La formation des personnels des bibliothèques

Noë Richter

La nécessité d'une formation spécifique aux personnels des bibliothèques est une idée déjà ancienne en France. Énoncée dès la fin du XVIIIe siècle, elle est entrée dans les faits en 1847 avec la création d'un cours de classement des archives et des bibliothèques publiques à l'École des Chartes. Pendant plus d'un siècle, cet enseignement professionnel est resté étroitement lié à une formation scientifique d'un très haut niveau. Ce lien se desserra en 1932 lorsque la création du Diplôme technique de bibliothécaire ouvrit ce premier enseignement professionnel à tous les candidats aux carrières des bibliothèques, et il fut rompu en 1950 lorsque la jeune Direction des bibliothèques du Ministère de l'Éducation nationale prit la formation à sa charge. Elle en brisa la rigidité et en diversifia les niveaux et les spécialisations en remplaçant le Diplôme technique par un Diplôme supérieur de bibliothécaire (D.S.B.) créé en 1950 et par un diplôme moyen, le Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire (C.A.F.B.) créé en 1951. Elle lui donna un cadre institutionnel en le confiant en 1963 à un établissement public créé à cet effet : l'École nationale supérieure de bibliothécaires (E.N.S.B.).

L'E.N.S.B. assure aujourd'hui la formation du personnel à trois niveaux : au niveau supérieur avec le D.S.B., au niveau moyen avec le C.A.F.B., au niveau proprement technique en organisant une préparation au concours de sous-bibliothécaire (C.S.B.). Elle a entrepris également des actions de recyclage en organisant des stages pour le personnel en place.

Le Diplôme supérieur de bibliothécaire. - L'enseignement préparatoire au Diplôme supérieur de bibliothécaire n'est organisé qu'à Paris. Il est réservé aux titulaires d'une licence ou d'un diplôme de même niveau. L'effectif est limité à 90 élèves par promotion. Les uns, élèves-fonctionnaires, sont recrutés au moyen d'un concours, qui est un concours de recrutement de la fonction publique. Ils signent un engagement de servir pendant dix années dans les bibliothèques de l'État et touchent un traitement de scolarité. Les autres, élèves associés, sont sélectionnés sur dossiers. Le nombre des élèves fonctionnaires varie en fonction des créations de poste. Celles-ci semblent se stabiliser autour de 50 par an; 9 d'entre elles sont réservées aux sous-bibliothécaires en fonction depuis cinq années, qui subissent un concours particulier. Les élèves associés sont pour moitié des étrangers provenant surtout des pays francophones d'Afrique qui demandent à la France de former les cadres de leurs bibliothèques.

Élèves-fonctionnaires et élèves associés suivent le même enseignement : 200 heures de cours et 250 heures de travaux pratiques ou dirigés, auxquels s'ajoutent de nombreuses visites de bibliothèques. A la fin de la scolarité, les élèves fonctionnaires font un stage de deux mois dans une bibliothèque de la même catégorie que celles où ils sont affectés.

Huit promotions se sont succédé à l'E.N.S.B. de 1965 à 1972. Ont été délivrés 625 diplômes : 459 aux élèves fonctionnaires, 91 à des élèves associés français, 75 à des associés étrangers.

Les enseignements moyen et technique. - Les enseignements préparatoires au C.A.F.B. et au concours de sous-bibliothécaire sont dispensés dans 24 centres de formation, à Paris et en province. Ils sont ouverts aux bacheliers ou aux titulaires d'un titre équivalent, mais des dérogations sont prévues en faveur des fonctionnaires en exercice dans les bibliothèques municipales, qui peuvent se présenter sans diplôme au C.A.F.B. La crise des débouchés qui existe au niveau de l'université tend à élever très sensiblement le niveau du recrutement : en 1972 et en 1973, 40 % des candidats étaient titulaires d'une licence. Le nombre des inscriptions aux deux préparations augmente régulièrement pour les mêmes raisons :
- C.A.F.B. : 470 candidats pour 1970; 576 pour 197I ; 900 pour 1972;
- C.S.B. : 380 candidats pour 1970; 488 pour 1971; 708 pour 1972;
- Soit au total 850 candidats pour 1970 ; 1 064 pour 1971 et 1 608 pour 1972.

Le C.A.F.B. a une scolarité en deux temps. D'octobre à janvier, les candidats suivent un enseignement général (bibliothéconomie, bibliographie, bibliologie), qui est sanctionné par un examen écrit. De février à mai, ils ont le choix entre quatre enseignements spécialisés (Bibliothèques d'instituts et de laboratoires, Bibliothèques d'établissements d'enseignement et bibliothèques pour la jeunesse, Bibliothèques municipales, Bibliothèques de lecture publique), sanctionnés par un ensemble d'épreuves écrites, orales et pratiques. Cet enseignement spécialisé comprend un stage obligatoire. Depuis 1965, 1 274 certificats d'aptitude ont été décernés.

Le concours de sous-bibliothécaire est un concours de recrutement de la fonction publique ouvert aux bacheliers. Mais là encore, les difficultés pour les étudiants de trouver un emploi ont élevé très sensiblement le niveau du recrutement et le nombre des candidats licenciés et même titulaires d'une maîtrise augmente régulièrement. La préparation organisée par l'E.N.S.B. n'a qu'un caractère facultatif, mais elle est suivie par la plupart des candidats au concours. Dans les petits centres régionaux d'enseignement, elle est souvent jumelée à la préparation aux épreuves d'admissibilité du C.A.F.B.

Les stages de recyclage. - Même dans un métier aussi marqué par le savoir-faire traditionnel, le progrès technique, l'ouverture des bibliothèques aux nouveaux supports de l'information, leur intégration à d'autres formes d'action culturelle, le développement des relations internationales entraînent un renouvellement continu de la pratique quotidienne. Les bibliothécaires se sont vite rendu compte du fait que leur formation initiale ne leur permettait plus d'assurer de façon satisfaisante la marche de leurs services. Ils réclament aujourd'hui une formation continue et des stages de recyclage. Il appartenait à l'E.N.S.B. de prendre des initiatives dans ce domaine. Elle a commencé en 1973 des actions de recyclage dans deux domaines, celui de l'animation où elle a organisé, en liaison avec la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, un stage d'initiation à la prise de parole et au club de lecture avec vingt et un participants, et celui du catalogage où une cinquantaine de conservateurs ont été initiés aux règles de la description bibliographique internationale normalisée.