Chronique des bibliothèques
Bibliothèque nationale.
Exposition Talleyrand
A l'occasion du cent cinquantième anniversaire du Congrès de Vienne, la Bibliothèque nationale a consacré à Talleyrand une exposition 1 que M. Christian Fouchet, ministre de l'Éducation nationale, a inaugurée le Ier décembre.
M. Dennery, administrateur général de la Bibliothèque nationale, souhaitait évoquer à la fois la multiple personnalité du prince diplomate, au cours d'une vie de quatre-vingt-quatre ans, et le rôle qu'il sut jouer dans la succession des régimes que connut la France de 1789 à 1830.
Sans s'éloigner de Talleyrand lui-même, l'exposition conduisait le visiteur d'un dix-huitième siècle qui connaît encore le plaisir de vivre, au règne bourgeois de Louis-Philippe, en présentant l'œuvre de la Révolution, les faiblesses du Directoire, la montée de Bonaparte, les fastes et les conquêtes de l'Empire, les sombres heures de 1814, l'Europe du Congrès de Vienne, la Révolution de 1830. Dans toutes ces péripéties, Talleyrand, tout en préservant sa personne, joua un rôle, sut prévoir et parfois susciter l'avenir. Des documents, provenant en particulier du Ministère des Affaires étrangères, des Archives autrichiennes, de collections privées, en portaient témoignage, que ce soit la correspondance personnelle largement représentée, ou les traités, mémoires et notes diplomatiques, des lettres impératives de Napoléon à son ministre, les rapports de Metternich ambassadeur à Paris, la photographie d'une lettre secrète du prince au tsar Alexandre, etc.
La vie privée était également présente : années de séminaire, relations féminines de jeunesse, mariage avec Mme Grand, alliance des Talleyrand Périgord avec la famille de Courlande, goût du jeu et de la spéculation et la difficile réconciliation avec l'Église à l'heure de la mort.
Parmi l'abondante iconographie qui provenait, en grande partie, de collections étrangères ou privées, il faut noter l'importante série de caricatures françaises et anglaises. Enfin, meubles, objets, costumes, souvenirs recréaient un peu du cadre somptueux de Valençay et Rochecotte.
Bibliothèques municipales.
Agen (Lot-et-Garonne).
Installation de la nouvelle bibliothèque. - Les locaux de la Bibliothèque municipale d'Agen, situés au rez-de-chaussée de la mairie, n'avaient guère bénéficié d'aménagements depuis le début du siècle.
Sous l'impulsion de M. l'Inspecteur général Masson, la municipalité avait envisagé depuis une dizaine d'années le principe d'une amélioration de la salle de lecture et du magasin de livres existant, à défaut d'un projet plus vaste de transfert de la Bibliothèque.
C'est donc d'après les projets de réorganisation étudiés par le Service technique de la Direction que les travaux ont commencé au mois de juin dernier, réalisant ainsi une partie du réaménagement.
Le hall d'entrée de l'ancienne bibliothèque a été conservé, en perdant son rôle de passage; une dactylo peut y travailler tout en accueillant les lecteurs et en assurant la consultation du Journal officiel.
Des portes de glace séparent ce vestibule de la section de prêt pour adultes, avec rayonnages muraux, d'accès libre, et banque de prêt. Dans cette salle sera également réservé un « coin » pour enfants.
La salle de lecture sur place devait être aménagée de l'autre côté du hall, mais en définitive elle occupe la salle voisine de la section de prêt, très calme et bien éclairée par des fenêtres donnant sur la cour intérieure de la Mairie. La découverte dans cette pièce d'un plafond aux poutres anciennes et d'une porte du XVIIe siècle murée a fait renoncer au projet d'y installer le magasin de livres. Les usuels, classés suivant le système Dewey, tapissent les murs et cinq tables de six lecteurs chacune s'avèrent à peine suffisantes le jeudi et à la sortie des lycées.
Les murs des deux salles sont crépis de blanc, « à l'ancienne », le sol est revêtu de Gerflex, l'éclairage comprend lampes incandescentes et tubes fluorescents. Le chauffage central est assuré par une chaudière extérieure, au gaz de ville.
Actuellement s'achève la mise en place de l'ensemble sanitaire. Un bureau supplémentaire donnant sur la cour de la Mairie permettra la réception des livres et leur équipement.
