L'information et la publicité des sujets de thèses déposés
Les thèses suscitent chez les chercheurs un intérêt croissant. Outre le problème de leur accès on s'attache aujourd'hui à résoudre celui de leur publicité, nécessaire d'une part au contrôle administratif des sujets de thèses déposés et d'autre part à l'information générale des chercheurs. Des projets sont à l'étude notamment dans le cadre des services administratifs des facultés des lettres et sciences humaines : des listes des sujets de thèses inscrits et agréés seraient établies mensuellement et échangées entre universités. En attendant que cette mesure devienne effective, il a semblé utile de dresser un bilan des initiatives prises dans divers domaines : histoire, géographie, pédagogie, langue et littérature allemandes, sciences juridiques et économiques, sciences, géologie
La situation actuelle dans le domaine des thèses de toute nature et de toutes disciplines continue de poser des problèmes aux utilisateurs, chercheurs, bibliothécaires et documentalistes. Le Catalogue des thèses et écrits académiques apporte bien les éléments d'information et d'identification par son relevé et sa table alphabétique, mais des difficultés se présentent fréquemment dès qu'il s'agit de la consultation : un seul exemplaire dans une seule bibliothèque, et même dans ce cas des « manques » sont constatés pour certaines thèses dont le dépôt n'a pas été effectué, ni sollicité avec suffisamment de fermeté par les secrétariats des facultés. L'obligation de l'impression des thèses principales de lettres et de sciences a bien apporté une amélioration, mais le problème demeure pour toutes les autres catégories. Est-il besoin de souligner l'intérêt, nouveau bien souvent, qui se manifeste pour ces travaux, auxquels on peut joindre les mémoires de tous genres (des Instituts d'études politiques en particulier, de l'École pratique des hautes études, de l'Institut français de presse, etc...) et les diplômes d'études supérieures ? Des revues, comme la Revue française de science politique et la Revue politique et parlementaire, leur consacrent des chroniques régulières, intéressantes par leur classement systématique et l'aspect interdisciplinaire des renseignements recueillis. Mais il est un domaine, jusque-là peu exploité et livré à l'empirisme, qui suscite également une attention novatrice : l'information et la publicité des sujets de thèses déposés.
Ces deux questions, intimement liées, sont à considérer sur deux plans, répondant à des motivations différentes. Le point de vue administratif est de vérifier, lors du dépôt d'un sujet par un candidat, que ce sujet n'est pas déjà retenu sous une forme identique ou approchante dans une autre université et qu'il peut dès lors être considéré comme la propriété du candidat. Il s'agit donc d'un contrôle. Le point de vue de la recherche est de s'informer que tel travail est en cours, que telle personne travaille sur telle question, et, dans ce cas, l'aspect administratif de la thèse n'est que secondaire. En raison du niveau élevé, de la haute spécialisation des thèses françaises de lettres et de sciences, cet aspect formel du travail fournit un simple élément d'appréciation et s'insère dans le problème général de l'information scientifique. Sous chacun de ces deux aspects des efforts ont été entrepris, d'autres sont en cours. En effet, dans une récente circulaire, l'Association des universités entièrement ou partiellement de langue française (AUPELF) précise qu'il est dans ses attributions d'informer ses membres aussi précisément que possible des travaux scientifiques récemment publiés et des thèses récemment soutenues. « Dans la suite, il pourrait être possible de faire écho également aux thèses en cours de préparation ou destinées à être soutenues prochainement » 1. L'objet de ces quelques notes est de fournir un panorama de la situation actuelle, plus qu'un « état présent », difficile dans une matière aux contours assez flous.
