saint-Denis. Il ne s'agissait pas en effet de se contenter d'extraire du fonds général tout ce qui concernait l'enseignement de l'UER de sciences tout en maintenant à Saint-Denis les ouvrages à la frontière des sciences économiques et géographiques, mais aussi de décongestionner les rayons en enlevant environ 8 000 ouvrages appartenant aux autres disciplines. Ouvrages et périodiques ont donc été triés et récolés en vue de leur destination nouvelle, sans arrêter pour autant le fonctionnement de la bibliothèque. Ce partage des collections, en fonction de la place occupée et non de leur intérêt, a obligé à conserver dans leur ntégrité les catalogues de la bibliothèque de Saint-Denis en pastillant les fiches des ouvrages déménagés, et conduit à les doubler afin d'avoir à chaque instant et dans les deux établissements à la fois, une vue complète des fonds d'ouvrages et de leur répartition. Ce travail permit en outre de distinguer les ouvrages de Saint-Denis (environ 13 ooo) qui sont tous en libre-accès, les ouvrages en libre-accès au Chaudron et enfin ceux qui ont été mis dans le magasin de la nouvelle bibliothèque. Ainsi préparé, le déménagement des collections a pu être mené à terme en trois journées de travail, sans interruption du service.

Disposition des locaux et équipement

La bibliothèque dont on n'a réalisé que la première tranche et qui a été conçue pour être exécutée en trois tranches au fur et à mesure du développement du campus 3 a la forme banale d'un cube de béton protégé par des brise-soleil orientés différemment suivant l'exposition des trois façades définitives Sud, Ouest et Nord. Le mur Est, provisoire hélas, puisque c'est par là que s'étendra le bâtiment, a été construit avec peu de soin de moellons de ciment ce qui le rend très vulnérable aux pluies cycloniques qui, précisément, dans l'hémisphère austral, viennent de l'Est. Derrière les brise-soleil, s'élèvent sur 5 mètres des cloisons vitrées montées sur châssis en acier inoxydable. Brise-soleil et cloisons vitrées donnent à la salle de lecture un éclairage très doux en la mettant à l'abri de l'ardeur tropicale.

L'ensemble du bâtiment s'articule autour de la tour contenant l'ensemble monte-livres-escaliers et qui met en relation les trois niveaux de la construction. Au rez-de chaussée, côté Sud, après avoir franchi l'une des deux grandes portes vitrées, le lecteur pénètre dans le hall et trouve en face de lui le prolongement de la banque de prêt; en le suivant, il ne peut ignorer, à sa gauche, les catalogues et pénètre dans la vaste salle de lecture qui comporte 120 places assises, et dont la capacité peut facilement être doublée. A gauche, isolé par un mur bas et tout près de l'escalier conduisant aux toilettes aménagées dans le sous-sol, un coin de détente a pu être ménagé; on y peut bavarder ou lire les journaux sans déranger les lecteurs qui veulent travailler. Au-dessus des bureaux qui flanquent, à droite, l'ensemble monte-livres et banque de prêt, le grand volume de la salle de lecture est agrémenté d'une mezzanine abritant la salle des professeurs. Les magasins et la salle de manutention sont au sous-sol. Ce sous-sol, à demi-enterré seulement, n'a pas été complètement aménagé car une partie qui n'était pas prévue devait servir de soubassement aux piliers de la salle de lecture et c'est la présence de cavernes dans le sol basaltique qui a obligé à descendre ce soubassement et à étendre le sous-sol. On pourra donc aisément et à peu de frais doubler, pratiquement, la surface des magasins.

Les crédits d'équipement ont permis de faire fabriquer à la Réunion même et selon un schéma proposé un mobilier à la fois élégant et solide s'harmonisant avec le bâtiment aux murs et piliers de béton brut de décoffrage et la mer toujours bleue qu'on aperçoit à travers les brise-soleil. L'ensemble des rayonnages bas et des présentoirs à périodiques est en métal laqué blanc souligné de plateaux de formica bleu outre-mer, de même que le dessus de la banque de prêt. Les plateaux de table recouverts de formica blanc mat mettent en valeur les siège et dossier bleu électrique des chaises et se marient agréablement aux rayonnages. Tables et chaises ont des piètements en acier inoxydable contre lequel l'humidité tropicale n'a aucune prise tandis que le métal chromé ne résiste pas plus de cinq ans. Les fauteuils blancs du coin détente dont les murs ont été peints en bleu outre-mer, sont discrets et confortables.

