Deux nouvelles bibliothèques municipales dans l'Isère

Roland Descaves

Deux bibliothèques municipales ont été mises en service il y a plus d'un an, à Fontaine et à Saint-Martin-d'Hères, dans l'Isère. Édifiées sur des terrains libres de contrainte architecturale, elles ont pu bénéficier de dispositions fonctionnelles qui doivent leur permettre de résoudre les problèmes de la lecture dans des communes en pleine expansion.

Le 18 décembre 1965 à Fontaine, et le 15 janvier 1966 à Saint-Martin-d'Hères, ont été inaugurées 1 deux bibliothèques municipales, identiques dans leur conception. Prévues alors que ces deux communes, proches de la ville de Grenoble, comptaient chacune 15 000 habitants environ, elles ont été réalisées par le même architecte, M. Léon Allibert, qui, après avoir pris contact avec le Service technique de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, a pu mettre au point, en liaison avec celui-ci, des plans très fonctionnels. Du fait qu'elles présentent des similitudes aussi bien dans leur parti architectural que dans les caractéristiques et l'équipement des différents services, nous avons cru bon de présenter ensemble ces deux réalisations.

La Bibliothèque municipale classée de Saint-Martin-d'Hères

Conçue pour desservir un ensemble de 20 ooo habitants, la Bibliothèque Paul-Langevin de Saint-Martin-d'Hères est implantée dans une agglomération en voie d'expansion, parmi les immeubles neufs de la partie est de la ville. Construite à proximité d'un groupe scolaire et du futur stade municipal, elle est accolée, sur le côté nord-ouest, au bâtiment du Centre médico-scolaire. Cette situation a obligé l'architecte à une recherche d'intégration architecturale des façades dans le cadre des constructions existantes, tout en tenant compte des exigences propres à la bibliothèque.

Orientée nord-ouest sud-est, d'accès facile, et entourée de parcs de stationnement, celle-ci a néanmoins une situation heureuse en raison du calme ambiant, puisqu'elle se trouve en retrait des axes à grande circulation. La façade nord-est, avec sa répétition de petites ouvertures bordant une acrotère allongée, si elle semble assez monotone, peut être considérée comme fonctionnelle.

L'entrée, très dégagée, s'ouvre dans cette façade, flanquée, à sa gauche, de baies ouvrant sur le bureau de la bibliothécaire. Le reste de cette façade est fermé sur les magasins du rez-de-chaussée et du second niveau, d'étroites ouvertures rectangulaires en assurant l'éclairage. En opposition, les façaces sud-est et sud-ouest sont largement percées de baies vitrées, prenant vue sur les espaces verts du voisinage.

Le plan adopté permet le contrôle du fonctionnement de la bibliothèque par un personnel réduit, les séparations étant bien nettes entre la partie accessible au public et celle réservée au service. D'une surface totale de 435 mètres carrés, la bibliothèque comprend, au rez-de-chaussée, outre le hall d'entrée, une salle de prêt avec emplacements de lecture pour les adultes, une salle de travail pour vingt lecteurs, une salle pour les enfants, dont une partie est réservée aux tout-petits, et deux groupes sanitaires destinés aux adultes et aux enfants, à proximité de l'entrée. Les trois salles prennent place dans une seule grande pièce et sont délimitées par les rayonnages de livres. Pour compléter l'éclairage donné dans les salles par les façades, des lanterneaux plastiques ont été ménagés dans le toit en terrasse. La banque de prêt, par sa position centrale, permet de contrôler l'accès des salles et les salles elles-mêmes, notamment le coin des tout-petits. La salle de travail est équipée de rayonnages pour usuels et périodiques, ainsi que de fichiers.

Les services intérieurs comprennent, avec le bureau de la bibliothécaire, à gauche du hall d'entrée, une petite salle de manutention en liaison directe avec les magasins du rez-de-chaussée et, par un escalier de béton, avec ceux du niveau supérieur. Le magasin du rez-de-chaussée communique directement avec la salle de travail, d'une part, et avec le bureau de contrôle et le bureau de la bibliothécaire, d'autre part.

Le niveau supérieur est uniquement occupé par le magasin de livres. Les magasins sont prévus pour recevoir environ 30 000 volumes, l'ensemble devant totaliser 50 ooo volumes.

La Bibliothèque municipale de Fontaine

Devant l'accroissement rapide de la population - celle-ci comptait 7 594 habitants en 1946, 8 817 en 1954, 13 609 en 1957, environ 20 ooo en 1965 -, la municipalité de Fontaine dut envisager, en 196I, l'édification d'une bibliothèque à l'échelle des nouveaux besoins.

