Bibliographies en métamorphose

Michel Libes

Après une présentation des caractéristiques d'un certain nombre de bibliographies actuellement automatisées mais qui continuent à paraître sous une forme imprimée sont dégagés les grands traits communs à celles-ci. Une comparaison des champs documentaires couverts par ces bibliographies permet d'en apprécier l'exhaustivité, la complémentarité et la concurrence. Pour introduire le chercheur au coeur d'une telle documentation les bibliothèques universitaires doivent développer leur rôle d'intermédiaires techniques comme l'illustrent les travaux déjà réalisés par certains établissements avec le Medlars.

Nombre de grandes bibliographies scientifiques présentent aujourd'hui un double visage : comme par le passé elles continuent à paraître sous la forme de publications imprimées; mais, simultanément, ou, pour être plus exact, préalablement, elles existent en mémoire d'ordinateur. La première forme, depuis si longtemps familière à force d'avoir été manipulée, fait oublier parfois qu'elle est le produit d'un processus d'automatisation qui porte en lui-même des possibilités nouvelles d'accès à l'information.

La méconnaissance de ces possibilités est encore courante dans l'Université, même parmi les spécialistes, en dépit des efforts publicitaires entrepris par les centres documentaires qui éditent ou exploitent les bibliographies scientifiques automatisées. Un exemple, qui n'est pas isolé : l'Association Française de Documentation Automatique en Chimie (AFDAC), dont on reparlera ici, déclare qu'à ce jour 3 % seulement des profils documentaires qu'elle gère ont pour abonnés des universitaires; cette association, il est vrai, est récente; mais en Grande Bretagne, l'United Kingdom Chemical Information Service (UKCIS) constatait l'an dernier qu'il n'avait même pas pour abonnés 1 % des membres de la « Chemical Society », qui en compte 45 000; et pourtant l'AFDAC et l'UKCIS exploitent les bandes magnétiques des Chemical Abstracts, bibliographie des plus prestigieuses, s'il en est.

Les bibliothèques universitaires qui ont si longtemps assisté le chercheur dans sa pratique manuelle des bibliographies ont donc un nouveau champ d'action ouvert devant elles : alerter leur public des possibilités offertes par l'automatisation, et, pourquoi pas ?, l'assister dans cette nouvelle voie.

Pour introduire quelque peu dans ce nouveau champ d'action, on a rassemblé ici des renseignements sur certaines grandes bibliographies très connues, qui se sont métamorphosées au cours des dernières années en ce qu'on appelle des « bases de données » enregistrées et exploitables sur ordinateur. Il s'agit des bibliographies produites par le CNRS, ISI, INSPEC, CAS, BIOSIS et la NLM - on précisera sous peu quels instruments seront couramment désignés par ces sigles pour plus de commodité.

On y a ajouté, sans toutefois s'étendre sur ce point malgré son extrême importance, un exemple de réseau : celui de l'European Space Organisation (ESRO).

Un choix aussi limité ne saurait évidemment donner un panorama complet de l'univers des bibliographies automatisées. Les répertoires retenus ont simplement ceci de commun qu'ils représentent des potentiels bibliographiques énormes, d'un intérêt souvent pluridisciplinaire. A ce titre ils favorisent la réflexion sur l'évolution de la littérature scientifique, sur la manière souvent concurrente dont ils l'abordent et sur la sous-utilisation relative de leurs services automatisés alors que les volumes imprimés sont omniprésents dans toute université. Sans prétendre épuiser de tels sujets on tentera simplement d'en illustrer certains, et de livrer, chemin faisant, des renseignements qu'on espère utiles, avec le résultat de quelques recherches destinées à préciser et à chiffrer au moins partiellement les données de certaines questions qui se posent en documentation.

Il convient certes, ici, de faire amende honorable d'un choix dont on mesure tout l'arbitraire : il passe sous silence, par exemple, Excerpta Medica, Nuclear Abstracts, Engineering Index et bien d'autres bibliographies automatisées qui sans être nécessairement d'une taille aussi colossale, représentent l'effort le plus complet pour dominer telle ou telle discipline, comme les Mathematical Reviews entre autres.

On pourrait d'ailleurs probablement étendre sans trop de difficulté à ces bibliographies la plupart des considérations qui seront faites ici et qui portent sur la grande famille des bibliographies scientifiques spécialisées; on entend par là celles qui couvrent une discipline dans son ensemble. Par contre aucun des propos émis ici ne saurait s'appliquer tel quel aux bibliographies scientifiques axées sur des sujets spécifiques (on dit parfois « sectorielles ») car elles présentent souvent des caractéristiques particulières.

Au seuil de cet exposé seront d'abord présentées succinctement les principales caractéristiques des bibliographies autour desquelles l'article va tourner; l'ordre de présentation des répertoires ou de leurs caractéristiques ne correspond à aucun essai de typologie ou de classification. Bien des détails seront omis dans ce panorama introductif; on les trouvera dans les brochures éditées par les centres documentaires, ou dans les ouvrages spécialisés, comme (2) et (3) en particulier. A l'issue de cet avant-propos un peu ingrat, on dégagera les grands traits communs à ces bibliographies, dans une première étape. Ensuite on tentera de voir dans quelle mesure elles couvrent la documentation et sont concurrentes sur ce terrain. En troisième lieu, enfin, la tâche des bibliothèques universitaires étant d'introduire le chercheur au coeur de cette documentation, on s'interrogera sur le rôle qu'elles peuvent jouer à présent que ces instruments sont automatisés; cette dernière réflexion s'appuiera sur un exemple concret.

Panorama introductif

A : identité des bibliographies confrontées

B : couverture de la documentation

C : l'accès à l'information

D : prestations automatisées

E : un exemple de réseau, ESRO

A. Identité des bibliographies confrontées

B. Couverture de la documentation

1. Catégories de documents primaires couverts :

Les catégories de documents sont désignées par une croix; quand il est connu on a précisé le nombre annuel de documents couverts par catégorie; cf. commentaires dans la 2e partie de l'article.

2. Nombre total de références produites par an :

Voir évolution et chiffres détaillés sur les tableaux de la Ire partie de l'article :
CNRS: 500 000
ISI : 450 000 *
INSPEC : 150 000
CAS: 350 000
BIOSIS : 240 000 (BA + BIOI)
NLM : 200 000

* ISI dépouille les 450 000 articles, lettres, notes publiés dans les 2 400 revues qu'il couvre; seuls sont écartés les articles publicitaires; ces références permettent elles-mêmes d'enregistrer près de 5 000 000 de citations par an; c'est-à-dire qu'en moyenne un article de revue comporte une bibliographie d'une dizaine de titres.

3. Stock cumulé de références : total estimé fin 1974, sauf indications contraires.

C. L'accès à l'information

N.-B. Les indications ci-dessous sont générales; il convient de se reporter aux instructions détaillées données par chacune des bibliographies.

1° Classement des références dans les volumes imprimés :

- Cadre de classement systématique pour CNRS, INSPEC, CAS et BIOSIS (uniquement la partie Biological Abstracts; pas de cadre dans le Bioresearch Index).
- Classement alphabétique des mots-clés pour NLM.
- Le Science Citation Index d'ISI comporte trois parties :
- le « Source Index » donne dans l'ordre alphabétique des auteurs les articles publiés pendant l'année dans les 2 400 revues couvertes; leur signalement comprend : auteur-titre-adresse bibliographique;
- le « Citation Index » contient, dans l'ordre alphabétique des auteurs, les documents cités par les articles publiés; un document cité n'a pour tout signalement que son auteur et son adresse bibliographique accompagnée du bref signalement de l'article citant (auteur et adresse bibliographique qui permettent le recours au « Source Index »);
- le « Permuterm Subject Index » estl'index matière du « Source Index »; il est du type KWIC mais avec association parpaire des mots-clés et permutation des mots dans la paire; les paires ainsi obtenues constituent autant d'entrées.

2° Types d'index imprimés : (a)

Les croix indiquent les types d'index présentés par les bibliographies.

Remarques :

(a) à type d'index égal, d'une bibliographie à l'autre, les renseignements fournis peuvent varier sensiblement, et parfois, pour une même bibliographie, selon que l'on a affaire à l'index d'un fascicule ou à l'index cumulatif. Par exemple : pour CNRS l'index auteur qu'il soit mensuel ou annuel, se contente de renvoyer aux numéros des abstracts; chez INSPEC l'index annuel des auteurs introduit le titre des articles; idena pour l'index auteurs semestriel chez CAS.

(b) Pour l'Index Medicus on ne peut à proprement parler d'index de matière car il s'agit de la partie principale de la bibliographie.

(c) Type d'index n'apparaissant que dans quelques sections dans CNRS.

(d) Cf. explications données supra dans « Classement des références ».

(e) Le CNRS ne donne pas un véritable index des livres, volumes de congrès, rapports et thèses; il les récapitule simplement à la fin de chaque numéro de chaque section du Bulletin signalétique; pas de liste cumulée.

(f) Chemical Abstracts présente plusieurs types d'index matières :
- l'index alphabétique qui accompagne les fascicules hebdomadaires est composé à partir des mots-clés tirés des titres ou des abstracts; il n'a toutefois pas la présentation du KWIC; vocabulaire libre;
- l'index alphabétique semestriel des substances chimiques ne comprend au contraire que les appellations en quelque sorte « contrôlées » de ces substances, ce qui suppose le recours préalable à l' « Index Guide » ou à l'index des formules;
- l'index des formules;
- l'index général alphabétique des sujets, qui présente tout ce qui n'a pas trait à une substance chimique spécifique : concepts généraux, appareillages etc.
- l' « Index Guide », 1' « Index of Ring System » et le « Registry Handbook » ne renvoient pas aux abstracts; ce sont des instruments d'identification;

(g) il s'agit d'un index des brevets cités dans les revues dépouillées par ISI.

