Le catalogue des factums 1790-1959 de la Bibliothèque nationale

Nicole Coisel

La description des différentes collections de factums possédées par la Bibliothèque nationale et la présentation des catalogues ou fichiers successivement entrepris pour en permettre le classement et la consultation introduisent une analyse des problèmes spécifiques au catalogage de tels documents. Illustrées d'exemples qui en suggèrent la complexité, sont exposées les différentes règles établies et actuellement utilisées pour le catalogage des factums de la Bibliothèque nationale (choix des vedettes, du titre, rédaction de l'adresse, de la collation, des notes) et pour la constitution des fichiers.

Un article précédemment paru dans ce Bulletin (1) * intitulé : « Le Catalogage des factums... à la Bibliothèque nationale » ne présentait que les règles retenues pour l'introduction de tels documents dans un catalogue auteurs. Cet article indiquait la façon dont seraient introduites dans le catalogue décennal 1960-1969 des pièces difficiles à cataloguer aux noms d'auteurs. Les factums entrés depuis 1960 à la Bibliothèque nationale figurent en effet au Catalogue général des livres imprimés : Auteurs, collectivités-auteurs, anonymes (ouvrages entrés de 1960 à 1969) comme toute autre pièce et ceci, quelle que soit leur date de publication. Leur catalogage posait un problème qui a été résolu de la façon présentée dans l'article cité, mais ils seront seize.

Dépassant ce problème précis, cet article est destiné à exposer les règles élaborées depuis peu pour le catalogage des factums postérieurs à 1789, en vue d'un catalogue spécialisé, prenant la suite du Catalogue des factums et d'autres documents judiciaires antérieurs à 1790 (2), rédigé par Corda puis continué par Trudon des Ormes.

Après une définition rapide, nous parlerons des collections de factums de la Bibliothèque nationale, des catalogues - imprimés ou sur fiches - des collections qui se trouvent au Département des imprimés. Nous décrirons les règles de catalogage élaborées par nos soins en fonction justement du caractère de ces pièces, de leur contenu et aussi de leur intérêt, que nous ferons apparaître dans une troisième partie.

Définition du factum

Comment se définit un factum ? La définition la plus simple est « exposé des faits rédigé à l'occasion d'une instance judiciaire », que cette instance soit déjà entamée ou simplement hypothétique. Dans tous les cas, une partie expose les motifs qui lui permettent d'affirmer son bon droit dans une affaire. Il y a toujours un aspect revendicatif dans un factum. La frontière est parfois difficile à tracer avec un compte rendu de procès ou, tout simplement, une plaidoirie. Le nom de factum a été parfois donné à des pièces littéraires qu'une personne publie pour attaquer ou se défendre, l'aspect revendicatif ayant été retenu pour donner le nom de factum à ces pièces, qui n'ont rien à voir avec des factums judiciaires et ne sont que des pamphlets, tels les factums de Furetière contre l'Académie.

Reprenons les éléments de notre définition. Il faut un exposé, parfois sommaire, des faits. Tout factum rédigé en vue d'un procès ou au cours d'une instance commence le plus souvent par un exposé des faits, d'où le nom de factum. La partie rappelle ce qui s'est passé, indique la plupart du temps son état-civil, puis présente son argumentation, généralement assortie de pièces justificatives. Si l'affaire doit venir en cassation, au conseil d'État, il y a très souvent un rappel de la procédure antérieure.

Ceci est le factum idéal qui commence le plus souvent par : Factum, surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles, ou par Mémoire... Exposé... aux XIXe et xxe siècles. L'aspect revendicatif est tout à fait caractéristique d'un factum. L'argumentation présentée par le rédacteur du factum vise à justifier son bon droit. Cet aspect revendicatif différencie le factum du compte rendu de procès, qui doit rester une sorte de procès-verbal, parfois pris en sténographie, relatant d'une façon neutre le déroulement de la procédure, des audiences, du moins tout ce qui peut être révélé au public. Un compte rendu de procès doit indiquer toutes les opinions en présence.

La plaidoirie d'un avocat se rapprocherait davantage d'un factum par le fait qu'elle présente la défense d'une partie à un procès; elle a donc bien cet aspect revendicatif, présentant les arguments d'une des parties. Mais la plaidoirie, prononcée lors d'une audience, à moins qu'elle ne soit publiée par la suite, est éphémère. Elle peut bien commencer presque inévitablement par un exposé des faits, elle n'a pas le caractère d'un imprimé qu'un particulier, en but à des tracasseries qui ont déclenché un procès ou qui vont en déclencher un, va rédiger ou faire rédiger en vue de l'impression.

Le factum est plus complet que la plaidoirie, il est imprimé - sauf les manuscrits pour les siècles passés - mais ne l'est pas en vue d'être présenté à une audience. Imprimé à compte d'auteur, à peu d'exemplaires, le factum devait être diffusé dans un cercle relativement étroit : les adversaires et leurs défenseurs, les gens de la ville, dans les cas de diffamation par exemple, les confrères dans le cas de conflits entre médecins, avocats, pharmaciens.

Une distinction doit être faite entre le factum et le canard. Parmi les factums conservés au Département des imprimés, nous trouvons un certain nombre de canards, qui ont été cités par J.-P. Seguin dans son livre sur les canards (3). Une confusion a pu être faite entre canards et factums, en raison de l'exposé des faits qui est l'objectif d'un canard. Dans son livre qui publie le mémoire de Pierre Rivière, parricide du XIXe siècle (4), Michel Foucault a intitulé son étude de la partie « Notes »: « Les meurtres qu'on raconte ». Les canards ne'sont pas des factums, ils exposent les faits criminels - parfois c'est le criminel qui raconte, parfois c'est un compte rendu d'audience - et sont suivis du jugement et d'une complainte. Celle-ci encourage les jeunes gens au bien, en raison de l'horreur du fait raconté et de la sanction apportée par la société. Ces canards, véritables récits de procès criminels, destinés à être colportés, n'ont de commun avec les factums que l'exposé des faits. En matière criminelle, les pièces conservées parmi les factums sont le plus souvent des canards ou de simples comptes rendus d'audiences. Comme il y en a un certain nombre, nous avons dû les traiter, mais un peu différemment, ce que nous verrons par la suite.

Dans notre définition, nous avons mis une légère restriction relativement à l'instance judiciaire. En effet, depuis plus de quatre ans que nous cataloguons des factums (postérieurs à 1789), nous avons parfois rencontré des sortes de mémoires en défense que des particuliers avaient rédigés et fait imprimer en vue d'un procès craignant d'être traînés en justice, internés comme fous, par exemple.

Les collections et les catalogues de factums de la Bibliothèque nationale

La définition du factum que nous avons donnée est le fruit d'une expérience de catalogage; ceci nous amène à décrire les collections qui existent à la Bibliothèque nationale, les catalogues qui en ont été faits ou qui restent à faire.

Tous les auteurs que nous avons consultés divergent quelque peu quant aux chiffres des factums conservés à la Bibliothèque nationale. Dans son avant-propos, Corda (2) parle de 57 000 factums dont 32 ooo antérieurs à 1790 ont été répertoriés dans son catalogue; à ces 32 ooo, il a ajouté 10 ooo factums imprimés de la collection Morel de Thoisy dont nous allons maintenant parler.

Louis-François Morel de Thoisy a donné par un acte du 10 juillet 1725 sa collection de factums (60 000) laissant au roi le soin de l'en récompenser. Le roi lui accorda en 1728 la croix de l'ordre de Saint-Michel avec une pension (5). Cette collection était classée systématiquement; mais un nouveau classement fut adopté et la collection fut ramenée de 646 à 510 volumes où furent reliés ensemble les factums manuscrits et les factums imprimés. Les volumes 467 à 508 contiennent uniquement des factums imprimés; on peut espérer que Corda les a tous indiqués dans son catalogue. Lors de la nouvelle reliure les feuillets ont été numérotés et la cote indiquée par Corda, par exemple : Thoisy 290, f° 316 correspond à la pièce qui commence au feuillet 316 du vol. 290; f° ne désigne pas un format, mais le numéro du premier feuillet de la pièce. Les volumes ont une numérotation continue, les premiers numéros étant pour les in-folio, les suivants pour les in-4° et les in-8° à la fin.