Une salle avait déjà été inaugurée en 1957 au rez-de-chaussée de la Maison des sociétés. Devant le succès de cette initiative et pour faire face à l'afflux des lecteurs - il y en avait 1 198 en 196I contre 289 en 1957, et 10 402 prêts en 196I contre 3 621 prêts en 1957 -, M. Allibert, architecte, fut chargé d'étudier un projet de bibliothèque. Celle-ci devait pouvoir s'intégrer aux ensembles immobiliers créés par le plan d'urbanisme en cours de réalisation en 196I. Il fallait aussi prévoir des possibilités d'extension future, ce qui explique le choix de l'emplacement.

Commencés en 1964, les travaux furent achevés fin 1965. Construit sur le terrain d'un jardin public, le bâtiment est situé au centre actif de la ville, en bordure d'une avenue très fréquentée. Néanmoins, le cadre de verdure a l'avantage d'assurer le calme aux salles de lecture et de travail du rez-de-chaussée et de l'étage, d'autant plus que, sur ce terrain assez vaste, l'architecte avait la latitude d'orienter celles-ci.

La façade de l'entrée, orientée au nord, sur l'avenue du Vercors, présente une large vitrine où le portrait de Paul Éluard est entouré de reproductions d'œuvres artistiques et des jaquettes des derniers ouvrages acquis par la bibliothèque. Perpendiculaire à la précédente, la façade ouest, sur la rue Henri-Barbusse, élève ses trois niveaux de magasins au-dessus d'un rez-de-chaussée occupé par la section enfantine et la salle des « entrées ». Cette façade des magasins est constituée d'éléments en béton curieusement placés en dents de scie, l'éclairage venant par d'étroites ouvertures verticales vitrées orientées au nord.

L'ensemble du bâtiment est constitué de deux parties en angle droit. Dans cette bibliothèque qui a également un toit en terrasse, les lignes générales de la silhouette sont heureusement brisées par la différence de niveau entre les deux ailes. Services publics et services intérieurs sont répartis judicieusement en fonction de la disposition générale des lieux et compte tenu des circuits de liaison.

Le public pénètre dans la bibliothèque par l'entrée de l'avenue du Vercors. Le hall se prolonge à droite par un emplacement réservé aux expositions, les vitrines murales étant visibles du dehors. Dans le prolongement de l'entrée s'ouvre la salle de prêt des adultes. A droite de la porte, la banque de prêt a vue à la fois sur cette salle et sur celle des enfants, située dans la partie droite du bâtiment. A la charnière des deux ailes, un bloc sanitaire propre à chacune des salles communique directement avec elles. Par les baies éclairant la salle de prêt des adultes, on aperçoit la terrasse, qui surplombe les pelouses du jardin public. A l'extrémité du bâtiment, une salle des « entrées », avec accès sur la rue Henri-Barbusse, sert à la réception et à la manutention des ouvrages. Un escalier et un ascenseur conduisent aux étages supérieurs des magasins. Un monte-livres complète l'installation.

Empruntant l'escalier du hall d'entrée, on débouche sur le palier de l'étage supérieur, dont les murs et les cloisons sont garnis de vitrines d'expositions permanentes, éclairées par des spots lumineux. Une tapisserie de Lurçat est mise en valeur par une batterie de projecteurs. Des plantes vertes ajoutent une note de fraîcheur à l'ensemble, donnant aux lieux un caractère accueillant. A l'extrémité du palier, toujours en façade du bâtiment, on trouve le bureau du bibliothécaire, à la jonction de la salle de travail et des magasins, ce qui facilite les rencontres avec les lecteurs et, dans une certaine mesure, la surveillance des réserves.

La salle de travail, isolée du bruit de l'avenue par sa situation sur le parc, peut recevoir 25 lecteurs. En liaison directe avec les magasins, elle comprend des rayonnages pour usuels et périodiques, un bureau de contrôle et des meubles pour fichiers. Le toit en terrasse permet un éclairage zénithal de la partie centrale de la pièce par des lanterneaux plastiques. Un groupe sanitaire complète l'équipement de l'étage.

Sur une surface totale de 780 mètres carrés, les trois niveaux de magasins occupent 300 mètres carrés et sont conçus pour recevoir 50 000 volumes. A l'aplomb des magasins, un sous-sol partiel abrite la chaufferie, la soute à mazout, une machinerie d'ascenseur, un vestiaire, des toilettes et des douches pour le personnel 2.

