Dix ans de documentation théâtrale dans le monde
La « Library-museum of the performing arts », département des arts du spectacle de la « New York Library », vient d'être inaugurée au « Lincoln Center ». Une telle réalisation, de conception moderne et dynamique, s'inscrit en fait dans la perspective de l'évolution générale des collections théâtrales pendant ces dix dernières années. Seront particulièrement étudiés : - les activités de la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle de la F.I.A.B. (travaux, publications, contacts internationaux depuis 1954); le VIIe Congrès international des bibliothèques-musées des arts du spectacle (Amsterdam, 5-9 septembre 1965); le développement et l'évolution des collections théâtrales (leurs caractéristiques telles qu'elles se dégageront de la 2e édition du Répertoire mondial des bibliothèques et musées des arts du spectacle); le « Lincoln Center : Library-Museum of the performing arts, New York Public Library » : bibliothèque d'étude, bibliothèque culturelle pour adultes et enfants, musée audio-visuel, centre de spectacles à la disposition immédiate des chercheurs, des amateurs, des spectateurs, des professionnels du spectacle.
Le septième Congrès international des bibliothèques-musées des arts du spectacle s'est tenu à Amsterdam au « Toneelmuseum » (Musée du théâtre), du 5 au 9 septembre 1965.
Ce congrès fut le digne couronnement des dix premières années d'activité de la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle, créée en 1954 sur la proposition de M. Julien Cain au sein de la F.I.A.B. et, depuis, animée par son actif président, M. André Veinstein, chargé des collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal.
A l'occasion de ce congrès et de cet anniversaire, en même temps que de la sortie prochaine d'une deuxième édition du répertoire des bibliothèques et musées des arts du spectacle et de la récente inauguration au « Lincoln Center » de la « Library-Museum of the performing arts », département (désormais extérieur) de la « New York Public Library » consacré aux arts du spectacle, nous présentons ici un rapide bilan des activités de la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle et un panorama schématique du développement et de l'évolution des collections théâtrales dans le monde au cours de ces dix dernières années.
I. Les activités de la section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle de la Fédérationinternationale des associations de bibliothécaires
Lien permanent entre les responsables des collections des arts du spectacle, la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle a pour but essentiel de favoriser les relations et les échanges entre établissements ou organismes qui se préoccupent de la documentation théâtrale sans distinction de statut : collections générales théâtrales au sein des grandes bibliothèques, musées, établissements qui vivent directement de l'activité des professionnels du spectacle (fonds d'archives attachés à un théâtre ou à une association professionnelle par exemple), collections privées spécialisées, organismes de documentation qui recueillent systématiquement les éléments du théâtre vivant, centres universitaires de documentation liés à des séminaires de facultés ou d'instituts, foyers de recherches avec centres d'expérimentation où recherche et pratique théâtrale vont de pair.
Pour un bref rappel des activités et travaux à mettre à l'actif de la Section au cours de la première décennie de son existence, sont à évoquer :
- le recensement, après enquête internationale, de plus de trois cents bibliothèques, musées et collections spécialisées dans le domaine des arts du spectacle (théâtre, danse, cinéma, cirque, mime, marionnettes, radio, télévision);
- la publication d'un répertoire bilingue (français-anglais) faisant connaître dans les grandes lignes la composition des fonds spécialisés recensés, en même temps que les renseignements d'ordre pratique souhaitables (noms des responsables, horaires d'ouverture, possibilités d'échanges, de prêt, de photographie, etc...), répertoire de quelque sept cents pages qui en est à sa deuxième édition 1;
- l'organisation d'un congrès international tous les deux ans (à Zagreb en 1954, à Bruxelles en 1955, à Paris en 1957, à Varsovie en 1959, à Paris en 196I, à Munich en 1963, à Amsterdam en 1965) dont les actes ont été publiés 2;
- la publication périodique d'un organe de liaison et d'information : Spectacles-documents (trois numéros par an insérés dans la revue Recherches théâtrales) 3;
- la collaboration régulière, grâce au concours de ses correspondants dans trente pays, à la Bibliographie internationale du théâtre, publiée en France dans la Revue d'histoire du théâtre ;
- une enquête internationale sur les fonds d'archives des photographes de théâtre;
- la préparation pour la revue Museum d'une étude, à paraître prochainement 4;
- l'élaboration d'un lexique multilingue des termes concernant la documentation théâtrale (travail en cours);
- le concours donné à l'Unesco pour l'établissement d'un catalogue international des films documentaires sur le théâtre 5.