En 1924, Michel Prévost publia l'Inventaire sommaire des pièces manuscrites contenues dans la collection Morel de Thoisy au Département des Imprimés de la Bibliothèque nationale. Cet inventaire de 584 pages donne la description, volume par volume dans l'ordre des cotes, des factums manuscrits de la collection Morel de Thoisy. Prévost indique le nombre de feuillets de chaque volume à la suite de l'énumération des pièces manuscrites contenues dans ce volume avec le numéro du premier feuillet de chacune. Par exemple : sous le n° 97 est indiqué : Droit public et civil, tome XXIX qui est l'indication du classement primitif de Morel de Thoisy puis Assassinats, vol. I, nouvelle classification, et enfin Fol 21. « Jouissance... » 308 feuillets. De la page 485 à la page 584, l'Inventaire des manuscrits du fonds Morel de Thoisy contient une table des noms cités. Cet index est très précieux particulièrement pour le XVIIe siècle et peut rendre de grands services pour des recherches biographiques. Quelques noms de lieux, villes ou régions peuvent compenser l'absence de table de matières.

Venons-en maintenant au Catalogue des factums et d'autres documents judiciaires antérieurs à 1790 commencé par Corda et continué par Trudon des Ormes. Il serait possible de dire : « des factums imprimés » s'il n'y avait quelques factums manuscrits pris tant dans la collection Morel de Thoisy que dans les séries généalogiques du Département des manuscrits. Car s'il y a des manuscrits dans les collections de la Réserve du Département des imprimés (fonds Morel de Thoisy), il y a aussi des imprimés dans les collections du Département des manuscrits. Lorsqu'un factum manuscrit de la collection Morel de Thoisy a été cité par Corda, il est bien indiqué : Manuscrit avant la date. Prévost le citera une nouvelle fois dans son « Inventaire... » en 1924. Rien ne semble justifier la raison pour laquelle Corda a cité des factums manuscrits qui ne sont pas complémentaires de pièces voisines imprimées. Quel a été le critère du choix ? Difficile à savoir.

Le catalogue de Corda a commencé de paraître en 1890; en 1900 le tome V paraissait sous le seul nom de Corda, puis en 1902 le tome VI (Taaf-Zutter) paraissait avec la mention : Continué par A. Trudon des Ormes, car Corda était mort le Ier juillet 1900. Ce dernier avait bien pressenti qu'il y avait des factums imprimés ailleurs que dans la série F3 qui est la cote des « pièces » dans la classification « Droit » des Imprimés. Outre les factums imprimés de la collection Morel de Thoisy, conservée à la Réserve des Imprimés, Corda avait cité des factums imprimés conservés au Département des manuscrits.

Dans la table du fonds français des Manuscrits parue en 193I, au mot : Factum, il y a des numéros renvoyant à des dossiers « mélangés » d'où les noms n'ont pas été extraits. Ces dossiers sont des rassemblements de pièces diverses, par sujets. Dans les volumes classés aux noms de familles, de personnes, on trouve beaucoup de factums imprimés concernant un personnage ou sa famille. Il semble que Corda et son successeur, Trudon des Ormes, aient dépouillé particulièrement certains fonds provenant de collections « d'hommes de justice ». Dans le tome VII, la majorité des notices de factums renvoie à des cotes de fonds particuliers du Département des manuscrits, par exemple : Clair. pour Clairambault, Joly de Fleury, Dossiers bleus, P.O. (Pièces originales). On trouve aussi des cotes : Ms Fr. D'un sondage effectué dans la collection De Lamare à partir d'une cote Ms. fr., nous avons constaté, tant sur les rayons, que dans le catalogue manuscrit de cette collection, qu'il y avait quantité de factums imprimés dans les 261 volumes de cette collection, volumes rassemblant des pièces par sujets. Que ce soit pour les prisons, la médecine-chirurgie, les apothicaires-épiciers, la librairie, on trouve dans les volumes beaucoup de factums imprimés. Certaines séries signalées plus haut ont été très minutieusement dépouillées, car, à partir d'un nom cité dans Corda, nous n'avons vu apparaître ce nom dans aucun répertoire du Département des manuscrits. La collection Joly de Fleury comprend 2 550 volumes composés des archives des procureurs généraux au Parlement de Paris... Autre exemple : à la suite de la cote des Dossiers bleus, on voit un nom propre différent de celui de la personne citée dans le titre du factum.

D'après les travaux de collègues (6) il semble qu'un certain nombre de factums imprimés du Département des manuscrits aient été oubliés par Corda. Par contre, assez souvent, il cite deux exemplaires d'un même factum, l'un conservé au Département des imprimés, l'autre au Département des manuscrits. Un guide des catalogues du Département des manuscrits, en préparation, permettra, de s'orienter dans tous ces documents si intéressants pour l'histoire.

Si nous avons autant insisté sur cette quantité de factums imprimés conservés au Département des manuscrits c'est pour permettre au chercheur de comprendre pourquoi dans un catalogue - celui de Corda - publié sous le timbre du Département des imprimés, il y a des références à des cotes du Département des manuscrits. Après ces factums imprimés conservés à la Réserve du Département des imprimés (Morel de Thoisy) ainsi qu'au Département des manuscrits, venons-en aux factums imprimés conservés dans les magasins du Département des imprimés. Nous achèverons ainsi la trilogie des documents imprimés, intitulés factums, conservés à la Bibliothèque nationale qui ont servi de base au Catalogue de Corda pour les factums antérieurs à 1790.

La série F étant la classification de la jurisprudence, les factums, qui sont souvent, mais pas toujours, de petites pièces de quelques pages, brochées, ont dû être conservés dans des boîtes. Considérés comme des pièces, les factums ont reçu pour cote la lettre F affectée de l'exposant petit 3, soit F3. Vers 1880, au moment où Corda commençait son catalogue, les factums ont été reliés par formats en de forts volumes recouverts de toile grise. Cela a permis à ces documents d'être maintenus en bon état de conservation; on constate que certains avaient été auparavant pliés et brulés par le jour ou le soleil car il reste une rayure de brûlure. Lors de la préparation de cette reliure, le nom de la personne pour qui le mémoire était publié a été souligné au crayon et les factums ont été reliés - par format - dans cet ordre alphabétique. Subitement, alors que les in-4°, qui sont les plus nombreux, atteignaient le chiffre de 36 200, il fut décidé de faire une nouvelle série et désormais la cote sera Fn3. Les premiers volumes de cette nouvelle série furent reliés, les derniers furent mis dans des boîtes en carton. Cette série F3-Fn3 comprend près de 70 000 pièces; avec la collection Morel de Thoisy (60 000 pièces antérieures à 1725) cette série représente l'essentiel de la collection des factums imprimés de la Bibliothèque nationale.

Corda annonce dans l'avant-propos de son catalogue qu'il a catalogué 32 000 factums antérieurs à 1790 sans préciser si ce chiffre comprend les factums imprimés « repérés » au Département des manuscrits. Il est très difficile de savoir combien il y a de factums imprimés au Département des manuscrits. Au Département des imprimés, les factums tant manuscrits qu'imprimés de la collection Morel de Thoisy ont été inventoriés par Corda (10 000 imprimés) et Prévost (les factums manuscrits, 50 000 sans doute). Les factums classés sous la cote F3 ou Fn3 antérieurs à 1790 ont été catalogués par Corda, sauf de rares oublis. Sont-ils 32 000? Il n'est pas possible de l'affirmer.

Dans son Introduction au Catalogue général, Léopold Delisle (7) parle de 53 671 pièces de l'ancien recùeil des factums et 8 0II pièces de la nouvelle série des factums. En 1897, le total des factums classés dans la série des pièces du F représentait donc 61 682 pièces. Un inventaire de 1942 précise que la nouvelle série des factums (Fn3) comprend désormais 10 402 pièces. En quarante-cinq ans, l'accroissement n'avait été que de 2 39I. Depuis 1942 il n'en est entré que 89. Cette statistique un peu austère nous démontre que le « genre » des factums est en voie de disparition. Actuellement, on trouve sur les rayons près de 70 000 factums. Y en a-t-il 32 ooo antérieurs à 1790? Il ne le semble pas : car à la suite de nos travaux de catalogage, il apparaît que dans les in-fol., les factums antérieurs à 1790 sont les plus nombreux; dans les in-4° ils sont minoritaires et presque inexistants dans le format in-8°. Or les in-4° sont près de 45 000 (sur 70 000). C'est donc dire qu'il y a actuellement plus de 50 000 factums postérieurs à 1790 à cataloguer.

