La bibliothèque publique aujourd'hui

Le 34e numéro des Reports on education intitulé « Public library and education » mettait l'accent sur l'administration de la bibliothèque publique et décrivait les moyens grâce auxquels elle seconde l'enseignement. Le présent rapport 1 décrit la bibliothèque publique dans ses relations avec la population adulte en général.

Étant donné les transformations de l'enseignement et de la société, l'intérêt général pour le développement de la bibliothèque publique n'est pas surprenant. Ce qui est, peut-être, surprenant, c'est le manque fréquent d'informations sur ce que peut offrir la bibliothèque publique. C'est sans doute parce qu'elle évolue constamment pour répondre à la fois aux situations locales et aux besoins nouveaux de la société. Les années 1960-1970 ont vu à la fois des changements quantitatifs et qualitatifs.

Les ressources.

Les changements quantitatifs sont les plus évidents. Il y a actuellement dans le Royaume-Uni, considéré dans son ensemble, quelque 530 bibliobus et la plupart des régions rurales sont régulièrement desservies. Dans le Cardiganshire, par exemple, des bibliobus pouvant circuler dans des chemins étroits apportent des livres aux fermes et aux maisons isolées, ce qui représente un service très apprécié qui a suscité une demande en livres techniques sur l'agriculture. Dans les régions urbaines et dans les communes rurales, il y a 1 920 annexes fonctionnant à plein temps et 1 130 fonctionnant à temps partiel qui dépendent d'environ 460 bibliothèques centrales et bibliothèques de comtés. On estime que le nombre de prêts de livres dans les bibliothèques publiques du Royaume-Uni fut en 1968-1969 de l'ordre de 600 millions, les prêts en Angleterre et au Pays de Galles en représentant environ 90 %.

En Angleterre et au Pays de Galles, les dépenses pour les bibliothèques publiques ont presque doublé entre 1962-1963 et 1967-1968 (de 22 200 000 £ à 40 000 000 £ ) et les dépenses d'investissement des autorités locales pour les bibliothèques et les musées (qui en prirent comparativement une faible partie) augmentèrent de 3 200 000 £ à 5 700 ooo £ . Entre 1965 et 1968 furent entreprises environ 250 constructions de bibliothèques comprenant une douzaine de grandes bibliothèques centrales, six bibliothèques de comté et quelque 200 annexes. Le nombre de postes pour les bibliothécaires diplômés a augmenté de 35 % entre 1962-1963 et 1966-1967.

Les dépenses du Royaume-Uni pour les bibliothèques publiques en prix constants (c'est-à-dire en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie) s'élevèrent entre 1960-196I et 1967-1968 de près de 60 % et passèrent à 45 500 000 £ . Durant la majeure partie de cette décennie, l'utilisation des livres des bibliothèques publiques évaluée en volumes prêtés par jour pour mille habitants (non compris les autres services de la bibliothèque décrits plus bas) s'est accrue plus rapidement que les dépenses, mais pour 1967-1968 l'utilisation des livres et les dépenses totales se sont accrues dans les mêmes proportions.

Presque la moitié des dépenses totales porte sur les traitements et salaires (49 %); un peu plus du quart est dépensé en livres et autres documents (27 %), le reste couvre principalement les frais de fonctionnement et d'investissement.

Les dépenses pour les livres en 1967-1968 étaient en prix constants de 8 % supérieures à celles de 1960-196I. En 1965-1966 on enregistra la plus forte augmentation (13 %) par rapport à 1960-196I. En même temps le taux d'utilisation des livres augmentait plus vite et plus régulièrement pour atteindre presque 60 % de plus qu'en 1960-196I. Le nombre de postes pour tout le personnel (non compris les travailleurs manuels) a augmenté également de 34 %, mais pas aussi rapidement que l'utilisation des livres par le public.

Actuellement les livres sont complétés par des documents tels que les disques, les bandes magnétiques, les microcopies, les films, les photocopies, les photographies et rapidement sans doute le seront par des informations conservées dans les mémoires d'ordinateurs. Plus du tiers des bibliothèques publiques fournissent des disques et quelques-unes prêtent des peintures originales ou leur reproduction. Les directeurs de bibliothèques sont habilités à exiger une cotisation pour le prêt de documents, ou de leurs reproductions, autres que les livres et les périodiques, et beaucoup le font.

Les utilisateurs.

