Discours prononcé par M. Étienne Dennery, Directeur chargé des bibliothèques et de la lecture publique, pour l'inauguration de la Bibliothèque municipale de Lyon, le 6 décembre 1972
C'est un grand plaisir pour moi que d'inaugurer aujourd'hui la Bibliothèque municipale de Lyon.
Un directeur des Bibliothèques se sent bien chez lui à Lyon, dans une ville qui a la vocation du Livre. Lyon peut en être considérée à juste titre aujourd'hui comme une des capitales. Tant il est vrai que, pour les peuples comme pour les individus les mêmes goûts et les mêmes penchants ne cessent de se retrouver au cours de leur vie ou de leur histoire. Dès le début du développement de l'imprimerie, dès le xve siècle, le rôle de Lyon avait été considérable. La ville avait accueilli les typographes venus d'Allemagne et d'Italie. Elle fut au XVIe siècle un grand centre typographique européen, qui inondait de livres l'Europe entière, et où l'humanisme contribuait déjà, malgré les guerres, à ébaucher une sorte d'unité. Aujourd'hui, Lyon est encore et à nouveau une ville du livre. Elle a un musée du livre, elle est la seule ville de France à avoir un musée du livre. Elle aura demain l'École nationale supérieure de bibliothécaires, la seule école nationale de bibliothécaires de France, dont le transfert de Paris à Lyon a été décidé l'an dernier par le gouvernement français. Elle a de belles et grandes bibliothèques universitaires et nous inaugurons aujourd'hui sa bibliothèque municipale qui sera une des plus grandes d'Europe avec 24 000 m2 de plancher.
Ce ne sera pas seulement la plus grande, mais la plus belle, ou l'une des plus belles et des plus modernes bibliothèques d'Europe. Le Palais Saint-Jean où la bibliothèque était installée jusqu'ici avait la beauté d'un palais épiscopal. Celle de la Part-Dieu, où vous transférez les 5 à 600 000 livres de Saint-Jean, a une beauté fonctionnelle. Les sculptures en béton qui vous accueillent dès votre entrée sont du meilleur goût et les deux salles que nous inaugurerons aujourd'hui sont, comme il se doit, claires, gaies, avenantes et correspondent bien aux besoins des lecteurs d'aujourd'hui.
I. L'une leur permet d'emmener des livres à domicile. C'est la salle de prêt. Je crois qu'elle comprend près de 40 000 livres. On peut y accéder directement, ce qui est essentiel, car la lecture est choix et doit toujours pouvoir le rester. On doit pouvoir choisir son livre, comme on peut choisir un ami ou un interlocuteur, car la lecture est un dialogue. Dès que les ouvrages ne seront plus d'actualité on les mettra en magasin où ils pourront toujours être prêtés. Un excès de volumes embarrasse autant le lecteur dans son choix que peut le faire une pénurie :
Mais le livre doit se rapprocher du lecteur. Et la Bibliothèque municipale a une dizaine d'annexes. C'est dans cette salle que sont préparées les collections qui doivent être envoyées dans les annexes ou qui sont transportées par des bibliobus urbains ou encore dans des bibliothèques de collectivités, proches des lieux de détente ou de travail, comme celles des Comités d'entreprise ou des Foyers de jeunes.
2. L'autre salle est une salle d'information générale. Nous nous réjouissons de voir aménager de telles salles dans les grandes bibliothèques publiques. Elle sera à la fois une salle d'accueil où l'on orientera les lecteurs et répondra à leurs' questions et où ils trouveront une documentation générale actuelle, de quoi s'informer rapidement de manière pratique sur ce qui intéresse le plus grand nombre de gens actuellement, qu'il s'agisse de l'éducation des enfants, des problèmes de la vie familiale en général, du planning familial, de la vie en société, des problèmes de la société tels l'urbanisme, l'habitat, la circulation, de l'adaptation des hommes à l'environnement. Il y aura là des journaux et des revues, mais du type de journaux et de revues vivants, et puis peut-être aussi les dernières revues d'actualité. Cette salle devrait attirer un public important, désireux de s'instruire sur tous les problèmes d'actualité et de parfaire sa culture générale. C'est une salle qui est aménagée dans l'esprit de l'Éducation permanente, sous son jour le moins austère et le plus encourageant.