Il est très intéressant de trouver réunies dans une série continue des pièces que la « forme » autant que le contenu ont fait rassembler dans une même série. Dans un classement systématique sur les rayons il est inévitable que quelques factums aient été classés dans des sections autres que F3 ou Fn3. On en trouve, par exemple, dans les « pièces » d'autres séries comme le V, sous la cote Vp, dans le F, sous la cote Fp et dans quelques autres lettres du classement sur les rayons. Par contre, il y a une exception d'importance qui concerne les factums politiques qui sont classés dans le L ou série de l'Histoire de France. Le Ld, en particulier, contient des quantités de factums concernant les ordres religieux, les congrégations. En définitive, il y a plus de 50 000 factums postérieurs à 1790 et non 25 000, comme le croient des chercheurs (8), qui ne sont guère accessibles aux historiens, aux juristes, aux sociologues qui s'intéressent au XIXe siècle.

Certains de ces factums ayant comme auteur, comme rédacteur, un jurisconsulte connu, un avocat célèbre, ont une fiche au nom d'auteur au Catalogue général imprimé. C'est ainsi que sous certains noms, on voit une présentation « systématique » de mémoires rédigés pour tel personnage ayant des problèmes judiciaires. La fiche auteur, comme fiche principale, correspond si peu au « genre » des factums que ceux-ci sont présentés dans l'ordre alphabétique des parties à un procès sous la rubrique « factums »: voir ainsi : Sénard (Jules). Mais, au début de l'alphabet, il n'a pas été procédé ainsi. En dehors de ces quelques fiches, qu'existe-t-il pour accéder à ces documents ? Pas grand-chose pour l'instant. A l' « hémicycle » de la Bibliothèque nationale on trouve un fichier de factums établi à partir des vieilles, petites fiches verticales du XIXe siècle. A cette époque les notices étaient rédigées suivant la règle sacro-sainte de la vedette auteur. Pour les mémoires rédigés par un homme de loi, la vedette avait été établie à l'auteur, qui ne figurait le plus souvent qu'à la fin du texte. Dans un grand nombre de fiches, après le titre, il est mis entre parenthèses (Signé : -). Même dans ce cas, la fiche n'a pas toujours été faite au nom du rédacteur. De l'examen attentif des fiches, il semble bien que certaines fiches de factums étaient faites systématiquement sans auteur; car le nom de l'auteur est presque toujours d'une écriture différente de celle du texte de la fiche et a dû être ajouté après.

Pendant la dernière guerre, une personne fut affectée sur les conseils de Mme Honoré à la « reconversion » de ce fichier aux notices établies soit au nom des rédacteurs soit mises dans les anonymes, en particulier au mot « factum ».

On trouve en effet dans le fichier des anonymes au mot « factum » un renvoi vers le fichier de l' « hémicycle », ce fichier de factums qui est le seul instrument d'accès aux factums depuis 1790.

Dans un article paru dans le Code de catalogage de Mme Briet (9), Mme Honoré a exposé la façon dont devraient être établies les règles de catalogage des factums. Elle fit « convertir » les fiches existantes au nom du requérant pour lequel le factum avait été rédigé. Partant des petites fiches dont nous avons parlé, la personne chargée du travail raya le nom de l'auteur quand il y était et mit en vedette la partie en faveur de qui le factum était rédigé. On peut considérer qu'environ vingt pour cent des fiches d'origine furent converties. Tel qu'il est, ce fichier est utile, mais très incomplet; parfois des renvois ont été faits, de la partie adverse vers le requérant. La reconversion a été faite uniquement d'après la fiche, dont la rédaction laisse à désirer parfois et le choix de la vedette n'est pas toujours heureux. Les fiches sont assez succinctes; le titre seul n'est pas toujours explicite, les prénoms manquent presque toujours ce qui gêne pour l'intercalation. Enfin, il n'y a pas - ainsi que dans Corda - le nombre de pages et la date n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches.

Ce travail fut interrompu par la disparition de la personne qui l'avait commencé. Actuellement il y a quatorze tiroirs de fiches reconverties - plus ou moins bien -aux noms des parties mais dix-sept tiroirs sont restés aux noms des auteurs. Surtout, il n'est pas du tout sûr que tous les factums qui sont cotés F3 ou Fn3 aient une fiche. Au début de notre travail, nous avions pensé continuer cette conversion; très vite, nous avons vu le travail que cela représentait pour un résultat très médiocre. Aussi avons-nous décidé, avec l'approbation de M. Pierrot, conservateur en chef du Département des imprimés, de reprendre le travail à la base et d'élaborer des règles de catalogage qui permettent d'envisager un catalogue imprimé aussi complet que possible.

Techniquement, il faut reprendre dans l'ordre numérique - par formats -d'abord les volumes puis les boîtes à brochures contenant les factums. Malheureusement, les factums avant 1790 pris par Corda ont été reliés en même temps que ceux postérieurs à cette date; cela oblige à contrôler les dates, à voir si les factums antérieurs à 1790 sont bien dans le catalogue de Corda. Celui-ci avait pressenti qu'il n'était pas heureux de cataloguer les factums au nom de l'auteur ou au premier mot du titre. Aussi, son catalogue est-il classé dans l'ordre alphabétique des parties pour lesquelles le mémoire a été publié, le nom de la partie principale étant imprimé en caractères gras. C'était un gros progrès sur le catalogage au premier mot du titre mais le choix du nom était parfois difficile lorsqu'il y avait plusieurs parties jointes dans une même affaire. Le travail était encore plus compliqué lorsqu'une collectivité : ville, abbaye, hospice, etc. était en cause. Le choix de la vedette pourrait être contesté, parfois. Le fait de prendre la seule partie pour laquelle le plaidoyer est imprimé entraîne la dispersion des pièces d'une même affaire aux noms des différentes parties. Ces quelques critiques n'enlèvent rien à la valeur du travail de Corda, qui reste le seul catalogue des factums imprimés antérieurs à 1790. La dispersion des pièces est en partie, mais en partie seulement, compensée par l'admirable table de Trudon des Ormes qui a publié, de 192I à 1936, la table alphabétique (t. VIII-X) des factums catalogués par Corda. Le terme alphabétique pourrait faire illusion, il ne s'agit que de la table des noms des parties en présence. Trudon des Ormes a mis dans sa table les noms de toutes les parties en présence : requérants - qui avaient en principe fourni la vedette de classement - et opposants. C'est un gros progrès par rapport aux seules fiches; ce qui est navrant c'est de constater que Trudon des Ormes a dû rouvrir tous les factums pour ajouter des qualités, titres, aux nombreux homonymes, qualités, titres que Corda avait un peu légèrement supprimés dans ses fiches. Car, malgré ce travail, il n'y a toujours pas de table d'auteurs des factums antérieurs à 1790. Ce travail reste à faire et il faudra ouvrir une troisième fois les factums conservés dans cette série du F au Département des imprimés... Malgré de nombreux sondages, nous n'avons trouvé aucun auteur dans le catalogue général de la Bibliothèque nationale. Le signataire du mémoire a été indiqué par Corda entre parenthèses, tel qu'il se présentait sur la pièce, c'est-à-dire presque toujours sans prénom. Il n'y a pas non plus de table des matières pour le catalogue des factums antérieurs à 1790.

Après un examen attentif des factums en place, du catalogue de Corda et Trudon des Ormes, après une lecture attentive de l'article de Mme Honoré (9), nous avons procédé à l'étude des meilleures règles à appliquer pour le catalogage des factums. C'est le résultat de ce travail que nous allons exposer maintenant.

Le catalogage des factums

Quelques règles s'imposaiént avant tout càtalogage : réunir toutes les pièces d'une même affaire sous une vedette unique, restituer à l'auteur la paternité de son étude, dater par tous les moyens et faire apparaître l'enjeu par une analyse. Nous allons développer ces points qui ont été résolus au fur et à mesure d'une expérience de catalogage de plus de mille cinq cent pièces. Ce travail doit déboucher sur un catalogue imprimé qui ne pourra voir le jour que lorsque tous les factums postérieurs à 1789 (dernière année de Corda) seront catalogués. Comme ils sont plus de cinquante mille, il faut prévoir un fichier mis à la disposition des chercheurs avant la fin du travail.