La richesse de ce bilan traduit le besoin de coopération vivement ressenti par les responsables des collections spécialisées dans le domaine des arts du spectacle, soucieux de résoudre en commun les problèmes spécifiques souvent complexes qui se posent à eux : collecte de documents fugitifs issus du spectacle; valeur et authenticité du document par rapport à la « représentation »; 6 conservation et traitement de documents de toutes natures : documents d'archives (notes, lettres, livres de régie, conduites d'éclairage, etc.), textes imprimés (pièces, mémoires, études, articles de presse, programmes, affiches), documents iconographiques (gravures, dessins, photographies, maquettes de décors et de costumes), films, documents sonores (enregistrements sur disques ou bandes), objets divers (costumes, accessoires, « reliques », etc.).
La prise de conscience des problèmes particuliers aux collections spécialisées dans les arts du spectacle avait amené les Américains à constituer dès 1937 la première association nationale des bibliothèques théâtrales dont l'un des promoteurs fut George Freedley, conservateur des collections théâtrales de la « New York Public Library ». En 1960, l'Association des bibliothécaires français créait une section des bibliothèques-musées des arts du spectacle en même temps que l'URSS organisait une Association nationale des bibliothèques théâtrales et musicales. Deux autres associations nationales sont actuellement en projet, l'une en Yougoslavie, l'autre en Pologne.
Mais la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle a franchi une étape nouvelle depuis le Congrès de Paris de 196I en se préoccupant d'établir, au-delà d'une coopération en « milieu fermé », des contacts permanents et des liens coopératifs, tant avec les professionnels du spectacle (par le patronage de l'Institut international du théâtre) qu'avec les diverses catégories d'organismes de conservation : bibliothèques de toutes catégories (F.I.A.B.), bibliothèques musicales (A.I.B.M.), phonothèques (F.I.P.), cinémathèques (Fédération internationale des archives du film), et surtout musées (I.C.O.M.). C'est en effet à la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle qu'est revenue la mission de représenter les musées de théâtre au sein du Conseil des musées : à l'issue de la Conférence de l'I.C.O.M. à New York, en octobre 1965, la section a pris la charge d'élaborer une étude sur les problèmes posés par les maquettes construites d'architecture et de décors, valeurs artistiques à sauver.
Ces contacts avec les instances internationales groupant les organismes de conservation des différentes catégories de documents sont essentiels, car la diversité de nature des documents à traiter et à conserver est une des caractéristiques essentielles des collections théâtrales en même temps qu'un de leurs problèmes majeurs : leurs responsables se doivent d'être à la fois bibliothécaires, archivistes, documentalistes, muséographes. pour traiter et conserver les livres, les manuscrits, les archives, les coupures de presse, les documents photographiques, les films, les disques ou bandes sonores qui leur sont confiés. Chaque type de document est à traiter selon les exigences de sa nature, en respectant les normes usuelles conçues tant pour une meilleure conservation que pour une exploitation scientifique. La conjonction de ces éléments multiples soulève toutefois des problèmes d'un ordre très particulier, à telle enseigne que, dans le cycle de ses cours, l'École de bibliothécaires de la « Columbia University » à New York consacre une quinzaine de jours, tous les deux ans, à l'examen des problèmes spécifiques des collections théâtrales : c'est le « Theatre Workshop » dirigé par Mr George Freedley.
