Les besoins documentaires du chercheur dans le domaine des sciences médicales
Parmi les instruments de la recherche médicale, la documentation tient une place qui va croissant. Initié aux notions essentielles de documentation médicale, le chercheur, dans un premier temps se consacrera au dépouillement des revues générales en s'aidant de l'Index medicus. Il mènera ensuite une recherche rétrospective approfondie en recourant aux services d'un centre de documentation, en consultant des périodiques signalétiques et analytiques. La documentation obtenue sera mise à jour avec rapidité et exhaustivité soit par abonnement à une diffusion signalétique sur profil, soit par la consultation de sommaires de périodiques, soit par le dépouillement de périodiques signalétiques ou analytiques.
Le premier stage annuel de recyclage pour les bibliothécaires médicaux, organisé par la sous-section des bibliothèques médicales et biologiques de l'Association des bibliothécaires francais, s'est tenu à l'Académie nationale de médecine du 6 au 8 octobre 197I avec la participation de professeurs des facultés de médecine de Paris, Rennes et Strasbourg.
Après plusieurs communications sur l'organisation de l'enseignement médical, la hiérarchie hospitalo-universitaire, la terminologie médicale, divers problèmes de bibliothéconomie médicale ont été abordés. Des exposés ont été présentés sur les besoins documentaires du thésard et du clinicien hospitalier, du futur praticien et du praticien, du spécialiste d'une part et, d'autre part, sur ce que la bibliothèque peut apporter au thésard et au clinicien hospitalier, au futur praticien et au praticien, au chercheur et au spécialiste. Des tables rondes associant bibliothécaires et professeurs ont été l'occasion d'une réflexion commune sur les problèmes abordés tandis que des travaux pratiques de bibliographie médicale complétaient les exposés théoriques.
La nécessaire adaptation de la documentation aux besoins de ses utilisateurs dans le domaine médical a été fortement soulignée par les différents orateurs. Dans son exposé sur les besoins documentaires du chercheur, le Pr Fabiani, en se plaçant dans le cas le plus complexe du chercheur débutant, rappelle les besoins qu'il faut satisfaire, les moyens d'y parvenir et les réalisations qui y contribuent, dont certaines ont été largement présentées dans le Bulletin des bibliothèques de France (L'Enseignement de la bibliographie à Strasbourg 1, le Sabir-système automatique de bibliographie, d'information et de recherche en carcinologie 2, l'I.N.S.E.R.M. et l'information biomédicale 3).
Parmi les instruments de la recherche médicale, la documentation tient une place très grande et qui va croissant 3 4). Le bibliothécaire, qui sera donc de plus en plus souvent consulté, doit par conséquent comprendre les besoins du chercheur pour pouvoir le guider efficacement et l'aider à trouver ce qui lui est utile, aide bien différente de celle que souhaite le praticien (5).
Le domaine de la recherche en médecine est très vaste, s'étendant de la biochimie à la psychiatrie, de la microscopie électronique à la mise au point d'un appareillage pour rein artificiel. Étude des symptômes ou du mécanisme d'une maladie, essai de thérapeutiques, analyse d'un phénomène biologique, d'un métabolisme, enquête épidémiologique ..., l'énumération pourrait se prolonger, d'autant plus que les frontières de la médecine ne sont pas, et ne peuvent pas, être nettement délimitées. Et la biologie moléculaire, la physique des radiations, ou la psychologie, la politique de l'environnement, aussi bien que la pathologie vétérinaire ou la technologie représentent des exemples, entre autres, de disciplines auxquelles des médecins peuvent recourir pour faire progresser leurs travaux.
Les conditions de la recherche sont, de plus, très diverses. En médecine, le chercheur est rarement un praticien isolé. Le plus souvent il appartient à un service d'hôpital, un laboratoire universitaire, un institut scientifique ou un centre de recherches de l'industrie pharmaceutique. Mais, en ce cas il peut travailler seul et il se préoccupe d'un problème limité, ou bien il fait partie d'une équipe qui s'intéresse de façon durable à un secteur important d'une discipline médicale; alors, cette équipe dispose en général d'une petite bibliothèque où se trouvent livres et périodiques fondamentaux de la spécialité, de lecteurs de microfilms et de ... quelques crédits. La connaissance des langues étrangères est variable; en général, l'anglais est lu facilement par le personnel scientifique des laboratoires.