Au moment de son inauguration, la nouvelle bibliothèque Paul Eluard comptait II 323 ouvrages, dont 5 346 romans et 2 490 livres d'enfants, et 2 600 lecteurs inscrits. Au cours de l'année 1965, elle a totalisé 25 660 prêts et 500 nouveaux lecteurs. Pour le premier semestre de 1966, on a les chiffres suivants : 571 inscriptions de lecteurs et 30 677 prêts - II 742 pour les romans, 3 150 pour la culture générale et 15 785 à la section enfantine. L'effort effectué pour susciter l'attention du public semble porter ses fruits, si l'on en juge par une statistique établie lors d'une journée de prêt, en février 1966. Sur 158 usagers de la section des adultes, on a dénombré 47 ouvriers et employés, II enseignants, 41 lycéens et étudiants, 10 artisans, 1 commerçant, 1 profession libérale, 2 maraîchers, 8 retraités et 35 « ménagères ». En juillet 1966, les 3 058 lecteurs inscrits se répartissent de la façon suivante : 1 475 adultes, 224 étudiants, 607 jeunes gens de 16 à 20 ans, 752 enfants de moins de 16 ans. Ces derniers comptent pour 24,8I % du total des lecteurs; on relève ensuite 20 % de lycéens de 16 à 20 ans, 14,85 % de « sans profession » qui englobent sans doute une partie des lectrices; II,45 % sont ouvriers, II % employés, les étudiants venant ensuite avec 7,39 % et les cadres moyens avec 6,18 %. Au 31 décembre 1966, la situation montre une progression constante : 3 584 lecteurs et 52 084 prêts effectués pendant l'année, soit deux fois plus qu'en 1965. Ces chiffres sont révélateurs du pouvoir attractif des bibliothèques neuves auprès des différents publics, dont certaines catégories restées jusque-là peu perméables à la lecture publique.

Ces deux réalisations apportent la preuve du succès que peut rencontrer la lecture dans le grand public lorsque la publicité est bien faite et le local accueillant. Elles témoignent de l'activité de municipalités conscientes des besoins créés sur le plan culturel par l'extension de leurs communes. En effet, les villes de Fontaine et Saint-Martin-d'Hères voient leur population augmenter du fait de leur proximité de Grenoble, d'industries en cours d'implantation et, pour Saint-Martin-d'Hères, de la mise en place d'un vaste campus universitaire qui groupera plus de 20 ooo étudiants. Ces deux nouvelles bibliothèques municipales arrivent donc à temps pour faire face à la situation actuelle.

Note technique sur les bâtiments et leurs aménagements intérieurs 3

Les deux bibliothèques ont le même mode de construction. Les murs des façades reposent sur des semelles filantes en béton armé et les piliers de soutènement sur des semelles isolées; à Fontaine, le bâtiment des magasins est fondé sur radier. L'ossature est en béton armé avec remplissage en moellons d'agglomérés creux. Un vide sanitaire est prévu sous la partie « bibliothèque ». A Fontaine, le niveau supérieur de la partie du bâtiment accessible au public a des façades en « murs rideaux ». Les murs sont en béton banché, la face intérieure recevant un doublage en briques plâtrières avec création d'un vide d'air et un enduit au plâtre. A Fontaine, l'ensemble des façades a reçu un enduit de cimentholithe lavée de ton beige, fortement mis en valeur par le bleu des allèges des « murs rideaux », le marbre de l'entrée et la verdure du parc. Les planchers sont du type à nervures en béton armé préfabriquées avec hourdis d'agglos creux et calculés en fonction des différentes surcharges; ceux des magasins sont en dalles pleines de béton armé. La toiture en terrasse reçoit une étanchéité multicouche sur forme de pente en béton maigre; l'isolation thermique est assurée par des panneaux rigides de stillite; elle est protégée par un lit de gravillon lavé de 5 cm d'épaisseur. La hauteur de plafond des salles de lecture est de 3,20 m, celle des magasins de 2,30 m à Fontaine; celle des magasins de Saint-Martin-d'Hères est de 2,50 m au rez-de-chaussée et de 2,20 m au niveau supérieur.

