Allocution prononcée par M. Jean-Pierre Soisson, Secrétaire d'état aux universités, lors de l'inauguration de l'automatisation de la partie officielle de la bibliographie de la france, le 27 février 1975

M. Jean-Pierre Soisson, Secrétaire d'État aux Universités, s'est rendu le jeudi 27 février 1975 à la Bibliothèque nationale pour célébrer la réussite de l'étape essentielle de l'automatisation des bibliothèques : le recensement semaine après semaine, grâce à des procédés informatiques, de tous les ouvrages publiés en France. Nous donnons ci-dessous le texte de l'allocution prononcée à cette occasion.

Depuis le Ier janvier 1975, la partie officielle de la Bibliographie de la France, qui présente les livres déposés à la Bibliothèque nationale, est composée par ordinateur. Cette nouveauté, qui a l'apparence modeste des grandes innovations, longuement préparées et aux durables conséquences, justifie ma présence ici pour plusieurs raisons - qu'on peut résumer en une seule : ce progrès technique a des significations profondes sur la politique des bibliothèques.

Première signification fondamentale : les livres deviennent plus accessibles. Or, un livre, si vénérable soit-il, n'a de valeur que s'il est connu et apprécié. Grâce à la Bibliographie de la France, toutes les données relatives aux acquisitions de la Bibliothèque nationale sont rassemblées et rendues accessibles à toutes les bibliothèques françaises. Dès cette année, selon les instructions que j'ai données au Directeur des bibliothèques et de la lecture publique, un service automatisé sera mis en place pour distribuer, dans des délais très courts, à tout établissement qui en fera la demande les fiches relatives aux livres parus en France. En mettant à la disposition de tous les richesses qu'elle engrange chaque jour, la Bibliothèque nationale remplit pleinement la vocation qui est la sienne, et que j'entends renforcer. Elle montre l'exemple, dans son domaine, à l'ensemble de nos bibliothèques, qui doivent améliorer constamment la qualité et la multiplicité de leurs services.

La Bibliographie de la France a une seconde signification essentielle : elle renforce la collaboration que je m'attache à développer, entre la Bibliothèque nationale et les professionnels du livre, éditeurs et libraires. J'ai souhaité que, grâce notamment à sa rapidité de publication, la bibliographie automatisée de la France joue le rôle de premier hebdomadaire d'information bibliographique, au service des éditeurs et des libraires. Notre cause est commune. Faire aimer et apprécier les livres. Rapprocher du plus grand nombre ces instruments de connaissance, de formation et de culture. Développer le goût de la lecture. La Bibliographie de la France y contribuera : le fichier national constitué par la Bibliothèque nationale sera à la disposition des autres professions du livre. Dans quelques semaines les éditeurs et les libraires seront en mesure, s'ils le désirent, de le consulter directement. Je connais et j'apprécie la collaboration historique entre la Bibliothèque nationale et les éditeurs et libraires; l'automatisation renforcera encore cette coopération et facilitera, j'en suis sûr, l'élaboration d'une véritable politique du livre.

Dans cet esprit, je me prépare à signer prochainement, avec les professions de l'édition, un protocole d'accord précisant, dans l'intérêt des uns et des autres, les modalités d'organisation du dépôt légal.

Enfin, le lancement d'une bibliographie automatisée a une troisième signification : il inaugure une nouvelle ère dans la gestion des bibliothèques. D'abord, l'ère d'une meilleure rationalisation : les bibliothèques échangeront de plus en plus leurs informations et les services qu'elles peuvent se rendre. Dès maintenant, autour de ce fichier national, commence à s'organiser l'activité des bibliothèques scientifiques et des centres de documentation. Dès cette année, quelques-uns de ces établissements seront reliés à l'ordinateur central de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique. Ils pourront cataloguer rapidement leurs documents, en utilisant le catalogue produit par d'autres bibliothèques. Et leurs acquisitions seront coordonnées. Les bibliothèques pourront donc bientôt se mettre d'accord, pour que tout document soit acquis et conservé là où il sera le plus utile et pour qu'il soit le plus accessible là où il sera le plus demandé.

L'informatique ouvre également une ère nouvelle dans les relations entre le livre, le bibliothécaire et le lecteur. Grâce aux commodités de l'automatisation, la tâche du personnel des bibliothèques sera modifiée. Le jour vient où, dans nos bibliothèques publiques il n'y aùra plus de catalogue à faire. Et je m'en félicite, car la tâche des bibliothécaires est essentiellement d'accueillir, de guider et d'orienter le lecteur pour faciliter l'accès à la connaissance et à la culture.

Ainsi, le développement technique que représente la bibliographie automatisée de la France est riche de développements culturels et humains. Il s'insère dans la politique de promotion des bibliothèques, à laquelle le Gouvernement entend donner un nouvel essor. Je suis heureux de saluer ici le concours de l'informatique à la démocratisation des bibliothèques françaises.