Il reste à envisager l'aménagement de la réserve des livres qui ne peut rester dans l'état actuel à cause de la place perdue d'une part, et de l'abaissement d'un plafond, dû à la transformation des Services municipaux, d'autre part.
Depuis l'ouverture des nouveaux locaux, le 21 octobre dernier, les entrées ont presque doublé ainsi que les prêts de livres. Tous les visiteurs et les lecteurs sont visiblement heureux de ces transformations.
L'inauguration a eu lieu devant de nombreuses personnalités agenaises. M. le Directeur des bibliothèques avait adressé un long télégramme qui fut lu par le conseiller délégué à la Bibliothèque, qui regrettait également l'absence de M. l'Inspecteur général Masson retenu à Paris en ce début d'année scolaire.
Exposition : Histoire du protestantisme en Agenais. - Le II décembre 1965, à l'occasion du centenaire de la Dédicace du Temple d'Agen, une exposition s'est ouverte au Musée sur l'Histoire du protestantisme en Agenais.
Elle rassemble des documents iconographiques, bibliographiques, des objets et des manuscrits, venus tant des archives que des bibliothèques et des musées.
La part des bibliothèques est particulièrement importante. A côté des envois généreusement consentis par la Bibliothèque nationale, on trouve des livres et des manuscrits prêtés par quinze bibliothèques de province.
Mais pour le nombre des ouvrages prêtés, la Bibliothèque municipale d'Agen vient en tête. Que ce soit pour illustrer l'état religieux de l'Agenais au XVIe siècle, la culture de Marguerite d'Angoulême, la parution des premières Bibles, ou les Humanistes et Réformateurs en Agenais, manuscrits, incunables et premières éditions sont sortis des réserves, à l'étonnement du public qui ignore la richesse du fonds de la Bibliothèque.
Quant aux livres de controverses qui se sont succédé au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, force a été de faire un choix sévère, faute de place dans les vitrines. La plupart de ces livres viennent des bibliothèques de couvents agenais, confisquées à la Révolution, et portent, lorsqu'il s'agit d'ouvrages réformés, la mise en garde « livre hérétique », ou « liber prohibitus ».
Au total, soixante-dix-sept documents ont quitté momentanément la Bibliothèque pour le Musée, où l'exposition se tient jusqu'au 31 mars.
Lille (Nord).
Inauguration de la nouvelle Bibliothèque. - Gravement atteinte par l'incendie qui ravagea en 1916 l'Hôtel de ville où elle était installée, la Bibliothèque municipale de Lille trouva alors abri dans la Bibliothèque universitaire. Elle y mena jusqu'à l'an dernier une vie « discrète », peu à la mesure de son passé (la Bibliothèque municipale a pris, en effet, la succession de la Bibliothèque du chapitre de Saint-Pierre de Lille, ouverte au public dès 1726), de la richesse de son fonds ancien heureusement sauvé du désastre, et de ses collections locales et générales patiemment reconstituées.
Différents projets pour une nouvelle bibliothèque ont été successivement étudiés mais ce n'est qu'en 1960 que les travaux de construction d'un bâtiment neuf ont été entrepris.
Ce bâtiment, élevé au centre de la ville sur un plan en T, comprend, sur rue, les services du public. Au rez-de-chaussée : salle d'exposition, salle de prêt, bibliothèque de « jeunes » que complète, en loggia, une salle d'heure du conte; à l'étage : une salle de périodiques et une salle de lecture encadrant une vaste salle de catalogue et, perpendiculairement à ces services, une tour « magasin » de 9 niveaux, flanquée au sud par 3 étages de bureaux.
La nouvelle Bibliothèque a été inaugurée le 6 novembre par M. l'Inspecteur général Caillet, représentant M. le Directeur des bibliothèques et de la lecture publique, empêché, en présence de M. Bleton, conservateur en chef au Service technique, de M. Augustin Laurent, maire de Lille, entouré de ses adjoints et des membres du Conseil municipal, de M. le Préfet du Nord et de personnalités civiles et militaires parmi lesquelles on notait la présence de M. Brun, inspecteur général honoraire des bibliothèques.
