Les bibliothèques publiques de Mulhouse en 1968

Noë Richter

L'agglomération mulhousienne compte près de 200 ooo habitants. Dans l'esprit du rapport sur la lecture publique, et compte tenu des besoins et des nécessités d'une telle collectivité, la bibliothèque municipale de Mulhouse a entrepris un vaste plan de développement dont le bilan, malgré quelques points noirs, est très positif

Au fur et à mesure qu'elles nous parviennent - et nous les souhaiterions plus fréquentes -, les informations propres à chaque bibliothèque sont données dans la Chronique des bibliothèques.

Cependant, il paraît intéressant de publier, exceptionnellement, un texte consacré à l'activité d'une bibliothèque municipale en cette année 1968 qui a marqué un effort nouveau en faveur de la lecture publique. Mieux encore qu'un article, le rapport de la Bibliothèque municipale de Mulhouse sur « Les Bibliothèques publiques de Mulhouse en 1968 » rend compte des résultats obtenus, des lacunes à combler, des projets à réaliser.

Les activités de la Bibliothèque municipale de Mulhouse ont été fortement marquées en 1968 par un ensemble d'initiatives convergentes qui devraient permettre d'atténuer le retard considérable pris par notre pays dans son équipement bibliographique. Les unes, gouvernementales, prises dans le cadre d'un plan décennal de développement de la lecture publique, veulent encourager les communes à multiplier les bibliothèques en leur donnant des subventions, des livres et des bibliobus. Les autres, municipales, sont une conséquence de la prise de conscience du rôle de l'éducation permanente dans la formation de l'individu et dans la vie des collectivités urbaines. Le colloque tenu au Waldeck les 16 et 17 novembre 1 a affirmé la place privilégiée du livre dans cette formation et souligné la nécessité d'implanter des relais culturels dans toute l'agglomération pour permettre une décentralisation réelle et efficace des activités.

C'est dans cette perspective que la Bibliothèque municipale a mis un terme en 1967 et en 1968 à l'existence des vieilles bibliothèques populaires de prêt. Le cadre en a été modernisé partout où cela a été possible, des ouvrages de références et des collections de travail y ont été déposés, l'ouverture quotidienne a été instituée dans tous les quartiers et la pratique de la fermeture annuelle a été abandonnée partout.

Introduites progressivement, ces mesures n'ont pas encore produit tout leur effet. Elles ont été contrariées par trois faits : la fermeture du service pour adultes de la bibliothèque Koechlin et l'augmentation du tarif, qui ont provoqué une diminution des inscriptions et des prêts, les événements de mai et la crise de l'Université qui ont écarté des bibliothèques une partie de leur public pendant plusieurs mois. Ils expliquent que l'activité mesurable des bibliothèques de Mulhouse soit restée en 1968 sensiblement au même niveau qu'en 1967 : 9 092 inscriptions au lieu de 9 14I en 1967, 309 418 prêts au lieu de 309 43I en 1967, 45 978 entrées au lieu de 38 938 en 1967..

I. - Les usagers.

Le droit d'inscription a été augmenté de 66 %. Il a été porté de 3 F à 5 F pour les services de lecture publique et de 6 F à 10 F pour la bibliothèque d'étude à partir du Ier janvier 1968. La recette du prêt n'a augmenté que de 50 % : elle est passée de 18 662 F à 28 150 F. Le public a en effet réagi négativement à une augmentation qu'il a jugée excessive. Les usagers chez lesquels ni la tradition familiale ni la scolarité n'ont créé de motivations suffisantes à la lecture, ont quitté la bibliothèque, d'autres ont renoncé à utiliser la bibliothèque d'étude. Le nombre des lecteurs âgés de plus de 16 ans a diminué de 308, celui des usagers de la bibliothèque d'étude de 43I.