Index cumulatifs couvrant plusieurs années :

existent chez

- INSPEC : pour les périodes

1955-1959 4 vol. (PA + EEA) totalisant 82 ooo références

1960-1964 9 vol. - - 190 000 -

1965-1968 8 vol. - - 270 000 -

1966-1968 1 vol. (CCA) - 16 ooo -

- ISI : le Science Citation 5-years index pour 1965-1969, 20 vol., soit 1 500 ooo articles dépouillés.

- CAS : depuis les origines a paru une collection, toujours disponible, d'index numérotés, et comportant, selon les époques :

A = index des auteurs P = index des brevets (« patents »)

S = index des matières PC = index de concordance des brevets

F = index des formules

I 1907-1916 type : S, A 4 vol. 190 000 références

2 1917-1926 - S,A 5 - 220000 -

3 1927-1936 - S, A 5 - 540 000 -

4 1937-1946 - S, A 6 - 510 000 -

- 1920-1946 - F 2 -

- 1937-1946 - P 1 - 142 700 -

5 1947-1956 - S, A, F, P 19 - 660 000 -

6 1957-196I - S, A, F, P 15 - 630 000 -

7 1962-1966 - S, A, F, P, PC 24 1 020 000 -

8 1967-197I - S, A, F, P, PC 46 - 1 470 000 -

9 1972-1976 en préparation prévues 2 000 000 -

3° L'accès à l'information sur les bandes magnétiques :

D'une manière générale les bandes magnétiques permettent au moins les mêmes types d'interrogation que les volumes imprimés (auteurs, mots-matières). Mais elles offrent aussi bien d'autres possibilités, très variables selon les bibliographies et, pour un même système bibliographique, selon les générations. Les bibliographies automatisées sont essentiellement évolutives et leurs caractéristiques liées aux progrès des logiciels; il faudra donc toujours se reporter au dernier guide publié par les services documentaires.

Pour illustrer simplement la diversité des termes interrogeables sur bandes magnétiques, on indiquera, par exemple, que dans le système PASCAL du CNRS, théoriquement tout mot entrant dans le signalement ou le résumé d'un document peut être un terme d'interrogation : affiliation de l'auteur, pays, titre de la revue, mots du titre de l'article, etc...

Chez ISI le système ASCA permet d'interroger sur auteur, auteur-cité, auteur appartenant à une organisation, revues citées, mots-clés, phrases-clés, etc...

Pour les Chemical Abstracts un « Manuel de rédaction des profils documentaires en chimie », publié par l'AFDAC, explique les nombreuses possibilités du système.

Quel que soit le système, la variété des termes interrogeables facilite la sélection des documents intéressant un chercheur : outre la mise au point des mots-matières pour l'interrogation (qui est l'étape la plus complexe), il peut spécifier, par exemple, qu'il lit régulièrement telle et telle revue depuis telle date, qu'il reçoit automatiquement les tirés-à-part de tel auteur ou de tel laboratoire, et qu'il ne comprend pas telle langue : ainsi seront éliminés autant de documents qui ne lui apporteraient rien.

D. Prestations automatisées

Elles sont de deux types :
- la recherche bibliographique rétrospective;
- la diffusion sélective de l'information, ou DSI (en anglais : SDI).

La DSI est la sélection par l'ordinateur des références bibliographiques qui se rapportent à un sujet défini avec précision (le « profil ); cette sélection s'opère régulièrement dans la littérature scientifique primaire courante; on s'abonne à la DSI comme on s'abonnerait à une bibliographie courante, mais on ne reçoit que les extraits concernant ses recherches; on gagne du temps sur la bibliographie courante imprimée, qui est elle-même produite par l'ordinateur.

Dans la DSI certains sujets sont définis à l'avance par les services bibliographiques, parce qu'ils correspondent aux besoins présents et aux orientations actuelles d'une large fraction de la recherche scientifique et technique : ce sont les « profils standard », proposés à des conditions avantageuses. Par contre le profil individuel est adapté aux besoins spécifiques d'un utilisateur; plus cher, il demeure confidentiel, et sa mise au point nécessite un dialogue entre l'usager et le service bibliographique.

Remarques :

(a) PASCAL est opérationnel depuis 1972 pour certaines sections; depuis 1974 sur l'ensemble des sections du Bulletin signalétique.

(b) Les bandes magnétiques CAC 1 & 2 (= Chemical Abstracts Condensate séries paire et impaire) existent depuis 1968; elles comprennent les 80 sections de la bibliographie; ces bandes ne contiennent pas les abstracts mais les mots-clés. Par contre les bandes CBAC (= Chemical-Biological Activities, sections 1-5 & 62-64) existent depuis 1965, et contiennent les abstracts; abstracts aussi sur les bandes POST (= Polymer Science and Technology, sections 35 à 46), il existe d'autres bandes pour les index.

(c) Le système ASCA contient le Science Citation Index et le Social. Science Citation Index; pour les profils standard, ASCATOPICS propose 360 titres en science et 120 en sciences sociales.

(d) Pour l'instant l'AFDAC ne propose pas de profils standard; en Grande-Bretagne l'UKCIS propose des « macroprofils » sur certains sujets à partir des bandes CAC 1 & 2.

Tarifs donnés sous toute réserve, à titre purement indicatif; se renseigner auprès des organismes. Les prix sont généralement fonction de l'étendue de la question (nombre de termes d'interrogation, nombre d'années interrogées) et du volume des réponses (nombre de références sorties, avec ou sans abstract au choix selon les systèmes). Si l'on excepte les prix des profils standards, qui sont fixes,pour une année, le coût d'une recherche automatisée peut donc varier sensiblement selon les questions; en particulier dans le cas des recherches rétrospectives (150 F pour NLM était le minimum; pour les autres systèmes il faut compter au moins 600 F au minimum); en outre comme les systèmes évoluent, une interrogation peut être facturée différemment selon les années interrogées. Enfin il peut exister des barèmes selon les catégories d'usagers : particuliers, universitaires, laboratoires, etc...

E. Un exemple de réseau : E.S.R.O.

EUROPEAN SPACE RESEARCH ORGANISATION

- Space Documentation Service (SDC)

Via Galileo Galilei - 00044 FRASCATI (Italie).

Le.service central de Frascati (SDC) est au centre d'un réseau européen comprenant :

- des imprimantes rapides à Frascati, Darmstadt et Neuilly

- 13 terminaux pour travailler en conversationnel dans 7 pays : France, Italie, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, Suède et Espagne.

Fichiers' documentaires exploités et domaines couverts :

Le système informatique permet d'exploiter par télétraitement les fichiers suivants :

Services automatisés fournis :

- DSI sur profil personnalisé; mensuel; 800 F (400 F univ.).

- Profil standard appelé « Sciences et techniques » (choix entre une centaine de profils); mensuel; 300 F.

- Profil standard appelé « Collection SCAT » (= Service de signalement et de mise à jour de catégories de composants électroniques); choix entre 20 catégories; mensuel; 555 F).

- Bibliographies rétrospectives; l'unité (o à 400 réf.) 500 F (400 F. univ.).

- Location d'un terminal : 600 F ou 750 F l'heure selon les cas.

Un service assure la reproduction des documents :

- soit sous forme de microfiches, 3 F l'unité (= 98 pages au maximum);

- soit sous forme de photocopie; 1 F la page.

I. Autour de quelques caractéristiques communes

On a l'habitude de voir les bibliographies spécialisées, quel que soit leur domaine, traiter des documents rédigés en toutes langues. Par contre, et cela est tout aussi ordinaire, elles en donnent des signalements ou des analyses exprimées en une seule langue. Les quelques bibliographies étudiées ici ne font pas exception à cette règle; comme elles sont automatisées, on dira donc avec les informaticiens que leur « input » est multilingue et leur « output » monolingue; mais ici apparaît un trait particulier.

Parmi les systèmes bibliographiques qui viennent d'être décrits, on en compte un en langue française, le Bulletin signalétique du CNRS (ou PASCAL) et six en langue anglaise. Cette prédominance de la langue anglaise ne résulte pas seulement du choix qui a été opéré pour composer l'échantillon bibliographique étudié ici. C'est un phénomène plus général, et encore plus accentué si on considère l'ensemble des bibliographies scientifiques qui sont automatisées et commercialisées. Le Directory of computerized information in science and technology [d'après Wellisch, 33] recensait, en 1970/197I, 318 services d'information automatisés en activité. Sur ce nombre, déduction faite des services tels que tenue de catalogues de bibliothèques, tenue de catalogues collectifs, et de divers services non commercialisés ou réservés à une clientèle privée, on comptait seulement 43 services bibliographiques automatisés commercialisés : 40 étaient en langue anglaise.

C'est dire que si le présent échantillon est petit, il n'en reflète pas moins la position d'hégémonie de la langue anglaise dans la littérature secondaire, dont elle est devenue la lingua franca, un peu à l'image du latin dans le monde savant d'autrefois. Cette hégémonie est d'autant plus remarquable qu'on estime à une centaine environ le nombre de langues servant à l'expression des documents scientifiques primaires; l'anglais n'est utilisé en moyenne que par 40 % de ces documents, tandis que l'allemand, le français et le russe le sont par 10 à 15 % d'entre eux. Naturellement ces proportions peuvent varier sensiblement si on quitte un point de vue global pour analyser la situation dans chaque spécialité scientifique. Par exemple si on considère l'ensemble de la littérature chimique, telle qu'on peut l'appréhender à travers les Chemical Abstracts, alors plus de 56 % des documents sont en anglais, contre 23 % en russe, 6 % en allemand et 4 % en français (5); si on examine seulement le domaine de la biochimie l'anglais grimpe à 75 %, suivi, mais de très loin par l'allemand qui atteint 3,75 %, tandis que le rançais et le russe sont dans les 2,5 % (30) (29); par contre en géologie la moitié des documents serait en russe (23).

Naturellement cette hégémonie de la langue anglaise dans la littérature secondaire peut être une source de sérieuses difficultés pour les utilisateurs de bibliographies quand elle n'est pas leur langue maternelle (33). On notera toutefois que si on quitte le domaine des bibliographies spécialisées, couvrant une discipline dans son ensemble, pour entrer dans celui des bibliographies spécifiques ayant trait à des sujets particuliers, on trouve alors plus facilement des systèmes dans d'autres langues que l'anglais, ou multilingues (TITUS par exemple).

