Le centenaire des bibliothèques municipales parisiennes
Il y a aujourd'hui à Paris 80 bibliothèques municipales dont l'origine remonte, après quelques initiatives isolées, à 1865, leur organisation actuelle datant de 1941. On peut y distinguer 4 groupes selon qu'elles sont ouvertes tous les jours au public, ouvertes trois jours par semaine, réservées à la jeunesse ou spécialisées. Les changements intervenus dans la « clientèle » des bibliothèques de la ville de Paris ont entraîné une évolution sensible de l'orientation des acquisitions. Ce programme nouveau s'accompagne d'une politique d'amélioration ou de création des locaux
Le centenaire de la création de la première bibliothèque municipale a été commémoré en 1965. C'est en effet le Ier novembre 1865 qu'était inaugurée la première d'entre elles : celle du IIe arrondissement.
Certes il existait avant cette date des bibliothèques populaires. L'idée de rassembler des livres pour l'instruction et la distraction de tous avait germé dès la Révolution française et Paris vit naître des cabinets de lecture, riches de nombreux ouvrages. Mais ceux-ci étaient des entreprises privées lucratives différant totalement des bibliothèques actuelles, libérant la lecture de toute considération pécuniaire.
Les premières bibliothèques pour tous - à tarif extrêmement réduit - sont dues à l'initiative privée. En 1837, M. Perdonnet, président de l'Association polytechnique, institue à la Halle-aux-draps une bibliothèque à l'usage des ouvriers qui suivaient ses cours et les élèves « sollicitaient l'honneur de venir à tour de rôle remplir les fonctions de bibliothécaire ». Cette idée de mettre la culture à la portée de tous trouve naturellement pendant la Révolution de 1848 un écho favorable.
En 1850 une société de bienfaisance, dite Société des bibliothèques communales, présidée par le duc de Doudeauville, est créée dans le but de doter d'une bibliothèque toutes les communes de France et les arrondissements de Paris.
Une circulaire aux préfets (insérée au Moniteur du 31 mai 1850) comprend un extrait des statuts et un catalogue de 100 volumes considérés comme base de toute bibliothèque. Il semble bien que, malgré cet appui officiel, la Société des bibliothèques communales n'ait pu réaliser son objectif - à Paris du moins.
En 1861 des ouvriers, ayant à leur tête M. Girard, ouvrier lithographe, forment la Société des amis de l'instruction et ouvrent dans le 3e arrondissement leur première bibliothèque populaire, dont les dépenses de fonctionnement sont couvertes par les cotisations des membres qui participent au choix des livres et peuvent les emprunter. Des associations similaires se forment, dont la Société Franklin. C'est donc des bibliothèques populaires libres que les bibliothèques municipales de Paris tiennent leur origine. Ces dernières font supprimer la cotisation et font ainsi tomber le dernier obstacle à une plus large diffusion du livre.
La création de la bibliothèque du IIe arrondissement est due à l'initiative du maire, M. Frédéric Levy.
Né en 18II à Corbigny (Nièvre), M. Levy était commerçant en bois de chauffage. Il exerça les fonctions de maire entre 1858 et 1870. Animé du plus pur esprit philanthropique il voulait, en créant une bibliothèque dans son arrondissement, « contribuer au développement de l'instruction des ouvriers et employés pour permettre à ces hommes défavorisés de s'élever dans l'échelle sociale ». C'est ainsi qu'il s'exprime dans le rapport qu'il adresse en 1868 aux fondateurs de la bibliothèque.
Véritable précurseur de la lecture publique, il défend le principe de la gratuité et demande aux bibliothécaires de « tout essayer pour que le lecteur qui s'est rendu une première fois à la bibliothèque ait le désir d'y revenir ».
Frédéric Levy avait réussi à éveiller la bonne volonté de personnalités très diverses. Le baron Haussmann et le ministre Victor Duruy avaient accepté de figurer au nombre des fondateurs. Il avait fait appel également à trois éditeurs (Plon, Michel-Lévy et E. Belin) ainsi qu'à des notabilités de l'arrondissement (banquier, entrepreneur, architecte, etc...).
La bibliothèque du IIe arrondissement paraît avoir été gérée d'une façon assez autonome par la municipalité, mais elle recevait néanmoins une subvention de la Ville de Paris (une somme de 2 ooo F est, en effet, inscrite au budget de la Ville de Paris de 1866).
L'exemple donné par Frédéric Levy fut bientôt suivi par d'autres maires, ceux des 20e, 16e, 4e, 12e, etc... Ces bibliothèques fonctionnaient sous l'autorité des maires, se rattachant à l'administration par une simple subvention.
Mais les bibliothèques ne touchaient encore qu'un public restreint. Elles différaient d'un arrondissement à l'autre sur les horaires, les méthodes de prêt, la valeur des collections, etc...
Une réforme s'imposait : elle fut l'œuvre du Préfet Ferdinand Hérold qui fonda dix bibliothèques nouvelles et rattacha tous les établissements existant déjà à un organisme unique : le Service central des bibliothèques, créé en 1879.
A partir de 1879 d'importants crédits furent accordés par le Conseil municipal au Service central des bibliothèques dont l'organisation générale, dans ses grandes lignes, s'est maintenue jusqu'à nos jours.
