Nécrologie

Renée P.-M. Masson (1912-1969)

Simone Wallon

Jean Monteil

Issue d'une famille franc-comtoise, famille d'officiers mais d'où les lettres n'étaient pas absentes (elle avait pour cousin Marcel Aymé), Renée Madeleine Girardon naquit à Cherbourg le 20 janvier 1912. Après des études secondaires au lycée de sa ville natale puis à Bordeaux et de sérieuses études musicales avec Blanche Selva (piano) et Joan Massià et Charles Mayeux (violon), elle vint à Paris pour préparer à la Sorbonne une licence de Lettres classiques. Sa licence une fois passée et ayant obtenu le Diplôme de professeur de français à l'étranger, elle suivit les cours d'histoire de la musique de la Sorbonne chez André Pirro et Paul-Marie Masson et passa avec ce dernier un Diplôme d'études supérieures d'histoire sur : L'Ouverture française avant Rameau. Reçue au Diplôme technique de bibliothécaire elle entra le Ier novembre 1941 au département des Imprimés de la Bibliothèque nationale d'où elle passa, en décembre 1944, au département de la Musique. Ainsi s'ouvrait devant elle une carrière de bibliothécaire musicologue qui devait se poursuivre quatorze ans durant.

Tout en commençant une thèse de doctorat d'État sur le compositeur André Cardinal Destouches, elle prépare alors le diplôme de russe à l'École des langues orientales. Le Ier janvier 1946 elle est titularisée et, le Ier juin 1949, elle est nommée bibliothécaire de la Bibliothèque du Conservatoire de Paris. Elle s'efforça aussitôt d'améliorer les conditions de conservation de ce fonds très riche et donna une vigoureuse impulsion au travail de catalogue, soucieuse de faciliter aux lecteurs l'accès de ces richesses. Ceux-ci appréciaient sa culture, sa courtoisie et sa patience. Ceux qui travaillaient sous ses ordres connaissaient sa grande bonté qui n'excluait pas la fermeté et la lucidité, sa générosité, son esprit de justice intransigeant.

La tâche qu'elle assumait à la bibliothèque ne lui permettait pas toujours de consacrer autant de temps qu'elle l'aurait désiré à ses propres travaux : sa thèse sur Destouches (dont deux extraits ont pu cependant être publiés, l'un dans les Mélanges P.-M. Masson en 1955, l'autre dans la Revue de musicologie en 1959), mais aussi des articles isolés ou sa collaboration à Die Musik in Geschichte und Gegenwart ou à l'Histoire de la musique de la Pléiade. Parmi ses travaux touchant plus particulièrement aux bibliothèques, citons son inventaire du Don Chabrier à la Bibliothèque nationale avec des lettres inédites (Revue de musicologie, 1945-1946), son catalogue de la précieuse Exposition des trésors du département de la Musique de la Bibliothèque nationale pour le 3e congrès international des Bibliothèques musicales, Paris 195I et le Rapport sur la nécessité d'un nouveau recueil international des sources musicales lu au même congrès (tous deux publiés dans les actes du congrès en 1953). Ce rapport, si remarquable par la clarté et la fermeté de la pensée, a fixé quelques-uns des grands principes qui président aujourd'hui à l'établissement des grands répertoires de sources de l'Association internationale des bibliothèques musicales. De même, on possède d'elle un Catalogue des œuvres vocales de L. Cherubini conservées à la Bibliothèque du Conservatoire de Paris et un autre des airs d'Alessandro Scarlatti de la même bibliothèque.

En 195I, notre collègue épousait le professeur Paul-Marie Masson. Celui-ci mourait, hélas, dès mars 1954. Quatre ans plus tard, désirant se rapprocher du pays d'origine de son mari, Mme Masson obtint d'être nommée, le 28 février 1958, à la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier. Ainsi commençait pour elle une nouvelle carrière, à laquelle elle allait consacrer toutes ses forces.

A cette bibliothèque, pour elle entièrement nouvelle, elle s'adapta avec aisance. Que dire de sa fidélité quotidienne et harassante ? Ces tâches obscures se prêtent peu au compte rendu. Bref, elle sut maintenir et développer la bibliothèque médicale.

Elle ne négligea pas pour autant les devoirs, tout aussi lourds, qu'implique la présence d'un riche fonds ancien et d'un musée. Les visiteurs de ses expositions pouvaient-ils soupçonner qu'elle avait dû, bien souvent, y sacrifier son repos?

On ne peut citer ici que les plus marquantes de ces manifestations : l'Iconographie médicale au XVIIe siècle (1958), les Aspects historiques de la Médecine légale (1966); la Pharmacie montpelliéraine (1967).

Mme Masson ne se borna pas à exposer des documents et à en rédiger le catalogue : on lui doit, en outre, quelques études élaborées sur le fonds des manuscrits : le Chansonnier de Montpellier (In : Monspeliensis Hippocrates, n° 13, 196I, pp. 3-21), la Complainte de Gênes (Id. n° 28, 1965, pp. 3-6), enfin, la veille de sa mort : les Manuscrits carolingiens de la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Montpellier (8 f., à paraître dans la même publication).

Membre attentif de la Société montpelliéraine d'histoire de la médecine, elle participa aux congrès internationaux d'histoire de la médecine de Montpellier (1958) et de Bâle (1964), et prépara pour celui de Berlin (1966), une communication sur : Bonaventure Laurens, secrétaire de la Faculté de Médecine de Montpellier et les musiciens allemands de son temps.

Une dernière étape, que nul ne prévoyait si courte, s'ouvrit pour Mme Masson quand, le 8 mai 1968, - date très inconfortable - elle fut chargée, à titre provisoire, de la direction de la Bibliothèque universitaire. Cette nouvelle mission ne la prit pas au dépourvu. Elle créa un style original d'administration qui associait ses collègues à l'information et à la décision. Avec eux, elle fut toujours attentive à la justice pour toutes les catégories de personnel; elle suivit la construction de la nouvelle section Pharmacie et améliora, sur plusieurs points, l'aménagement des sections existantes; enfin, elle chercha des solutions, parfois audacieuses, aux problèmes posés par la réforme de 1962.

Elle anima toutes ces tâches de sa personnalité riche en facettes : vaste culture, respect des traditions et curiosité universelle, gaieté prompte à saisir le détail cocasse; par-dessus tout, bonté qui rendait légère son autorité naturelle et que surprenait toute morgue ou toute perfidie.

Le courage, qui ne lui avait jamais manqué, lui demeura quand la maladie fondit sur elle, au début de mars, et tout au long de trois terribles mois. Peu de jours avant sa mort, qui allait survenir le 5 juin, elle donnait encore volontiers directives et conseils. L'affection de son personnel fut, avec la fidélité de quelques amitiés très chères, au nombre de ses dernières joies.

Selon sa volonté, Mme Masson, après une cérémonie religieuse très simple, célébrée à Montpellier, fut inhumée, le 9 juin, au Cimetière marin de Sète.

Mme Masson, déjà officier dans l'Ordre des Palmes académiques, avait été faite, le 15 novembre 1968, chevalier de l'Ordre national du Mérite.