Chronique des bibliothèques françaises

Bibliothèque nationale. Paris.

Exposition Apollinaire 1. - Un an après le cinquantenaire de la mort de Guillaume Apollinaire, la Bibliothèque nationale a consacré, du 22 octobre au 30 novembre, une exposition à ce poète, qui fut, d'après J. Villon « La plus multiple et la plus sympathique figure de la génération de ce temps. »

Ces deux caractéristiques, Apollinaire les doit peut-être à ses origines, polonaise par sa mère, et italienne par son père, et à ses séjours dans des atmosphères très diverses. Son enfance se passe sur les rivages méditerranéens de France et d'Italie; sa jeunesse le conduit plus au nord, en Belgique, en Hollande, en Angleterre, en Allemagne et en Europe centrale. Pourtant Paris demeure son point d'attache à partir de l'année 1907, et c'est là que se déploiera son œuvre, et qu'il fréquentera les plus grands peintres de l'époque, dans les cafés de la gare Saint-Lazare, de Montmartre et du Quartier Latin, Derain, Matisse, Vlaminck, Braque, Rousseau, Picasso et Marie Laurencin pour laquelle il éprouva une grande passion, immortalisée par deux toiles de Rousseau, dont la plus fameuse, Le Poète et sa muse, est visible à l'exposition.

Il se lie aussi avec les écrivains A. Jarry, André Billy, Max Jacob, Moréas dont on peut voir les lettres et les portraits, découvrira plus tard de jeunes talents : Cocteau, Breton, Aragon, aussi présents à l'exposition par leurs écrits. Outre ses poèmes, il rédige la critique du Salon des indépendants et une préface pour l'exposition Braque en 1908; il collabore aussi à diverses revues, littéraires ou même sportives, telles que Culture physique (d'où le portrait d' « Apollinaire en athlète » peint par Modigliani), mais ces travaux ne s'avérant pas assez lucratifs, il devient secrétaire des Éditions Briffaut, spécialisées dans les oeuvres galantes, ce qui permet à Apollinaire d'explorer l'Enfer de la Bibliothèque nationale et d'en rédiger le catalogue.

Malgré la briéveté de sa vie, Apollinaire fut mêlé aux grands événements artistiques de son siècle (cubisme futurisme, naissance de l'art nègre, ballets russes, surréalisme) et sut découvrir les plus grands talents, aussi bien parmi les peintres modernes que parmi les jeunes écrivains, qui le choisirent comme maître à penser, et l'on peut dire qu'il fut le premier surréaliste.

Bibliothèques municipales.

Laon (Aisne).

Exposition Saint Norbert et les Prémontrés. - Pendant le festival des « Heures médiévales » de Laon, en septembre 1969, la Bibliothèque a présenté une exposition sur « Saint Norbert et les Prémontrés. »

Une première partie était consacrée à la vie de Saint Norbert, sa jeunesse à Cologne, sa rencontre avec le pape Calixte II à Reims et son installation à Prémontré, grâce à la compréhension et au soutien de l'évêque de Laon, Barthélémi de Jur.

Dans une deuxième partie, on voyait exposés les plus beaux manuscrits de Cuissy, troisième maison de l'ordre, et quelques aquarelles et gravures très rares, situant Prémontré, Saint-Martin de Laon et Cuissy.

Ensuite on pouvait admirer le portrait de l'abbé l'Ecuy, dernier abbé général avant la Révolution, avec tous les souvenirs de Prémontré qu'il avait sauvés de la tourmente révolutionnaire et qu'il avait offerts à la Bibliothèque de Laon avant de mourir.

Pour terminer on voyait l'œuvre scientifique des Prémontrés au XVIIIe siècle qui s'occupèrent de médecine et de vaccine antivariolique, de géographie et voyages, d'agriculture, et d'expériences d'électricité (un des leurs, Procope Dividsch inventa, en octobre 1754, le paratonnerre et Franklin ne fit que se servir de ses travaux). L'abbé l'Ecuy avait également fait peindre par un Laonnois, Lemarchand de Cambronne, toutes les plantes de la forêt de Prémontré, dont les planches réunies en trois gros volumes sont encore d'une fraîcheur et d'une exactitude extraordinaires.

Dès la première semaine de ce même festival, dans le cadre des conférences, la bibliothécaire, Mme S. Martinet a présenté au public cent quatre-vingts diapositives prises sur des « Manuscrits peu connus de la Bibliothèque de Laon ».