Une deuxième caractéristique générale des bibliographies présentées ici, est qu'elles ont connu un développement considérable consécutif, naturellement, à celui de la littérature scientifique primaire. Ce développement a été maintes fois retracé. Dans ce même bulletin, M. Boutry l'a plus spécialement étudié pour la physique jusqu'en 1966 (8). On se contentera en quelque sorte de comparer des chiffres et de calculer certains taux d'accroissement, sur lesquels on se bornera à des commentaires brefs et prudents.

Le tableau n° 1 donne de 1958 à 1973 la progression du nombre de références publiées par chacune des six bibliographies mises en lice. Les chiffres cités émanent de la « National Federation of Abstracting and Indexing Services », ou NFAIS (25), pour INSPEC, CAS, BIOSIS et la NLM, des rapports annuels d'activité pour le CNRS, et du Science Citation Index 1972 guide and journal list pour ISI. Le choix des dates repaires, 1958, 196I, 1964, 1967, 1970 et 1973, est tout à fait arbitraire; il permet simplement de suivre en quelque sorte à grandes enjambées la production de ces bibliographies, de trois ans en trois ans, de 1958 à nos jours. Les pourcentages indiqués entre deux dates expriment le taux d'accroissement du nombre de références entre la première et la deuxième de ces dates; ce taux est égal au rapport de la différence sur le chiffre de départ.

Le tableau n° 2 reprend les mêmes données, arrondies, mais portées sur un graphique destiné à faciliter les comparaisons. Ce graphique utilise une échelle semi-logarithmique, c'est-à-dire une échelle arithmétique pour l'axe des temps et une échelle logarithmique sur l'axe servant à mesurer le nombre de références. Une échelle semi-logarithmique a un double avantage : elle permet d'une part de porter sur un même tableau des variations de grande amplitude (on passe de 15 000 références avec INSPEC en 1958 à plus de 500 000 avec le CNRS de nos jours); d'autre part elle permet, d'après la pente des courbes, la lecture directe des taux d'accroissement alors qu'une échelle arithmétique n'eût mis en évidence que les variations absolues. Ainsi les comparaisons que l'on peut établir adoptent d'emblée un point de vue relativiste. Par exemple, le quasi-parallélisme de la courbe d'INSPEC entre 1958 et 196I, et de celle de BIOSIS entre 1967 et 1970, révèle un taux d'accroissement presque identique à l'intérieur de ces deux périodes (exactement 81 % pour INSPEC et 84 % pour BIOSIS si on se réfère au tableau n° I), alors qu'en valeur absolue la première bibliographie s'est grossie d'un peu plus de 12 ooo références et la deuxième de 105 000. On peut aussi comparer commodément les taux d'accroissement de toutes les bibliographies dans un même intervalle de temps.

Depuis 1958 l'accroissement de ces bibliographies a été très fort. Pour résumer et donner des ordres de grandeur on peut dire que depuis cette date :
- INSPEC, avec un taux d'accroissement de 920 %, a quasiment décuplé; cette bibliographie l'emporte de loin sur toutes les autres de ce point de vue, tout en restant la dernière en valeur absolue;
- BIOSIS, avec un taux de 470 %, a presque sextuplé;
- NLM, avec un taux de 8I %, a presque doublé le volume de l'Index Medicus ;
- CNRS a doublé sa bibliographie, qui demeure en tête par le nombre de références éditées;
- ISI, 10 ans après avoir lancé le Science Citation Index, c'est-à-dire de 196I à 1970, a triplé à la fois le nombre d'articles dépouillés et le nombre de citations relevées.

Quoique les courbes du tableau n° 2 ne suivent pas la progression des bibliographies année par année, elles suffisent à montrer l'irrégularité de cette progression. Entre 1958 et 1973 aucune d'elles n'est une droite; aussi peut-on dire qu'en dépit d'à-coups se traduisant par des taux de progression très forts sur de brefs intervalles de temps, aucune de ces bibliographies n'a connu sur un long intervalle une expansion qu'on puisse vraiment qualifier d'exponentielle au sens strict du terme (elle se serait traduite par une droite sur le repère semi-logarithmique).

Naturellement le total général des références publiées par chacune de ces bibliographies pour chacune des années-repères ne donnerait qu'une image fausse de la production scientifique. En effet l'ensemble de la production scientifique, à travers toutes ses disciplines, ne peut être que très partiellement représentée par le Bulletin signalétique ou le Science Citation Index, qui ne couvrent respectivement que 9 ooo et 2 400 revues. Si, par ailleurs, on considère certains secteurs de la production scientifique, la physique et la chimie par exemple, il faut bien dire que le CAS et l'INSPEC, tout en essayant, eux, de couvrir le plus grand nombre possible de documents intéressant leur domaine, se montrent souvent sélectifs dans le dépouillement des articles des revues qu'ils traitent. Même en cumulant la production bibliographique des 29 membres actuels de la NFAIS, qui couvrent la plupart des sciences et des techniques, on parvient seulement à un total de un million et demi de références pour 1973. Le caractère limité d'un tel chiffre apparaît si on se souvient qu'on estime couramment à 100 000 le nombre des revues scientifiques et à dix millions d' « items » par an la production scientifique mondiale actuelle. On s'empressera toutefois d'ajouter que ces évaluations sont très grossières, et ne s'assortissent malheureusement pas de toutes les définitions souhaitables, à commencer par celle du mot « document » ou d' « item »; c'est pourquoi la littérature consacrée à la documentation ne présente pas une grande concordance dans ses affirmations. Le premier rapport annuel du Bureau national de l'information scientifique et technique (BNIST), qui vient de paraître (13), se contente, avec circonspection, de parler des revues scientifiques, dont il estime la production annuelle à un million et demi d'articles, et des brevets originaux, estimés à 200 000 par an; mais il rappelle l'existence d'autres catégories de documents, comme, par exemple, les catalogues industriels, dont le volume est difficile à chiffrer. Quant au nombre de revues scientifiques en cours, le chiffre de 100 ooo pourrait bien être très exagéré; on trouve d'ailleurs aussi celui de 50 ooo ou même de 30 ooo, qui ont certes l'inconvénient de donner moins d'éclat à « l'explosion documentaire ». Les études statistiques d'ISI sur le Science Citation Index méritent réflexion (14) : s'il y avait effectivement entre 50 ooo et 100 ooo revues scientifiques en cours, alors seulement 5 à 6 % d'entre elles seraient citées par les auteurs des quelque 400 ooo articles qu'ISI relève chaque année dans 2 400 grandes revues scientifiques; un aussi large silence sur tant d'autres revues aurait de quoi surprendre ; de là à penser que l'estimation de départ est trop forte... le pas serait aisé à franchir si l'on ne craignait d'avoir affaire en réalité à certains aspects encore mal connus de la communication scientifique.

Quoi qu'il en soit de ces estimations elles suffisent à faire comprendre qu'aucune bibliographie ne saurait être exhaustive et que totaliser le nombre de références qu'elles produisent ne donnerait qu'une image assez floue de la production scientifique. D'ailleurs bon nombre de revues sont dépouillées par plusieurs bibliographies simultanément; les références qui se répètent sont donc assez nombreuses. Cette question des recoupements de couverture sera évoquée dans la deuxième partie de cet article; mais, on doit déjà le dire, elle est d'une trop grande complexité pour pouvoir être dominée autrement que par un effort conjugué des organismes bibliographiques eux-mêmes. Pour illustrer ce propos on dira simplement qu'on n'aura pas, par exemple, le nombre total d'articles publiés en physique en totalisant les références de la bibliographie d'INSPEC et celles des sections 10I à 165 du Bulletin signalétique : outre que l'une et l'autre de ces bibliographies dépouillent un certain nombre de revues identiques, à l'intérieur de chacune d'elles des références sont dupliquées pour apparaître dans différentes sections; un calcul précis nécessiterait un pointage article par article.

Toutes ces réserves sont destinées à montrer combien les statistiques bibliographiques doivent être manipulées avec prudence. On se hasardera toutefois à noter que la littérature scientifique connaît peut-être un tassement, au moins momentané. L'allure générale des courbes du tableau n° 2 le laisse penser, leur pente étant moins forte depuis 1970, quand elle n'est pas presque nulle. Si on examine les statistiques année par année (dans les sources déjà indiquées) on voit que certaines bibliographies sont déjà passées par un maximum : en 1972 pour le CAS (379 048) et pour la NLM (221 ooo) qui avait cependant connu en 1969 une poussée jusqu'à 224 000 références; le CNRS n'a pas retrouvé son niveau de 1970 (528 000); BIOSIS plafonne. Pour 1974 la NFAIS ne s'attend à une progression un peu sensible que pour les Chemical Abstracts et INSPEC. On dirait en somme que depuis 1970 les chiffres hésitent à aller de l'avant, tandis que dans les années antérieures leur progression était toujours nette, franche et souvent impressionnante.

Il serait certes hasardeux, à partir d'un simple échantillon, d'affirmer que les bibliographies tendent à plafonner, ce qui impliquerait une pause dans la littérature scientifique primaire. D'ailleurs la question est plus complexe : si certaines grandes bibliographies ne progressent plus ou guère, est-ce faute de pouvoir couvrir les nouvelles revues qui paraissent ou faute de n'avoir pas accru leur degré d'exhaustivité dans le dépouillement de celles qu'elles couvrent déjà? ou bien est-ce le résultat d'un début de coopération qui éviterait les doubles emplois ? ou bien est-ce vraiment le signe d'un ralentissement de la production scientifique, soit que peu de nouvelles revues paraissent, soit que le nombre de contributions aux revues en cours se stabilise ? Mais on pourrait dire aussi, à l'inverse, que l'explosion documentaire continue, mais que le nombre de documents dignes d'être signalés ne bouge plus ! D'ailleurs, pour combattre la prolifération désordonnée de nouvelles revues, souvent nuisible à leur qualité, onze chimistes en renom ne viennent-ils pas de préconiser leur boycottage par les bibliothèques ? Cet appel, lancé dans Chemistry in Britain de janvier 1974 (p. 32), a suscité plusieurs échos qu'on trouvera au fil des correspondances adressées à ce journal.