Enfin, le chercheur est parfois un débutant, n'ayant aucune habitude de la documentation; il aura tout intérêt à lire un de ces articles, dont l'utilité ne se borne pas aux seuls étudiants préparant une thèse, qui expliquent fort clairement des notions essentielles (1, 6, 7). A un stade plus avancé, il pourra, avec l'aide du bibliothécaire, consulter l'ouvrage si précieux de J. Archimbaud (2) afin de découvrir une source de documentation qu'il ignorait, s'initier à l'utilisation raisonnée des publications de littérature secondaire ou apprendre à recourir aux ressources des centres de documentation.
I. Le début d'une recherche documentaire
Les notions classiques constituent ce que J. Archimbaud appelle les « textes majeurs » et A. Gachon les « grands textes », indispensables à l'étudiant qui prépare une thèse et qui figurent dans les traités, français ou étrangers, et les encyclopédies. Mais, presque toujours, le chercheur les connaît déjà et il veut un travail faisant une mise au point plus approfondie, plus détaillée, accompagnée de références bibliographiques et se limitant au problème qu'il étudie : monographie, thèse (de médecine, de sciences, de pharmacie, de doctorat vétérinaire), rapport de congrès, article dans une grande collection comme celles paraissant aux Academic Press (Vitamines, Hormones, Bacterial Toxins), donc une revue générale.
On ne saurait trop insister sur l'utilité des listes bibliographiques générales.
Certaines paraissent, isolées, dans des périodiques qui contiennent aussi des articles originaux, tels que La Presse médicale, Pathologie et biologie, Revue européenne d'études cliniques et biologiques, New England Journal of Medicine (sous la rubrique « medical intelligence »). D'autres sont réunies dans des publications spécialisées, à périodicité régulière ou non, très précieuses, mais que trop de médecins ignorent encore : Annual Review, Advances, Progress, Modern Trends, International Review, British medical Bulletin, Bacteriological Reviews, Physiological Reviews, Bulletin de l'Institut Pasteur, Exposés annuels de biochimie, de pharmacologie, etc.
Mais, il est une difficulté indéniable : connaître l'existence de la liste bibliographique générale, car elle ne figure pas dans le fichier matières d'une bibliothèque. Si on a la collection d'une de ces publications, il est facile d'en consulter les sommaires ou, quand elles existent, les tables récapitulatives. Toutefois, cette consultation risque d'être insuffisante, car un microbiologiste, par exemple, peut trouver la liste bibliographique générale qui l'intéresse non seulement dans Annual Review of Microbiology, mais aussi dans Advances in Immunology, Progress in Allergy, Annual Review of Medicine, ... Il faut donc rechercher la mention d'une liste bibliographique générale dans un périodique signalétique ou analytique; fâcheusement, la liste bibliographique générale n'est pas toujours bien distinguée des articles originaux et un sous-titre ne précise pas toujours : liste bibliographique générale, synthèse, mise au point, « review ». C'est seulement dans l'Index medicus qu'elles figurent dans les premières pages de chaque livraison sous la rubrique « bibliography of medical reviews ».
Indiquons que, malgré tous les avantages, ces listes bibliographiques générales ont un défaut : les références sont presque toujours indiquées de façon trop succincte sans mentionner le titre de l'article ni la page terminale, ce qui est très gênant pour commander une photocopie ou un microfilm.
Cette première étape de la recherche documentaire est importante, indispensable même, mais ne suffit pas : la thèse, la monographie ou la liste bibliographique générale que l'on souhaite obtenir n'existent pas ou n'ont pas été découvertes; ou bien, elles sont trop anciennes, même si leur publication est relativement récente, car il a fallu le temps de la rédaction et de l'impression. Il convient donc de se livrer ensuite à une recherche rétrospective approfondie, portant au moins sur les dernières années; cette recherche sera guidée et facilitée par les renseignements obtenus dans le travail de synthèse et le complètera.
II. Recherche rétrospective approfondie.
Cette recherche doit être très orientée, c'est-à-dire limitée à un objectif bien défini, et remonter jusqu'à une date fixée, par exemple une dizaine d'années ou jusqu'à la date de la rédaction de la dernière revue générale.
Deux possibilités :
I. Demande adressée à un Centre de documentation : celui du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) où l'information accumulée depuis 1940 peut être récupérée manuellement, et celui de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (I.S.N.E.R.M.) qui grâce à sa liaison avec MEDLARS peut faire des recherches rétrospectives remontant jusqu'en 1964. Le bibliothécaire sera alors très utile pour aider le chercheur à formuler sa demande de façon très précise, ce qui permettra de réduire au maximum le « silence » comme le « bruit», l'omission de textes importants comme l'excès de références inutiles.