Si le nombre des inscriptions n'a diminué que de 49 pour l'ensemble des bibliothèques, cela est dû à l'augmentation du nombre des enfants, qui bénéficient de la gratuité. Mais que deviendront ces jeunes lecteurs lorsqu'ils ne pourront plus se satisfaire des ressources des bibliothèques qu'ils utilisent aujourd'hui ? Auront-ils les moyens de payer une carte ? La question doit être sérieusement posée et, avant de répondre qu'il ne s'agit là que d'une participation symbolique, il conviendra de considérer attentivement la réalité familiale et de s'interroger sur le rôle de la lecture dans l'enseignement et dans la formation de l'individu. L'enfant n'est pas seul à lire dans le cercle de famille; le droit d'inscription multiplié par le nombre des membres de ce cercle peut être considéré dans certains milieux comme une charge excessive et la dépense refusée. Ne convient-il pas, dans l'état actuel de notre société, de lever ce barrage à l'accès à la culture par le livre, et de suivre les recommandations de l'Unesco et du gouvernement français en décidant la gratuité de la lecture publique, considérée comme un droit au même titre que l'instruction publique. La recette du prêt n'est de toute façon pas en rapport avec le coût réel du service; elle impose une comptabilité astreignante et il serait certainement possible d'aboutir à des résultats financiers comparables en supprimant le droit d'inscription et en renforçant de façon draconienne le système des amendes.

La bibliothèque a continué à attirer un grand nombre de lecteurs résidant hors de Mulhouse. Son rayonnement s'étend sur 134 communes qui lui envoient 1802 lecteurs, c'est-à-dire 19,9 % de son public. Les 16 communes de l'agglomération mulhousienne y contribuent à elles seules pour 15,7 %.

II. - Les collections.

L'équipement des nouvelles bibliothèques demandera pendant plusieurs années des moyens financiers très supérieurs à ceux des années précédentes. En 1968, le concours de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique a permis de disposer de crédits d'achat suffisants pour répondre aux demandes suscitées par les besoins actuels et pour mettre en réserve les ouvrages nécessaires au fonctionnement du bibliobus et de la bibliothèque Salvator.

Aux crédits municipaux inscrits à la section de fonctionnement (90 ooo F) et d'investissement (40 ooo F) s'est ajoutée une subvention ministérielle de 41 ooo F dont 32 000 ont été réservés aux achats. Cet ensemble de crédits inscrits au budget municipal a été complété en cours d'année par deux crédits exceptionnels de 42 500 F et 12 500 F accordés à la Bibliothèque municipale de Mulhouse sur le budget de l'éducation nationale pour la constitution des collections destinées au bibliobus et à la bibliothèque Salvator.

9 693 volumes ont été acquis à l'aide des crédits proprement municipaux. Les dépôts de l'État - souscriptions du ministère de l'Éducation nationale et achats réalisés avec 47 440 F pris sur le crédit de 55 ooo F mis à notre disposition -se sont élevés à 4 812 volumes. Les entrées par don ont atteint 1 662 volumes. Deux collections ont été offertes par des particuliers : 100 volumes donnés par Mme Jean Wagner provenant de la bibliothèque du regretté Maire de Mulhouse, 51 ouvrages d'art donnés par la famille de Maurice Baumeister, ancien directeur général des services techniques municipaux. Trois ont été cédées par des administrations : Consulat de Suisse (41 volumes de revues juridiques suisses), Lycée de garçons (249 volumes), bibliothèque administrative de la Mairie de Mulhouse (317 volumes). Le total des entrées s'est élevé à 16 127 volumes. 8 696 ont été distribués aux services de la bibliothèque et aux dépôts, 7 43I ont été mis en réserve.

Les entrées traitées par le service central des bibliothèques publiques se répartissent à peu près également en livres d'enfants (6 465) et en livres pour adultes (7 223). Pour ceux-ci, l'accent a été mis sur les ouvrages de documentation et d'étude qui constituent les 2/3 des achats : encyclopédies et dictionnaires, textes littéraires et philosophiques, manuels d'étude utilisés dans les classes terminales et le premier cycle de l'enseignement supérieur, collections de grande culture, ont été acquis en exemplaires multiples et déposés dans toutes les bibliothèques.