Par-delà la variété des documents, il importe en effet de recréer l'unicité de l'œuvre théâtrale et de présenter aux usagers les références à leur sujet de recherche dans les conditions les plus favorables à une exploitation rapide et efficace. L'étude de ce problème et la mise au point d'un système de référence et de catalogage a été l'une des préoccupations majeures du Service des collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal au cours des dernières années : les résultats en ont été soumis aux membres de la Section internationale dans la première édition de Bibliothèques et musées des arts du spectacle et à l'occasion des divers congrès 7. Les principes généraux du Code de catalogage et de références de l'iconographie théâtrale adoptés en 1960 ont déjà été exposés dans ce Bulletin 8 : ils ne représentent qu'une des phases de l'évolution à atteindre, l'objectif final étant un catalogue de synthèse répertoriant des documents de toute nature et qui - étant le résultat d'une politique concertée à tous les stades du traitement des documents (inventaire, bulletinage, cotation, etc...) - s'organiserait autour des quatre notions fondamentales de personnalité, de « lieu théâtral », de « spectacle » (situé et daté), de « thème » ou « concept » se référant au théâtre, notions à partir desquelles s'établit une codification très précise du choix de vedettes : vedettes de noms de personnes, vedettes topographiques, vedettes de spectacles, vedettes thématiques.
Mais il serait trop long de pousser plus avant cette évocation de problèmes techniques complexes pour lesquels des confrontations d'expériences très fructueuses ont eu lieu au cours des sept congrès internationaux tenus par la Section internationale depuis sa création. Nous nous bornerons à donner plus loin la liste des communications présentées lors du récent Congrès d'Amsterdam.
II. Le septième congrès international des bibliothèques-musées des arts du spectacle (Amsterdam, 5-9 septembre 1965.)
Le Congrès d'Amsterdam réunit soixante-quatre participants venus de dix-sept pays : République démocratique allemande, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suisse, Turquie, Yougoslavie.
Plusieurs associations ou organismes internationaux avaient envoyé des délégués : l' « International Council of Museums » (I.C.O.M.), l'Institut international du théâtre (I.I.T.), la Fédération internationale de la recherche théâtrale, la Fédération internationale de la documentation (F.I.D.), l'Association internationale des bibliothèques musicales (A.I.B.M.), la Fédération internationale des phonothèques (F.I.P.).
Le Comité exécutif de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires était représenté par le secrétaire général de la Fédération, M. Thompson.
L'organisation du congrès avait été assumée par le Centre néerlandais de l'Institut international du théâtre (15 Nieuwe Vitleg, la Haye), sous la direction du Dr Wagener, avec le concours de ses collaborateurs et plus particulièrement de M. H. V. Bosman, bibliothécaire du Centre, qui, lors du précédent congrès de la Section, à Munich en 1963, avait posé le problème de la Documentation dans les centres nationaux de l'Institut international du théâtre.
Les réunions de travail eurent lieu au Musée du théâtre d'Amsterdam, fort agréablement aménagé sur trois étages dans un de ces vieux hôtels qui bordent l'Herrengracht, à proximité du Dam.