Les cloisons et murs intérieurs ont reçu un enduit de plâtre lissé et une peinture glycérophtalique. A Fontaine, les murs du hall d'entrée sont rehaussés par les coloris d'un lambris en sipo. L'utilisation de peinture claire, de teinte neutre, sur les murs, met en valeur l'ensemble du mobilier, de manière à donner une unité au cadre des salles. A Fontaine, les plafonds sont en plaques « Dewton » constitués d'un revêtement acajou sur un support d'agglomérés ; à Saint-Martin-d'Hères, les salles de lecture ont un plafond « Isoson » pour assurer l'isolation phonique. Les revêtements de sol ont été choisis en fonction de l'usage qui leur est destiné : du linoléum à Saint-Martin-d'Hères, de 4 mm dans les salles publiques et le bureau de la bibliothécaire, de 3 mm dans les magasins; à Fontaine, les sols des salles publiques sont revêtus de caoutchouc pour éliminer les bruits tout en offrant une excellente résistance à l'usure, les magasins sont équipés de linoléum de 3,5 mm; dans les deux bibliothèques, on a utilisé le marbre pour le hall d'entrée. A Fontaine, le sol est habillé de dalles de marbre de Venise, finement nervuré, de teinte beige orangé. A Fontaine également, l'escalier utilisé par le public a des marches en dalles de pierre et une main courante en sipo verni supportée par un garde-corps métallique décoratif. Les blocs sanitaires sont revêtus de carrelage en grès cérame avec habillage des murs en faïence et plinthes à gorge.

Les ouvertures ont des châssis basculants en chêne à Saint-Martin-d'Hères; à Fontaine, les châssis sont pivotants et en aluminium, dans les salles publiques, métalliques avec ouvrants à la française dans les magasins. La protection solaire est assurée par des stores vénitiens à Saint-Martin-d'Hères; à Fontaine, on utilise des stores vénitiens sur la façade nord et des volets roulants en bois de pin d'Orégon verni sur la façade sud.

Les portes d'entrée principale et, à Fontaine, la vitrine extérieure et les portes intérieures des salles publiques sont en glace « Sécurit »; à Saint-Martin-d'Hères, les portes intérieures, type isoplane, pleines ou vitrées, ont les faces donnant sur les salles publiques traitées en placage sipo verni.

L'éclairage naturel des salles est renforcé par des lanterneaux en plastique, du type « skydômes », de forme ronde, donnant un relief supplémentaire au plafond et faisant jouer la lumière. La lustrerie a été choisie pour assurer un niveau d'éclairage étudié afin d'éviter la fatigue de la vue. A Saint-Martin-d'Hères notamment, les salles de lecture sont équipées de diffuseurs « holophane » à verrerie traitée; des appliques supplémentaires, à fenêtres prismatiques, ont été placées dans la salle de travail en éclairage d'appoint; les magasins sont éclairés par des hublots en fonte, du type « holophane ». A Fontaine, on la tenu compte aussi des impératifs esthétiques; la lustrerie est en forme de corolles inversées, de ton cuivré s'harmonisant parfaitement avec le bois des plafonds; la suspente est assurée par un fil électrique apparent plastifié blanc; les locaux de service sont éclairés par des hublots en fonte étanche.

Le chauffage des locaux se fait par le sol. A Saint-Martin-d'Hères, l'appareillage est installé dans le bâtiment contigu à la bibliothèque, le chauffage étant assuré par circulation d'eau chaude à basse pression; les corps de chauffe sont, d'une part, des plinthes chauffantes dans l'ensemble des locaux et, d'autre part, des radiateurs, du type « Runthal », placés contre le mur du magasin du rez-de-chaussée et du bloc sanitaire. A Fontaine, le chauffage est obtenu par des serpentins noyés dans le sol, les salles publiques recevant un apport supplémentaire par un réseau de plinthes chauffantes, ce qui laisse la libre utilisation des parements de murs pour des rayonnages ou des tableaux.

L'ascenseur de la bibliothèque de Fontaine est installé en gaine lisse; il est muni de portes palières avec oculus vitré; sa vitesse est de 0,70 m/s, sa charge de 500 kg.

En ce qui concerne le mobilier intérieur, tous les éléments sont en menuiserie bois, essence sipo et chêne, de finition traitée en ébénisterie. On a étudié le choix du point de vue fonctionnel de manière à trouver de la place pour le rangement et des zones d'exposition de revues adaptées aux dimensions des ouvrages. L'emploi du bois, dans la décoration intérieure, a permis de créer une ambiance accueillante, tout en conservant un aspect simple et un prix de revient normal.

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Bibliothèque municipale de Saint-Martin d'Hères

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Bibliothèque municipale de Fontaine