Devant l'augmentation considérable des sujets de thèses littéraires déposés, trois cents en 1964, l'enquête administrative par questionnaire est devenue de plus en plus lourde et difficile. Chaque fois il est nécessaire de se reporter à la liste des sujets déjà enregistrés à la faculté. Ce travail, long et fastidieux, n'aboutit pas toujours à des résultats probants en raison du peu d'éléments qu'apporte bien souvent l'énoncé d'un titre sur le contenu envisagé. Mais si une similitude a été décelée, elle ne parvient qu'avec un long délai à l'intéressé lui-même, qui a ainsi perdu beaucoup de temps. De plus ces informations, reçues par les secrétariats des facultés, et non par les bibliothèques, étaient, il faut bien le dire, souvent mal archivées et mal exploitées. C'est pour remédier à cette situation que les responsables des services administratifs des facultés des lettres et sciences humaines se sont réunis en février 1965. Les résolutions adoptées ont été récemment publiées 2. Chaque fin de mois, pendant l'année universitaire, les secrétariats des facultés dresseront une liste classée par nature (État, Université, 3e cycle) et par discipline des sujets de thèses inscrits et agréés pendant cette période. Cette liste, diffusée dans toutes les autres facultés, sera adressée en autant d'exemplaires qu'il y a de disciplines représentées. De cette façon les professeurs, ou du moins les directeurs de chaque section, seront tenus informés et pourront signaler en toute compétence les sujets identiques ou similaires. Un délai de trente jours est prévu pour la réponse à l'enquête et, s'il n'y a pas d'objection, les sujets seront considérés comme définitivement inscrits. Pour la conservation des renseignements recueillis et leur utilisation, l'existence d'un fichier par disciplines, sinon analytique, est indispensable. Déjà un tel fichier a été entrepris auprès de certains secrétariats (ou services de documentation des facultés, quand ils existent) parmi lesquels il faut citer Toulouse, Dijon, Lille et Grenoble. Les différents éléments concernant un sujet de thèse déposé (nom du candidat, titre retenu, directeur de thèse) sont reportés sur des fiches dont la seule couleur indique la nature administrative. Il est prévu que la Revue de l'enseignement supérieur reçoive également les listes mensuelles des facultés et établisse les fiches correspondantes qu'elle diffusera très largement auprès de tous les services intéressés: secrétariats, bibliothèques, instituts, comme elle le fait actuellement pour les thèses soutenues. C'est là certainement l'initiative prise la plus heureuse.
Dans le domaine des sciences, le dépôt et la publicité des sujets déposés ne semblent pas présenter la même acuité. Inscription et dépôt se font souvent peu de temps avant la soutenance. L'antériorité dans un travail est recherchée plutôt par une communication à l'Académie des sciences, reproduite dans les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, ou, de façon plus générale, par un article de périodique. Parfois même les intéressés, professeurs et candidats, ne semblent pas rechercher une large publicité des sujets. Tant il est vrai que la simple indication d'une technique ou d'un matériau nouveau, dans le domaine des sciences biologiques par exemple, peut fournir des éléments qui dévaluent la « propriété » d'un sujet.
En dehors de ce travail administratif des secrétariats, les sujets de thèses en cours figurent parfois dans les rapports d'instituts et de laboratoires que l'on trouve le plus souvent dans les publications annuelles du type « Vie de l'Université... », mais ils sont difficilement exploitables sous cette forme. C'est aussi le cas des revues locales et des bulletins de « sociétés d'amis » d'un écrivain qui établissent des bilans de travaux en cours 3. Cependant il arrive que des listes soient publiées par des revues qui s'adressent aux spécialistes. La publicité qui en est faite dépasse alors le cadre strictement universitaire et, comme nous l'avons dit, il s'agit de l'information dans le cadre général de la recherche scientifique. Les initiatives sont dispersées, limitées, variables avec les disciplines. Le relevé que nous avons tenté est forcément incomplet, malgré nos efforts pour le compléter par des « interviews » de professeurs de l'enseignement supérieur qui ont abouti le plus souvent à la constatation d'une carence. De plus nous n'avons voulu retenir que les entreprises récentes, dans un but d'utilité pragmatique qui élimine les relevés rétrospectifs.
1. Histoire.
La situation peut être qualifiée de très bonne dans le domaine des sciences historiques, où il semble que les problèmes de l'information éveillent un intérêt particulier. Plus peut-être que dans d'autres disciplines, les recherches à tout niveau, des D. E. S. aux thèses, sont fondées sur des documents originaux et la publication même fragmentaire de sources est d'un grand intérêt. Un bulletin est consacré aux travaux en cours :
Bulletin du Centre d'information de la recherche d'histoire de France. Archives nationales. - 1953 ->.
Le plan de classement est le suivant :
I° liste méthodique des recherches d'histoire de France;
2° index alphabétique des chercheurs (comprenant adresses et qualités);
3° index analytique des sujets.
Les thèses, très nombreuses, sont indiquées parmi les autres travaux. Leur nature administrative est précisée, mais non la faculté où le dépôt a été fait. Les thèses autres que littéraires, de droit par exemple, y figurent quand elles touchent au domaine historique. Par sa nature même, la matière retenue, son plan de classement, cette publication répond parfaitement à son rôle d'information et de coordination.
2. Histoire et géographie.
Un relevé régulier des sujets déposés est fait par le :
Bulletin de la Société des professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public.
Sujets de thèses de doctorat déposés à la Sorbonne :
- Avr. 1964 - mars 1965 (n° 192, juin 1965, pp. 790-796);
- Avr. 1963 - mars 1964 (n° 187, juil. 1964, pp. 695-70I).
Les références ne sont pas données suivant un classement idéologique mais tiennent seulement compte de l'ordre chronologique des inscriptions. Pour chacune on a indiqué la nature administrative de la thèse et le nom du directeur.
