L'inspection des bibliothèques de la ville de Paris et du Département de la Seine

Maurice Caillet

L'histoire de l'Inspection générale des bibliothèques françaises a été marquée par chacune des personnalités qui exercèrent les fonctions d'inspecteur général des bibliothèques. Elles sont présentées ici dans une brève notice biographique. Indépendante, l'Inspection des bibliothèques de Paris et de la Seine, créée en 1866, a vu ses attributions varier considérablement. Elle disparaît en 1948. La gestion et l'inspection des bibliothèques municipales de Paris sont assumées aujourd'hui par le bureau des bibliothèques rattaché, à la Préfecture de Paris, à la Direction de l'Action culturelle. Les bibliothèques de l'ancienne Seine sont, depuis la création en 1964 des nouveaux départements de la Région parisienne, du ressort de l'Inspection générale des bibliothèques au Ministère de l'Éducation nationale.

Cette inspection dont l'histoire est, sur le plan administratif, assez confuse, est liée à la naissance et au développement des bibliothèques publiques de Paris et des communes du département de la Seine.

En 1865 la première bibliothèque d'arrondissement, celle du XIe, voit le jour. Un des artisans les plus efficaces de cette création se trouvait être Alexandre de Saint-Albin qui, depuis plus de vingt ans, était employé à la Bibliothèque de la Ville de Paris où il militait activement pour que soit créée dans chaque arrondissement une bibliothèque. Pour récompenser ses initiatives et lui permettre de contribuer de façon plus utile à la réalisation de ce programme, le préfet de la Seine, baron Haussmann, crée en sa faveur le poste d'inspecteur des bibliothèques populaires des mairies, le 22 novembre 1866.

En novembre 1870, Saint-Albin, victime des vicissitudes politiques, est écarté de ce poste, qui sera même supprimé après la nomination, qui fut éphémère, de Jules Claretie  1. Il sera rétabli par arrêté préfectoral du 29 janvier 1878 en faveur de Jean-Hippolyte Philibert; l'inspection des bibliothèques, rattachée au bureau des Bibliothèques et des Traductions au Cabinet du Préfet, est, le 13 février 1880, étendue aux communes suburbaines des arrondissements de Sceaux et de Saint-Denis. L'inspecteur perçoit alors 4 000 F par an de traitement, plus 1 ooo F de « frais fixes » et 1 200 F d'indemnité pour ses inspections hors de Paris.

En 1884, l'inspection ne porte plus que sur les bibliothèques communales du département de la Seine, les bibliothèques d'arrondissement relevant exclusivement du bureau des bibliothèques.

En 1887 l'inspection porte à nouveau sur l'ensemble des bibliothèques municipales et communales de Paris et de la Seine. En même temps, à côté de l'inspecteur, qui est toujours Philibert, « un inspecteur qui inspecte » comme le souligne avec satisfaction une note officielle, on voit apparaître un sous-inspecteur, D.-A. Parodi, que nous retrouverons comme inspecteur en 190I. Le poste de sous-inspecteur est alors supprimé. A partir de 190I aussi nous voyons l'inspecteur faire partie de la Commission supérieure de surveillance des bibliothèques de Paris et de la Seine. Entre-temps, les emplois hors cadre, dont ceux d'inspecteur et de sous-inspecteur des bibliothèques ayant été supprimés en exécution de la délibération du Conseil municipal du 3I décembre 1893, Philibert et Parodi sont nommés respectivement sous-chef de bureau et commis rédacteur au deuxième bureau du Cabinet, tout en continuant à exercer leurs fonctions d'inspecteur.

En 1913 un arrêté préfectoral rattache le bureau des bibliothèques au secrétariat général de la Préfecture de la Seine. Le chef de bureau chargé de la direction du service se voit confier en même temps l'inspection des bibliothèques municipales de Paris et de la banlieue; cette décision venait régulariser une situation de fait qui s'était établie au bénéfice d'Henri-Louis Ventre qui, dès la fin de 190I, cumulait les deux fonctions.