Réunir ces moyens divers pour communiquer l'information ne constitue pas tout le service de la bibliothèque. S'étant procurée les documents appropriés, la bibliothèque doit s'efforcer de les faire utiliser au mieux. Les méthodes éprouvées pour réunir le livre et son lecteur par des listes de livres, des bibliographies, des expositions à la bibliothèque, ou ailleurs, occupent une place importante ainsi que les causeries, les groupes de discussion et, plus récemment, toute une série d'activités envisagées depuis 1966 dans les semaines nationales des bibliothèques. Les bibliothèques participent au processus de communication de l'information et ne sont pas seulement des bibliothèques de conservation. Dans cette perspective quelques bibliothécaires comme ceux de Camden, Dudley, Islington, Swindon et Waltham Forest ont favorisé un réseau d'activités culturelles autour de leur bibliothèque. A Lincoln une nouvelle bibliothèque pour « teenagers » comprend un stand de livres de poche, des disques « pop » pour prêt et en musique d'ambiance et une salle d'activité en fer à cheval avec des gradins, une moquette, des rideaux et un éclairage par spot. Cette salle est également utilisée pour les enfants (clubs des bouquineurs, heure du conte, causeries, projection de films) et pour les enfants non encore scolarisés. Dans certains cas des groupes artistiques sont nés de l'initiative de la bibliothèque publique et dans beaucoup d'autres endroits des sociétés locales d'art, de littérature, d'histoire régionale et de musique, par exemple, comptent sur la bibliothèque publique pour l'accueil, la publicité et l'achat des livres. A Rotherheim le « Library museums and arts committee » a patronné ou aidé financièrement cinquante-quatre manifestations, concerts, pièces de théâtre, films et conférences, certaines d'entre elles en association avec huit sociétés locales. L'assistance était de plus de 4 ooo personnes.

Des théâtres sont parfois installés dans les bibliothèques centrales et ont beaucoup de succès. A Luton par exemple, le théâtre a fait salle comble pour une série de conférences sur l'archéologie et il y eut des gens debout à une conférence sur Verulamium. Dans le même théâtre, les « Library Players » ont présenté cinq spectacles en 1967-1968. Des bars sont souvent installés près du théâtre, près des salles de réunion et d'étude.

La bibliothèque publique a toujours attiré l'autodidacte ou l'adulte poursuivant des études. Des cours organisés par les services de promotion sociale et la « Workers educational association » se tiennent fréquemment dans les locaux de la bibliothèque et des livres sont souvent fournis à cet effet sur des fonds locaux ou nationaux. On espère que « l'Open university » provoquera une émulation dans la bibliothèque publique.

Cependant toutes les personnes qui le désirent ne peuvent se rendre à leur bibliothèque. Il faut leur apporter les services de la bibliothèque à domicile. La bibliothèque publique joue actuellement un rôle de plus en plus important vis-à-vis des hôpitaux, des maisons de retraite, des prisons et des maisons de rééducation, parfois en association avec des services bénévoles. Les services de la bibliothèque sont également à la disposition des lecteurs immobilisés chez eux. Dans l'arrondissement de Londres de Tower Hamlets, des bibliothécaires apportent des livres aux malades de cinq hôpitaux et plus de 17 000 livres ont été prêtés en 1968-1969. Les services rendus aux lecteurs immobilisés chez eux continuent à s'accroître; dans le Borough quelque 240 personnes sont visitées tous les quinze jours. Elles empruntèrent environ 80 ooo livres et disques tous sélectionnés par les bibliothécaires dans des domaines qui les intéressent. Plus de 9 ooo livres furent prêtés aux pensionnaires des maisons de retraite. La bibliothèque publique normalement apporte une contribution aux services nationaux qui fournissent aux aveugles des livres et des enregistrements d'ouvrages. Des livres imprimés en gros caractères pour ceux qui ont une mauvaise vue sont presque partout fournis directement par les bibliothèques.

Les services.

Cependant la tâche principale de la bibliothèque publique continue d'être la communication des livres et de l'information à la demande. L'étendue et la complexité croissante des demandes montrent que le nombre d'étudiants avancés s'est accru de plus du triple en quinze ans et de plus de 70 % durant ces quatre dernières années. Le nombre de titres publiés annuellement en Grande-Bretagne est passé de 20 690 à 3 420 durant ces dix dernières années et les étudiants et les techniciens demandent aussi davantage de publications étrangères, y compris les publications américaines. Les dispositions sur le plan régional et national pour les prêts d'ouvrages ont été améliorées depuis 1969 de sorte que les bibliothèques sont devenues collectivement responsables de la mise à la disposition des lecteurs, pour le prêt, de tous les ouvrages documentaires britanniques. L'accès aux publications étrangères et aux publications anciennes et spécialisées se fait par la « National central library » et la « National lending for science and technology » qui ont d'importantes collections dans leur domaine respectif. Les bibliothèques publiques empruntent couramment pour leurs lecteurs environ 300000 livres et périodiques par an par l'intermédiaire des organismes régionaux et nationaux.

Tous les lecteurs ne peuvent pas identifier les livres et les articles de périodiques susceptibles de leur donner l'information qu'ils recherchent. Un des plus grands services que la bibliothèque publique doit rendre, est de fournir des instruments bibliographiques qui permettent d'identifier la publication souhaitée et le personnel capable de les utiliser. Étant donné le grand nombre de périodiques consacrés à des travaux érudits et à des travaux de recherche (la « National lending library for science and technology » par exemple reçoit plus de 30 000 titres de périodiques qui contiennent environ 1 million d'articles par an) il faut que les utilisateurs de la bibliothèque reçoivent une certaine initiation à la recherche documentaire. Actuellement les bibliothécaires reçoivent une formation plus approfondie en recherche documentaire et sont, en conséquence, plus aptes à aider le lecteur.

