Le livre et l'écolier au XIXe siècLe, exposition de la Bibliothèque nationale au deuxième Festival international du livre de Nice

Marie-Renée Morin

Pour la deuxième fois le Palais des expositions de Nice a accueilli, du 26 mai au Ier juin 1970, le Festival international du livre. Comme en 1969, le comité culturel du Festival avait mis au point une série de manifestations aussi cohérentes que possible pour permettre aux auteurs, éditeurs, bibliothécaires et lecteurs de se rencontrer autour d'un élément commun à tous : le livre. Des éditeurs étrangers, venus en plus grand nombre que lors du premier Festival, témoignaient de l'intérêt suscité dans le monde du livre par cette manifestation. Des carrefours et conférences organisés durant ces journées (carrefours sur la circulation du livre, sur la création et le public de masse, sur le livre, aide à la connaissance de Dieu; conférence-débats sur le nouveau roman et le nouveau cinéma...) constituèrent une des innovations les plus intéressantes.

Environ 100 000 visiteurs soit 20 % de plus qu'en 1969 vinrent admirer les nombreux stands qui avaient été réalisés et participer aux différentes manifestations organisées.

L'action menée en France en faveur de la lecture publique était plus particulièrement soulignée par le stand de la Bibliothèque centrale de prêt des Alpes-Maritimes. Des diapositives sur écran lumineux illustraient les circuits et les dépôts de la bibliothèque figurés sur une grande carte du département. Un choix d'ouvrages sur présentoirs, à la disposition du public, montrait les ressources d'un dépôt moyen. Le bibliobus équipé pour une tournée de prêt stationnait, lorsqu'il était disponible, à côté du stand.

La Bibliothèque nationale avait réalisé à l'occasion de ce festival une exposition sur le Livre et l'écolier au XIXe siècle qui se proposait d'intéresser et de distraire un large public en évoquant le matériel et les premiers manuels de l'écolier dans le décor d'une classe d'école communale du XIXe siècle, reconstituée par le service des expositions de la Bibliothèque nationale en collaboration avec la Bibliothèque municipale de Nice. Cahier recouvert de papier bleu, orné d'une grosse étiquette, le catalogue 1 suivant le plan de l'exposition expliquait en huit textes semblables 2 à des copies d'élèves, l'intérêt et l'évolution des principales disciplines enseignées dans les classes élémentaires. Il fallait rendre sensibles les tatônnements de la recherche pédagogique dans chaque domaine, l'ambition louable des maîtres de donner rapidement à des enfants un enseignement complet, utile et pratique pour toute leur existence, et en même temps une formation morale. Il fallait montrer le peu de moyens dont disposaient les instituteurs, avant la Troisième République, souvent isolés, pauvres, enseignant dans des locaux exigus, encombrés d'enfants tout petits dont ils assuraient la surveillance, privés de leurs plus grands élèves dès que reprenaient les travaux des champs ou que les enfants pouvaient gagner quelque argent. Ils devaient alors, faute de nombreux exemplaires d'un même manuel, poursuivre un enseignement individuel ou avoir recours à cet extraordinaire enseignement mutuel dont l'histoire approfondie et complète reste à faire. Enfin, pour chaque discipline était manifeste l'importance des réformes de Jules Ferry : diffusion du livre classique plus vivant et plus imagé, définition des programmes, renouvellement des méthodes d'enseignement plus actives et pratiques et recours à l'enseignement collectif.

Limiter le sujet au XIXe siècle et surtout y inclure les années antérieures à la Troisième République, permettait de poursuivre un autre but plus scientifique : mettre l'accent sur l'intérêt des documents scolaires si méconnus pour cette époque. De récentes études sur les manuels d'histoire de la Troisième République ont été fructueuses; mais les autres disciplines sont à peu près inexplorées.

Tout cela n'est pas sans raison : à partir de 186I seulement paraissent chaque année les Livres classiques de la Bibliographie de la France ; il est long mais commode, par ce moyen et grâce aux catalogues des expositions universelles et des grands éditeurs scolaires, de repérer les manuels. Pour la période antérieure, la prospection est plus empirique et difficile. Il faut errer à travers les différents répertoires; les programmes et les structures de l'enseignement primaire sont mal définis; les ouvrages instructifs portent des titres fantaisistes, ils peuvent enseigner plusieurs disciplines, ils s'adressent à des élèves dont le niveau n'est pas toujours précisé; et surtout, ils sont insuffisants pour nous faire connaître les méthodes et les matières de l'enseignement puisque trop chers pour l'écolier, ils sont alors remplacés par n'importe quel texte manuscrit ou imprimé que possède le maître ou l'enfant. Et pourtant si nous connaissions bien ces manuels, nous y glanerions beaucoup, non seulement sur les méthodes et le but de l'enseignement, mais aussi sur les mentalités d'une époque et ses préoccupations. C'est ce qu'a tenté de démontrer un court chapitre du catalogue, au moyen des données de problèmes d'arithmétique.

Il faut donc susciter des travaux de recherche (mémoires de l'E.N.S.B., de l'I.N.T.D., de facultés) pour recenser tous ces matériaux qui permettent des études de pédagogie, de sociologie, de linguistique, etc... Des travaux intéressants pourraient être poursuivis sur l'édition scolaire et ses auteurs.

Il faut de plus sauver, lorsque l'occasion s'en présente, des copies, des cahiers de classe, certains travaux collectifs ou non. Ces documents ont rarement été conservés (comme on a pu le constater, en préparant l'exposition) et sont très significatifs. Souhaitons que les bibliothécaires qui ont demandé le prêt des pièces exposées en profitent pour obtenir la coopération des enseignants de leur ville ou de leur région et leur fassent saisir l'intérêt de sauvegarder quelques témoignages de l'activité scolaire.

Ainsi dans quelques années, mieux documentée, disposant de temps, de place et de moyens... une équipe de bibliothécaires pourra, dans une exposition importante, rendre à nouveau tangible ce grand effort d'ouverture à la connaissance et au progrès du XIXe siècle. « A la fin ce qui a paru presque impossible sera très simple ». Nous n'épellerons plus et, comme Benjamin et Cyprien en 1814, nous lirons sans difficulté : « Maren-go, pen-taglotte, Pen-silvanie et sem-piternelle » dans le grand livre de l'histoire de l'enseignement.

  1. (retour)↑  [Exposition. Nice. 1970.] - Le Livre et l'écolier au XIXe siècle [Notices rédigées par M.R. Morin.] - [Paris, Bibliothèque nationale, 1970.] - 2I cm, 22 p.
  2. (retour)↑  Voir ci-dessous.