Il en sera de même pour Ernest Coyecque, inspecteur de 1916 à 1924, qui bénéficia d'une large audience dans le monde des bibliothèques, non seulement à Paris mais dans toute la France, rôle que jouera à nouveau avec autorité Gabriel Henriot, qui exerça ses fonctions de 1939 à 1944 2. Le bureau des bibliothèques est, en 1925, rattaché à la Direction des Beaux-Arts et des Musées; l'inspection des bibliothèques de la Ville de Paris, y compris la bibliothèque administrative de la Préfecture et celle des bibliothèques du département de la Seine est l'une de ses attributions 3. En 1930, nouveau regroupement des services : le bureau des Beaux-Arts et des Musées et celui des Bibliothèques forment, au sein de la Direction des Beaux-Arts et des Musées, le service des Beaux-Arts, des Musées et des Bibliothèques. Le chef de ce service, F. Laurens prend le titre d'inspecteur en chef des Beaux-Arts et des Bibliothèques. La même année est créée une inspection technique des bibliothèques.

L'année 1940 verra la suppression de la Direction des Beaux-arts et la disparition du poste d'inspecteur technique des bibliothèques. En 194I, nouvelle réorganisation et rétablissement de l'inspection générale des bibliothèques administratives et municipales dans le cadre du Secrétariat des affaires administratives et techniques; l'inspecteur général des bibliothèques est l'homologue de l'inspecteur général des beaux-arts. Le poste est alors occupé par René Chapoullié avec, sous ses ordres, de 1942 à 1944, un inspecteur, M. Pelleray, détaché provisoirement du personnel de l'Assemblée nationale.

En 1944-1945 la Direction des Beaux-Arts, Musées et Bibliothèques de la ville de Paris est rétablie. Elle comporte une inspection générale des bibliothèques d'où, à nouveau, la bibliothèque administrative est exclue. L'inspection disparaît en 1948. Depuis lors, la Direction des Beaux-Arts, Musées et Bibliothèques ayant été supprimée en 1953, les bibliothèques vont être intégrées successivement dans la Direction des Beaux-Arts et de l'Architecture, puis dans la Direction de l'Action culturelle, de la Jeunesse et des Sports, son directeur de l'action culturelle, l'administrateur chef du Bureau des bibliothèques y assumant à la fois des fonctions de gestion et d'inspection des bibliothèques.

Depuis la création, en 1964, des nouveaux départements issus des départements de la Seine et de la Seine-et-Oise, l'inspection des bibliothèques des 80 communes de l'ancienne Seine, à l'exception de Paris, est, comme dans le reste de la France, du ressort de l'Inspection générale des bibliothèques et de la lecture publique relevant du ministre de l'Éducation nationale.

Il convient de noter, à ce propos, la décision prise en 1905 par le ministre de l'Instruction publique qui, avec l'accord du préfet de la Seine, charge cette année-là Bernard Prost, inspecteur général des bibliothèques et des archives, de visiter, dans le cadre des mesures en faveur du développement de la lecture en milieu populaire, les bibliothèques municipales et populaires libres de la ville de Paris. Il ne paraît pas que cette initiative ait eu de lendemain, Prost étant mort d'ailleurs la même année, et c'est certainement à titre personnel que deux autres inspecteurs généraux, Camille Bloch en 1920 et Pol Neveux en 1932, font partie de la commission centrale de surveillance des bibliothèques de Paris et de la Seine.

Il est malaisé de brosser avec rigueur un tableau des activités de l'inspection des bibliothèques de Paris et de la Seine dont les attributions et la dénomination ont varié, l'inspection étant d'ailleurs tantôt liée au poste de chef du bureau des bibliothèques, tantôt confiée à un fonctionnaire particulier.