Beaucoup de bibliothèques locales font partie de réseaux plus larges couvrant par exemple une agglomération ou un comté. Les livres demandés peuvent être rapidement obtenus d'une annexe du même réseau grâce au prêt interbibliothèque. Quelques bibliothèques sont reliées par télex pour le prêt des livres et des échanges d'information et quelques bibliothèques plus petites ont formé des coopératives pour mettre en commun leur collection et répondre plus efficacement aux besoins des lecteurs.

Dans les régions à forte concentration industrielle et commerciale les grandes bibliothèques publiques comprennent fréquemment des sections techniques et commerciales séparées. Dans ces sections, sont groupés livres, périodiques, rapports, brevets et autres documents et le personnel est formé pour utiliser les bibliothèques locales et nationales et les autres sources d'information spécialisée...

... Des bibliothèques plus importantes de comtés et d'arrondissement possèdent des collections spéciales de prêt. Les collections de pièces de théâtre, de musique chorale et orchestrale de la « Hertfordshire county library » sont très demandées. Plus de 59 ooo partitions musicales et plus de 23 000 pièces de théâtre ont été prêtées durant l'année 1968-1969. Toutes les nouvelles annexes du comté de Nottinghamshire ont une salle d'exposition. Durant le printemps et l'été 1969, dix-sept expositions eurent pour thème la peinture, l'imprimerie, la sculpture, la calligraphie, la photographie et les tissus. A Southwark, des cours de langue sur disques peuvent être empruntés par les habitants et les travailleurs. Ce ne sont pas simplement des cours de langue des pays où l'on va traditionnellement en vacances, mais les besoins du commerce et de l'industrie conduisent à pratiquer des langues comme le suédois, le russe et l'espagnol de l'Amérique du Sud.

La plupart des bibliothèques offrent un service de renseignements. En 1967-1968 le service de références de l' « Essex county library » a répondu à plus de 200 ooo demandes. De plus, le « Technical library service » reçoit de plus en plus de demandes de la part des annexes des collèges techniques et des firmes industrielles. A la « Reference library and informations », bureau de Leicester, une équipe de huit personnes répond à des centaines de demandes par lettre ou par téléphone. Les cinq lignes téléphoniques sont fréquemment occupées. Beaucoup de questions sont simples, mais il y en a qui réclament de l'ingéniosité et de l'initiative, par exemple : où peut-on louer un éléphant ?

Les livres.

Une bibliothèque publique exclusivement consacrée à des fins scolaires, culturelles et professionnelles serait certainement moins développée que celle que nous connaissons aujourd'hui. Tirant leur origine des objectifs éducatifs et culturels des « Mechanics institutes » de la révolution industrielle, les bibliothèques publiques britanniques se sont développées pour répondre aux besoins en livres et en informations de toutes les couches de la société. Les autorités locales conseillées par leur bibliothécaire cherchent habituellement à fournir les livres les plus suceptibles d'être utilisés. Ils le font en sachant que la lecture qui constitue une récréation pour les uns produit un éveil intellectuel chez d'autres. Les objectifs des bibliothèques publiques doivent être aussi vastes que ceux de l'enseignement, englobant à la fois les besoins de l'individu et de son développement personnel et les besoins de la société en main-d'œuvre qualifiée et en information exacte.

Certaines bibliothèques publiques en Grande-Bretagne excluent tous les romans faciles et la plupart limitent leurs dépenses pour cette littérature. Brian Groombridge écrit dans le Londoner and his library : « un lecteur apprend plus sur la nature humaine en lisant Simenon qu'en lisant un roman policier bâclé ou un roman à prétention littéraire qui malheureusement le dépasse ». L'achat de bons romans, de biographies, de livres d'histoire et de récits de voyage destinés au grand public correspond bien aux objectifs de la bibliothèque publique définis ci-dessus. Des lectures de ce genre, de même que celles des livres qui traitent d'archéologie, des problèmes sociaux et internationaux, des domaines spécialisés comme la santé, la puériculture, la décoration de la maison, le jardinage et autres sujets de distraction sont stimulées par les programmes de radio et de télévision. Un des services de la bibliothèque publique, et non des moindres, est qu'il permet au lecteur d'examiner un sujet avec plus de profondeur qu'un programme de radio ou de télévision qui doit nécessairement soutenir l'intérêt d'un large public. Les goûts de la minorité sont moins pris en considération par les moyens de communication de masse, mais ils peuvent tous être satisfaits par les différentes ressources de la bibliothèque publique.

Illustration
Dépenses

  1. (retour)↑  Extrait des Reports on education, n° 57, 1969 publié par le « Department of education and science », aimablement communiqué par le « British council ».