Dans un fichier on peut multiplier les fiches, dans un travail imprimé il est impensable de reproduire plusieurs fois la même fiche, il faut prévoir la confection de tables renvoyant à la vedette principale. Ceci est un petit problème technique de présentation des fiches en vue d'une confection automatisée des tables. Mais le principe de base est le suivant : faire apparaître tous les éléments du factum nécessaires soit à la réalisation de fichiers diversifiés, soit à la publication d'un catalogue avec tables diverses, dans une notice qui se suffise à elle-même. Ceci doit être réalisé en une seule opération, au moment où on catalogue la pièce, afin d'éviter ces travaux incomplets ou inachevés, qui demeurent peu utilisables. Ces règles élaborées doivent pouvoir servir à tous ceux qui - par la suite - viendront cataloguer cette importante collection de factums; elles doivent donc être claires et compréhensibles. Nous allons présenter ces règles dans le même ordre que celui de la rédaction de la notice.

Choix de la vedette.

Les problèmes commencent dès la vedette. Dans le catalogue de Corda les notices sont présentées dans l'ordre alphabétique des vedettes principales, celles-ci étant imprimées en gras. En règle générale, la vedette choisie est le nom de la partie pour laquelle le factum a été imprimé. Mais, très souvent, à la faveur de la réunion de pièces d'une même affaire dans un dossier unique (ceci est surtout vrai pour les séries des Manuscrits) Corda a pris comme vedette principale le personnage de l'affaire, qu'il soit demandeur ou défendeur. De ce fait, un certain regroupement peut apparaître; on peut le constater particulièrement pour les factums où sont citées des collectivités : ordres religieux, abbayes. Les factums où des communautés : habitants, corporations, ... des personnalités : évêque, curé, ... sont impliquées sont présentés systématiquement au nom de villes, le nom de la ville ayant eu la priorité comme vedette. Ce regroupement, très utile en l'absence d'une table.par sujets représente une fâcheuse déviation vers un classement par mots-matière. Il faut que le choix de la vedette soit bien défini pour qu'il y ait unité dans ce choix, quelle que soit la personne chargée du catalogage. Le choix de la partie pour laquelle le factum est rédigé entraîne une dispersion des pièces d'une même affaire sous plusieurs vedettes. En vue de réunir toutes les pièces d'une même affaire sous une même vedette, il faut que cette vedette soit dans tous les cas, la même.

En matière civile, on peut admettre que c'est le requérant en première instance qui a agi le premier, qui a pris l'initiative d'entamer une procédure parce qu'il a un droit à défendre. Nous avons donc décidé que le requérant en première instance serait la vedette choisie pour toutes les pièces d'une affaire civile. Ceci est le principe de base, avec toutes les variantes et les difficultés que l'on peut soupçonner. Même si nous n'avons que la pièce d'appel ou de cassation, par exemple, c'est celui qui a introduit l'affaire en justice, le requérant en première instance, qui est la vedette. Ceci oblige à rechercher dans tous les cas quel est le requérant en première instance; ce travail se fait en même temps que la recherche de l'enjeu, dont nous parlerons plus tard, pour justifier le mot-matière.

La règle du choix du requérant en première instance comme vedette d'une affaire civile ne peut se concevoir pour une affaire criminelle. Dans ce cas, le requérant est le Ministère public, réclamant une peine au nom de la protection de la société. Il ne peut être question de prendre le procureur comme vedette. Aussi, dans le cas d'une affaire criminelle, la vedette est-elle l'accusé. Un procès criminel porte souvent le nom de l'accusé : affaire Seznec, par exemple. Par contre, dans le cas d'un procès d'empoisonnement, c'est le nom de l' « empoisonné » qui est connu, le plus souvent, l' « empoisonneur » n'étant que soupçonné. Aussi, dans les affaires d'empoisonnement, la vedette doit-elle être l' « empoisonné ». Pour les affaires de succession, si nombreuses, la vedette choisie est le nom du de cujus suivi du mot Succession après un point. En matière commerciale, dans les cas de faillite, la règle du requérant en première instance choisi comme vedette n'est pas suivie. Le requérant est le syndic, souvent un inconnu; aussi, en matière de faillite, la vedette principale doit-elle être le failli. Ce nom du failli doit être suivi d'un point et du mot Faillite ; ceci permettra lors de l'intercalation d'avoir une physionomie complète de l'entreprise, au début lorsqu'elle marche bien et ensuite lorsqu'elle « expire ». Marc Bloch, parlant de la transmission des témoignages (10) écrit : « les fonds de faillites nous livrent aujourd'hui les papiers d'entreprises qui, s'il leur avait été donné de mener jusqu'au bout une existence fructueuse et honorée, n'eussent pas manqué de vouer au pilon le contenu de leurs cartonniers. » Le mot « Faillite » nous a paru inexact lorsqu'il s'agit de liquidation volontaire, aussi avons-nous choisi le mot Liquidation dans ce cas, pour suivre le nom du failli. Le seul écueil à éviter, c'est d'avoir des pièces de la même affaire à la fois sous la vedette : Faillite et sous la vedette : Liquidation, les deux mots étant parfois employés dans les titres, puisque la liquidation du capital social suit la faillite de l'entreprise. Lorsqu'une expertise intervient au cours d'une instance judiciaire, il faut prendre comme vedette le nom du failli et non celui de l'expert, tout ceci ayant pour but de rassembler sous une même vedette toutes les pièces d'une affaire.

En résumé, la règle générale est la suivante : le requérant en première instance est choisi comme vedette principale de tout factum quelle que soit l'instance saisie : tribunal civil, administratif, conseil de guerre, etc. Seules exceptions : pour les faillites, la vedette choisie est le nom du failli; en matière criminelle, la vedette est l'accusé, sauf pour les empoisonnements où c'est l'empoisonné, donc la victime, qui est choisi comme vedette. La vedette principale ainsi choisie, sera mise entre crochets carrés. Cette vedette est une « partie » dans un procès, elle n'est pas, en règle générale, l'auteur du factum. Mais, il arrive que le requérant ait rédigé lui-même son mémoire. Dans ce cas, la qualité de partie l'emporte sur la qualité d'auteur et la vedette principale sera toujours en minuscules entre crochets carrés. Les vedettes secondaires : co-requérants, adversaires, qui apparaîtront dans la notice seront aussi en minuscules entre crochets carrés sur les fiches secondaires. Par contre, les auteurs extérieurs à l'affaire, véritables rédacteurs du mémoire, seront introduits comme vedettes secondaires en majuscules sans crochets carrés. Leur nom apparaîtra dans le corps de la notice, en même temps que leur qualité de rédacteur. Il y a certes quelque chose d'un peu choquant à considérer comme vedette secondaire l'auteur d'un factum. Mais il faut jouer le jeu du catalogage au nom du requérant en première instance. Certains avocats, certains jurisconsultes, auteurs de nombreux mémoires, figurent au Catalogue général de la Bibliothèque nationale.

La vedette principale n'a pas toujours de prénom, ce n'est pas une personne connue. L'affaire est intéressante, plus par l'enjeu que par les parties en présence. Il y a aussi des personnages très connus qui ont eu affaire à la justice et nous en avons déjà rencontré beaucoup. Pour les parties sans renom, sans prénom, nous sommes amenés pour des noms aussi communs que : André, Aubert, Auger, à donner, soit des précisions d'état-civil, soit des professions, soit des lieux d'habitation. En justice, l'état-civil a beaucoup d'importance, mais si pour une pièce nous n'avons pas toutes les précisions nécessaires, une pièce connexe ou complémentaire nous les apportera. Bien des instances sont entamées par des familles, des héritiers, des consorts, des époux; par exemple, pour ces derniers, si nous n'avons pas le prénom, nous classerons en tête du nom, aux noms sans prénom avec :, époux.