L'avenir n'est pas exactement prévisible : le BNIST (13) rappelle que tout le monde s'accorde pour dire que dans 10 ou 15 ans le volume annuel d'informations à traiter aura très sensiblement augmenté, sans que l'on puisse définir avec précision si ce volume sera multiplié par deux, trois, six, voire huit.

Quoiqu'il en soit, la progression de la littérature scientifique et l'évolution des besoins des utilisateurs ont été suffisamment amples jusqu'à ce jour pour modifier le visage des bibliographies et leur donner cet air à la fois massif et sophistiqué qui les rend doublement redoutables aux non initiés. Massivité des volumes, sophistication des index.

Pour illustrer la massivité des volumes il suffit de penser aux Chemical Abstracts, pour lesquels les statistiques sont si vertigineuses et si flatteuses qu'il est difficile de résister à la tentation de les citer; la littérature documentaire anglo-saxonne les répète d'ailleurs à l'envi : il a fallu aux Chemical Abstracts 32 ans (de 1907 à 1938) pour atteindre leur premier million d'abstracts, 18 ans pour le deuxième, 8 ans pour le troisième, 4 ans et 8 mois pour le quatrième, et 40 mois pour le cinquième, publié en 1972; on attend le dix millionnième abstract pour 1982.

Cette même bibliographie illustre aussi la sophistication actuelle des index; on y trouve en effet un index auteur, un index numérique des brevets, un index de concordance des brevets, un index des noms de substances, un index général des matières, un index des formules, un index « ring system » et un précieux index-guide. En outre depuis 1965 le Chemical Abstract Service attribue à chaque substance chimique un numéro d'immatriculation unique représentant sa structure (CAS Registry Number) qui simplifie le travail d'identification et facilite la manipulation des index ainsi que la recherche en ordinateur; à ce jour plus de 2 800 ooo substances ont déjà été enregistrées (ISI dans Index Chemicus enregistre également les substances mais avec une notation tout à fait différente).

Le Bulletin signalétique est tout aussi caractéristiques de la massivité et de la sophistication actuelles des bibliographies scientifiques; mais son caractère encyclopédique a conduit à le fractionner en de si nombreuses sections qu'on en oublie presque qu'il s'agit d'un seul et même système bibliographique. En outre il est certain que son apparition est relativement trop récente pour qu'il puisse témoigner de façon aussi spectaculaire de l'essor de la littérature scientifique depuis le début du siècle. Le CNRS produit un nombre d'abstracts supérieur à celui du CAS; cette performance est remarquable si on songe qu'elle est réalisée par une équipe de 400 personnes quand le CAS en occupe 1 ooo à Columbus épaulées par 2 700 collaborateurs bénévoles à temps partiel répartis dans une bonne cinquantaine de pays.

Le Bulletin signalétique illustre un type de bibliographie peu fréquent, qui serait peut-être devenu irréalisable (du moins en temps utile pour ses utilisateurs) sans le concours de l'informatique et des techniques nouvelles d'impression, et dont l'intérêt s'accentue avec l'interpénétration grandissante des disciplines scientifiques : il s'agit de la bibliographie scientifique générale internationale. Seuls deux centres de documentation dans le monde ont suivi cette voie, en s'inspirant d'ailleurs du CNRS : le VINITI (Vsesoiuznij Institut Naucnoi 1 Teknicheskoi Informacii) et le JICST (Japan Information Center of Science and Technology).

Quoique d'un type voisin le Science Citation Index se place à un autre niveau, en explorant à fond un nombre limité de revues essentielles et en adoptant une démarche entièrement originale qui lui permet de retrouver qui s'est fait écho de tel ou tel auteur; du coup cette bibliographie élargit considérablement son champ d'investigation et dans une direction inexplorée par les autres.

Si l'ordinateur est nécessaire pour dominer la complexité de la documentation scientifique et pour l'aborder par des biais nouveaux, il permet aussi d'éditer les bibliographies avec assez de rapidité pour que leur contenu n'ait pas trop vieilli quand elles parviennent aux lecteurs. Entre l'instant où paraît un document primaire et le moment où son signalement est publié par une bibliographie, il s'écoule un délai semblant varier de 2 à 6 mois. CAS serait l'organisme le plus rapide, avec trois mois en moyenne pour les Chemical Abstracts; le CNRS mettrait de 4 à 5 mois dans son Bulletin signalétique; le Science Citation Index, qui est trimestriel, recense les articles de un à six mois après leur sortie. Mais il serait vain de vouloir dresser un palmarès équitable, car les systèmes bibliographiques, comme toute bibliothèque ordinaire, sont, eux aussi, tributaires des aléas des abonnements de périodiques.

En dehors du domaine de l'information courante, la rapidité procurée par l'ordinateur est également appréciable pour l'édition d'outils de recherche rétrospective.' La refonte des index des Chemical Abstracts en donne une illustration spectaculaire. Le 7e Collective Index qui couvrait la période 1962-1966, comprenait 24 volumes, plus de 41 000 pages, soit 1 020 ooo références représentant 10 millions d'entrées; sa réalisation avait duré 4 ans; il avait été édité en 197I, soit 5 ans après la fin de la période qu'il couvrait. Il a par contre fallu 2 fois moins de temps pour éditer le 8e Collective Index (années 1967-197I), pourtant 2 fois plus gros avec ses 46 volumes, ses 80 000 pages, ses 1 470 ooo références et ses 15 millions d'entrées. Cet index a été livré complet en 1973, soit 2 ans seulement après la fin de sa période de référence. Si du 7e au 8e Collective Index la rapidité de fabrication s'est trouvée, pour ainsi dire, multipliée presque par quatre, c'est que le 8e Collective Index a été le premier à être produit par ordinateur.

Enfin la rapidité de l'ordinateur fait l'avantage des prestations automatisées. Au soulagement qu'apporte au chercheur la sélection automatique des références,' s'ajoute le privilège, dans la DSI, de connaître ces références bien avant les lecteurs de la bibliographie imprimée; on peut estimer le gain de temps à un mois environ, sans parler de l'agrément de recevoir sa bibliographie toute prête à son bureau. On notera toutefois que les premières sorties d'un profil individuel demandent de 2 à 6 semaines.

Que ce soit donc pour l'information courante ou la recherche rétrospective, les bibliographies scientifiques automatisées ont en commun un certain monolinguisme (pour l'output), la recherche de la rapidité, de la maniabilité et de la souplesse en dépit de leur taille, pour demeurer maîtresse d'une littérature appelée à croître en étendue, en diversité et en complexité. A chaque époque ses bibliographies ; mais on n'ose plus aujourd'hui employer ce mot tout seul pour de telles entreprises; il s'agit bien de véritables « systèmes » pour donner à la bibliographie l'emprise la plus totale sur le savoir humain.

II. Couverture de la documentation et recoupements.

Ces bibliographies, sous des dehors assez voisins, ne cernent cependant pas la documentation scientifique de la même manière. Deux questions, en particulier, viennent à l'esprit de qui veut les comparer : jusqu'à quel point ces bibliographies couvrent-elles la littérature scientifique ? et, par quels biais respectifs permettent-elles d'accéder aux références (classifications, thesaurus, types d'index etc...) ?

C'est donc sur des problèmes de couverture et de structure que va se faire la différence d'une bibliographie à une autre, qu'elles soient étudiées sous leur forme imprimée ou sous leur forme automatisée. On se bornera ici à évoquer une seule de ces deux importantes questions, celle de la couverture, en essayant de classer quelques idées et d'apporter le résultat de quelques recherches partielles.

La couverture de la documentation est fonction de plusieurs paramètres. En effet pour évaluer une bibliographie, il faut d'abord énumérer les types de documents qu'elle touche dans sa spécialité. Dans la littérature scientifique on trouve sept types principaux de documents : les périodiques, les livres, les publications de congrès, les thèses, les brevets, les rapports techniques et les cartes.

Ensuite pour chaque catégorie de documents il faut mesurer si la bibliographie couvre tout ce qui est produit dans la spécialité dont elle traite : par exemple donne-t-elle toutes les thèses ? Enfin pour certains types de documents on doit se demander si la bibliographie les dépouille d'une manière exhaustive ou sélective : par exemple cite-t-elle toutes les communications d'un congrès ou tous les articles d'une revue ? On voit donc que la question de la couverture se pose à trois niveaux, et qu'en parlant d'exhaustivité ou de sélectivité il faut préciser le champ d'application de ces termes.

Pour ce qui est des types de documents, les six bibliographies étudiées ici les couvrent à des degrés divers; faute de statistiques on formulera souvent une appréciation approximative.

- les périodiques sont présents dans tous les systèmes bibliographiques et fournissent, de loin, la majeure partie des références. Mais le Science Citation Index et le Bulletin signalétique du CNRS ne couvrent qu'un nombre très limité de revues si l'on songe que ces deux bibliographies devraient les couvrir toutes pour répondre à leur vocation encyclopédique. Elles sont donc sélectives quant aux titres qu'elles couvrent; en contrepartie elles sont exhaustives dans leur dépouillement et signalent tous les articles publiés dans ces titres; le SCI, en plus des articles, signale les éditoriaux, lettres à l'éditeur, etc... Les systèmes des autres services bibliographiques (INSPEC, CAS, BIOSIS, NLM) présentent la caractéristique inverse : ils tentent de couvrir le plus grand nombre de revues publiées dans leur spécialité, mais ils sélectionnent la plupart du temps les articles à traiter dans ces revues, excepté pour un noyau de revues fondamentales qui sont dépouillées intégralement.