2. Consultation directe de périodiques. Ce procédé « artisanal » est encore le plus employé car il ne coûte rien, mais il a le grand défaut de faire perdre beaucoup de temps pour découvrir les références et pour les recopier. Parfois le chercheur commence par consulter les tables des matières des périodiques de sa spécialité, mais ce ne peut être une règle générale car il n'a guère l'occasion de fréquenter une bibliothèque possédant tous les périodiques se rapportant à une discipline et surtout, s'il se limite à cela, il risque d'ignorer les articles parus dans des journaux médicaux moins spécialisés. Le seul avantage de ce procédé est de pouvoir lire immédiatement l'article dont le titre paraît intéressant et de savoir d'emblée si ce texte mérite d'être analysé, résumé ou photocopié.
Aussi, en pratique, lui faut-il recourir aux périodiques signalétiques généraux ou spécialisés. Deux ont une importance majeure :
- Le Bulletin signalétique du C.N.R.S., dont la rapidité de rédaction et d'impression, la richesse d'informations et la présentation se sont améliorées, faisant de lui un instrument de travail très pratique. Par 14 de ses sections il s'étend à presque toutes les branches de la médecine, même dans le domaine de la clinique et de la thérapeutique. Sa consultation est facilitée par une table des matières placée au début de chaque fascicule et par un index alphabétique pour la plupart d'entre eux, ainsi que par une table des auteurs et un index-matières annuels. Pour la plupart des références, un très bref résumé indique l'essentiel du contenu de l'article. Autre avantage qui n'est pas négligeable : on est assuré de pouvoir obtenir au Centre de documentation une reproduction de l'article mentionné.
- l'Index medicus, qui est très utile en raison du grand nombre de publications étrangères qu'il dépouille, mais qui ignore un peu trop les publications de langue française. Son lecteur devra d'abord chercher dans le fascicule annuel du MESH (Medical Subject Headings) les termes pour lesquels il consultera l'Index.
D'autres chercheurs préfèrent recourir à des périodiques analytiques. Pour les sciences biologiques et médicales fondamentales : Chemical Abstracts, Biological Abstracts; dans cette catégorie, il en est de plus spécialisés comme le Bulletin de l'Institut Pasteur jusqu'à l'année 1970. Dans le domaine médical en général, c'est principalement Excerpta medica, dont les 35 sections s'appliquent à toutes les disciplines de la médecine. Tous les articles importants sont analysés, mais d'autres, qui ne sont pas cités parce qu'ils ne traitent que d'aspects mineurs ou moins actuels d'un problème, pourraient cependant être utiles au chercheur. Il lui appartient donc de savoir, en fonction du thème de son travail, s'il veut des renseignements très précis et exhaustifs ou s'il souhaite surtout connaître les articles essentiels. De toute façon, il doit se rappeler que l'analyse ne le dispense pas de lire le texte original.
Le chercheur est à la fin de cette étape de sa documentation en possession de références qui, autant que possible, doivent être mises sur fiches et lui serviront à obtenir les publications primaires; parfois, il dispose même déjà de résumés et d'articles originaux.
III. Mise à jour régulière de la documentation.
Ensuite, ce médecin doit, pendant tout le temps de sa recherche, tenir sa documentation à jour. Il a d'abord intérêt à dépouiller régulièrement les périodiques principaux de sa spécialité qui sont en général reçus dans son laboratoire afin d'être au courant de la publication d'articles importants qui parfois l'intéressent. Mais, il ne peut guère faire davantage car il n'a pas le temps d'aller souvent et longtemps dans une bibliothèque feuilleter tous les périodiques dès leur arrivée. Pour résoudre ce problème d'information sélective avec sa double exigence, rapidité et exhaustivité, plusieurs ordres de possibilités lui sont donnés :
I. Demande d'abonnement à une diffusion signalétique sur « profil » adressée aux centres de documentation du C.N.R.S. ou de l'I.N.S.E.R.M. Pour que la question soit bien précise et le « profil d'intérêt » bien défini, les conseils du bibliothécaire seront souvent indispensables. Dans deux domaines « de pointe » : transplantation d'organes et toxicologie clinique, abonnement aux Fiches de bibliographie rapide du C.N.R.S. Ces fiches imprimées comportent référence et résumé; elles sont envoyées dans un délai très court : en moyenne, 12 jours après la réception du périodique par le C.N.R.S.