La bibliothèque d'étude et de conservation a continué à combler systématiquement les lacunes de ses collections, de façon à constituer un équipement bibliographique durable sans lequel aucune recherche et aucune création ne sont possibles dans le domaine des lettres et des sciences humaines.

Pour la première fois en 1968, la Municipalité a inscrit au budget un crédit d'investissement particulier pour la collection de gravures. Obtenu grâce à l'action patiente des artistes et des animateurs de la vie culturelle locale qui avaient exprimé à maintes reprises leur inquiétude devant la pauvreté du patrimoine artistique mulhousien, ce crédit a été utilisé avec trois intentions précises : encourager la création locale, rendre la Ville de Mulhouse accueillante aux artistes graveurs qui viennent y exposer, constituer une collection représentative des différentes écoles de gravure et acquérir les œuvres des maîtres reconnus.

20I pièces sont entrées au cabinet des estampes, 95 par achat, 106 par don. 21 planches ont été achetées à des artistes mulhousiens, 9 à des exposants. Parmi les 65 autres acquisitions, quelques-unes méritent une mention particulière : une planche de la « Tauromachie » de Goya, « Autoportrait » (sans chapeau) de Georges Rouault, une eau-forte de Jean-François Millet, une de Jongkind, trois de Jean-François Raffaëlli, deux lithographies en couleur du peintre impressionniste Armand Guillaumin et 36 lithographies de Raffet. Trois livres illustrés de gravures originales ont pris place à la réserve : Les Campagnes hallucinées de Verhaeren par Camille Berg, Alcools de Guillaume Apollinaire par Paul Guiramand et Dents de lait, dents de loup de Henri Pichette par Jacques Villon.

Les dons ont été nombreux et intéressants. M. Léon Lang a donné 10I lithographies romantiques au nombre desquelles se trouvent 90 Charlet. Deux artistes, MM. André Planson et Paul Guiramand, informés par M. Jacques Gangloff de la création du cabinet des estampes de Mulhouse, ont manifesté leur intérêt en offrant trois grandes lithographies en couleur.

Le cabinet des estampes s'est vu confier deux collections dont il n'est que le dépositaire, mais dont les pièces pourront être consultées et exposées à la Bibliothèque municipale. M. et Mme Lang-Verly lui ont remis 78 planches d'artistes romantiques et contemporains. La société industrielle a déposé 990 des gravures qui composaient le cabinet des estampes du Musée des Beaux-arts ouvert au public avant 1940.

III. - Les services publics.

L'équipement et le régime de trois bibliothèques ont été notablement améliorés. La bibliothèque de Dornach a cédé à la Maison des jeunes et de la culture les quatre pièces mal commodes qu'elle occupait dans l'ancienne mairie en échange d'une grande salle de 120 m2 qui a été entièrement remise à neuf. Elle a repris ses activités le 6 février avec une durée d'ouverture portée de 15 h 30 à 22 h 30 par semaine.

Le service de prêt pour adultes de la bibliothèque Koechlin avait perdu 75 % de son public depuis 1954 : il ne comptait plus que 60 abonnés. Il a été fermé en février 1968. Les locaux ont été repeints, et la section enfantine a été ouverte l'après-midi après la classe et le jeudi toute la journée. La durée hebdomadaire d'ouverture est passée de 9 à 19 heures.

Une petite salle de travail à pu être aménagée à la bibliothèque du Drouot et l'ouverture quotidienne y a été introduite le Ier novembre. Comme à Dornach, la durée d'ouverture est passée de 15 heures 30 à 22 h 30.