Sur le plan mécanographique, la bibliothèque a été dotée d'un photocopieur de bureau pour les travaux courants du service; elle va recevoir incessamment un deuxième photocopieur qui, non seulement permettra de répondre aux demandes du public mais réalisera en outre des plaques électrostatiques adaptées à la machine offset avec laquelle sont réalisés déjà tous les imprimés (fiches de prêt, enveloppes, papier à lettres, etc...) de la bibliothèque universitaire, mais aussi de la Bibliothèque centrale de prêt et bientôt toutes les publications du Centre universitaire de la Réunion.

Destinée à l'origine aux étudiants et enseignants de l'UER sciences, la première tranche de la Bibliothèque du Chaudron a dû accueillir, dès sa mise en service en octobre 1973, les étudiants en Ire année de sciences économiques... sans que les tranches correspondantes du campus aient seulement été programmées. Les deux UER de droit et lettres sont appelées à y dispenser de plus en plus de cours car le campus offre tout de même des locaux plus spacieux que l'ancien collège de Lazaristes. La bibliothèque doit suivre cette évolution; conçue il y a huit ans selon des normes généreuses, elle est loin d'être saturée et suffira pendant une dizaine d'années aux besoins des trois UER. En outre la possibilité déjà mentionnée de doubler pratiquement la surface des magasins met à l'abri de la saturation et permet d'envisager le proche avenir avec sérénité.

Fiche technique

Bâtiment

Les pignons et façades ont été réalisés en béton brut de décoffrage. Le mur de sous-sol, façade nord, a été doublé de moellons de basalte. L'ossature des claustra ainsi que les claustra préfabriqués ont également été réalisés en béton brut de décoffrage.

Les cloisons vitrées intérieures des façades Nord, Ouest et Sud sont constituées par un châssis d'acier inoxydable comportant des panneaux mobiles. Elles délimitent la salle de lecture sur toute sa hauteur (5,20 m) et représentent à peu près 340 m2 de vitrages dont on peut difficilement assurer l'entretien. Les portes extérieures et leurs cloisons latérales sont également vitrées.

Le sol est recouvert de carreaux de grès de 10 X 10 cm d'entretien facile mais très sonores dans la salle de lecture.

Éclairage

Un éclairage incandescent par plots lumineux, commandé par des boutons poussoirs placés sur le tableau situé derrière la banque de prêt, règne sur la salle de lecture, le hall d'entrée, les dégagements et la mezzanine (soit au total 113 plots). Fixés au plafond à 5,20 m au-dessus de la salle de lecture, ils ne peuvent être changés par le personnel de la bibliothèque et nécessitent l'intervention d'une entreprise qui n'est appelée que si un nombre important de lampes a brûlé. Les bureaux et le sous-sol sont éclairés par des appareils fluorescents duo de 1,50 m.

Climatisation

La climatisation est assurée par deux appareils alimentés par courant de 400 volts et situés dans le sous-sol. Ils permettent de climatiser séparément les magasins d'une part, la salle de lecture, les bureaux, etc. d'autre part. Silencieux, ils donnent en saison chaude et humide, une ambiance agréable à la bibliothèque.

Liaisons verticales

Deux monte-charges non accompagnés desservent le sous-sol, le rez-de-chaussée (derrière la banque de prêt) et la mezzanine. Ils ont chacun une charge utile de 50 kgs. Un emplacement a été réservé derrière ces monte-charges pour deux ascenseurs accompagnés qui seront réalisés au cours de la deuxième tranche.

Sanitaires

Les sanitaires n'ont pas été négligés, mais ont été réalisés à l'économie, les lavabos sont petits et la robinetterie donne déjà quelques soucis.

  1. (retour)↑  Si dès 1825 une ordonnance créait à Saint-Denis une École de jurisprudence qui eut une vie éphémère, ce n'est qu'un siècle plus tard que fut créée l'École de droit qui en 1950 fut transformée en Institut d'études juridiques, filiale de la Faculté de droit et sciences économiques d'Aix-en-Provence et qui est encore logé dans un ancien collège de Lazaristes, un des plus vieux bâtiments de Saint-Denis. En 1965 enfin, un arrêté ministériel adjoignait à cet institut deux nouveaux établissements : le Centre d'enseignement supérieur scientifique et le Centre d'enseignement supérieur littéraire qui, l'année suivante, furent dotés d'une bibliothèque universitaire. Ainsi, la Réunion voyait-elle enfin la réalisation de son vœu : devenir le foyer universitaire et intellectuel de l'Océan Indien.
  2. (retour)↑  Tout le Campus aura d'ailleurs souffert de ce parti pris d'économies qui aura conduit à beaucoup de sacrifices.
  3. (retour)↑  On trouvera dans le n° 369-370 de « L'Architecture française » les plans de l'ensemble du projet.