Devant une salle comble, ces vues aux coloris magnifiques furent pour bien des spectateurs une révélation, car chacun avait l'impression de tourner les pages précieuses de manuscrits.

Lille (Nord).

Exposition Emmanuel Looten. - A l'occasion de la création à Lille, par la « Baraque Foraire », dans le cadre du 15e « Festival de la Vieille Bourse », de la « Saga de Lug Hallewijn », la Bibliothèque municipale de Lille a consacré une exposition à Emmanuel Looten, auteur de ce drame poétique 2.

Né à Bergues en 1908, E. Looten fait paraître son premier recueil de poésies en 1939 et célèbre en 1967 son « Œuvre 80 ».

La première partie de l'exposition présentait une rétrospective de l'œuvre poétique. La deuxième partie était plus particulièrement consacrée aux illustrateurs du poète, René de Graeve, Arthur Van Hecke, André Dourdin, Appel ou Mathieu.

Les vitrines suivantes groupaient les traductions (néerlandaises, italiennes, japonaises...) des poèmes et les études, consacrées hors de nos frontières à E. Looten ; on évoquait ensuite l'homme de théâtre puis l'homme du Nord, à travers des souvenirs de sa ville natale et surtout à travers quelques-uns des textes innombrables que lui a inspirés sa terre de Flandre, enfin le critique littéraire et artistique.

Les documents présentés (près de 90) appartiennent à la Bibliothèque municipale ou au Musée de Lille, à des collectionneurs amis du poète, et, pour un grand nombre, à Emmanuel Looten [lui-même qui a bien voulu, confier à la bibliothèque quelques « livres objets » extrêmement précieux.

L'exposition a été inaugurée le 6 septembre par M. Henaux, adjoint au Maire de Lille, en présence de nombreuses personnalités de la ville, d'Emmanuel Looten et de sa famille; elle est restée ouverte jusqu'au II octobre.

Mulhouse (Haut-Rhin).

L'Œuvre gravé de Georges Filiberti. - Poursuivant leur cycle de présentation des grandes œuvres de la gravure française contemporaine, la Bibliothèque municipale et la Société Godefroy Engelmann ont organisé du II au 31 octobre 1969 une rétrospective de l'œuvre gravé de Georges Filiberti. Soixante-cinq estampes et de nombreuses illustrations résumaient l'essentiel d'une œuvre puissante et profondément inspirée qui a évoluée de la sensualité encore anecdotique à la spiritualité la plus intense et la plus dépouillée.

Malgré les fatigues de l'âge (il est né en 1881) Filiberti a tenu à présenter lui-même son œuvre, et il a longuement dialogué avec les personnalités locales, les artistes mulhousiens et les élèves de l'École municipale des beaux-arts.

La Bibliothèque municipale a pu faire l'acquisition de 9 estampes, au nombre desquelles la série des Sept châteaux de l'âme de Sainte Thérèse d'Avila, planches non figuratives tout imprégnées de mysticisme.

Bibliothèques centrales de prêt.

Lot-et-Garonne.

Foire-exposition de Villeneuve-sur-Lot. - La Bibliothèque centrale de prêt du Lot-et-Garonne a exposé son bibliobus du 30 août au 7 septembre dans le cadre de la Foire-exposition de Villeneuve-sur-Lot.

Les livres étaient disposés en grande partie sur présentoirs, les romans classés par genres, les documentaires par thèmes et les livres de jeunes par catégories d'âge.

Des affichettes illustrées concrétisaient les thèmes principaux, des panneaux et affiches publicitaires coloraient l'actualité représentée par les livres les plus récents.

Au dehors une carte électrifiée du département indiquait la situation actuelle des communes desservies par le bibliobus, sous forme de points lumineux, chaque arrondissement comportant une couleur différente.

Un panneau concrétisait les buts de la Bibliothèque centrale de prêt et ses ressources, indiquant les conditions requises pour obtenir un dépôt de livres. Sur une table quelques livres étaient disposés sur présentoirs incitant le public à s'approcher et un guide dépliant du bibliobus était distribué. Les catalogues de la Bibliothèque centrale de prêt pouvaient être consultés librement.

Si cette participation de la Bibliothèque centrale de prêt à la Foire-exposition de Villeneuve-sur-Lot a été utile en faisant connaître le bibliobus à ceux qui l'ignoraient, elle l'a été encore davantage en faisant mieux connaître ses resssources à ses utilisateurs.