Dans le cas de succession, les femmes mariées apparaissent avec le nom de leur époux; nous faisons des renvois du nom de jeune fille au nom d'épouse. Tous ces renvois d'état-civil apportent des éléments très précieux sur la généalogie de certaines familles. De notre expérience de catalogage des factums classés à la lettre A dans les trois formats, il ressort que des recherches de prénoms trop poussées pour des parties peu connues ne sont pas « payantes ». La vedette qui est une personne physique, un particulier, est le cas le plus simple. Tout se complique lorsque des groupements professionnels, des riverains d'une rue ou d'une rivière, des administrations, des localités interviennent en justice. Dans ce dernier cas, nous précisons le département entre parenthèses, sauf pour les chefs-lieux de départements. Pour les bateaux qui portent souvent des prénoms, nous avons choisi de mettre ce prénom entre guillemets, suivi de :, bateau. Nous avons déjà plusieurs « Alexandre », bateau; comment les distinguer entre eux ? par le port d'attache, si nous l'avons, par le nom du capitaine, si nous l'avons. Des groupements professionnels tels que les brasseurs, une chambre des notaires posent des problèmes; nous avons opté pour la profession comme vedette dans la perspective d'un catalogue-dictionnaire réunissant dans un même fichier parties, auteurs et matières. Il arrive que des avocats - auteurs dans certains cas - soient « parties » dans un procès; de même des notaires, « parties », et aussi « enjeu » ou mot-matière lorsqu'il s'agit d'un contentieux de transmission d'office de notaire.

Pour les compagnies d'assurances, qui ont connu une grande expansion au XIXe siècle, qui ont commencé « petit » et ont eu de fréquents procès, leurs appellations « secondaires », ont varié avec la croissance et la diversification de leurs activités. Aussi, avons-nous choisi le nom le plus typique et avons-nous fait un renvoi général de : Compagnies d'assurances vers tous les noms les plus variés des compagnies, certaines éphémères, d'autres toujours vivantes. Quelques noms sont savoureux et typiques d'une époque, par exemple : « L'Automédon, L'Arche d'Alliance, l'Indemnité, la Confiance, la Bienfaisante, la Salamandre. Certaines de ces compagnies comme l'Aigle, le Phénix ont laissé un nom dans le domaine de l'assurance.

Il faut dire qu'avant l'extension jurisprudentielle de l'application des articles 1382 et 1384 du Code civil sur la responsabilité du fait de l'homme, des choses ou des animaux, la notion d'assurance était peu développée. Dans l'affaire de l'Automédon, en 1844, les juges avaient pensé que l'assurance pour les quasi-délits était contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Nous pourrions citer des quantités de cas difficiles. Ceux qui ont l'expérience du catalogage connaissent tous ces problèmes de collectivités de toutes sortes.

Choix du titre.

Nous arrivons maintenant au titre du factum. Il n'y a que très rarement une page de titre; comme nous l'avons déjà dit les factums sont souvent de petites pièces que des particuliers impliqués dans un procès faisaient imprimer à compte d'auteur. Très rarement nous sommes en présence de volumes ayant couverture et page de titre. Nous devons donc prendre le titre de départ qui parfois n'existe mêmepas. Nous pouvons citer comme titres succincts : Conclusions; A mes juges; Mémoire. Par contre, nous rencontrons des titres très longs, trop longs où sont énumérées jusqu'à trente personnes ou bien avec tout un rappel de la procédure antérieure.

Dans le premier cas, il faut « fabriquer » un titre et alors il faut inévitablement parcourir la pièce. Ce travail servira d'ailleurs pour désigner l'enjeu de l'affaire qui aboutira au mot-matière. Tout ce qui est « ajouté » est mis entre crochets carrés. Nous nous arrangeons pour que ce complément de titre s'introduise à la suite d'une phrase du titre. Par exemple : Troisième Mémoire pour les héritiers de L'Ange contre les héritiers Miniac [dont l'ancêtre avait acquis de l'abbé de Vauglusan une sucrerie à St Domingue, etc.]. Autre exemple : Affaire dite des crinolines. Réponses de MM. Alcan et Émile Barrault, ingénieurs [à M. Lefèvre-Lebel, qui prétend, dans un brevet, avoir inventé un perfectionnement relatif à la fabrication des montres et pendules.]

Des titres très longs, occupant parfois une page entière, sont à couper, à tronquer. La règle des trois premières personnes n'est pas toujours facile à observer ni suffisante et il faut parfois ajouter, entre crochets carrés [et autres habitants de cette rue]; dans une affaire d'albergement, par exemple, où les plaignants étaient quatre-vingt-dix nous avons indiqué les trois premiers suivis de : [en tout : 90]... tous propriétaires agriculteurs domiciliés à... Dans cette dernière affaire, c'était la qualité « d'habitant » qui était importante pour les plaignants. Parfois, plus simplement, un seul mot ajouté entre crochets carrés suffit à éclairer l'affaire. Par exemple : Affaire de M. Bablin [bijoutier] contre M. Berthelon [son débiteur]. Immédiatement, l'affaire est éclairée. Sans multiplier les exemples; nous pouvons dire que chaque affaire est un « cas ». Mais, en règle générale, nous ajoutons ou nous ne coupons pas ce qui peut indiquer l'enjeu de l'affaire. C'est ainsi que nous ne supprimons presque jamais les qualités, soit professionnelles, soit d'état-civil des parties. Dans une affaire de dissolution de société sucrière, les prénoms des deux associés étaient inconnus, or, dans le titre, il était indiqué : anciens fabricants de sucre à Braine-sur-Vesle (Aisne), nous avons pu ajouter très facilement : [à la suite de la dissolution de leur société d'un commun accord enjuil. 1861]. Les qualités d'habitant, de domicile sont à maintenir lorsqu'il n'y a aucune chance de trouver les prénoms ou lorsque l'affaire est un contentieux entre propriétaire et locataire, entre propriétaire et localité. S'il est très difficile d'introduire le complément de titre dans la partie de la fiche réservée au titre, soit qu'il soit trop long ou peu adaptable, nous rejetons ce complément en note.

Les factums portent souvent sur le titre, soit en haut, soit à droite, soit à gauche, souvent en caractères plus petits, le nom du tribunal, de la Cour, en bref de la juridiction devant laquelle va être jugée l'affaire. Tous les types de juridictions peuvent se rencontrer : Cour impériale, Conseil d'État, Tribunal civil, Cour de cassation, Tribunal de commerce, Tribunal correctionnel, Conseil de guerre. Il arrive même que le mémoire ayant été.rédigé par un avoué, par exemple, l'imprimeur ait reproduit le papier à en-tête de l'avoué.

Les règles de catalogage voulant que l'on reproduise la page de titre telle qu'elle se présente ne peuvent pas toujours être observées..Nous avons rencontré à peine cinq pour cent de pages de titre et, dans ce cas, nous avons constaté que le nom du tribunal devant lequel serait jugée l'affaire ne figurait pas sur la page de titre alors qu'il figurait sur le titre de départ. On considère qu'il ne fait pas partie du titre. Cette particularité nous a fait penser qu'il était préférable de rejeter en note l'instance judiciaire qui aurait à connaître de l'affaire. On peut considérer le factum comme une « adresse » à des magistrats par le canal de l'opinion publique. Le tribunal n'est pas « auteur » puisqu'il n'a pas encore rendu sa décision et que le factum n'est pas rédigé sous son égide mais à son intention. Aussi avons-nous, en règle générale, décidé de rejeter en note l'instance judiciaire qui aura à connaître de l'affaire, sauf lorsque cette instance est solidaire et complémentaire du titre, et véritablement en tête.

Pour les affaires d'expropriation, il arrive souvent que les chiffres d'offres et de demandes, très différents justement puisqu'il y a contestation, ne soient pas mis dans le titre lui-même, mais en tout petits caractères à gauche ou à droite. S'il n'est pas possible de maintenir ces chiffres, très importants, dans le titre, il faudra absolument les mettre en note. Après le titre, il convient d'indiquer le signataire du factum, s'il y en a un. Nous avons un peu hésité, dans le cas où celui qui est la vedette, ou le requérant dans la majorité des cas, est le signataire, à mettre : [Signé : ...]. Mais nous avons estimé qu'il fallait indiquer tout signataire, même s'il ne lui est pas fait de fiche auteur. Car, comme nous l'avons écrit plus haut, la qualité de requérant l'emporte sur celle de rédacteur. Une « partie » qui est en même temps auteur n'aura qu'une fiche de « partie ».