Dans toutes les bibliothèques, la fermeture annuelle a été supprimée grâce à l'étalement des congés, et les services sont restés ouverts du Ier janvier au 31 décembre à l'exception des trois jours ouvrables de la Semaine sainte.

Comme on l'a dit plus haut, ces transformations n'ont pas encore porté leurs fruits et le niveau général de l'activité des bibliothèques n'a pas varié. Mais cette stabilité apparente recouvre des variations significatives. Les prêts de livres pour enfants augmentent partout sauf à Bourtzwiller et à Koechlin. Ceux des livres pour adultes augmentent à la bibliothèque centrale et à Dornach; ils diminuent dans toutes les autres bibliothèques. La baisse d'activité a été accentuée à Bourtzwiller et à l'école Koechlin par les défaillances du personnel titulaire, qui a été remplacé par des stagiaires ou par des auxiliaires nullement préparés à l'exercice du métier de bibliothécaire et dont le comportement a déconcerté le public. Le manque d'animateurs qualifiés n'a pas permis de développer à la bibliothèque Koechlin les activités qui auraient pu la transformer en un foyer culturel vivant ouvert à tous les enfants du quartier, et ce service a continué à décliner.

L'augmentation des prêts à la bibliothèque centrale de lecture publique compense à peu près la diminution des emprunts à la bibliothèque d'étude. Ce glissement du public lycéen et étudiant justifie l'équipement de tous les services en ouvrages de travail; il permettra d'orienter plus nettement encore les activités de la bibliothèque d'étude vers la recherche, l'érudition et la conservation.

La crise de l'université a sensiblement réduit la demande de prêts inter-bibliothèques. Le service a expédié 244 demandes seulement. Il a reçu 214 volumes envoyés par 34 bibliothèques françaises et 5 bibliothèques étrangères. La Bibliothèque municipale de Mulhouse a prêté 44 ouvrages de son fonds à 38 établissements en France et 6 à l'étranger.

Le public des salles de lecture a été plus nombreux qu'en 1967. Mais l'équipement reste très insuffisant, et les bibliothèques ne sont pas en mesure d'accueillir le nombreux public enfantin qui se présente à elles : 146 places offertes aux enfants, 84 aux adultes; ce ne sont pas des chiffres à la mesure des besoins d'une agglomération de 200 ooo âmes.

IV. - Les activités culturelles.

La bibliothèque centrale a abrité quatre expositions. En mars, l'exposition annuelle des graveurs mulhousiens a accueilli 13 artistes qui ont présenté les 64 estampes qu'ils ont faites dans l'année. En mai, la Société Godefroy Engelmann a exposé l'oeuvre du maître buriniste Joseph Hecht (189I-195I). L'exposition consacrée par le Syndicat national des instituteurs à l'enseignement des mathématiques modernes a connu en avril une affluence considérable. Mais celle-ci a été dépassée encore par le très grand succès remporté par l'Université populaire avec l'exposition commémorative des batailles du Vieil-Armand qui a enregistré 1 641 entrées individuelles et la visite de 26 classes sous la direction de leurs maîtres.

La bibliothèque de Dornach a prêté ses murs à un jeune artiste membre de la Maison des jeunes et de la culture, Jean Stieger. Cette première exposition marque la volonté de coopération qui anime les responsables de la Bibliothèque municipale et de la M. J. C. unis sous le sigle de « Centre culturel de Dornach », et leur intention de participer activement à la décentralisation des manifestations culturelles.

Comme les années précédentes, la Bibliothèque municipale a tenté quelques essais d'animation culturelle. Mais, faute d'animateurs et de locaux, ces tentatives ne peuvent être poussées. La bibliothèque enfantine centrale a donné 15 auditions de disques. Le service central des bibliothèques publiques a organisé, en collaboration avec le Comité d'entreprise de la Caisse d'allocations familiales, un club de lecture qui a accueilli une vingtaine de participants dans les salles de la bibliothèque centrale.