Les communications présentées au cours des séances de travail traitèrent plus particulièrement de la conception des catalogues dans les collections théâtrales et des problèmes concernant les documents sonores :
- les Collections générales de théâtre et leurs fichiers, par Cécile Giteau (Bibliothèque nationale, Paris);
- les Collections générales de théâtre et leurs fichiers : Intérêt de l'information théâtrale tirée de la presse quotidienne, par Mme Marthe Besson (C.N.R.S., Collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris);
- les Collections générales de théâtre et leurs fichiers : fiches d'orientation, par Monique Girardin (C.N.R.S., Collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris);
- Documentation iconographique et authenticité théâtrale, par Marie-Françoise Christout (Collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris);
- la Classification décimale universelle et le théâtre, par MM. E. Öhman et G. A. Lloyd (F.I.D.) ;
- la Collection théâtrale de l'Ohio State University : une collection de bandes de films fonctionnelle et didactique, par John Mc Dowell (Columbus, Ohio, U.S.A.);
- la Radio et l'art dramatique, par Mme Lise Caldagues (O.R.T.F., Paris);
- Organisation d'une discothèque : problèmes de conservation et de catalogage, par Mme Nikolic (Musée d'art théâtral, Belgrade);
- Archives sonores et de films des représentations théâtrales aux Pays-Bas, par W. J. Sutherland (Musée du théâtre, Amsterdam);
- Valeur documentaire des enregistrements de pièces ou d'extraits de pièces, par Racko Jovanovic (Musée du Théâtre national de Belgrade).
D'autres communications d'ordre général furent présentées traitant plus particulièrement des problèmes de coopération et de coordination entre les différents organismes de documentation théâtrale et entre diverses instances internationales, exposés qui orientèrent les résolutions adoptées à l'issue du congrès. Ces résolutions concernent essentiellement :
I° Le vœu que soit désigné auprès du Comité de la Section internationale des bibliothèques-musées des arts du spectacle un délégué permanent de la Fédération internationale des phonothèques, de l'Association internationale des bibliothèques musicales, de la Fédération internationale des archives du film.
2° L'étude des moyens susceptibles de favoriser la création d'associations nationales de bibliothèques-musées des arts du spectacle et de centres de documentation relevant des centres nationaux de l'Institut international du théâtre. Rapporteurs : M. Janic (Yougoslavie), M. Hont (Hongrie).
3° La constitution de trois commissions de bibliographie relatives :
a) à l'établissement d'une bibliographie théâtrale de base, en liaison avec l'Institut international du théâtre (Proposition de MM. Hainaux et Mennes, Centre belge de l'I.I.T.);
b) à la rédaction du Répertoire international des sources musicales pour le théâtre lyrique, en collaboration avec l'Association internationale des bibliothèques musicales. Rapporteur : Dr Von Gleich (Département de la musique du Musée municipal de la Haye);
c) à l'établissement d'une bibliographie des documents iconographiques concernant l'Opéra. Rapporteur : Dr Hellmuth Christian Wolff (République démocratique allemande).
III. Développement et évolution des collections théâtrales
La deuxième édition de Bibliothèques et Musées des Arts du spectacle dans le monde, qui va prochainement paraître aux éditions du C.N.R.S., atteste la croissante vitalité des collections théâtrales et permet de définir les grandes lignes de leur développement et de leur évolution au cours de ces dernières années : enrichissement des fonds déjà recensés, création de nouvelles collections spécialisées, remaniements administratifs divers tendant à s'adapter aux exigences de la documentation théâtrale.
L'accroissement des collections déjà recensées a connu dans l'ensemble un rythme accéléré, et la plupart des notices de ce répertoire comportent d'importantes additions par rapport à la première édition. Ces enrichissements tiennent à des causes diverses : afflux de collections nouvelles, perspectives ouvertes à la documentation théâtrale par le développement des moyens audio-visuels, rapports plus étroits avec l'Université, amorce d'un mouvement de diffusion culturelle par les arts du spectacle auprès du grand public.