S'il y a déjà un crochet carré pour compléter le titre, le signataire sera indiqué, après un point, avec un Signé : (grand S). Si le titre se suffit à lui-même le signataire sera introduit dans un crochet carré après un point. Exemple : ... appelant d'un jugement du tribunal civil de la Seine, du 25 février 1826. [Signé : Pigorot, avoué; Jouhaud aîné, avocat.] Il y a souvent plusieurs signataires, le cas le plus fréquent étant la signature d'un avoué suivie de celle d'un avocat. Parfois le nom de la partie, auteur moral, qui a donné les éléments du mémoire figure avant l'avoué et l'avocat. Nous indiquons tous les signataires, jusqu'à trois, en ajoutant leur profession, telle qu'elle est indiquée sur la pièce; mais nous ne restituons pas les prénoms. S'il y a une date avant les signatures, ce qui est fréquent, alors que nous n'avons aucune autre date sur le factum, nous l'indiquons après le ou les signataires. Exemple : [Signé : Augustin, Angot, 10 nov. 1875]. Si le crochet carré a « raccordé » un complément du titre commençant par une minuscule, il n'y a pas de point avant la fin du crochet carré et un point précédera le tiret annonçant l'adresse : Exemple : ... contre Me Hébert-Delahaye, avoué près le même tribunal [qu'il accuse de le diffamer]. - Rouen, impr. I.-S. Lefèvre, etc...

Nous avons déjà parlé des canards criminels classés parmi les factums et qui posent des problèmes de catalogage. La vedette est le criminel; le signe distinctif d'un canard est la complainte. Aussi, pour les canards, ajoutons-nous entre crochets carrés : [Suivi de : Complainte.] ou de : [Complainte à ce sujet.] si tel est le titre de la complainte. Par contre, il arrive qu'il y ait des canards sans complainte; dans ce cas on ne peut en inventer. Cependant la vedette de forme : canard, sera choisie pour le catalogue matières.

Rédaction de l'adresse.

Il a été dit précédemment que les factums étaient presque toujours imprimés à compte d'auteur. Il n'y a presque jamais de page de titre, d'éditeur non plus. Un éditeur « composerait » une couverture, une page de titre. Aussi devons-nous pour la majorité des factums rechercher la ville d'impression et l'imprimeur à l'achevé d'imprimer. En province, la ville est toujours bien indiquée; pour Paris, elle est souvent omise. Dans ce cas, si l'imprimeur est bien certainement parisien, nous indiquons Paris, suivi d'une virgule, entre crochets carrés. Exemple: [paris,] impr. Pihan Delaforest, etc. A propos d'imprimeurs, nous avons constaté que certains d'entre eux étaient fréquemment choisis pour imprimer des factums. Il semble qu'il y ait eu une certaine spécialisation, comme pour les canards. L'imprimeur est indiqué de la façon suivante : impr. suivi du nom, sans de, le nom étant précédé ou suivi des qualités d'état civil de l'imprimeur : Vve, par exemple.

Nous arrivons maintenant à la date, élément capital d'un factum, pièce qui s'insère en général dans toute une chronologie judiciaire. Pour le baromètre anéroïde, dont le brevet d'invention a été contrefait, nous avons constaté qu'il y avait au minimum vingt-huit pièces, dispersées à : anéroïdes (lettre A déjà faite), à Bourdon et à Vidie. Aussi une date est-elle indispensable. Il est même arrivé qu'un mois figure avant l'année; après hésitations, nous avons indiqué ce mois, deux pièces successives ayant été publiées à un mois d'écart. Il y a rarement une date sur les factums; l'absence de page de titre, la recherche de l'imprimeur à la fin du texte font que la date n'apparaît pas clairement. Il faut donc utiliser d'autres moyens pour dater un mémoire; un des premiers est le cachet du dépôt légal qui est mis entre crochets carrés, à la suite de l'imprimeur. Ce cachet du dépôt légal existe sur la plupart des pièces, parfois la date est illisible, effacée. S'il n'y a pas de possibilité de datation du côté du dépôt légal, nous trouvons souvent au bas de la Ire page un petit C en rouge, qui signifie que la carte (ou la fiche ) a été faite, et, très souvent, à côté de ce C, un millésime composté en rouge indique l'année où la carte a été faite. Les deux années coïncident en règle générale; aussi, lorsque nous n'avons pas de date de dépôt légal, nous indiquons entre crochets carrés cette date de catalogage qui est très plausible. Il peut seulement y avoir eu du retard dans le catalogage. Très rarement nous avons dû mettre : s.d. (ou sans date). Même dans ce dernier cas, un élément du titre ou de la note : date d'audience, appel d'une décision datée permettent de fixer une date approximative.

Rédaction de la collation.

Nous arrivons à la fin de la description de la pièce; nous avons supprimé le format. Fallait-il le mettre en centimètres, une seule dimension ou deux? Cette collection de factums, qui ne s'accroît plus guère, est classée par formats, la cote indiquant toujours le format. Les dimensions de la pièce permettraient peut-être de comparer ou d'identifier d'autres pièces; pour des pièces modernes les dimensions donnent des indications pour l'expédition Cela présente beaucoup moins d'intérêt pour un fonds pratiquement éteint. En fait, le format se situant maintenant presque à la fin de la zone de la collation, on pourra toujours ajouter le format par la suite.

Donc ; sitôt après le point qui termine l'adresse, nous indiquons le nombre de pages. Parfois sous un titre commun sont rassemblées plusieurs pièces avec pagination propre; mais tout ceci est très classique et ne pose pas de problèmes particuliers. La pagination - qui n'est pas donnée par Corda - permet de se rendre compte de l'importance « matérielle » de la pièce et permet de comparer des pièces parfois au titre identique mais réimprimées et augmentées. A la suite de la pagination nous indiquons les illustrations. Ceci est indispensable et permet, en particulier dans le contentieux des brevets d'invention, d'indiquer des dessins industriels très intéressants. Des plans de maisons, de villes, figurent dans des affaires de mitoyenneté, d'expropriation, de percement de rues, par exemple. Ces illustrations qui on été relevées au passage, peuvent faire l'objet d'une table des illustrations. Après la pagination et les illustrations, peu fréquentes, nous avons indiqué les généalogies quand il y en a. Dans des contentieux pour la propriété de noms, des affaires de succession, il est souvent présenté un tableau généalogique, précieux pour les historiens. A la fin de cette partie de la notice, nous indiquons après un point si la pièce est multigraphiée. Vers 1830-1835, le procédé lithographique a été souvent utilisé pour reproduire des factums.

Rédaction de la note.

Nous arrivons maintenant à la note qui se situe en dessous de la notice elle-même, la cote étant entre les deux, à droite de la fiche, derrière un crochet carré.

Si nous n'avons pas pu indiquer de date dans le corps de la notice, c'est en début de note sitôt après la parenthèse que nous donnons les renseignements permettant de situer approximativement le factum. C'est ainsi qu'après lecture de la pièce nous avons pu mettre : (Postérieur au 14 août 1850.) ou : (Postérieur au 19 mars 1932.) Dans d'autres cas, la date de l'audience permet de fixer une date, par exemple : (Postérieur au 4 févr. 1830, date des Assises extraordinaires devant lesquelles ont comparu les prétendus criminels.) Parfois, lorsque nous n'avons pas pu introduire l'enjeu de l'affaire dans le titre, partant de la date, nous arrivons à donner le motif du procès. Voici un exemple : (Postérieur au 20 janv.1852, date d'une descente de police chez le sieur Alvarès, bouquiniste, qui détenait des livres pornographiques achetés dans des ventes publiques.) Tout est dit et cette description suffira pour choisir les mots-matières; l'affaire relève de la police de la librairie. Lorsqu'un fait se situe par exemple en 1854, et qu'il est impossible de trouver une date précise -jour ou mois, par exemple, - il nous arrive de mettre : (Ne peut être antérieur à 1854.)

Cette note, qui existe dans presque toutes nos fiches, après la date s'il était nécessaire de la mettre, pourra indiquer aussi, à condition que nous en ayons une et aussi que nous l'ayons rejetée, la juridiction citée sur la page de titre ou le titre de départ. Pour les cours : Cour de cassation, Cour d'appel, nous ajoutons la Chambre. Exemple : Cour de cassation. Chambre civile; Cour de Paris. Ire chambre; Cour d'appel de Toulouse. 2e chambre. Tout ceci, bien sûr, à condition que la chambre soit indiquée. Pour la province nous indiquons la ville : Cour impériale de Metz; Cour d'appel de Chambéry. Nous laissons telles qu'elles se présentent sur la pièce la dénomination des cours ou tribunaux, le qualificatif d'impérial, royal, situant l'époque du contentieux.