Il n'est pas, non plus, facile de dresser la liste des inspecteurs dont le choix ne paraît pas avoir obéi à des règles très précises de recrutement : on voit, en effet, parmi eux, des bibliothécaires de formation, mais aussi des administrateurs et de nombreux hommes de lettres. La plupart de ces derniers exercèrent leurs fonctions avec sérieux et efficacité, mais leur manque de « technicité » ne fut pas toujours sans inconvénients 4 et leurs rapports avec leurs collègues professionnels s'avérèrent parfois difficiles.

Annexe

Listes chronologiques

I. - Inspecteurs des bibliothèques de la ville de Paris

1866. - SAINT-ALBIN (de), inspecteur des bibliothèques populaires des mairies d'arrondissements, j. 1870.

1870. - CLARETIE.

1878. - PHILIBERT, inspecteur des bibliothèques des mairies d'arrondissements, j. 1880.

II. - Inspecteurs des bibliothèques de la ville de Paris et du Département de la Seine

1880. - PHILIBERT, inspecteur des bibliothèques des mairies d'arrondissements et des communes suburbaines, j. 1897.

1897. - PARODI, sous-inspecteur des bibliothèques depuis 1887, inspecteur j. 190I.

190I. - VENTRE, j. 1916.

1916. - COYECQUE, j. 1924.

1924. - GSELL, j. 1930.

1930. - LAURENS, chef du service des Beaux-Arts, inspecteur en chef des Beaux-Arts et des Bibliothèques.

1930. - ROYÈRE, inspecteur technique des bibliothèques de Paris et de la Seine, j. 193I.

193I. - HENRIOT, j, 1944.

194I. - CHAPOULLIÉ, inspecteur général des bibliothèques, j. 1945.

1944. - MONIER (Mlle), j. 1948.

  1. (retour)↑  A la même époque l'inspection générale des bibliothèques du cadre d'Etat faillit subir un sort identique et, en juillet 1870, Henri Baudrillart dut liutter énergiquement pour sauver son poste dont l'utilité se trouvait contestée.
  2. (retour)↑  Sur l'inspection des bibliothèques cf. l'opinion de Gabriel Henriot : « Un préfet estimait récemment que pour inspecter les bibliothèques, il n'y avait besoin ni de préparation, ni de connaissances spéciales; quelquefois des événements font une vérité d'un paradoxe de ce genre. Il est arrivé que des bibliothécaires ont été plus utilement soutenus par des administrateurs, dont les services ultérieurs ont justifié la nomination, que par certains érudits de carrière ». (L'État de nos bibliothèques, la querelle des anciens et des modernes in Revue des bibliothèques nos 10-12, 1924, in 8°.)
  3. (retour)↑  En 1930 ces bibliothèques étaient au nombre de 164, dont 84 à Paris. L'inspection de ces établissements se faisait généralement au dire d'un candidat au poste d'inspecteur, « en semaine entre 18 et 22 heures et les dimanches matin entre 9 et 11 heures », pour tenir compte des heures d'ouverture.
  4. (retour)↑  A propos de l'un d'entre eux, relevons cette appréciation : "C'est charmant poète doublé d'un érudit, mais qui ne semble évidemment pas à sa place dans l'administration."
  5. (retour)↑  Ordre alphabétique
  6. (retour)↑  Cf. SAINT-ALBIN (Emmanuel Huot de Longchamp de). - Les Bibliothèques municipales de la Ville de Paris. Paris, Berger-Levrault, 1896, 8°. Le 24 novembre 1870, J. Claretie adressait à Jules Ferry un très curieux Rapport... sur la fondation d'une bibliothèque communale et d'une salle de lectures et de conférences dans chacun des arrondissements de Paris, Paris, Impr. nationale, 1870, 16 p. in-4° (Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 131-310).
  7. (retour)↑  Sur Saint-Albin, cf. sa notice nécrologique dans Polybiblion. t. 25, 1879, p. 455.