Budget de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique pour 1970
I. - Le budget de la Direction des bibliothèques s'élèvera, pour 1970, à 132 millions de francs 1.
Sur cet ensemble, les mesures nouvelles se chiffrent à 6, 1 millions de francs.
Elles correspondent à la création de 314 emplois pour un montant de 3,2 millions de francs, et, pour 2,7 millions de francs, à un accroissement des moyens de fonctionnement.
En ce qui concerne les bibliothèques universitaires, l'augmentation de la subvention de 1 700 ooo F calculée en fonction de l'augmentation du nombre des étudiants, s'ajoutant à celle des droits de bibliothèques portés de 6 F à 15 F par an et par étudiant, devrait permettre de faire face, en particulier, aux frais d'entretien consécutifs à la mise en service de bâtiments neufs ou de locaux provisoires.
Le plan de développement de la lecture publique, en revanche, approuvé par le Comité interministériel de janvier 1968, n'est pas encore entré en application, et ne sera pas mis en oeuvre en 1970.
L'augmentation des crédits avait permis en 1968 de lancer quelques expériences qui visaient :
- d'une part, à accroître les moyens et à modifier les formes d'action des bibliothèques centrales de prêt, organismes d'État chargés, dans le cadre départemental, de desservir, grâce aux bibliobus, les communes de moins de 20 000 habitants ;
- d'autre part, à accroître et diversifier l'aide que l'État apporte aux villes pour inciter les municipalités à moderniser et renouveler leurs services municipaux de lecture publique.
54 départements (dont 3 D.O.M.) bénéficient en 1969 des services d'une bibliothèque centrale de prêt. Ils comptent, dans les communes de moins de 20 ooo habitants, une population de 17 829 334 habitants. Un parc de 95 bibliobus et de 7 fourgonnettes est à leur disposition.
Si les bibliothèques centrales de prêt de 32 départements n'ont encore qu'un bibliobus, un effort particulier a été consenti dans ceux où sont expérimentés de nouveaux modes de diffusion de livres dans les communes de moins de 20 ooo habitants : Cantal, Doubs, Eure, Indre-et-Loire, Seine-et-Marne, Pas-de-Calais, Bas-Rhin et Haut-Rhin. Les dotations en bibliobus, variables selon le chiffre de population, vont de 3 pour le Cantal à 8 pour le Pas-de-Calais.
Il s'agit, en effet, de substituer le plus possible au système du dépôt le système du prêt direct dans lequel le lecteur monte lui-même dans le bibliobus et fait son choix parmi les 2 ooo ou 3 ooo ouvrages classés systématiquement sur les rayonnages du véhicule. Les bibliobus stationnent en des lieux particulièrement fréquentés par le public, tels que marchés, abords des gares ferroviaires et routières, usines, etc.
Dans les départements de l'Eure, d'Indre-et-Loire, du Pas-de-Calais et du Bas-Rhin, c'est au public adulte que s'adresse l'expérience. Si les résultats sont encore difficiles à chiffrer, le succès déjà obtenu est indiscutable : un public nouveau vient au livre et pour un usage fréquent. Dans cinq communes du Pas-de-Calais dont la population totale, en grande partie ouvrière, est de 32 700 habitants, on a compté 85 468 ouvrages prêtés en 1968 au public adulte et adolescent.
Dans les autres départements (Cantal, Doubs, Indre-et-Loire, Haut-Rhin, Seine-et-Marne, Tarn), ce sont les élèves des établissements scolaires du premier degré et du premier cycle du second degré qui sont desservis par prêt direct. Tous les élèves de toutes les classes utilisent les bibliobus à chacun de leurs passages, c'est-à-dire toutes les trois semaines ou tous les mois.