- Les livres sont peu représentés d'une manière générale, étant donné la place modeste qu'ils occupent dans le mouvement scientifique. Toutefois BIOSIS en signale un peu plus de 1 200 par an dans les seuls Biological Abstracts. Mais les livres sont quasi-inexistants dans le Bulletin signalétique qui mentionne seulement, les ouvrages reçus en service de presse; ils sont totalement absents de l'Index Medicus qui ne traite que des revues à l'exclusion de tout autre document. Naturellement, dans le Science Citation Index, qui ne couvre que des revues également, les livres apparaissent seulement dans la mesure où ils sont cités en référence par des articles de périodique; de ce fait, d'ailleurs, ils sont nombreux car il est fréquant qu'un article cite au moins un ouvrage, mais leur date de publication coïncide rarement avec l'année que couvre le SCI, ils sont plus anciens (en 1972, seulement 2,14 % des documents, autres que les brevets, cités dans des références avaient aussi été publiés en 1972, et ce nombre ne comprend pas que les livres). Cette remarque à propos du SCI vaudra pour les autres types de documents envisagés ci-après. Les statistiques du SCI confirment la faible importance des livres dans le travail scientifique : 80 % des citations relevées sont des citations d'articles de périodiques - alors que dans les sciences sociales les livres représentent plus de la moitié des citations (15).

- Les publications de congrès, quand elles paraissent dans des revues, sont, de ce fait, signalées. Celles qui sont publiées isolément, le sont aussi d'une manière générale, étant donné l'importance de ce type de document dans la communication scientifique. Mais comme les congrès ne sont pas toujours suivis de publications commercialisées, ou ne le sont qu'à retardement, le chercheur aura avantage à consulter des bibliographies spécialisées dans les congrès (comme Interdok par exemple). A noter que l'Index Medicus signale bien les congrès publiés dans des revues mais ne les dépouille pas.

- Les thèses, brevets et rapports techniques sont des documents importants que chaque bibliographie s'efforce de couvrir, mais d'une manière qui ne peut être complète que pour la production nationale, car ces documents échappent en général aux circuits commerciaux de l'édition pour demeurer dans les administrations ou les services officiels de leur pays d'origine. ISI déclare qu'en 1972 17 000 brevets ont été cités dans le SCI (même réserve que pour les livres). INSPEC couvre actuellement chaque année 2 500 thèses, 4 ooo rapports et 3 ooo brevets (quasi exclusivement américains ou britanniques, ces derniers étant deux fois moins nombreux que les premiers). Dans les Chemical Abstracts les brevets représentent 25 % du nombre total de références, et proviennent de 26 nations (en 1970 sur 76 ooo brevets signalés au total, c'est-à-dire soit analysés soit simplement mentionnés dans les index de concordance, 12 000 étaient français et 21 ooo allemands) (5). Le CNRS reçoit, signale et conserve en archives originales, les thèses françaises de docteur ingénieur, de docteur ès sciences, quelques thèses de médecine sélectionnées par les facultés, et vise à étendre ce recensement à toutes les thèses d'expression française en coopération avec l'AUPELF (Association des Universités partiellement ou entièrement de langue française). Il reçoit et signale aussi les rapports d'étude et de recherche de la DGRST (Délégation générale à la recherche scientifique et technique). Enfin le CNRS reçoit systématiquement de l'INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) tous les signalements de brevets déposés en France. Aucun brevet chez BIOSIS.

- Quant aux cartes, support d'information dont l'usage sous forme isolée n'est pas répandu dans toutes les disciplines, on en trouve dans le Bulletin signalétique du CNRS (mais elles ne sont alors accessibles que dans des centrés spécialisés qui collaborent avec le CNRS, comme le Bureau de Recherches Géologiques et Minières).

Au total, quel que soit le système bibliographique considéré, seuls les périodiques sont très largement représentés : d'une part ils sont couverts sur un plan vraiment international, d'autre part, ils fournissent la majorité des références. Pour les autres types de documents (mis à part les brevets dans le domaine de la chimie), la couverture est loin d'être exhaustive, quand elle n'est pas insignifiante comme dans le cas des livres (mais ce ne doit pas être un sujet d'étonnement, car ce n'est pas le rôle de ces bibliographies-là).

Naturellement, même pour les périodiques, ces bibliographies ont tendance à privilégier la production scientifique nationale et à couvrir ainsi des titres qui seraient peut-être passés pour mineurs s'ils avaient été d'origine étrangère. Cette tendance générale n'exclut d'ailleurs pas certaines surprises : pour donner un exemple pris au hasard, le Journal de médecine de Caen est couvert (selon l'intérêt des articles) par BIOSIS, mais il n'est pas reçu par le CNRS, et absent de l'Index Medicus qui couvre seulement 140 des quelque 800 revues médicales publiées en France; par contre la Revue de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, quoique reçue à la bibliothèque du CNRS, n'est pas dépouillée par le Bulletin signalétique, alors qu'elle est couverte par l'Index Medicus et par BIOSIS.

Cette très large ouverture des bibliographies scientifiques sur la production internationale pose inévitablement la question des recoupements de couverture. Cette question est d'une telle taille qu'un chercheur isolé ne semble pas en mesure de la résoudre, ou, du moins, de tirer tout le parti souhaitable des résultats auxquels il peut parvenir. Ceux qu'on trouvera ci-après ont été obtenus en essayant de cerner quantitativement les données du problème; ils peuvent aider, malgré une part inévitable d'approximation, à exprimer plus nettement certaines idées d'ordre général. Plusieurs questions restent certes sans réponse, mais probablement pour peu de temps encore car la collectivité scientifique s'en préoccupe à l'échélon national et international (28). Les recoupements de couverture, on doit d'ailleurs le reconnaître, ne sont pas forcément regrettables, car, à l'intérieur de chaque système bibliographique, le travail de dépouillement, d'analyse, d'indexation et de classement des références s'effectue pour répondre aux besoins d'une catégorie particulière d'utilisateurs : le chimiste, le biochimiste et le médecin peuvent travailler sur les mêmes documents, mais ils n'en font pas la même lecture.

Pour s'effectuer d'une manière complète la comparaison des couvertures nécessiterait un outil commode comme un fichier unique des documents dépouillés. Faute d'un tel moyen, on s'est limité, à l'intention du lecteur français, à comparer le Bulletin signalétique du CNRS (c'est-à-dire le produit du système PASCAL) avec les autres bibliographies. L'idée courante étant que les bibliographies spécialisées couvrent le mieux leur domaine, cette confrontation permet de situer l'entreprise du CNRS par rapport aux autres pour chaque spécialité. Le travail comparatif n'a porté que sur les titres de périodiques; il donne donc des chiffres globaux; l'idéal serait d'opérer en profondeur sur les titres des articles eux-mêmes : entreprise cyclopéenne... mais non pas inconcevable à l'avenir pour un ordinateur.

Rappelons le nombre de titres de revues couverts par les six bibliographies en présence :
- CNRS : Bulletin signalétique (ou PASCAL)..... 9 000 titres
- Compunter ISI : Science Citation Index ..... 2 400 -
- INSPEC : Physics Abstracts, Electrical & Electronics Abstracts,
Compunter & Control Abts ..... 2 000 -
- CAS : Chemical Abstracts ..... 12 000 -
(N. B. certaines sources donnent 9 ooo)
- BIOSIS : Biological Abstracts, Bioresearch Index..... 8 000 -
- NLM : Index Medicus (MEDLARS)..... 2 800 -

Le tableau 3 présente le résultat de la comparaison entre le Bulletin signalétique et les autres bibliographies. On peut retenir que le Bulletin signalétique du CNRS couvre :
- 88 % des revues déjà couvertes par ISI
- 77 % - - par NLM
- 62 % - - par INSPEC
- 46 % - - par BIOSIS

Pour les Chemical Abstracts on s'est contenté de pointer sur la « List of 1 000 primary journals most frequently cited in Chemical Abstracts » (10). Le CNRS dépouille 89 % des titres de cette liste. Enfin, on a ajouté sur le tableau 3 le résultat d'une comparaison entre BIOSIS et CAS, qui a été effectuée par ces services eux-mêmes en vue d'un travail de coordination (cette étude, entreprise en 1970, attribue 9 172 titres à CAS et 7 460 à BIOSIS [34]).

Des points d'interrogation demeurent, qui sont portés sur le tableau : dans chaque spécialité combien y-a-t-il de revues que le CNRS est seul à couvrir? et si on considère toutes ces bibliographies à la fois, quelles sont les revues qui sont couvertes par plusieurs d'entre-elles simultanément ? Pour répondre il faudrait posséder un catalogue matière des revues dépouillées par le CNRS (comme a fait ISI par exemple) et un fichier collectif.

Les résultats ci-dessus ont été obtenus par des pointages qui ont porté sur un bon tiers des titres figurant sur les listes d'ISI, d'INSPEC et de la NLM; pour BIOSIS, dont la base de donnée est énorme, les pointages n'ont porté que sur un dixième des titres (soit 800); dans tous les cas ces pointages ont été échelonnés sur l'ensemble de l'alphabet pour parer aux écarts imputables à certaines séquences (si on s'en tenait par exemple à la lettre Ale CNRS aurait obtenu des pourcentages bien plus forts). On peut considérer que pour les comparaisons effectuées avec ISI, INSPEC, NLM, les résultats sont bons à 2 % près; vis-à-vis de BIOSIS, il faudrait peut-être parler de 4 %, ce qui est médiocre naturellement comme précision.

Le lecteur devinera aisément pourquoi on ne s'est pas hasardé à confronter les 9 000 titres du CNRS avec les 12 000 du CAS... On s'est rabattu sur les « 1 000 primary journal most frequently cited », car il existe un phénomène dont on doit tenir compte.

Il convient ici d'évoquer la loi de Bradford, pour rectifier un jugement qui serait hâtif s'il se fondait uniquement sur les résultats des comparaisons exposées précédemment.