3. Géographie industrielle.
Une rubrique nouvelle, qui doit être continuée chaque année, Travaux de la Commission de géographie industrielle, paraît dans la :
Revue de géographie alpine. (Université de Grenoble. Institut de géographie alpine) (T. 53, n° 3, 1965, pp. 403-42I).
Cette rubrique comporte un compte rendu des travaux de la Commission, mais aussi un relevé des études de géographie industrielle entreprises dans les différents instituts de géographie de France (thèses et D.E.S.).
4. Recherches régionales.
Trois grandes revues régionales au moins font place à ces travaux.
- Revue du Nord. (Université de Lille. Faculté des lettres et sciences humaines).
La rubrique, Travaux et recherches d'histoire régionale, 1963-1965, signale les thèses en cours concernant la région du Nord et les sujets de thèses déposés au secrétariat de la Faculté de droit (t. 47, n° 184, janv.-mars 1965, pp. 77-78).
- Provence historique. Organe de la Fédération historique de Provence.
La chronique signale les thèses, études ou diplômes en cours ou récemment achevés (T. 15, fasc. 59, janv.-mars 1965).
- Annales de Normandie. Revue trimestrielle d'études régionales.
La Chronique des études normandes indique les sujets de thèses déposés, concernant la province, auprès de toutes les facultés.
5. Pédagogie.
Un répertoire des recherches et études en cours paraît régulièrement depuis 196I dans le :
Courrier de la recherche pédagogique. Institut pédagogique national, sous forme de numéros particuliers. (Dernier paru : Répertoire des recherches et études en cours 1965, n° 25, juin 1965).
Les notices sont présentées par ordre alphabétique des noms de chercheurs sous quelques grandes rubriques systématiques. La nature des thèses est indiquée ainsi que les noms des directeurs des recherches.
6. Langue et littérature allemandes.
La revue : Etudes germaniques. Revue trimestrielle de la Société des études germaniques, a publié : 2e liste revisée et coniplétée des sujets de thèses inscrits jusqu'en octobre 1964. (19e année, n° 4, oct.-déc. 1964, pp. 533-538)
Une première liste avait été publiée dans le n° d'avril-juin 1963. Les renseignements ont été communiqués par le secrétariat de la Faculté des lettres de Paris. Le classement est fait par siècles, puis par grandes rubriques systématiques. Les différentes catégories de thèses sont retenues.
7. Sciences juridiques et économiques.
Nous pouvons citer une initiative nouvelle, bien que limitée à une faculté :
- Liste des thèses déposées devant la Faculté de droit d'Aix au cours de l'année 1962 (Annales de la Faculté de droit d'Aix. N° 53, 1963).
Les noms des présidents de thèse ont été indiqués.
8. Sciences (Université de Paris).
La publication suivante :
Faculté des sciences de l'Université de Paris. Bulletin d'information, publie des listes de thèses récemment soutenues, mais aussi des listes de « thèses qui vont être soutenues dans un proche avenir ». Le classement est fait par disciplines, puis par catégories administratives. Les noms des directeurs de thèses sont indiqués et une courte analyse est jointe à chaque notice.
Il faut noter que ce bulletin, conçu comme un bulletin intérieur (feuillets détachables, impression offset...) est fait avant tout pour répondre aux besoins de la faculté.
9. Géologie.
La discipline a bénéficié de l'édition d'un volume récent, qui apporte toutes les précisions et toutes les commodités désirables aux chercheurs :
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE. Commission de géologie, paléontologie et géologie appliquée. - Répertoire général des sujets de thèses de géologie en cours d'étude au Ier mars 1965. - Paris, C.N.R.S., 1965. -22 cm, 135 p.
La première partie reproduit, par catégories, les listes de sujets étudiés dans chaque laboratoire, eux-mêmes regroupés sous une rubrique portant le nom du chef-lieu de l'Académie. Elle est suivie d'un index géographique (régions françaises, étranger) et d'un index des sujets répartis en une quinzaine de grandes rubriques, avec des subdivisions secondaires dans de nombreux cas. On a relevé ainsi plus de 850 chercheurs.
Les thèses de géologie sont, pour la majeure partie et par nature, d'essence régionale. Un tel instrument d'information permet d'éviter des superpositions regrettables et aux chercheurs et à leurs maîtres de prendre contact pour délimiter des zones d'action.
Au terme de ce relevé, très fragmentaire, il faut bien constater les insuffisances et les lacunes du système actuel. Ce qui a été fait, ce qui existe, ne couvre que des disciplines isolées et ne concerne pas, loin de là, l'ensemble des connaissances. De plus, on sent que les initiatives, sans liens entre elles, sont disparates et dépendent de contingences matérielles pour l'établissement et la diffusion des listes. Néanmoins ces initiatives, cela est réconfortant, dénotent l'essai de solution d'un problème ardu dont les professeurs et les chercheurs ont conscience. Les années qui viennent apporteront certainement des améliorations sensibles.