L'automatisation dans les bibliothèques

Michel Boisset

I. L'Automatisation en 197I.

La mise en oeuvre des techniques de l'informatique a été entreprise dans les bibliothèques françaises, comme dans leurs homologues étrangères, parce qu'elle apporte à terme la solution des principaux problèmes de l'information scientifique : maîtrise d'une production imprimée croissante, économie dans la gestion des bibliothèques, possibilité d'une information rapide et mise en place de réseaux documentaires, échanges de nation à nation.

En même temps que la Direction des bibliothèques et de la lecture publique se préoccupait de la formation et de l'information de ses bibliothécaires, et de la coopération avec l'étranger dans le domaine de l'automatisation, plusieurs recherches étaient menées alors qui ont abouti à des réalisations, à des analyses avancées, et à l'élaboration d'un plan d'automatisation des bibliothèques.

La première réalisation française a été celle de l'Itiventaire permanent des périodiques étrangers en cours (LP.P.E.C.), la seconde entreprise fut l'automatisation de la partie officielle de la Bibliographie de la France. Fin 1970 la Bibliothèque nationale mit sur pied, en collaboration avec la Bibliothèque universitaire de Grenoble, une version du système de catalogage sur ordinateur préparée par la Bibliothèque du Congrès et reprise par la Bibliographie nationale anglaise, en l'adaptant aux règles françaises. Très structuré et complet, ce projet a pour but la production rapide et sûre d'une bibliographie nationale exhaustive, ses refontes mensuelles, trimestrielles et annuelles étant assurées automatiquement. Conforme à la normalisation internationale, il doit permettre l'échange entre pays des bibliographies nationales enregistrées sur support magnétique.

Parallèlement, la Bibliothèque universitaire de Grenoble réalisait sur les mêmes bases les programmes nécessaires à la création de ses propres fichiers, et entrait systématiquement dès 1970 ses nouvelles acquisitions sur support informatique. Elle disposait en 1971 d'un catalogue de 5 000 notices et obtenait automatiquement des listes classées par matières.

La Bibliothèque universitaire d'Aix-Marseille (Section de Luminy) en contact avec la précédente créait également un catalogue automatisé et éditait dès janvier 1971 des listes périodiques classées par auteurs et par sujets à l'intention des chercheurs.

D'autres fonctions des bibliothèques étaient étudiées ailleurs :
- prêt automatisé à la Bibliothèque publique de Massy (enregistrement des prêts, envoi des lettres de réclamation, statistiques obtenues automatiquement).
- recherche documentaire automatisée sur la base de la CDU à la Bibliothèque publique d'information.

Enfin des projets d'automatisation voyaient le jour à la Bibliothèque municipale de Lyon, pour les nouveaux locaux de la Part Dieu, qui abriteront un ordinateur; à la Bibliothèque universitaire de Nice (catalogue collectif des périodiques); à la Bibliothèque universitaire d'Orléans (catalogue collectif de nouvelles acquisitions).

Ces entreprises indépendantes et plus ou moins complémentaires faisaient apparaître certains inconvénients :
- les solutions choisies étaient souvent liées à des collaborations épisodiques ou bénévoles d'informaticiens,
- les expériences commençaient à se multiplier, s'inspirant les unes des autres, mais se développant de manière indépendante, ce qui entraînait des dépenses inutiles,
- des bibliothèques automatisaient leur fonctionnement sans qu'il soit possible de prévoir leur coordination.

La nécessité d'une conception globale se faisait de plus en plus sentir. Elle a été réclamée dans le rapport « bibliothèques et lecture publique » du VIe Plan. Il était indispensable d'insérer les bibliothèques dans un système commun, visant au niveau de chaque établissement à l'intégration des opérations (acquisitions, catalogage, communication, recherche) en un système mécanisé continu.

Dans ce but a été créé en juin 1971, auprès du Directeur des bibliothèques et de la lecture publique, le Bureau pour l'automatisation des bibliothèques (B.A.B.), avec comme premier objectif de préparer un plan national pour l'automatisation des bibliothèques, tout en aidant les établissements déjà entrés dans la voie de l'automatisation à poursuivre leurs efforts.

2. L'action du B.A.B. de juin 197I à mars 1973.

L'action du B.A.B. pendant cette période a porté sur deux objectifs : la préparation du plan national et la poursuite des opérations déjà engagées.

1. Poursuite des opérations engagées :

Le B.A.B. avait reçu mission d'aider à la poursuite des opérations déjà engagées, en donnant la priorité à l'automatisation de la Bibliographie de la France et de la Bibliothèque publique d'information.

a) Bibliographie de la France.

Sur la base de la structure d'enregistrement des données bibliographiques mise au point pendant la période précédente par les spécialistes du département des Entrées de la Bibliothèque nationale et par un conservateur de la bibliothèque de Grenoble, le B.A.B. a réalisé la production de la bande française d'échange bibliographique. Ne disposant pas à l'origine d'équipe informatique, il a sous-traité la réalisation à l'École des Mines; le matériel utilisé était un matériel IBM. Le service a fonctionné normalement pendant toute l'année 1972 et a pu enregistrer près de 10 ooo notices bibliographiques.

b) A la Bibliothèque publique d'information, le B.A.B. a participé à l'automatisation des acquisitions, dont l'analyse avait été faite par l'équipe de cette bibliothèque, et a pris en charge, grâce à une subvention de la Délégation à l'informatique, la mise au point d'un prototype informatique pour la recherche documentaire. Dans les deux cas, le B.A.B., qui ne disposait pas alors d'équipe informatique, a sous-traité son intervention : d'une part à l'École des Mines pour le système d'acquisition et d'autre part à l'Institut de recherche en économie et planification à Grenoble (I.R.E.P.) pour le système de recherche documentaire.