I. Afflux de collections nouvelles :
De nouvelles collections provenant, soit de théâtres, soit de personnalités liées au monde des spectacles, augmentent quotidiennement le patrimoine des organismes de conservation consacrés aux arts du spectacle; exemple tout proche de nous, les Collections théâtrales de la Bibliothèque de l'Arsenal, dans le seul mois de novembre 1965, se sont enrichies par legs ou dons :
a) des archives du Théâtre des Nations (don A.-M. Julien) dont l'activité vient de cesser après dix saisons d'intense production au cours desquelles les spectacles se sont succédé à un rythme étourdissant;
b) des archives du Théâtre de l'Ambigu condamné à la démolition, mesure au sujet de laquelle se déchaînent de très vives controverses;
c) de la bibliothèque personnelle et des manuscrits de Paul Blanchart, auteur dramatique et historien de théâtre, tout récemment disparu;
d) de la collection Guillot de Saix, auteur dramatique et critique, léguée par testament;
collections qui s'ajoutent, pour ne parler que des plus importantes, aux archives du Théâtre des Variétés, aux collections Gordon Craig, André Antoine, Georges Pitoëff, Gaston Baty, Louis Jouvet, Jacques Copeau, René Jeanne, René Fauchois, acquises au cours de ces dix dernières années.
2. Perspectives nouvelles ouvertes à la documentation théâtrale par le développement des moyens de conservation et de diffusion audio-visuels.
Devant les nouvelles possibilités offertes par les documents audio-visuels, d'heureuses initiatives ont été prises par certains pays au cours de ces dernières années :
- en France, rappelons que la Bibliothèque de l'Arsenal a, depuis 1960, entrepris la constitution d'un fonds de diapositives en couleurs de maquettes de décors et de costumes pour le théâtre contemporain : 6 ooo diapositives y figurent actuellement en double exemplaire. De plus, une discothèque spécialisée est en voie de constitution;
- en Suède, la section des archives sonores de l'Université de Göteborg procède systématiquement à l'enregistrement des pièces représentées au Théâtre municipal et dans les autres théâtres de la ville, ainsi que des représentations de certaines pièces suédoises et étrangères données à Stockholm;
- aux Pays-Bas, l'Union des comédiens néerlandais a pris l'initiative de constituer des archives sonores et filmées des spectacles hollandais (théâtre, ballet, music-hall). L'Institut qui vient d'être créé à cet effet aura son siège au Musée du théâtre d'Amsterdam, de façon que les archives sonores ne soient pas séparées des documents de toute nature relatifs à ces mêmes spectacles (programmes, photographies, coupures de presse, maquettes, etc.);
- dans bien des pays, il est procédé à l'enregistrement des spectacles les plus importants pour les grands théâtres nationaux : en France, pour la Comédie Française; en Tchécoslovaquie, pour le Théâtre national de Prague; en Yougoslavie pour l'Opéra national de Belgrade, etc.
Un peu partout dans le monde, des phonothèques d'archives sonores dramatiques se développent au sein des organismes de radio et de télévision : la phonothèque de l'O.R.T.F. est, à cet égard, particulièrement riche.
3. Rapports plus étroits avec l'Université.
En bien des pays, des chaires de théâtre se créent. Aux États-Unis, le développement pris par l'enseignement universitaire du théâtre (historique, théorique et pratique) est considérable; ce mouvement a été conçu le plus souvent avec le concours étroit des représentants des grands centres de documentation sur les spectacles, les bibliothèques elles-mêmes étaient fréquemment dirigées par les titulaires des chaires d'enseignement du théâtre, les groupes d'études sollicitant des bibliothèques et des musées la documentation exigée par leur programme de travaux. Pour ne citer que quelques exemples :
- à la « University of Southern. California » (Los Angeles), un Centre des arts du spectacle va prochainement regrouper l'ensemble des documents concernant la musique, le cinéma, la radio et la télévision, jusqu'alors dispersés dans les différentes bibliothèques du campus;
- à l'Université de Yale (New Haven, Connecticut), la « Yale theatrical prints Collection » comporte 80 000 documents iconographiques, photographies prises d'après les originaux au cours de voyages en Europe; il s'agit d'un véritable laboratoire d'études pour les étudiants en histoire du théâtre qui cataloguent eux-mêmes les documents au fur et à mesure de l'avancement de leurs travaux de recherches;
- à l' « Ohio State University » (Columbus, Ohio), le centre de documentation théâtrale fonctionne aussi comme un laboratoire de recherches : la plupart des travaux se font sur microfilms; ceux-ci sont, cependant, pour les documents iconographiques, catalogués image par image de façon que, par le jeu des entrées multiples au fichier, des rapprochements s'établissent spontanément entre les documents.