La littérature scientifique connaît en effet un phénomène de concentration, qui n'est pas nouveau et sur lequel Bradford avait attiré l'attention dès 1948 en l'exprimant sous forme de loi (citée par Brookes (9)). Ce phénomène est le suivant : si on considère l'article de périodique comme l'unité documentaire de base, et non pas le titre des revues, on s'aperçoit alors qu'un nombre restreint de revues de premier rang suffit pour posséder la majeure partie de la littérature scientifique parue dans une spécialité donnée. Ces revues constituent le coeur de la littérature scientifique, pour reprendre une image chère aux anglo-saxons. Bradford,s'était borné à émettre une loi empirique, sans lui donner une forme mathématique poussée ni définitive. L'intérêt de cette loi n'a été perçu que tardivement et n'a conduit que vingt ans après à raffiner son expression mathématique (9); mais, cette loi, vérifiée expérimentalement à plusieurs reprises, a servi à concevoir .certaines bibliographies ou bases de données comme celles d'ISI (17).

On estime en effet que le total des revues scientifiques vivantes dans le monde se situe entre 30 ooo et 50 ooo titres (on a déjà noté combien l'indétermination est grande à ce sujet; on ne trouve nulle part d'évaluation assortie de définitions et de chiffres précis). Mais on pense que 1 ooo titres suffisent pour posséder près de 80 % de l'ensemble des articles publiés (Derek J. de Solla Price, cité par Weinstock (32)). L'Institute of Scientific Information, poussant plus loin, a pu calculer qu'avec 1 ooo revues c'était même 90 % de la littérature scientifique significative que l'on possédait, introduisant ainsi un critère de qualité. C'est le fondement même du Science Citation Index, qui ne couvre que 2 400 revues, mais soigneusement sélectionnées d'après leur productivité et le nombre de fois dont leurs articles sont cités en référence dans leurs spécialités respectives. Ce phénomène de concentration peut atteindre des proportions considérables dans des domaines particuliers, comme, par exemple, la synthèse chimique : dans ce cas 100 revues suffisent pour connaître 96 % des quelque 180 000 nouveaux composés chimiques de synthèse signalés chaque année dans la littérature scientifique; mais il faut ensuite dépouiller des milliers de revues supplémentaires pour gagner quelques pourcentages de plus [18]. Ceci explique le faible nombre de revues couvertes par Current Abstracts of Chemistry and Index Chemicus, autre bibliographie automatisée d'ISI, qui a simplement été citée pour mémoire dans la présentation de ce service.

Naturellement ce phénomène de concentration joue aussi en faveur du Bulletin signalétique du CNRS, produit par PASCAL, qui couvre un nombre de revues supérieur à celui du Science Citation Index dont il comprend déjà 88 % des titres. C'est pourquoi on a pensé, dans le domaine de la chimie, qu'il suffisait de compter combien de revues le CNRS couvrait parmi les 1 ooo que le Chemical Abstracts Service désigne comme les plus productives. Des études entreprises par le CAS ont en effet montré ceci pour l'année 1970 : sur les 8 500 revues différentes analysées cette année-là par les Chemical Abstracts, 2 000 à elles seules ont fourni environ 85 % des références (il ne s'agit ici que des abstracts non relatifs aux brevets); avec 1 212 revues on a encore 75 % des références, avec 340 on en a 50 %, et 30 % des références sortent d'un noyau de quelque 250 revues fondamentales qui sont analysées d'un bout à l'autre (5), (22). Si donc en valeur absolue le CNRS ne couvre peut-être pas la moitié des revues couvertes par le CAS, ce qui semble un ordre de grandeur plausible quand on se réfère au résultat de la comparaison BIOSIS/CNRS, on peut tout de même estimer que le PASCAL couvre la littérature chimique périodique d'une manière qui devrait donner satisfaction à la plupart de ses utilisateurs.

Dans le domaine de la physique la concentration de la littérature est encore plus forte qu'en chimie. Il y a dix ans, en 1964, 60 % des abstracts publiés par les Physics Abstracts étaient tirés de seulement 34 revues (1). Cette bibliographie, comme les sciences physiques elles-mêmes, venait alors d'entrer dans une phase d'essor considérable, que M. Boutry a analysée jusqu'en 1966 (8) en soulignant en outre combien la littérature physique était concentrée au niveau même de l'édition avec la prépondérance, en particulier, de l'American Institute of Physics (AIP). Les études statistiques utilisant la méthode des citations qu'ISI a publiées en 1973 dans son Journal of Citation Reports (et que commente Inhaber (21)) ont confirmé ce phénomène de concentration; en effet, en 1969, année étudiée, le Science Citation Index couvrait 168 revues de physique; 86 d'entre elles figuraient dans le peloton des 1 ooo revues les plus citées en référence, et 24 se classaient dans les 110 premières; or cette liste recoupe celle citée précédemment pour 1964. C'est dire une fois encore combien le Science Citation Index est un instrument remarquable par sa conception qui lui assure une grande efficacité et qui autorise en même temps des études devant conduire à une meilleure maîtrise de la littérature documentaire.

Pour ce qui est de la physique, on peut donc dire que le CNRS assure une bonne couverture générale de la littérature publiée dans ce domaine, quoiqu'il ne traite que 1 200 des 2 ooo revues analysées par INSPEC (soit 62 %). Naturellement les 34 revues de base évoquées ci-dessus et qui fournissent la majeure partie des références en physique, sont toutes dépouillées par le Bulletin signalétique. Il resterait à établir la liste des titres analysés exclusivement par l'une ou l'autre de ces deux bibliographies. Sans aller jusque-là, on déduit globalement des calculs précédents qu'INSPEC traite actuellement 800 revues non dépouillées par le CNRS. M. Boutry (8) avait lui-même compté que le Bulletin signalétique, en 1964, analysait 2 800 revues touchant à la physique; il soulignait d'ailleurs le caractère approximatif de ce chiffre, puisqu'il avait dû lui-même dresser la frontière délimitant le domaine des sciences physiques. Si cette approximation demeure encore valable aujourd'hui (mais il convient d'être réservé après un tel laps de temps), le CNRS, déduction faite des 1 200 titres qu'il traite concurremment avec INSPEC, analyserait donc près de 1 600 revues intéressant la physique et non couvertes par INSPEC. Plus prudemment, on avancera qu'en vertu de sa pluridisciplinarité le Bulletin signalétique traite bon nombre de revues qui sans être entièrement spécialisées dans la physique publient suffisamment d'articles en ce domaine pour retenir l'attention des spécialistes. Par contre il est certains qu'INSPEC traite un plus grand nombre de revues spécifiquement consacrées à la physique : ainsi le pointage opéré pour établir le tableau 3 a permis également de déceler chez INSPEC une meilleure représentation des revues japonaises de physique (185 titres) que chez le CNRS; il a révélé aussi une plus large couverture des revues d'électricité et d'électronique; il se trouve en effet qu'un grand nombre de revues spécialisées dans ce secteur figurent à la lettre « E » qu'elles occupent quasi-entièrement sur la liste INSPEC; or le CNRS ne traite que 41 % des titres classés à cette lettre; on a signalé précédemment que les pourcentages variaient parfois sensiblement quand on comparait deux listes lettre par lettre : il se trouve, dans ce cas, qu'une lettre coïncide avec un secteur scientifique. C'est dire par ces deux exemples combien une étude minutieuse serait nécessaire pour situer très précisément une bibliographie par rapport à une autre.

En s'entourant de précautions analogues on peut dire que PASCAL est très concurrentiel de Medlars sur le plan de la couverture scientifique. Le Bulletin signalétique couvre en effet 2 100 des 2 800 revues traitées par l'Index Medicus (soit 77 %). En outre, on l'a vu, il analyse des documents non-périodiques. Mais, là encore, grâce à son caractère pluridisciplinaire, la bibliographie du CNRS analyse des revues touchant aux domaines marginaux de la médecine ou publiant des articles dans cette discipline sans y être spécifiquement consacrées. Au total le CNRS traite actuellement 3 500 revues intéressant le domaine biomédical (26). En définitive il y a donc 700 revues que MEDLARS est le seul des deux systèmes à traiter, et il en existe 1 400 que Pascal est le seul à analyser. Mais, comme pour la phy sique, une étude détaillée s'imposerait : il semble par exemple que le secteur dentaire est mieux représenté dans l'Index Medicus que dans la bibliographie du CNRS; en outre si le CNRS publie à présent 200 ooo références par an dans le domaine biomédical (qui occupe donc à lui seul presque la moitié de la bibliographie), seulement 25 000 références appartiennent aux sections médicales proprement dites (nos 346 à 359).

Quant à situer la bibliographie du CNRS par rapport à celle de BIOSIS, l'affaire est très délicate en raison du grand nombre de titres de revues à comparer. Dire que le CNRS traite environ 46 % des revues couvertes par BIOSIS, c'est assurer, en vertu de la loi de concentration, qu'il signale la majeure partie des travaux publiés dans les sciences biologiques. Mais on a vu aussi que BIOSIS analyse un assez grand nombre de livres, et que par le biais du Bioresearch Index il signale des textes qui ne donnent pas lieu à analyse dans les Biological Abstracts : par exemple des abstracts déjà publiés dans les revues scientifiques. En outre, la bibliographie de BIOSIS accorde une large place à certains pays, comme ceux de l'Amérique latine, par exemple.

Pour résumer cette suite de comparaisons on dira que les bibliographies scientifiques générales (ISI, CNRS) axées sur le coeur de la littérature, tout en couvrant moins de documents que les bibliographies scientifiques spécialisées (INSPEC, CAS, BIOSIS, NLM) assurent parfois jusqu'à 80 % le signalement des travaux importants dans toutes les disciplines; ces travaux sont aussi les plus faciles à se procurer en bibliothèque. En outre ces bibliographies générales favorisent les recherches interdisciplinaires. Mais, à cette même documentatlion de base, les bibliographies scientifiques spécialisées ajoutent une information plus étendue et plus fournie grâce à leur plus large ouverture sur la littérature du domaine dont elles traitent; une partie de cette littérature risque d'être difficilement accessible.