Naturellement, dans les étages, au deuxième et au troisième, il y aura des salles de lecture aménagées pour la recherche, qu'il s'agisse de recherche locale et régionale ou de recherche et de documentation spécialisées. Vous en avez prévu pour les sciences économiques et sociales, pour les sciences proprement dites, pour la technique, pour les beaux-arts, pour le théâtre.
Je voudrais insister pourtant sur un point. En ce qui concerne la recherche il s'agit toujours de donner satisfaction aux érudits, aux professeurs, aux étudiants. Mais il y a aussi ceux qui veulent trouver rapidement une documentation sûre et précise, les journalistes, le monde de la radio et de la télévision, les politiques, les techniciens, les économistes parfois. Ceux-là aussi trouvent à la bibliothèque, la documentation qui leur est nécessaire.
Il y aura place pour tous ces lecteurs, car la Bibliothèque contiendra, quand elle fonctionnera à l'état normal, 2 millions de volumes, dont un bon nombre sera en accès direct, mais d'autres, moins demandés, rempliront le Silo à livre qui, par son caractère imposant, montrera aux passants les moins avertis ce que sont les besoins en livres d'une bibliothèque.
Cette bibliothèque restera avant tout (et ce fut l'idée de son très actif conservateur en chef M. Martin qui a tant fait pour la création de cette bibliothèque et celle de son conservateur en chef actuel, M. Rocher), un centre de Lecture publique, c'est-à-dire d'Éducation permanente.
Cette politique de la Lecture publique est aussi, je dois le dire, celle du gouvernement. L'on se rend compte que, dans le monde d'aujourd'hui, la lecture reste plus utile que jamais que, dans cet univers où l'individu est noyé sous les informations et sous les propagandes de toutes sortes, la lecture seule permet la défense de la personnalité et de la liberté humaine et quelle est meilleure antidote contre la passivité de la vie standardisée et mécanisée d'aujourd'hui.
Sans doute les bibliothèques et la vôtre particulièrement, Monsieur le Maire, ne contiendront pas que des livres. Elles utiliseront le disque (il y aura une discothèque dans une pièce voisine de celle où nous nous trouvons), elles utiliseront la vidéo-cassette, la télévision, le cinéma par exemple. Mais avec le sentiment qu'entre tous les instruments audio-visuels, aucun ne nécessite de la part de l'homme autant d'efforts de réflexion et d'entraînement intellectuel.
Il y a désormais, en France, je l'ai dit, une politique de la lecture publique. Cette année même ou ces années, ont été ou seront inaugurées des bibliothèques de lecture publique à Caen, à Marseille, à Grenoble, à Saint-Étienne, à Grasse, à Saumur, à la Roche-sur-Yon, à Mazamet, à Mâcon, à Longwy, à Dunkerque et aux environs de Paris, à Sarcelles, à Massy-Antony, à Vincennes, à Neuilly-Plaisance, à Pantin, à Montreuil, à Maisons-Alfort, à Argenteuil, à Malakoff, à Creil par exemple, dans des grands ensembles, dans des villes nouvelles où notre emplacement est déjà réservé comme à Evry ou à Cergy-Pontoise. Depuis quatre ans, les crédits dépensés en France pour la lecture publique ont sextuplé et sont passés de 0,65 F à près de 4 F par habitant. Dans des villes comme Colmar ou Mulhouse, en deux ans, le chiffre des prêts a presque doublé.
Avec sa grande et belle bibliothèque, avec un Maire, permettez-moi de vous le dire, qui trouve sa voie à la tête du progrès, Lyon donne, pour les bibliothèques, l'exemple aux villes de France.
Monsieur le Maire, laissez-moi vous dire, en terminant, que je vous en remercie de tout cœur.