Le système d'acquisition fonctionne normalement - mais en partie seulement - depuis la fin de l'année 1972. Le B.A.B., outre la sous-traitance de l'École des Mines, a apporté le concours direct de son personnel pendant le dernier semestre de 1972.

Le prototype de recherche documentaire a été terminé par l'I.R.E.P. en avril 1972; depuis cette date les mises au point ont été poursuivies : deux ingénieurs du B.A.B. se sont consacrés à ce travail jusqu'au Ier février 1973, dans le but de mettre en service le système de création et de mise à jour conversationnel du thesaurus CDU. Ce système est en place depuis février 1973.

c) A la Bibliothèque universitaire de Grenoble, des études étaient entreprises qui devaient permettre la production du catalogue auteur. Mais le travail a été interrompu pour attendre la réalisation de programmes semblables réalisés par l'École des Mines pour la Bibliographie de la France. Ces programmes ont été remis au B.A.B. en janvier 1973 : leur adaptation est maintenant en cours de réalisation.

d) Les programmes du prêt des livres à Massy ont été terminés par l'Institut de recherche en informatique appliquée en décembre 1971. Des difficultés de fonctionnement de ces programmes sont apparues tout au cours de l'année 1972. Une équipe d'informaticiens du B.A.B. est intervenue et a pu faire fonctionner normalement le prêt automatisé de cette bibliothèque, à partir de l'automne 1972.

2. Préparation du plan national:

Dès le début de 1972, les orientations fondamentales du plan national ont été retenues : participation au réseau bibliographique international (appelé contrôle bibliographique universel), catalogage national centralisé, automatisation des catalogues collectifs nationaux, création d'un centre informatique unique et autonome, préparation d'analyses des fonctions de gestion automatisées.

a) Participation au réseau bibliographique international.

Dans ce réseau, on le sait, chaque pays a la charge de cataloguer ses propres publications au bénéfice de tous les autres. Selon cet objectif, le B.A.B. a travaillé avec les services de la Bibliographie de la France d'une part à la normalisation des données bibliographiques sur support informatique et d'autre part à l'organisation des services de catalogage dans le but d'obtenir des délais de production de la bande les plus courts possible. Quatre informaticiens travaillent depuis 7 mois à la mise au point des programmes informatiques relatifs à cette opération; la livraison du matériel C.I.I, choisi a subi un retard de 4 mois.

b) Catalogage national centralisé.

Le catalogage produit par le réseau bibliographique international doit être rendu accessible à toutes les bibliothèques, soit sous forme de fiches, soit sous forme de listes. L'organisation du catalogage national centralisé, qui devrait permettre des économies considérables (environ un quart du personnel scientifique et technique des bibliothèques est occupé par le catalogage) et une normalisation des descriptions bibliographiques est à l'étude depuis près de 10 mois. Des efforts particuliers portent sur le choix du matériel qui rendra possible la production et la distribution automatique des fiches (10 à 20 millions par an). c) Automatisation des catalogues collectifs nationaux.

L'ensemble des documents conservés en France constitue le fonds documentaire national, dont au moins la partie la plus importante doit être rendue accessible à tout lecteur. Cela signifie que le catalogue de ce fonds documentaire national doit être tenu à jour et consultable à partir des grandes bibliothèques. C'est pourquoi des études ont été entreprises depuis juillet 1972 avec deux informaticiens du B.A.B. pour l'organisation de ces fichiers et leur interrogation en mode conversationnel par le moyen d'un réseau informatique.

d) Création d'un centre informatique des bibliothèques.

Des études ont commencé en novembre 197I pour doter la Bibliothèque nationale d'un matériel informatique qui lui soit propre : le choix s'est porté sur un MITRA 15 de la C.I.I, dont les premiers éléments sont en place depuis avril 1973 ; la configuration sera complète en septembre 1973.

D'autres études ont conduit au choix d'une configuration d'IRIS 45 à Grenoble, sur laquelle les traitements importants des bibliothèques seront effectués pendant une période transitoire de deux ans. Ce matériel sera mis en place en trois lots, courant 1973.

Les deux ordinateurs seront connectés, en septembre 1973.

Les démarches entreprises depuis juillet 1972, devront permettre la construction, en 1974, d'un Centre de traitement informatique des bibliothèques à l'Isle d'Abeau (Isère).

Pour le fonctionnement du centre informatique spécialisé, une équipe informatique a été créée progressivement au Bureau pour l'automatisation des bibliothèques. Elle compte actuellement 17 informaticiens.

e) Gestion automatisée des bibliothèques.

L'objectif du B.A.B. dans ce domaine a été de définir des procédures de gestion normalisée pouvant s'adapter à toutes les bibliothèques de telle sorte que des économies soient faites (diminution des coûts de création et de maintenance de software), que les délais de mise en place d'un système automatisé soient raccourcis et que le fonctionnement soit harmonisé d'une bibliothèque à une autre et permette des interconnexions ultérieures.

Le système de prêt automatisé a été étudié : il a fait l'objet d'une journée d'études à laquelle participaient les représentants de plus de 40 bibliothèques municipales et d'une publication. Un ensemble de programmes sera disponible dans les mois qui viennent.

La Direction des bibliothèques dispose donc déjà de réalisations importantes. Plus importantes encore sont les recherches qui aboutiront prochainement : la réalisation de la bibliographie nationale, les résultats des analyses bibliothéconomiques menées dans le cadre du B.A.B., les actions visant à la constitution d'un centre informatique des bibliothèques permettent dès maintenant la mise au point d'outils informatiques nationaux (catalogage national centralisé, catalogues collectifs). L'année 1974 sera consacrée à l'expérimentation de ces outils, à la formation et l'information des utilisateurs.