Dans le département du Cantal, ainsi que dans celui d'Indre-et-Loire, toute la population scolaire des degré et cycle intéressés bénéficie en 1969 de ce service. L'arrivée du bibliobus est un élément incontestable d'animation : le seul fait d'échanger leurs livres suscite chez les enfants le besoin de comparer leurs lectures et l'habitude de la lecture se développe rapidement ainsi sans qu'intervienne une incitation extérieure.
L'intérêt porté à ces expériences n'a pas conduit à négliger l'ensemble des bibliothèques centrales de prêt qui, mises en mesure d'augmenter leurs fonds en livres, ont pu toucher un public plus large.
En 1968, 4 898 25I F ont été dépensés ainsi en achats de livres, ce qui correspond à l'acquisition de plus de 500 000 ouvrages. Ces opérations ont permis à la fois de servir des centres nouveaux et en particulier, des bibliothèques d'entreprise des foyers de jeunesse, etc., et aussi de mieux répondre aux demandes que suscitent le développement de la scolarisation et l'adoption de méthodes nouvelles d'enseignement (tiers temps pédagogique, développement des activités socio-culturelles à l'école ou parallèlement à l'école).
Les expériences menées ainsi depuis deux ans confirment pleinement les options retenues par le plan de développement de la lecture publique : chaque fois qu'il est possible de mettre à la portée du public, c'est-à-dire à proximité de son lieu de travail ou de séjour, des livres variés et vivants dans un cadre tel qu'il puisse lui-même choisir, la réussite est immédiate.
Les quarante-cinq bibliothèques centrales de prêt qui étaient en activité en 1968 ont desservi 16 367 dépôts dans 12 885 communes représentant une population de II 949 727 habitants. Si l'on ne peut chiffrer exactement les prêts, on peut dénombrer 3 474 247 livres déposés, ce qui implique un chiffre de prêts notoirement plus important.
Pour les bibliothèques municipales, l'aide au fonctionnement, sous la forme de subventions en espèces et de crédits en achats de livres, s'est élevée au cours des deux années 1968 et 1969 à 8 100 000 F 2. Cette aide a concouru efficacement à accroître et moderniser les collections d'ouvrages détenues par les bibliothèques et, en particulier, à équiper en livres les services nouvellements ouverts.
273 villes en 1968, 312 en 1969 ont bénéficié à quelque titre de cette aide de l'État. Neuf villes qui se sont signalées par leurs activités dans le domaine de la lecture publique ont reçu en don de l'État un bibliobus urbain accompagné d'un important fonds de livres.
La possibilité pour l'État de subventionner jusqu'à 50 % de la dépense la construction des bibliothèques et l'aménagement des locaux a incité beaucoup de municipalités à entreprendre la rénovation de leur bibliothèque centrale ou à construire des annexes dans les quartiers.
Dans ces nouveaux locaux plus attrayants pour le public que les anciens, les lecteurs, enfants et adultes, peuvent accéder directement aux collections de livres qui leur offrent un large choix non seulement d'ouvrages de distraction ou de culture, mais aussi d'ouvrages techniques et d'information.
L'effort consenti en 1968 et 1969 doit se traduire, cette année, par l'inauguration des bibliothèques d'Alès, Aubenas, Grasse, La Roche-sur-Yon, Loudun, Sarcelles, Vincennes ainsi que d'annexes à Bar-le-Duc, Bordeaux, Lyon, Mulhouse, Toulouse.
Par ailleurs, en 1968 et 1969, l'État a subventionné l'acquisition et l'aménagement de douze bibliobus urbains, ce qui porte à quarante-neuf le parc de bibliobus.
Le budget de 1970 devrait donc assurer le maintien des activités actuelles en ce qui concerne la lecture publique, mais sans qu'il puisse être envisagé d'étendre ou d'approfondir les expériences lancées ces deux dernières années.
Votre rapporteur ne peut que regretter l'insuffisance de l'effort accompli dans ce domaine, où le retard de la France, déjà si considérable, va encore s'accroître dans les prochaines années.