Le bibliobus qui était une connaissance lointaine pour certains est devenu une réalité vivante et concrète.

De nombreux visiteurs, le voyant pour la première fois, se sont étonnés de la variété des livres offerts au public. En feuilletant les catalogues de la Bibliothèque centrale de prêt ils ont appris qu'ils pouvaient formuler des demandes. Certains livres ont même été retenus au stand.

Quelques-uns ont aussi découvert qu'il existait un dépôt du bibliobus dans leur commune et le lieu de ce dépôt.

En conclusion, le résultat fut positif et l'expérience valait d'être tentée.

Morbihan.

Publications. - La Bibliothèque centrale de prêt du Morbihan vient de faire paraître deux catalogues, état de ses collections pour l'année 1969.

Le premier recense les ouvrages documentaires 3, y compris les fonds destinés aux enfants et aux adolescents, présentés sous les grandes divisions de la classification décimale de Dewey et, parfois, sous certaines subdivisions. Un index alphabétique signale tous les auteurs cités.

Le second catalogue 4 rassemble les romans français et étrangers répartis par régions géographiques, puis les biographies, classées dans l'ordre alphabétique des personnages étudiés. Un index des noms cités renvoie, comme dans le premier catalogue, au numéro des pages.

Hautes-Pyrénées.

Publication. - La Bibliothèque centrale de prêt des Hautes-Pyrénées vient de publier le catalogue 5 de ses acquisitions pour l'année 1968. Ce catalogue ne tient compte que des acquisitions de l'année, qu'il s'agisse de nouveautés ou d'ouvrages moins récents dont le succès s'est confirmé.

Les romans, pour jeunes, pour adultes, les biographies et les documentaires sont disposés en ordre alphabétique, séparés suivant le public auquel ils s'adressent. En outre, les ouvrages documentaires sont rangés sous les grandes divisions de la classification décimale de Dewey, dont certains indices ont été mis « en vedette » en raison de leur plus large audience comme c'est le cas pour la poésie, le théâtre ou l'histoire de France.

Un index alphabétique rassemble enfin tous les auteurs cités dans ce catalogue.

Bibliothèque Forney. Paris. Collection Georges Degaast.

Le fonds de la Bibliothèque Forney vient de s'enrichir d'une collection fort importante concernant les arts graphiques, celle de M. Georges Degaast.

Le mercredi 15 octobre à II heures, dans les salles d'exposition de l'Hôtel de Sens où une partie de la collection avait été présentée, le préfet de Paris, M. Marcel Diebolt, en présence de Mme Pelabon, représentant M. de Verricourt, président du Conseil municipal de Paris, de M. Debidour, sous-directeur de l'action culturelle de la ville de Paris, de Mlle Coeytaux, administrateur en chef du Bureau des bibliothèques, de Mme Viaux, conservateur de la Bibliothèque Forney et d'autres personnalités est venu recevoir officiellement la collection des mains de M. Peraudeau, fondateur de La Feuille blanche et du Musée historique du papier.

M. Peraudeau a d'abord retracé l'historique de la collection, constituée au cours des années par M. Georges Degaast, ingénieur chimiste, professeur à l'école Estienne, et Mlle Germaine Rigaud, sa collaboratrice. Georges Degaast mourut en 1939 laissant un testament instituant Mlle Rigaud légataire universelle. En décembre 1948, Mlle Rigaud décédait à son tour et léguait la totalité de la collection à M. Peraudeau.

M. le Préfet prit à son tour la parole, remerciant M. Peraudeau en termes très chaleureux, disant à quel point il était sensible à ce don fait à une bibliothèque parisienne.

M. Peraudeau commenta ensuite au Préfet, très intéressé, les principaux documents exposés dans les vitrines, dans de grands portefeuilles et sur les murs.

Cette collection qui compte environ 250 ouvrages consacrés aux industries graphiques, 290 gros dossiers concernant l'imprimerie, 10 000 clichés positifs sur verre, 500 fiches relatives aux inventions, aux procédés et aux machines graphiques, des affiches, des images d'Épinal, des gravures, complète admirablement le fonds de la bibliothèque très important dans ce domaine et ne pourra manquer de retenir l'attention de tous ceux qui s'intéressent aux arts graphiques.

C'est grâce à M. Fagu, président de la société des Amis de Forney, qui connaît personnellement M. Peraudeau, que cette donation a été faite à la Bibliothèque Forney.