Célébration du centenaire de la Bibliothèque nationale de Roumanie

du 25 au 30 septembre 1967

André Masson

Si la Roumanie a célébré avec éclat le centenaire de sa bibliothèque c'est que la fondation de cet établissement marque un moment décisif pour l'évolution de la culture nationale, dans les années qui suivirent l'union de la Moldavie et de la Valachie, affranchies du joug ottoman, sous le nom de Roumanie. L'établissement de la capitale à Bucarest, le II novembre 1861 entraîna la création de l'université de Bucarest, puis celle de la Société académique Roumaine en 1866. Dès l'année suivante, celle-ci était dotée d'une bibliothèque, dont le développement au cours de quelques décades justifia son érection en Bibliothèque nationale, à l'aube du xxe siècle. Le dernier recensement des collections accuse 4 218 782 volumes et la richesse des départements des manuscrits, de livres rares, d'estampes et des médailles supporte la comparaison avec les plus importants cabinets de l'Europe.

Aux fêtes du Centenaire, organisées par M. le Pr. Cioculescu, Directeur général de la bibliothèque, dans le palais de l'Académie de la République socialiste de Roumanie, participaient non seulement les directeurs de toutes les bibliothèques nationales de l'Europe centrale, mais le directeur de la bibliothèque de l'Académie de Moscou, le directeur de la bibliothèque du Congrès de Washington et le représentant du directeur des bibliothèques et de la lecture publique.

Signe révélateur de la diffusion de notre langue en Europe centrale - alors que M. le Pr. V. I. Sunkov prononçait son allocution en russe et M. Quincy Mumford en anglais - la langue française, accessible à la plupart des Roumains cultivés, fut employée par les représentants de plusieurs pays, notamment la Pologne et la Bulgarie, pour leurs communications.

Au cours de longues séances d'étude, d'un niveau très élevé, les bibliothécaires et les professeurs roumains traitèrent de préférence des sujets concernant l'histoire et la bibliographie nationales, depuis les Actes d'Étienne le Grand, prince de Moldavie dans la seconde moitié du xve siècle et les éditions des premiers typographes roumains au XVIe siècle jusqu'aux manuscrits de littérature populaire et au catalogue de la bibliothèque du prince Brancovan à Horezi au XVIIIe siècle.

Les représentants des bibliothèques étrangères abordèrent soit des problèmes généraux de bibliographie (bibliographies de la science des Sciences, les bibliothèques et la science, recherche et information scientifiques) soit des questions d'organisation dans leur propre pays (problèmes actuels des bibliothèques scientifiques en Yougoslavie, grandes lignes du fonctionnement des bibliothèques bulgares, la bibliothèque au service du public, jadis et aujourd'hui en France).

Devenue « nationale », la bibliothèque de l'Académie de la République socialiste n'a pas cessé d'être étroitement liée à cet organisme considérable qui joue, en Roumanie, le rôle de notre Centre national de la Recherche scientifique, situation hautement favorable pour le lancement de vastes entreprises bibliographiques dont quelques-unes furent présentées à l'occasion des fêtes du Centenaire. Les dernières en date sont le tome 1 de l'imposante Bibliographie des périodiques roumains (1966), le tome IV du Catalogue des manuscrits roumains (1967) et un Catalogue de la bibliothèque du prince Constantin Cantacuzène, dont tous les historiens des bibliothèques pourraient envier l'élégance de présentation et la minutie de description. Une importante préface de M. Virgile Candea, publiée en roumain, en français, en anglais et en russe montre que cette bibliothèque, constituée à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle par un prince lettré est « une bibliothèque vivante, un cabinet de travail scientifique, littéraire et politique » et il célèbre « les cultures qui ont le privilège d'hériter non seulement la gloire et l'œuvre des lettrés qui les ont édifiées, mais aussi l'atelier même de leur création ».

Les hôtes de M. Cioculescu, au cours des excursions organisées en leur honneur, ont pu se convaincre que ce respect du passé, animé par le profond amour de la terre natale, caractérisait également l'œuvre de restauration des monuments du passé dans l'une des provinces les plus originales de l'art du Sud-Est européen.