Ces différents établissements sont des exemples vivants des échanges féconds qui peuvent intervenir entre la recherche et la documentation.
4. Amorce d'un mouvement de diffusion culturelle par les arts du spectacle auprès du grand public.
C'est en URSS, à vrai dire, que ce mouvement de diffusion culturelle par les arts du spectacle est le plus sensible : les bibliothèques-musées du théâtre, au nombre de huit dans la seule ville de Moscou, s'orientent de plus en plus vers des tâches éducatives. Ce sont les collaborateurs des bibliothèques et des musées de théâtre qui prennent l'initiative d'organiser des tournées de conférences dans les usines, de prévoir, en liaison avec les programmes d'enseignement général, des conférences pour la jeunesse, d'organiser des expositions circulantes dans les usines et en milieu rural, de provoquer des rencontres-débats entre les artistes et le public.
En France, l'activité des maisons de la culture est encore jeune, cependant cette orientation se manifeste déjà de façon positive à l'occasion d'organisation d'expositions.
L'initiative de la Bibliothèque municipale de Toronto, au Canada, est intéressante à signaler : la section théâtrale est ouverte depuis novembre 196I; elle possède des documents de toute nature concernant les divers arts du spectacle. Mais, fait particulier, elle prête les textes de pièces en multiples exemplaires pour les groupes de lecture-spectacles, et dispose d'un théâtre de deux cents places qu'elle loue à des troupes d'amateurs.
Aux États-Unis, des sections spécialisées se créent au sein des bibliothèques municipales qui apportent d'autre part un soin plus attentif à recueillir, sur le plan local, les documents concernant les spectacles : programmes, photographies, coupures de presse, archives de théâtres ou de troupes, etc... Un mouvement analogue se dessine en Allemagne et tend à s'étendre aux autres pays, grâce à l'action, semble-t-il, des différentes associations de bibliothécaires spécialisés.
5. Création de nouveaux fonds.
Au cours de ces dernières années, les fonds créés répondent à des objectifs divers : souci de sauver des valeurs artistiques éminemment périssables (« The British Theatre Museum » à Londres, le Musée du théâtre à Helsinki), de répondre aux besoins de plus en plus étendus des étudiants et des chercheurs (« Istituto di Musica, lettere e teatro della Fondazione Giorgio Cini », et « Istituto di studi teatrali » à Venise), de faciliter la diffusion de la culture (Centre international de documentation sur les arts du spectacle, CIDAS, à Bruxelles), de préparer les jeunes aux métiers du spectacle (Institut national supérieur des arts du spectacle et techniques de diffusion, à Bruxelles), et, pour de nombreuses collections créées dans le cadre de la plupart des stations de radio et de télévision, de fournir à leurs collaborateurs la documentation d'utilisation immédiate dont ils ont besoin.
6. Remaniements administratifs divers tendant à s'adapter aux exigences de la documentation théâtrale.
Bien des remaniements administratifs sont intervenus au cours de ces dix dernières années dans les établissements qui ont la charge des collections théâtrales. Il s'agit essentiellement :
- d'une part, de la constitution de sections spécialisées à l'intérieur d'établissements généraux, grandes bibliothèques municipales ou universitaires, soit qu'elle marque une étape importante du développement des collections théâtrales (Cf. supra, Section théâtrale de la « Toronto Public Library »), soit qu'elle conditionne le regroupement de fonds dispersés, en vue d'une meilleure exploitation par les spécialistes (Cf. supra, « University of Southern California », Los Angeles);
- d'autre part, de l'indépendance acquise ou imminente de sections importantes. Citons pour les États-Unis : le Centre des arts du spectacle de l'Université de la Californie du Sud, à Los Angeles, les Archives de danse, de musique et de théâtre de l'Université de Floride à Gainesville, enfin, la Bibliothèque-musée de la « New York Public Library » dont l'inauguration a eu lieu tout récemment.