On pourrait dire que les bibliographies scientifiques générales abordent la documentation un peu à la manière des bibliothèques universitaires, en traitant les revues principales dans tous les domaines sans chercher à être exhaustives sur aucun. D'ailleurs la loi de Bradford intéresse aussi bien les bibliothèques : la concentration de la littérature scientifique dans un nombre relativement restreint de revues est une donnée qui pourrait aider à définir une politique individuelle ou coordonnée d'abonnements. Des études existent déjà, qui permettent de faire des choix : on a cité ici des articles qui donnent des listes de revues fondamentales en chimie (22), en biochimie (29), et en physique (21). L'Institute of Scientific Information a lancé le Journal Citation Reports pour étudier en profondeur la littérature périodique, à travers, par exemple, la productivité des revues, le nombre de fois où leurs articles sont cités et la rapidité avec laquelle ces citations apparaissent dans telle ou telle revue. Le directeur d'ISI, E. Garfield, place d'ailleurs fréquemment dans les Current Contents (toutes sections) des éditoriaux ou des articles qui poursuivent le même but, comme la série de ceux qu'il a commencés en 1974 et intitulés « Journal citation studies ».

Naturellement l'application de la loi de Bradford au choix des abonnements dans les bibliothèques peut prêter à controverse. On ne peut ici que signaler ce point, et renvoyer, pour un exemple de polémique, à quelques articles ou lettres publiés par Nature (9), (12), (19), (31).

Les considérations bibliographiques viennent de conduire assez naturellement à des préoccupations bibliothéconomiques. Certaines d'entre-elles méritent à présent d'être soulignées car elles sont liées à l'automatisation même des bibliographies.

III. De l'initiation à la médiation : une voie pour les bibliothèques universitaires

Quelles réflexions retenir de ce panorama bibliographique d'ailleurs limité et sommaire ?

Les bibliographies scientifiques évoquées ici occupent déjà une grande place dans les bibliothèques universitaires sous leur forme classique de publications imprimées. Elle pèsent lourd dans les budgets. Un rapide sondage portant sur une dizaine de bibliothèques universitaires de province, de tailles diverses mais totalisant 110 000 étudiants (soit le quart des effectifs provinciaux) permet d'avancer ceci : si on se limite à quatre des services bibliographiques précédemments décrits (CAS, INSPEC, BIOSIS et NLM) et à leurs publications principales, à savoir Chemical Abstracts, Physics Abstracts, Electrical & Electronic Abstracts, Computer & Control Abstracts, Biological Abstracts, Bioresearch Index et Index Medicus, ces abonnements représentent à eux seuls 10 % du montant total des abonnements pris par les sections scientifiques de ces bibliothèques; par section scientifique on entend celles de « sciences », de « médecine » et de « pharmacie ». Si on compare avec le montant total des abonnements payés par les sections « droit » et « lettres » de ces mêmes bibliothèques, alors ces quelques bibliographies scientifiques équivalent à 30 % de ce montant... Qu'en serait-il si on ajoutait les 49 sections du Bulletin signalétique du CNRS, le Playsikalische Berichte, les Mathematical Reviews et les bibliographies courantes des autres secteurs, sans parler des quelques monumentales rétrospectives comme le « Gmelin » et le « Belstein » toujours en cours de publication ? Si la conjoncture défavorable actuelle s'aggravait le document secondaire en viendrait-il à chasser la littérature primaire de nos bibliothèques ? Le paradoxe serait fort, mais l'ampleur et la complexité de la documentation incitera toujours les bibliothèques à privilégier les bibliographies, ces clefs du savoir.

Les bibliographies dont on vient de parler sont bien connues sous leur forme traditionnelle, encore que leur maniement soit parfois si compliqué que les bibliothécaires ressentent le besoin d'initier leurs lecteurs. Cette initiation est une des tâches essentielles dévolues aux bibliothèques universitaires; un article récent, dans ce même bulletin en a souligné l'importance (11) et une enquête vient d'inventorier les formes diverses prises par cette initiation (6).

Le passage à l'automatisation constitue un fait capital nécessitant le renforcement de ce genre d'actions et pouvant même appeler à les dépasser. Les milieux universitaires sont très peu renseignés sur le recours aux bibliographies automatisées ; à tel point qu'une bibliothèque universitaire peut déjà faire oeuvre utile en répercutant systématiquement auprès des chercheurs les informations qu'elle reçoit elle-même soit sous forme de publicité, soit à la faveur de stages, de conférences ou de contacts personnels.

Actuellement le CNRS gère environ 600 profils, l'AFDAC avoisine ce nombre et l'INSERM approche le millier. Le profil constitue la forme automatisée de la bibliographie courante. Dans ces chiffres déjà très modestes en eux-mêmes la part de la clientèle universitaire est dérisoire, comme on l'a noté dès l'introduction de cet article. Est-ce seulement une question de prix ? On peut en douter, tout en reconnaissant l'importance de ce facteur. Les conclusions d'une étude menée dans le cadre de l'université de Southampton sont instructives à cet égard (27); en voici quelques-unes :
- pour faire connaître les services bibliographiques automatisés le contact personnel est plus efficace que la publicité imprimée;
- les chercheurs de l'université ne se montrent pas très préoccupés par l'idée que, faute d'information, ils refont peut-être le travail d'un autre;
- trouver de l'argent dans une université n'est pas impossible;
- mais les universitaires sont assez peu sensibles au coût réel de la recherche de l'information quand elle est conduite avec des moyens traditionnels; ce coût est impossible à chiffrer, l'université offrant un environnement favorable à la communication (bibliothèques, conférences, facilités de rencontre) dont les charges sont diffuses; en outre le facteur temps joue relativement peu;
- par contre le secteur industriel préfère s'informer par des moyens coûteux au premier abord, comme le recours aux bibliographies automatisées, mais dont le coût est net; en effet les possibilités d'échange d'information sont moindres que dans l'université et le facteur temps est primordial; c'est une question de compétition.

On a cité un peu longuement les conclusions de cette étude car elle semble bien poser les problèmes majeurs. Les bibliothèques universitaires ne sauraient évidemment prétendre en modifier fondamentalement les données puisqu'elles doivent « suivre », comme une sorte d'intendance du savoir. Néanmoins, en s'efforçant de répandre l'idée de la documentation automatisée elles peuvent modifier certains comportements documentaires. Dans ce rôle les bibliothèques sont alors susceptibles de faire non plus seulement oeuvre d'initiation, mais encore acte de médiation entre les centres documentaires spécialisés et les chercheurs.

Quelques bibliothèques ont déjà pris des initiatives dans ce sens et obtenu des résultats, comme a permis de le constater un sondage limité délibérément à l'utilisation du système MEDLARS. Conscient de n'avoir pas vocation à réaliser une enquête exhaustive, on s'est contenté d'interroger quelques bibliothèques universitaires, mais de province seulement afin de recueillir des données se situant dans des cadres comparables et plus faciles à appréhender; c'est dire déjà combien serait souhaitable la relation des expériences conduites par nos collègues parisiens. En province quatre sections médecine de bibliothèques universitaires ou interuniversitaires ont été questionnées : ce sont celles de Clermont-Ferrand, Lyon, Nancy et Reims.

Ces quatre bibliothèques ont déclaré jouer le rôle d'intermédiaire entre les utilisateurs du MEDLARS et l'INSERM. A la date de l'enquête, c'est-à-dire le troisième trimestre de 1974, n'étaient pas encore intervenues les modifications appelées à changer assez sensiblement les conditions d'utilisation de MEDLARS (et de MEDLINE); les propos ci-après s'appliquent donc aux expériences conduites de 1969 à fin 1974, époque pendant laquelle les données du système n'ont pas fondamentalement varié.

Ce rôle d'intermédiaire, tenu en accord avec l'INSERM, qui organise périodiquement des stages d'initiation, a été rempli à des degrés divers. Aussi les conservateurs, d'ailleurs chefs de section, qui l'ont assumé, se gardent-ils de généraliser les conclusions qu'ils ont tiré de leur propre expérience quand celle-ci a été limitée. Toutefois une des quatre bibliothèques citées fait état d'une expérience assez poussée pour qu'on puisse en dégager les lignes de force du rôle d'intermédiaire technique au sens plein du terme. En effet la section médecine-pharmacie de la BIU de Lyon a réalisé, de décembre 1969 à octobre 1974, 155 recherches bibliographiques sur MEDLARS, ce qui la place de très loin en tête des bibliothèques interrogées et permet de parler en pourcentage.

Le rôle d'intermédiaire technique, tel que l'a assumé la bibliothèque de Lyon, consiste à aider le chercheur en quête d'informations bibliographiques à définir d'une manière précise la question sur laquelle il travaille puis à traduire cette question dans le langage du Mesh, le thesaurus de l'Index Medicus; enfin à formuler l'équation de recherche, c'est-à-dire établir les relations logiques devant exister entre les termes composant la question, relations qui doivent naturellement être exprimées à l'aide des combinaisons et des codes prévus par MEDLARS. La question ainsi préparée par le conservateur est expédiée à l'INSERM, qui perfectionne au besoin sa formulation et qui interroge l'ordinateur. Celui-ci édite alors la liste des articles (le « listing ») dont l'indexation recoupe l'équation de recherche. Dans la dernière étape, qui n'est pas à négliger, le conservateur et le chercheur évaluent ensemble la pertinence des références du listing en vue de perfectionner, par la suite, la procédure. Le chercheur retombe enfin dans le circuit traditionnel de la bibliothèque pour se procurer les documents signalés (prêt, prêt-interbibliothèques, etc...).

Le rôle d'intermédiaire technique ainsi décrit nécessite un travail considérable, une grande familiarité avec le Mesh, la clef de toute l'affaire, et, de préférence, une bonne culture médicale pour conduire efficacement le dialogue devant amener le chercheur à une conscience claire de son sujet. Toutefois, sur ce dernier point, on constate que l'expérience et un certain goût pour les disciplines médicales suffisent à un conservateur non spécialiste s'il est animé par la foi dans les possibilités du système. L'expérience lyonnaise en témoigne : elle s'est effectuée suivant les normes de l'INSERM qui fixe à 3 ou 4 heures le temps nécessaire pour préparer la formulation d'une question MEDLARS; seulement 20 % de toutes les questions formulées par Lyon ont été retouchées par les services parisiens, et ce fut surtout le cas au début de l'expérience. La pertinence des références obtenues par Lyon s'établit au taux de 50,79 %, soit le taux moyen obtenu par les Américains (cf. l'étude de Lancaster dans American Documentation, 1969, 20, p. 119-142). Naturellement il s'agit d'une moyenne établie sur les 10I recherches que la section médecine de Lyon a pu évaluer parmi les 155 qu'elle a traitées (d'où l'importance du travail d'évaluation, devant lequel se dérobe parfois le chercheur qui n'en voit pas l'intérêt); ces 101 recherches avaient procuré 7 249 références. En valeur absolue les taux de pertinence peuvent frôler soit o % soit 100 % ! mais ces cas extrêmes sont rares (6 seulement).