Dans cette note, après la date, si c'est nécessaire, après la Cour s'il convient de la mettre, c'est là que nous indiquons l'enjeu de l'affaire, que nous donnons tous les éléments qui permettront de justifier les mots-matières. Il est difficile de fixer des règles très précises de rédaction, c'est une question de jugement, « d'opportunité », dirons-nous. Nous ne pouvons que donner quelques exemples : (Tribunal civil de la Seine. 7e chambre. - Contrefaçon de l'Eau argentine ou Argentine Advielle par l'Eau galvanique.) Rien de ceci n'apparaissait dans le titre, très succinct : Mémoire à consulter pour M... contre M... Dans une autre affaire, au titre suivant : « Affiches parisiennes ». Journal d'annonces judiciaires. Nouvelle note. A messieurs les présidents et membres du tribunal de commerce..., la note est la suivante : (L'auteur demande pour les « Affiches parisiennes » le droit de publier les annonces judiciaires. Une précédente note de 1842 (celle-ci est de 1845) est conservée sous la cote Vp. 10708.). Autre exemple de note: (Postérieur à février 1876. - Le litige est provoqué par l'abandon de la mine de Saint-Félix, près Saint-Martin de Valgalgues (Gard) par Henry Merle.)

Dans la note, il y a une hiérarchie des éléments; en premier, tout ce qui permet de compléter la date, en second, la juridiction; puis vient l'analyse nécessaire à la compréhension et à l'utilisation de la fiche. Et enfin, nous indiquons les pièces justificatives avec leur pagination, les pièces justificatives étant un élément important et souvent copieux d'un factum. Exemple, pour un factum de 116 p. : (Pièces justificatives, pp. 83-116.) Nous avons dit qu'il y avait des factums dans d'autres séries que Fm ou Fn. Puisque nous faisons pour chaque pièce des recherches au catalogue général auteurs (au nom de l'auteur ou des parties qui peuvent avoir été auteurs), au catalogue des anonymes, l'auteur étant parfois peu apparent, nous trouvons souvent des pièces complémentaires dans diverses séries du classement systématique sur les rayons. Aussi, c'est dans la note que nous indiquons ces autres pièces, à condition qu'elles aient un lien très étroit avec l'affaire en question.

Un exemple pris parmi d'autres : Suite au premier Mémoire justificatif du sieur Albert contre...; nous avons mis en note : (Le mémoire est conservé sous la cote (Ln 27. 298.). Cette dernière cote est d'ailleurs très mal choisie; mais le classement de la Suite au... permet de réparer l'erreur. Certains procès sur les brevets d'invention : moteurs, mécanique, d'autres sur les installations de gaz dans les villes, en bref, tout ce qui concerne le progrès scientifique du XIXe siècle, sont classés dans le Vp, p indiquant les pièces. Ainsi, dans une affaire sur la Compagnie provençale qui fournissait le gaz à Marseille, une pièce est en Fm, trois autres sont dans le Vp. A un moment, nous avions pensé récupérer les factums uniquement complémentaires situés dans d'autres séries et les traiter comme tels. Vu le nombre, nous avons dû y renoncer; mais, nos travaux de vérification étant aussi complets que possible, nous estimons que nous devons signaler les pièces complémentaires, parfois avec une ébauche de titre, s'il n'y en a qu'un, parfois en bloc. Voici, dans ce dernier cas, un exemple : (D'autres pièces concernant ce litige sont conservées sous les cotes Vp. 23 338, Vp. 24 64I et Vp. 27 416.)

Les extraits, lorsqu'ils sont indiqués, sont mis dans la note, à la fin. Exemple : (Cour royale de Paris, audiences des II et 19 août 1835. - Extr. de l' « Observateur des tribunaux », journal des documents judiciaires.)

La note vient compléter la notice de telle sorte que la fiche suffise à comprendre l'affaire. Il y a souvent une hiérarchie de procédures, mais il n'est pas sûr qu'il y ait des factums à tous les niveaux. Aussi ne faut-il pas compter sur des pièces complémentaires pour éclairer l'affaire en cause et faut-il considérer le factum dont on s'occupe comme unique.

Constitution du fichier

Ayant indiqué tous les éléments nécessaires dans la notice, dans la mesure où ils apparaissent, où ils ont pu être retrouvés, nous sommes à même, partant de la fiche de base ou fiche-mère, d'envisager un fichier multiple ou dictionnaire, réunissant dans un seul fichier : parties, auteurs et mots-matière. Les entrées secondaires sont indiquées dans le bas de la fiche avec le code suivant :

P. pour les parties autres que la partie-vedette (parties jointes ou adverses).

A. pour les auteurs, auxquels nous essayons de restituer leurs prénoms.

M. pour le mot-matière.

Nos premières fiches, munies de toutes ces indications d'entrées secondaires, ont été multigraphiées en autant d'exemplaires qu'il y avait d' « entrées ». Nous en avons fait tirer deux jeux. Ensuite, nous avons introduit au-dessus de la vedette principale, située assez bas sur la fiche, chaque entrée secondaire de la façon suivante : les parties en minuscules entre crochets carrés, les auteurs en majuscules, les mots-matières en minuscules, sans crochets carrés. Une fois les entrées secondaires dactylographiées, nous avons pris un exemplaire destiné à la salle des catalogues du Département des imprimés et nous avons réuni dans un seul fichier-dictionnaire : parties, auteurs et mots-matières. Le classement alphabétique a, bien entendu, posé des problèmes; les parties peuvent être, soit des personnes physiques, soit des collectivités, les mots-matières ajoutent une difficulté supplémentaire. Les renvois avaient été assez bien prévus, dès l'origine : état-civil pour les femmes mariées, noms aux particules intégrées après la Révolution, renvois pour les compagnies d'assurance, les théâtres. Il a fallu effectuer quelques regroupements, faire des choix. Nous ne pensons pas avoir fait, d'emblée, un travail parfait ; mais, tel qu'il est, il nous semble préférable pour des lecteurs de rassembler dans un seul ordre alphabétique toutes les facettes de ces pièces si intéressantes à condition qu'on les dépouille, qu'on les analyse.

Pour les mots-matières, nous n'avons pas choisi des appellations trop larges, le travail étant déjà minutieusement fait. Du deuxième jeu de fiches, nous avons fait un autre fichier, divisé lui, systématiquement. Les parties, de loin les plus nombreuses, constituent trois tiroirs; les auteurs, un tiroir, et les mots-matières un autre tiroir.

Le classement dans les tiroirs respectifs ne pose pas de problèmes à partir du moment où la typographie des entrées secondaires est respectée. Pour le fichier-dictionnaire, nous avons mis sur le côté du meuble auquel les lecteurs ont accès, une explication sur le code typographique, en macro-photo. Pour l'exemplaire de travail, classé systématiquement, nous avons décidé de mettre après chaque nom ou chaque mot : P. ou A. ou M. Ceci nous permet de distinguer les fiches destinées au fichier systématique de celles destinées au fichier-dictionnaire. Lorsque nous avons commandé la multigraphie, nous avons fait tirer en supplément un double jeu des noms d'auteurs afin de préserver l'avenir dans l'espoir qu'ils soient un jour intégrés au Catalogue général de la Bibliothèque nationale.

Il y a un grand nombre d'avocats qui ont d'autres publications au Catalogue général et dont la bibliographie est très incomplète du fait de l'absence de leurs plaidoiries, mémoires, se trouvant dans la collection des factums. Nous ne citerons, par exemple, que Dalloz, les Dupin, les Berryer. Beaucoup d'hommes politiques ont été avocats avant d'aborder la politique; leurs travaux de juristes sont souvent plus « libres » que leurs travaux « rédigés ». Nous avons rencontré des pièces intéressantes où intervenaient Jules Ferry, Waldeck-Rousseau, pour ne citer que quelques noms.