Cette dernière réalisation, créée dans le souci d'une meilleure adaptation aux exigences actuelles de la documentation théâtrale, mérite une étude plus approfondie : selon la courbe d'évolution précédemment esquissée, bibliothèque et musée, organisme de documentation et bibliothèque se rejoignent avec un rayonnement accru auprès du public, grâce à l'emploi des moyens les plus modernes de communication et de diffusion.
IV. Le « Lincoln Center Library-Museum of the Performing Arts » (Département des arts du spectacle de la « New York Public Library ».)
Ce fut en 1931, à la suite du don David Belasco, que la « New York Public Library », décida la création d'une section administrative distincte pour les collections théâtrales. En 1933, une partie de la salle nord de la bibliothèque centrale fut cloisonnée pour servir de salle de lecture à ce département. En 1965, les livres et périodiques concernant les arts du spectacle, incorporés jusqu'alors dans le fonds général de la « New York Public Library », en ont été retirés pour faire mouvement vers le « Lincoln Center », et, constituer avec la documentation théâtrale proprement dite (programmes, affiches, coupures de presse, livres de régie, maquettes de décors et de costumes, archives, etc) la « Library-Museum of the Performing Arts », réalisation d'une conception dynamique parfaitement adaptée aux exigences actuelles de la documentation théâtrale, et dont l'inauguration eut lieu en novembre 1965.
C'est en plein cœur de Broadway, entre la 62e et la 66e rue, sur une vaste superficie de près de 6 hectares, que la ville de New York décida d'ériger le « Lincoln Center for the Performing Arts », centre qui devait regrouper avec les grands théâtres tout ce qui concerne la recherche, la culture, la formation en matière d'arts du spectacle. Dans ce vaste ensemble, aux proportions imposantes, aux lignes dépouillées, se détachent, au-dessus du niveau de la chaussée de circulation, sur une spacieuse esplanade dallée, quatre grands édifices :
I. Le « Philharmonic Hall » inauguré en septembre 1962, est le siège du « New York Philharmonie » (le plus ancien orchestre des États-Unis) ainsi que du Festival du film de New York (« New York Film Festival »). La salle compte 2 658 places.
2. Le « New York State Theater », ouvert depuis avril 1964, est réservé aux spectacles de danse, d'opérette et de comédie musicale donnés par le « New York City Ballet » et le « Music Theater of Lincoln Center » (Dir. Richard Rodgers). Les compagnies étrangères, en représentation à New York, peuvent également y présenter des spectacles. La salle compte 2 729 places.
3. La « Metropolitan Opera House » (3 800 places), en voie d'achèvement, sera inaugurée au cours de 1966 : ce sera le nouveau siège de la « Metropolitan Opera Company » qui, pour quelques mois encore, se produit dans le vieux « Met », édifice cher aux New-Yorkais, élevé en 1883 dans le Style de la Renaissance italienne entre la 39e et la 40e rue.
4. Le « Vivian Beaumont Theater », tout récemment inauguré, est le théâtre de répertoire du « Lincoln Center » : sous la direction artistique de Robert Whiteheald et d'Elia Kazan, y seront interprétées des œuvres dramatiques classiques ou contemporaines; la salle comporte 1 100 places. De plus, un petit théâtre d'essai de 290 places donnera ses chances au théâtre d'avant-garde et au théâtre expérimental.
La « Library-Museum of the Performing Arts » est située dans le même bâtiment que le « Vivian Beaumont Theater ». Bien qu'ayant quitté la 42e rue pour s'intégrer dans le Centre des Arts du spectacle, elle n'en est pas moins restée un département de la « New York Public Library ».