V. - Les services intérieurs.

L'importance des acquisitions et le nombre des ouvrages stockés à la bibliothèque centrale posent de très sérieux problèmes d'organisation aux services intérieurs qui ont utilisé toutes les ressources disponibles en locaux et en mobilier.

Le service central des bibliothèques publiques, installé en décembre 1967 sur 25 m2, s'est très vite trouvé à l'étroit; il a annexé le vestiaire de la bibliothèque enfantine où trois postes de travail ont été créés. La bibliothèque d'étude s'est installée au secrétariat où la pose d'une cloison a permis de dégager l'espace nécessaire à l'aménagement d'un bureau pour la bibliothécaire chef du service. Un important mobilier a été acquis : bureaux, tables, armoires, bacs, classeurs, postes téléphoniques, etc.

Le Service central des bibliothèques publiques. Ce service a fonctionné toute l'année avec un sous-bibliothécaire, un employé de bibliothèque et un magasinier. Il a reçu d'octobre à décembre l'aide temporaire de trois sous-bibliothécaires stagiaires et d'un magasinier. Cette équipe de travail réduite a pu cependant traiter la totalité des entrées. Elle a vérifié toutes les livraisons, collationné, enregistré, indexé, catalogué et emmagasiné près de 14 000 volumes. Elle a procédé à 118 opérations de dépôt portant sur 6 257 volumes. Elle a éliminé et envoyé au pilon 2 607 livres périmés ou hors d'usage. Elle a assuré en outre la réparation des livres de la bibliothèque enfantine centrale et de la bibliothèque Koechlin, qui n'ont pas de personnel de service permanent et ne sont pas en mesure d'assurer l'entretien courant de leurs collections.

La Bibliothèque d'étude. En attendant la création des emplois nécessaires à son fonctionnement, le Service central a prélevé son personnel sur les autres services. Celui de la bibliothèque d'étude a été réduit à la bibliothécaire chef du service.

Seul le travail courant (renseignements, prêt, traitement des entrées) a été assuré. L'inventaire des manuscrits de la donation Hirler faite en 1967 et tous les travaux bibliographiques d'intérêt local ont été laissés en souffrance.

Les Publications et la publicité. La bibliothèque d'étude a publié trois bulletins en avril, octobre et décembre. Le deuxième a été consacré à l'inventaire sommaire de la collection d'estampes de la Société industrielle. La publication du Répertoire de bio-bibliographie mulhousienne, prévue pour l'été, a dû être retardée. On peut regretter ce contre temps au moment où un comité régional de sociétés savantes prépare une refonte du Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l'Alsace, de Sitzmann. Notre publication aurait permis d'affirmer de façon efficace la présence de Mulhouse dans cette entreprise collective.

Le service central des bibliothèques publiques a diffusé en juillet un bulletin semestriel de ses acquisitions. L'abondance des entrées et l'insuffisance de personnel l'ont empêché de publier le bulletin d'automne, la liste récapitulative annuelle et la nouvelle édition du catalogue général, réclamée par tous les usagers de la Bibliothèque municipale.

La Bibliothèque d'étude et le service central ont continué à assurer l'information bibliographique des auditeurs de l'Université populaire. Ils ont publié cinq dépliants consacrés à la Justice, le Rhin, les styles, le Marché commun, la première guerre mondiale en Haute-Alsace.

Le Cabinet des estampes a diffusé deux catalogues à l'occasion de l'exposition, annuelle des graveurs mulhousiens et pour la rétrospective de Joseph Hecht.

Les bibliothèques Koechlin et du Drouot ont fait connaître les transformations apportées à leur fonctionnement au moyen de deux tracts qui ont été publiés dans la presse et distribués dans les immeubles des deux quartiers.