Les statistiques font en effet apparaître, compte tenu de Paris et des communes limitrophes, un pourcentage de lecteurs dans la population totale de 4,6 %. A l'étranger, les chiffres correspondants seraient de 40 % pour le Canada, 31 % pour le Danemark et l'URSS, 30 % pour la Grande-Bretagne, 30 % pour les États-Unis.
Les bases de ce calcul peuvent être sujettes à caution. La comparaison de ces données montre cependant qu'entre la France et des pays de niveau de vie et de civilisation identiques, la différence est considérable.
Elle est du reste confirmée par la comparaison des dépenses par année et par habitant. Là où le Français dépense o,65 F, le Canadien dépense 6,36 F, le Britannique 10,5 F, l'Américain du Nord 12,6 F et le Danois 17,5 F.
Une telle carence est désastreuse. Ce n'est malheureusement pas le projet de budget pour 1970 qui, en ce domaine, apportera une solution au problème ainsi posé.
II. - A propos de la lecture publique, M. Pierre Billecocq secrétaire d'État auprès du Ministre de l'éducation nationale a fait à l'Assemblée nationale, au cours de la deuxième séance du jeudi 13 novembre 1969, la déclaration suivante 3 :
Un comité interministériel a établi, dès 1966, un bilan très exact de la situation de notre pays. Ce bilan, du reste éclairé par la comparaison avec les pays étrangers de même niveau culturel, soulignait, comme l'a montré M. Charbonnel, l'urgence et la dimension de l'effort à accomplir.
La lecture publique est sans conteste un élément essentiel de l'éducation permanente qui doit être développé en faveur de tous les citoyens, et plus particulièrement de ceux dont la formation est restée modeste, afin de compléter l'œuvre accomplie à l'école.
Toutefois, devant l'ampleur de l'effort à entreprendre, le comité interministériel, tout en concluant à la mise en oeuvre immédiate des mesures nécessaires, avait dû envisager un programme de très longue durée dont les VIe et VIIe Plans constituaient les éléments essentiels.
Certes, notre effort initial n'a pas pu avoir la dimension prévue en 1968 et en 1969. Il peut paraître trop expérimental, limité à quelques opérations et, à cet égard, les moyens prévus pour 1970 ne modifieront pas fondamentalement la situation. Il convient cependant de souligner que la lecture publique est un des rares domaines faisant l'objet de mesures nouvelles. Même si ces mesures sont insuffisantes, ce test de notre volonté devait être rappelé.
Pour autant, du reste, nous n'avons pas perdu notre temps. Sans reprendre l'exposé de M. le Rapporteur qui a fort bien défini les différents types de mesures mises en œuvre, on peut souligner le sérieux des expériences poursuivies et le caractère positif du bilan de toutes ces opérations. L'intérêt suscité dans toutes les municipalités pour les nouveaux types de concours apportés aux bibliothèques s'est traduit par une demande qui a largement dépassé les prévisions et, de tous côtés, la réaction favorable du public, tant adulte que scolaire, notamment aux bibliobus, exigerait une mise en place des équipements nécessaires beaucoup plus rapide qu'il n'était prévu.
Sans méconnaître les lacunes, nous pouvons rendre hommage à ceux qui, par leur dévouement et leur conscience, ont tiré de moyens modestes des résultats dont nous pouvons être fiers en songeant qu'il s'agit d'une mutation amorcée seulement depuis moins de deux ans.
Ce sont ces résultats qui ont servi à l'établissement des premières propositions destinées au VIe Plan : un groupe de planification interne au ministère a travaillé plusieurs mois pour élaborer une programmation concernant les six prochaines années. Ces problèmes seront d'ailleurs repris par la commission du Plan pour l'éducation nationale. Nous souhaitons que cette échéance du VIe Plan soit, comme le prévoyait le comité interministériel de 1968, celle des progrès décisifs dans un domaine dont le rapporteur, M. Charbonnel, a eu raison de souligner l'importance.