La cérémonie commença par la visite détaillée des locaux et en particulier des services du public, et se poursuivit par la présentation d'une exposition organisée pour la circonstance, dans laquelle, à côté de documents évoquant l'histoire de la Bibliothèque, étaient rassemblées les pièces les plus rares : manuscrits du XIIe au xve siècle, incunables, éditions des XVIe et XVIIe siècles, reliures, autographes (J.-J. Rousseau, A. Samain, etc...), documents d'histoire locale, cartes, imprimés lillois.
La visite terminée, M. le Maire remercia les personnalités présentes. M. le Bâtonnier Lévy, adjoint, délégué aux Affaires culturelles, retraça l'historique de la Bibliothèque, présenta la nouvelle Bibliothèque, évoqua son rôle et ses possibilités, dit l'intérêt que la municipalité porte au développement de la lecture, et en particulier fit état des projets pour l'expansion de la lecture publique. M. l'Inspecteur général Caillet félicita l'Administration municipale et l'assura de l'appui de la Direction des bibliothèques pour ses futures réalisations.
Mulhouse (Haut-Rhin).
Exposition annuelle des graveurs mulhousiens. - Le 8 décembre 1965, M. Émile Muller, maire de la ville de Mulhouse, a inauguré à la Bibliothèque municipale la quatorzième exposition annuelle des graveurs mulhousiens. Aux 9 artistes qui exposent 43 œuvres conçues et éxécutées dans l'année s'était joint leur invité d'honneur, Séverin de Rigné, qui présentait un bel ensemble de sept planches inspirées par des paysages de l'Espagne et du centre de la France.
Bibliothèques municipales de Paris.
Exposition : le Centenaire des bibliothèques municipales parisiennes 2.
Pour commémorer ce centenaire, des documents et des ouvrages concernant les bibliothèques municipales de Paris ont été présentées à la Bibliothèque Forney du 16 novembre au II décembre. Cette exposition avait un double but : illustrer les grandes lignes de la lecture publique à Paris et faire connaître quelques-unes des richesses insoupçonnées - et parfois inattendues - des bibliothèques municipales parisiennes.
Quelques documents marquaient les principales étapes du développement de la lecture publique, du colpoteur d'almanachs et des cabinets de lecture, particulièrement nombreux autour du Palais-Royal, offrant des ouvrages de qualité parfois médiocre, mais capables d'intéresser tous les publics, aux premières salles de travail des bibliothèques municipales de Paris.
Des bulletins et des rapports rappelaient l'activité des bibliothèques des Amis de l'Instruction et de la Société Franklin.
Divers documents (affiches, registres, cartes d'invitation à des inaugurations) relataient les différentes étapes de la création des bibliothèques. Une vitrine était consacrée à M. Ernest Coyecque, nommé chef de la Bibliothèque administrative et des bibliothèques municipales en 1913, et à M. Gabriel Henriot, inspecteur des bibliothèques municipales de 193I à 1940.
Des reproductions de gravures anciennes illustraient l'histoire de l'Hôtel de Sens depuis sa création par l'archevêque Tristan de Salazar, jusqu'à la restauration de l'édifice et l'installation dans ses murs de la Bibliothèque d'art et d'industrie Forney.
Une importante partie de l'exposition permettait de mettre en valeur quelques beaux livres appartenant aux collections des bibliothèques municipales. Celles-ci ne sont pas des bibliothèques de conservation, mais certaines d'entre elles, celle du 16e arrondissement par exemple, ont reçu des dons intéressants (collections Parent de Rosan et Pontas du Méril).
Quelques incunables, des ouvrages des 16e, 17e et 18e siècles, ou des autographes ont pu ainsi être présentés.
Marguerite Durand, l'animatrice bien connue de tout le mouvement féministe français, a fait don en 193I à la Ville de Paris de sa bibliothèque à laquelle elle avait consacré les dernières années de sa vie.
Les documents les plus intéressants de cette bibliothèque ont figuré à l'exposition, notamment la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d'Olympe de Gouges (1748-1793), d'amusantes suppliques aux États généraux des demoiselles du Palais-Royal et des dames de la Halle, et des affiches du journal La Fronde.
Des ouvrages d'enfants du XIXe siècle et des photographies des principales bibliothèques municipales actuelles ajoutaient une note de gaieté à l'ensemble.