Ce complexe bibliothèque-musée comprend :
- trois « research libraries », correspondant à trois sections : musique, danse, théâtre et autres arts du spectacle;
- un musée, de caractère audiovisuel, avec dispositifs pour expositions permanentes ou temporaires;
- un centre de prêt, pour livres et disques, annexé à une « browsing room »;
- un auditorium de 200 places équipé pour donner des concerts, des récitals, des conférences et présenter éventuellement des films et des pièces de théâtre;
- une section pour enfants comportant, outre la bibliothèque proprement dite, une petite salle de forme ovoïde (children's oval) pour la présentation de spectacles de marionnettes (100 places).
Les salles de travail des sections « théâtre », « danse », « musique », sont toutes trois juxtaposées sur le même étage, dans la même ambiance feutrée de moquette rouge, sous une lumière diffuse, avec leurs tables de bois clair aux piétements de métal noir devant lesquelles s'alignent de confortables fauteuils d'un orange quelque peu agressif.
Chaque section comporte outre sa salle de travail, une petite salle pour chercheurs de marque et son propre magasin. Les grands ouvrages de références, les encyclopédies et dictionnaires, sont communs à l'ensemble des research libraries.
La salle de travail de la section « Théâtre » comprend 84 places, réparties en sept tables. Les magasins sont habilement disposés sur deux côtés du rectangle et un large guichet de distribution ouvre directement sur la salle assurant une surveillance discrète en même temps qu'une communication rapide. Des « usuels », en grand nombre, garnissent les rayonnages muraux qui tapissent le grand côté de la salle, mitoyen avec le magasin.
L'équipement mobilier des magasins se répartit de la façon suivante :
- rayonnages métalliques réglables pour livres, recueils factices, dossiers, etc.
- classeurs métalliques de quatre tiroirs, à classement vertical, pour programmes et coupures de presse rangés en dossiers suspendus, selon des rubriques alphabétiques.
- meubles à plans (tiroirs métalliques de grande largeur et de faible hauteur) pour les documents iconographiques (estampes, affiches, maquettes planes de décors et de costumes, dessins).
- casiers de différentes dimensions aménagés dans des rayonnages métalliques profonds pour maquettes construites et objets.
Il ne nous a malheureusement pas été donné de voir terminés le centre de prêt et les salles d'exposition.
Le centre de prêt pour livres (50 000), périodiques (125), enregistrements et disques (12 ooo), se situe au rez-de-chaussée, dans le grand hall qui jouxte l'entrée du Théâtre Beaumont. Y étaient prévus également le coin de lecture pour enfants et l'aire d'exposition pour le cirque.
Les salles d'exposition - outre les vitrines et panneaux prévus pour la présentation des maquettes construites, des objets, des documents - comportent maints dispositifs audiovisuels répondant à la sollicitation du visiteur qui, confortablement assis dans un fauteuil, pourra, selon son bon plaisir, obtenir la projection de diapositives de décors et de costumes ou écouter un enregistrement tout en déchiffrant la partition sur un écran, à moins qu'il ne préfère pénétrer dans la petite salle de projection réservée à l'art chorégraphique.
De cette « bibliothèque-musée » peuvent être augurées de très bonnes choses, d'autant que le New York Times du 24 novembre dernier nous apprenait que Shelby Cullom Davis venait de faire don d'un million de dollars pour y organiser des expositions.
Ajoutons, pour terminer, que ce vaste ensemble du « Lincoln Center » sera achevé en 1967 par le « Juilliard Building », édifice réservé à la formation professionnelle des artistes pour les différentes branches des arts du spectacle : la bibliothèque-musée se trouvera alors vraiment au centre du monde des spectacles, s'offrant aux spectateurs, aux amateurs, aux chercheurs et à tous ceux qui se consacrent à l'étude ou à l'exercice des divers arts du spectacle, attirant aussi les curieux qui souhaiteront, à n'en pas douter, connaître cette réalisation encore unique au monde.