Nécrologie

Paul Perrier (1886-1965)

Suzanne Solente

Paul-Frédéric Perrier est né à Ancenis, le 6 janvier 1886. Après de brillantes études classiques, couronnées par une licence ès lettres, il entra à l'École des chartes, en 1907, et en sortit second de sa promotion, avec le titre d'archiviste paléographe, le 10 février 19II. Sa thèse Histoire du district d'Ancenis (1788-18oo) fut signalée au ministre de l'Instruction publique comme « particulièrement remarquable » et lui valut le prix Auguste Molinier. Il entra au Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, dont il fut nommé bibliothécaire le 3I décembre 1920. Il devait y rester pendant presque toute sa carrière qu'il acheva au Département des entrées. Dès l'âge de soixante ans, il prit sa retraite; il était officier de l'Instruction publique depuis 1936.

Passionné pour l'histoire, à laquelle il consacra sa vie, il se refusa toujours à se renfermer dans les limites d'une spécialisation. Il voulait avoir une vue synthétique, mais appuyée sur des connaissances précises, d'où son programme, scrupuleusement suivi, de lectures méthodiques, concernant, à tour de rôle, toutes les époques, lectures renouvelées périodiquement et augmentées d'ouvrages récemment parus. Jusqu'à son dernier jour, cet homme d'étude lut assidûment aux Imprimés, et toujours avec la même ardeur, les livres d'histoire possédés par la Bibliothèque nationale, enrichissant son esprit de faits et d'idées, tout en poursuivant ce qu'il appelait son « périple ». Dans sa jeunesse, il eut la fantaisie d'écrire un roman historique (Simple d'amour, contes et images d'autrefois. Paris, 1914, in-16). Plus tard, il publia d'importants ouvrages sur la philosophie de l'histoire : Artiste ou philosophe, étude sur le rôle opposé de l'art et de la philosophie dans la civilisation. Paris, 1924, in-16, et l'Unité humaine, histoire de la civilisation et de l'esprit humain. Paris, 193I, in-8° (t. I), plus un certain nombre d'articles au Mercure de France et à la Revue de Synthèse. Sa Grammaire de l'histoire, restée inédite, forme le ms. 13 271 des nouvelles acquisitions françaises de la Bibliothèque nationale.

Ce grand lecteur était doublé d'un voyageur intrépide, qui complétait sa culture livresque en poursuivant aussi son périple à travers le monde. A soixante-dix ans, prenant courageusement l'avion pour la première fois, il se rendit au Mexique et au Guatemala.

Son œuvre comme bibliothécaire est importante : en 1913, il publiait, dans le Bulletin du Comité (p. 32I et suivantes), un catalogue détaillé de chartes, lettres et pièces diverses, principalement relatives à Paris, aux arts et aux artistes (13II-1802), recueillies par le marquis de Laborde et formant les nouvelles acquisitions françaises 22 045 - 22 047; en 1924, il fit la table du tome XLVI du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (Bibliothèque de la Marine, suppl. ; La Rochelle, Nancy, 2e suppl.); il rédigea les notices des manuscrits dans le Catalogue de l'exposition de la Révolution française (janv.-mars 1928) ; mais surtout, il partage avec A. Vidier le mérite et l'honneur d'avoir donné au Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, une Table générale alphabétique des anciens et nouveaux fonds (n° I-33 264) et des nouvelles acquisitions (n° I-10 000), publiée de 193I à 1948, en six volumes in-8°. Ses connaissances encyclopédiques devaient lui permettre de mener à bien cet immense travail, si utile aux chercheurs et qu'il accomplit presque entièrement au bureau de la salle des Manuscrits; il y avait la charge de renseigner les lecteurs qui étaient heureux de bénéficier de la culture d'un homme qui savait tant de choses et dont la générosité et le désintéressement égalaient la science.

Le 28 décembre 1965, quelques jours avant d'atteindre ses quatre-vingts ans, Paul Perrier est mort subitement, alors qu'il se rendait à la Bibliothèque nationale pour sa séance de lecture quotidienne. Il a disparu en plein travail, arraché à ses études, laissant sa place vide, son livre encore ouvert et son périple inachevé.