Quant à la clientèle, elle a certes baissé après l'année de gratuité qui s'est étendue de décembre 1969 à décembre 1970 : pendant cette période 84 questions furent posées. Une fois les questions devenues payantes, de janvier 1971 à octobre 1974, 71 recherches ont été traitées; on peut donc dire que la moyenne annuelle tourne autour de 20 questions. Si on considère seulement les questions payantes, 46 % d'entre elles ont été payées par les demandeurs eux-mêmes (« thésards » surtout) et 54 % par les services universitaires. Le phénomène le plus frappant est le faible nombre de profils : deux seulement.

La recherche rétrospective est donc prépondérante; il est vrai que MEDLARS la favorise par son ancienneté, et ses tarifs modiques pour un volume de réponses important. A noter toutefois qu'il a été convenu que la Bibliothèque interuniversitaire de Lyon ne traiterait pas les questions des unités INSERM de sa région, non plus que celles des laboratoires pharmaceutiques : cette restriction explique le faible nombre de profils. Enfin, et cela mérite l'attention, presque 30 % des utilisateurs du MEDLARS à Lyon avaient suivi les cours de bibliographie organisés régulièrement par la section médecine, ce qui confirme l'utilité, déjà notée, des contacts directs et d'une manière plus générale celle de la formation des utilisateurs de bibliothèque.

Les réponses des trois autres bibliothèques tout en demeurant d'une portée moins large confirment l'intérêt du MEDLARS; Reims et Nancy ont en outre expérimenté le système PASCAL; l'absence de chiffres ne permet pas de comparer les deux systèmes; il semblerait que la procédure du PASCAL soit plus rapide. Mais une véritable étude comparative devrait aussi confronter les possibilités de formulation offertes par l'un et l'autre système pour des questions analogues, et examiner les références produites. Reims a introduit l'idée que MEDLARS perd de son intérêt lorsque la proximité de Paris permet au chercheur d'aller commodément à l'INSERM travailler en conversationnel avec MEDLINE. A Clermont-Ferrand la section médecine traite en moyenne six recherches rétrospectives et deux profils par an; son conservateur se montre réservé pour l'avenir; le rôle d'intermédiaire technique semble en effet difficile à développer au milieu des préoccupations actuelles des bibliothèques universitaires, dont il s'est fait l'écho dans un article de presse (4).

C'est qu'ici se pose une question de politique générale des bibliothèques universitaires ; une doctrine ne pourra s'établir que progressivement, en suivant l'évolution de la documentation scientifique et compte tenu des missions imparties aux bibliothèques corrélativement aux moyens qui leur sont alloués. Les quatre bibliothèques évoquées précédemment ont agi sur incitation de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique; les responsables des sections médecine ont en outre abordé l'expérience MEDLARS avec le dynamisme que leur donnaient leurs compétences ou leurs goûts personnels et ils ont bénéficié de stage à l'INSERM. Il n'en demeure pas moins qu'une tâche aussi complexe met à contribution des personnes dont les responsabilités sont déjà lourdes puisqu'il s'agit, dans les quatre cas, des chefs de section médecine. Aussi, la bibliothèque de Lyon, après être parvenue à développer considérablement son rôle d'intermédiaire technique, n'a-t-elle pu trouver le point d'aboutissement normal d'une telle entreprise, alors qu'elle en était toute proche : devenir un relais régional par l'installation d'un terminal d'ordinateur. Pourtant la formule fut un instant envisagée, entre l'INSERM, la BIU et l'Université de Lyon I. Pour la rentabilité de l'affaire il eût été nécessaire de traiter dans les 75 questions par mois. Comme on le devine aisément la réalisation d'un tel projet eut nécessité au sein de la BIU de Lyon la mise en place d'une structure d'accueil et d'un soutien logistique, grâce à une dotation particulière en emplois et en moyens matériels; les circonstances ne permirent pas d'envisager un tel effort.

Si on a cité longuement les expériences conduites avec MEDLARS, c'est qu'elles peuvent servir en quelque sorte de schéma directeur pour l'établissement d'une politique globale des bibliothèques universitaires en matière de documentation automatisée. La collaboration avec le CNRS pour le PASCAL est déjà établie, on l'a vu, par quelques bibliothèques. Il semblerait en être de même pour les Chemical Abstracts avec l'AFDAC; l'intégration des bandes magnétiques INSPEC dans le réseau ESRO, opérée courant 1974, devrait aussi faciliter leur interrogation en France.

Le rôle d'intermédiaire technique entre le chercheur et un système documentaire - que la littérature spécialisée qualifie parfois d'« interface » - peut être multiforme. La collaboration décrite avec l'INSERM en représente sans doute la forme la plus poussée : il s'agit bien d'une véritable médiation entre l'utilisateur et le centre documentaire spécialisé; cette formule place la bibliothèque universitaire au coeur même de la documentation automatisée. Toutefois l'engagement dans une telle voie, si prometteuse soit-elle, implique un effort préalable de réflexion collective, dont les éléments présentés ici ne constituent qu'une esquisse; l'automatisation des processus documentaires commande de définir les missions incombant aux bibliothèques universitaires en la matière, d'organiser les actions qu'elles impliquent, et d'évaluer les moyens nécessaires à la conduite et à l'aboutissement de ces actions. Mais des entreprises moins ambitieuses, presque traditionnelles, sont déjà envisageables, pour faciliter la mise en relation des chercheurs avec les bibliographies automatisées : par exemple l'élaboration de « bibliographies de bibliographies » pour répertorier, par matière, les profils standard actuellement disponibles; l'opuscule de Hunter (20) est peut-être le premier modèle de ce genre nouveau. Déjà éléments d'un réseau documentaire de type traditionnel, les bibliothèques universitaires peuvent espérer s'insérer dans les réseaux documentaires automatisés en cours d'installation, ne serait-ce qu'en accueillant dans leurs locaux certains équipements d'informatique de ces réseaux; ainsi s'établirait naturellement dans l'esprit du public un lien entre l'idée de bibliothèque et celle de documentation moderne.

Le BNIST étudie la mise en place des réseaux sectoriels (24). Ce Bureau, où l'État et la Collectivité scientifique et technique sont représentés au plus haut niveau - c'est le cas naturellement de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique - ne saurait oublier les bibliothèques : son premier rapport annuel (13) met déjà en valeur les réalisations en cours destinées à faciliter le traitement et la localisation des documents à l'échelon national. Le BNIST souligne aussi la nécessité d'apprendre aux utilisateurs de la documentation à s'informer et il préconise une action en ce sens, à tous les niveaux, dès l'école elle-même. Ainsi remédierait-on à la sous-utilisation actuelle des systèmes de documentation et d'information. C'est dire l'importance du rôle d'initiation déjà joué par les bibliothèques universitaires (6), (11), et que leur enseignement doit porter non seulement sur les instruments documentaires traditionnels mais encore sur les formes nouvelles revêtues par certains d'entre eux comme les quelques bibliographies autour desquelles a tourné cet article.

D'aucuns objecteront que la rigueur des temps actuels risque de reléguer au second plan ce genre de préoccupation; laissons le BNIST leur répondre : « Dans une situation économique dominée par un problème d'approvisionnement en énergie, les pays industrialisés vont avoir tendance à développer des activités peu consommatrices d'énergie mais grandes consommatrices de matière grise, donc utilisant un personnel qui sera d'autant plus productif qu'il sera mieux informé. On perçoit donc l'importance considérable que l'information prendra inévitablement. »

En mettant l'accent sur certains aspects de la documentation contemporaine, cet exposé a moins cherché à satisfaire toute la curiosité des lecteurs, qu'à faire naître chez eux, par ses lacunes mêmes, le désir d'aller plus loin.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que l'auteur et nullement les centres documentaires ou les bibliothèques qui ont été citées. L'auteur a toutefois plaisir à remercier ceux qui ont bien voulu l'aider à recueillir certaines données : Mlle Sallé, du Centre de documentation du CNRS, pour le système PASCAL; pour le Science Citation Index, M. Collier, représentant d'ISI en Europe ainsi que Mlle Bally, conservateur de la Bibliothèque du Centre universitaire du Haut-Rhin à Mulhouse, qui a bien voulu en outre aider à mettre au point le texte; enfin les conservateurs des sections médecine dont les réponses ont permis d'étudier l'utilisation du système MEDLARS : M. Archimbaud à Clermont-Ferrand, Mme Casseyre à Nancy, Mme Gachon à Lyon et Mme Pithois à Reims.

Dans la bibliographie ci-après un titre, (7), a été inscrit bien qu'il n'ait pas été expressément cité; c'est que l'ouvrage de M. Boutry intéresse de nombreux domaines de la vie scientifique et en éclaire plusieurs aspects dans le domaine de l'édition.

Illustration
A : Identité des bibliographies confrontés (1/3)

Illustration
A : Identité des bibliographies confrontés (2/3)

Illustration
A : Identité des bibliographies confrontés (3/3)

Illustration
B : Couverture de la documentation (1/3)

Illustration
B : Couverture de la documentation (2/3)

Illustration
B : Couverture de la documentation (3/3)

Illustration
C : L'accès à l'information

Illustration
D : Prestations automatisées

Illustration
E : Un exemple de réseau E.S.R.O.

Illustration
I : Autour de quelques caractéristiques communes (1/3)

Illustration
I : Autour de quelques caractéristiques communes (2/3)

Illustration
I : Autour de quelques caractéristiques communes (3/3)