Nous avons parlé de notre solution « fichiers ». Comme nous l'avons déjà dit, il ne serait pas possible pour une publication imprimée de multiplier les fiches souvent fort longues. Le code P. ou A. ou M. permettra d'envisager par un procédé quelconque, mécanique ou optique, après avoir numéroté la notice principale, de confectionner des tables renvoyant à la notice principale. Les tables pourront être divisées en : parties, auteurs et matières ou réunies en une seule table alphabétique. L'expérience du fichier mis à la disposition des lecteurs permettra de se faire une opinion, à la fois sur les difficultés d'intercalation et les commodités d'utilisation. Il faut compter qu'il y aura au moins deux cent cinquante mille noms propres dans la table des parties.

Le service de l'Histoire de France de la Bibliothèque nationale a vu les premières fiches de factums avant leur multigraphie et en a sélectionné quelques-unes, particulièrement celles ayant trait à la noblesse, aux biens des émigrés et à l'histoire des villes. Ces fiches sont intercalées dans le plan de classement de l'Histoire de France avec leur cote de factum.

Le factum, document pour l'histoire

Nous en arrivons à la fin de cette description de la collection des factums du Département des imprimés et de leur catalogage et nous voulons terminer sur l'aspect intéressant de ces documents pour l'historien, le juriste, le sociologue, etc.

Au début de notre travail, il nous fut prédit que dix pour cent seulement des pièces présentaient de l'intérêt. Après cinq ans d'expérience, nous pouvons retourner la proportion : au moins quatre-vingt-dix pour cent de ces pièces sont intéressantes et rien ne dit que les dix pour cent restants ne le soient pas. Les procès, c'est la vie; on plaide pour tout, de la naissance à la mort. Les affaires d'état civil : filiation, naissance illégitime, nom, succession sont une source non négligeable de procès. Les successions, en particulier, fournissent des éléments très intéressants sur l'état des fortunes, la valeur des biens. Des procès suscités par des testaments olographes n'apparaîtront nulle part ailleurs. Certaines successions s'étirent sur trois générations et fournissent des renseignements généalogiques non négligeables. Les procès suscités par la vente des biens nationaux, les biens devenus communaux sont innombrables. Il y en a eu encore récemment. Ces procès nous fournissent des renseignements sur les droits féodaux; les pièces justificatives donnent des renseignements très précieux. La vente de forges sans les coupes de bois qui leur permettaient de fonctionner ont donné lieu à des litiges; de même pour les verreries. Les forêts, les moulins, tous ces problèmes fonciers si bien réglementés dans le Code civil (1804), livre deuxième, vont soulever quantité de contentieux avec l'explosion technique du XIXe siècle.

Il y a une très nette différence entre les factums des XVIIe et XVIIIe siècles et ceux du XIXe siècle. Alors qu'avant la Révolution, les procès étaient surtout le fait de nobles, de religieux défendant leurs privilèges, nous voyons apparaître au XIXe siècle une grande variété, tant de justiciables que de motifs de procès. Avant le Code civil, pendant la période révolutionnaire, il y a peu de procès, mais ils sont très importants par la qualité des parties. On avait autre chose à faire que de plaider. Les créanciers d'Anisson-Duperron ont osé demander le paiement de leurs créances après la mort du directeur de l'Imprimerie nationale exécuté sur l'échafaud. Les progrès techniques du XIXe siècle : les mines, les chemins de fer ont suscité d'innombrables procès. Pour les mines, la propriété du sous-sol a soulevé des procès; de même le tracé des chemins de fer, la construction des tunnels, tout cela a donné lieu à des contentieux.

Le nombre d'individus qui ont pris l'argent de leurs concitoyens est incroyable; on y rencontre des gens très connus. Malheureusement, le régime des sociétés n'a été réglementé qu'en 1856. Les brevets d'invention ont suscité une grande quantité de différends : le sculpteur attaque le fondeur qui utilise son moule, le doreur reproduit des ornements de chaise. La propriété littéraire et artistique a été longtemps mal défendue. Ces procès nous donnent d'inappréciables renseignements d'ordre commercial et artistique avec, souvent, des dessins, des plans. Pour les brevets d'invention, nous avons décidé de choisir ce mot-matière suivi de tous les mots précis définissant le litige. L'invention du pneumatique, les procédés de fabrication de liqueurs, les fermetures d'égouts, le baromètre anéroïde, le filage de la soie, le métier Jacquart, les hauts fourneaux, tout le progrès technique du XIXe siècle apparaît dans ces factums du début de ce siècle.

L'évolution sociale apparaît à travers les factums de séparation de corps ; le mode de vie des couples, la gestion du ménage, les rapports avec les domestiques sont révélés par les mémoires que rédigent les époux en instance de séparation. Les affaires de diffamation au sein de corps sociaux tels que les avocats, les médecins nous apportent des éléments inattendus sur certains noms. Des contestations entre confrères : commissaires-priseurs, notaires, nous révèlent les mœurs d'une certaine société.

Les faillites sont très révélatrices de l'organisation économique, financière des entreprises. Les chiffres d'affaires nous sont révélés par les dépôts de bilans, des attaques d'associés. Il n'y avait pas de taxe sur le chiffre d'affaires au XIXe siècle. Par le biais des expropriations, nous arrivons à connaître le chiffre d'affaires d'un rôtisseur, d'un marchand de vin, par exemple, qui protestaient contre l'évaluation de leur indemnité d'expropriation. A cette occasion, le commerçant indiquait son chiffre d'affaires annuel, ses sources d'approvisionnement, le prix du vin, le nom des petits gâteaux fabriqués, les plans du four à reconstruire. Pour l'histoire de Paris, en particulier, les contentieux d'expropriation sont très importants. Les travaux d'urbanisme du XIXe siècle ont entraîné quantité de contentieux. Nous ne voulons pas trop prolonger cette énumération qui pourrait être fastidieuse.

Nous dirons un dernier mot, avant de conclure, des procès criminels, qui sont plus nombreux qu'on aurait pu le penser. Mais la distinction entre un factum et un compte rendu de procès est difficile à faire. Par exemple deux pièces ont été mises côte à côte, l'une relatant le procès, l'autre défendant l'accusé. C'est surtout l'exposé des faits qui précède un canard, un compte rendu d'audience, qui a permis une confusion. Un compte rendu d'audience, suivi d'un commentaire en faveur d'une des parties peut être un factum.

Les factums criminels intéressent les chercheurs qui se préoccupent de l'évolution sociale de la criminalité, du sort des prisonniers; l'analyse psychiatrique des accusés donne un aspect intéressant de l'évolution du droit.

Les juristes ne peuvent manquer d'être intéressés par les factums ; la jurisprudence est un élément essentiel de l'histoire du droit. Les différents codes du début du XIXe siècle n'avaient pu tout prévoir, ni tout résoudre. Le premier accident de chemin de fer, le premier accident de voiture ont donné lieu à des procès. Le duel a été condamné par une décision de la Cour de cassation, chambres réunies. La notion de responsabilité va se développer tout au long du XIXe siècle.

Un dernier mot sur la cote qui était à l'origine F3; Corda ayant adopté Fm dans son catalogue imprimé, le Catalogue général citant aussi cette cote - sans doute première et dernière lettre du mot « factum » nous avons adopté cette cote dans un souci d'unification. Pour la série Fn3, nous avons choisi la cote Fn.

Publie-t-on encore des factums ? Très peu; le dernier entré a été rédigé à l'occasion de la catastrophe du barrage de Malpasset.

Nous devons conclure; nous sommes à la disposition de nos collègues qui voudraient des renseignements.

Pour terminer, nous citerons Léopold Delisle qui dans sa Note sur les catalogues de la Bibliothèque nationale (11), à propos du catalogue de Corda sous presse à l'époque, écrivait : « On y trouve exposées [dans les factums], et souvent appuyées sur des documents originaux, les origines des propriétés ou des droits litigieux, avec des détails qui offrent beaucoup d'intérêt pour l'histoire des localités, des corporations, des familles et des individus. C'est une immense galerie dans laquelle l'ancienne société française semble s'être donné rendez-vous pour nous permettre de la passer en revue sous les aspects les plus variés. » Ce dernier paragraphe s'applique encore davantage aux factums postérieurs à 1790. Paraphrasant Léopold Delisle, nous pouvons dire que nous voyons « défiler la société du XIXe siècle ».

  1. (retour)↑  Les notes renvoient à la bibliographie placée à la fin de l'article.