L'Atelier de reliure. Les procédés de la reliure traditionnelle ont été réservés à la bibliothèque d'étude et de conservation et à un petit nombre de livres acquis par le Service central dont on pouvait dire avec certitude qu'ils seraient souvent ou longtemps empruntés : classiques de la lecture publique, manuels de travail, ouvrages de fond. Tous les autres volumes ont été plastifiés.

L'atelier a traité 14 325 volumes. Si l'on tient compte du fait qu'un certain nombre de volumes ont été acquis reliés et que la plus grande partie des livres de la bibliothèque d'étude peut sans inconvénient être placée à l'état broché sur les rayons, on peut dire que l'atelier de reliure a été capable d'adapter sa production au rythme d'accroissement des acquisitions. Il n'a pu faire cependant que 10I réparations. Il s'agit de grosses réparations qui ne peuvent être exécutées dans les services par les magasiniers. C'est là un chiffre très insuffisant. Le maintien en état de collections toujours plus nombreuses et toujours plus utilisées ne pourra être assuré dans ces conditions. Il est probable que l'atelier sera amené dans l'avenir à créer un service permanent de réparation confié à des aides-relieurs. Dans l'état actuel des effectifs qui n'ont pas varié depuis 1946, ce service ne peut être organisé. Il y a là un danger pour la conservation des collections, auquel il conviendra de veiller tout particulièrement dans les prochaines années.

L'année 1968 a peut-être été pour les bibliothèques municipales françaises une année décisive. Elles ont entrevu un avenir, lointain encore, où elles sortiront de l'état de pénurie pour fournir des services qui soient au niveau des besoins d'une société d'abondance où les activités tertiaires prédominent. La Ville de Mulhouse a trouvé dans les premières mesures gouvernementales la justification et la récompense de l'effort solitaire qu'elle fournit depuis 1946 pour ses bibliothèques. Elle en a été l'une des premières et des principales bénéficiaires : subvention de fonctionnement, dépôts de livres, donation d'un bibliobus, subventions pour l'aménagement et la construction de bibliothèques au parc Salvator et à la Z.U.P.

Imperceptible encore pour les usagers, la mise en application du plan a durement éprouvé les services intérieurs d'une bibliothèque qui n'a ni le personnel ni l'équipement nécessaires pour traiter et communiquer une masse aussi considérable de documents et d'informations. Elle n'a pu le faire qu'en abandonnant des services régulièrement assurés depuis plusieurs années : services bibliographiques, publication des listes de nouveautés, information du public. Or l'abondance même des achats rend ces services plus nécessaires encore. Les collections les plus riches ne sont efficaces que si elles sont connues et rendues accessibles par une information régulièrement diffusée dans le grand public.

Traitement des collections et information du public exigent la collaboration d'un personnel qualifié disposant de postes de travail convenablement équipés. L'ère du bénévolat et de l'amateurisme dans les bibliothèques publiques est définitivement close. Il faut maintenant rechercher des solutions pertinentes à ces deux problèmes fondamentaux. Le plan gouvernemental laisse dans l'ombre celui du personnel. Il paraît indispensable, dans les circonstances actuelles, que les pouvoirs locaux et l'Association des maires de France interviennent auprès des Ministères de l'Éducation nationale et des Finances, et demandent la création de centres régionaux de formation professionnelle où le personnel municipal des bibliothèques soit admis. La construction d'une bibliothèque moderne à Mulhouse n'est pas moins nécessaire et, dans les perspectives définies par le colloque du Waldeck, la nouvelle bibliothèque centrale devrait prendre rang au nombre des opérations prioritaires. On réaliserait ainsi toutes les conditions de création à Mulhouse d'une véritable Bibliothèque publique capable de fournir à tous les niveaux les livres et les documents propres à satisfaire tous les besoins de loisir, d'information, de culture, d'étude et de recherche qui existent dans les sociétés modernes, et d'être par-là un instrument incomparable d'éducation permanente et de formation humaine.

Illustration
I - Les usagers de la bibliothèque municipale

Illustration
II - Les collections