2. Consultation de sommaires de périodiques, ce qui est maintenant facile :
- Service de reproduction et diffusion des sommaires des périodiques reçus la semaine précédente dans certains centres de documentation ou bibliothèques universitaires.
- Abonnement à Current Contents, hebdomadaire qui, malgré son prix élevé, est très utilisé, car il reproduit les sommaires des revues considérées comme les plus importantes dans le domaine des sciences biologiques et médicales et qu'il paraît en même temps que ces périodiques. Le même service est rendu pour toutes les publications, même mineures, de langue française par Répertoire Biomed (qui a succédé au Mois biologique et médical). L'adresse des auteurs d'articles étant indiquée dans chacun de ces périodiques permet de demander immédiatement des tirés à part.
- Abonnement à la diffusion des sommaires de 310 périodiques assurée par le Service Signalement et Microfilms du Centre de documentation de l'I.N.S.E.R.M. qui peut aussi fournir la reproduction sous forme de microfilms des articles désirés.
3. Consultation de périodiques signalétiques ou analytiques.
Quand le chercheur est moins pressé et, de toute façon, pour connaître ce qui aurait pu lui échapper lors de la recherche dans des sommaires, il doit consulter des périodiques signalétiques ou analytiques : Bulletin signalétique du C.N.R.S., Index medicus, Biological Abstracts, Excerpta medica, ou d'autres plus spécialisés.
Un clinicien peut tirer partie aussi des périodiques de sa spécialité quand ceux-ci en plus des articles originaux contiennent des références bibliographiques, comme le font le Journal de chirurgie, la Revue de chirurgie orthopédique, mais les délais de cette signalisation sont parfois longs. Il en est de même pour les références, parfois accompagnées d'analyses, paraissant dans La Semaine des Hôpitaux; aussi, sa table des matières annuelle est-elle surtout pour une recherche rétrospective. Il appartient donc encore à celui qui étudie un problème de savoir quel degré de rapidité il juge nécessaire et de se rappeler que les références dont on prend connaissance de façon parfois si tardive sont beaucoup plus utiles pour se tenir au courant de l'évolution d'une branche de la médecine que pour un travail en cours.
IV. Les documents.
Avoir des références bibliographiques nombreuses et récentes est une condition nécessaire à une bonne documentation mais elle n'est pas suffisante: il faut enfin les documents eux-mêmes. Un débutant ne sait pas toujours que le résumé d'un article ne peut remplacer le texte entier, alors que le résumé sert à savoir si l'article peut être utile et mérite donc d'être lu.
Des problèmes pratiques doivent donc être résolus. C'est quelquefois facile si l'article à consulter se trouve dans une revue que reçoit le laboratoire du chercheur ou une bibliothèque universitaire toute proche, ou si l'adresse de l'auteur de l'article est mentionnée dans un bulletin signalétique ou une reproduction de sommaires, car il est possible de demander un tiré-à-part. En général, c'est à un centre de documentation qu'il faut s'adresser pour obtenir une reproduction de l'article lui-même sous forme de photocopie, microfilm ou microfiche, dont il faut connaître les avantages et les inconvénients respectifs du point de vue des possibilités d'obtention, du coût, de l'encombrement ou des facilités de lecture. On ne saurait méconnaître non plus les problèmes de secrétariat et de dépenses qui se posent pour obtenir ces documents et les ranger, et parfois les problèmes de traduction.
V. Remarques générales.
Le bibliothécaire jouera donc souvent un rôle très utile dans cette recherche documentaire. Il sera appelé à instruire, renseigner et guider le chercheur surtout débutant. Expliquer les possibilités de la bibliothèque, les mérites divers et complémentaires des trois grands périodiques documentaires (Bulletin signalétique du C.N.R.S., Index medicus, Excerpta medica), le recours éventuel à des centres de documentation est déjà faire œuvre utile. Il y a souvent plus, car le chercheur doit apprendre en général à éviter deux écueils : trop limiter sa recherche bibliographique, et plus souvent, éviter une dispersion excessive par suite d'une définition précise de la question posée. Le bibliothécaire aura ainsi la satisfaction de contribuer efficacement au développement des recherches scientifiques.