De 1879 à 1902, 70 bibliothèques nouvelles sont ouvertes. Chaque arrondissement de Paris possède alors une « centrale » ouvrant tous les jours deux ou trois heures et plusieurs salles de quartier logées dans les écoles, ouvertes sept ou dix heures par semaine. Pendant cette période, l'administration municipale favorise l'essor de la lecture publique en obtenant du Conseil municipal d'importants crédits pour les achats. Le prêt à domicile se généralise, accueilli avec succès. De 1879 à 190I, le chiffre des emprunts passe de 57 840 à 2 046 209 par an, mais, de 190I à 1014, il accuse un recul très net et n'est plus, en 1914, que de 1 148 983. Les causes de cette diminution sont multiples. Il est certain que le grand développement de la presse illustrée à cette époque a nui au livre; mais il est à penser aussi que les sommes octroyées aux bibliothèques n'ont plus suffi au remplacement des exemplaires usés et à l'achat de nouveautés et, d'après les rapports et comptes rendus de cette époque, il semble que les bibliothécaires aient un peu négligé cet aspect du problème. Les lecteurs, rebutés par le mauvais état des volumes ou leur manque d'actualité et de qualité, s'en sont désintéressés.
De 1914 à 102I, on note une légère hausse des « sorties ». A nouveau, jusqu'en 193I, il y eut une désaffection du public et le nombre de livres prêtés atteignait à peine 1 230 ooo. Depuis 193I, au contraire, le mouvement n'a cessé de croître.
L'installation matérielle est loin d'être étrangère à cet essor. Les vieux lecteurs se rappellent encore les salles aux armoires grillagées où les livres étaient emprisonnés, salles dans lesquelles il leur était tout juste permis d'entrer et où ils étaient accueillis devant un comptoir par un personnel trop enclin à assimiler une bibliothèque à la chambre forte d'une banque. Il fallut longtemps pour lutter contre cette fâcheuse conception. Peu à peu les barrières furent supprimées et le libre accès aux rayons généralisé. Les lecteurs se félicitèrent de cette mesure « révolutionnaire » qui leur permettait de choisir librement, en toute sûreté de jugement, puisqu'ils avaient pu feuilleter le livre avant de fixer leur choix. Une atmosphère de confiance tranquille se substitua à l'atmosphère soupçonneuse qui n'incitait pas les lecteurs à s'inscrire.
Grâce aux crédits votés par le Conseil municipal, les achats deviennent plus importants et le public revient petit à petit. Mais c'est surtout depuis 194I que cet essor prend une importance considérable. C'est en effet à cette date qu'une réforme totale intervient. Avant 194I, les salles (sauf deux d'entre elles, fondées par un comité américain et reprises par la Ville) n'ouvraient que deux ou trois heures par jour. Les bibliothécaires étaient des agents temporaires ayant par ailleurs un autre emploi. Pour la plupart cultivés et pleins de bonne volonté, ils ignoraient la technique du métier et leur gestion souffrait de ce manque de formation. En 194I, l'administration municipale décide l'ouverture à temps complet de dix « centrales » et la création d'un corps d'agents spécialisés, recrutés par concours. Cette heureuse initiative permet d'accroître les moyens d'action et d'attirer des lecteurs toujours plus nombreux. En 1953, le chiffre de 3 millions de prêts est atteint. Il se maintient actuellement.
Depuis 194I, d'autres ouvertures à temps complet ont été réalisées dans les 6e, 7e, 16e et 17e arrondissements. La lecture publique était en effet à peu près inexistante autrefois dans ces quartiers résidentiels. Mais l'augmentation des prix et le choix plus judicieux des ouvrages attirent maintenant toute une clientèle nouvelle dans les classes dites « bourgeoises ».
Actuellement les bibliothèques municipales de la Ville de Paris sont au nombre de 80. En 1922 il en existait 84, mais plusieurs d'entre elles situées au centre de Paris (dans les Ier, 2e, 3e et 4e arrondissements) ont été fermées, car elles n'avaient plus beaucoup d'activité, ce secteur étant devenu peu à peu un quartier d'affaires où dominent bureaux et magasins. Par contre trois autres ont été ouvertes au milieu d'habitations à loyer modéré, 6, rue Charles Hermite (18e), 15, rue de Cherbourg (15e) et 109, boulevard Mortier (20e) réservée aux enfants.
Les 80 bibliothèques municipales ne sont pas toutes semblables. Elles diffèrent et par leur fonds et par leur fonctionnement. On peut y distinguer quatre groupes principaux suivant qu'elles sont : ouvertes tous les jours au public; ouvertes trois jours par semaine; réservées à la jeunesse; spécialisées.
Le premier groupe, le plus important par l'ampleur des collections, comprend les bibliothèques centrales des 3e, 5e, 6e, 7e, 10e, IIe, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 17e, 18e, 20e arrondissements, et celle du 6, rue Fessart (19e). Elles sont en général logées dans les mairies ou leurs annexes, à l'exception de celle du 17e arrondissement installée dans l'Hôtel Ocampo, II, rue Jacques Bingen. Elles reçoivent le public tous les jours, sauf le lundi, de 10 h 30 à 17 h 30; le mardi et le jeudi la fermeture a lieu à 20 heures.
Dans les Ier, 2e, 4e, 8e, 9e et 19e, 19, rue de Sambre et Meuse (10e) et 6, rue Pierre Budin (18e), l'ouverture a lieu plusieurs heures tous les jours. L'horaire, non uniforme, a été établi pour répondre aux besoins des différents quartiers. C'est ainsi, par exemple, que dans les Ier et 2e arrondissements les personnes travaillant dans les magasins ou les grandes administrations (Ministère des Finances, Banque de France, etc...) peuvent s'y rendre à l'heure du déjeuner.
Presque partout sont mises à la disposition du public une ou plusieurs tables de lecture sur place pour la consultation des usuels et des périodiques. Plusieurs installations sont modernes, par exemple celles du 14e arrondissement et de la rue Fessart, celles des 15e et 17e. Partout l'on s'est efforcé de remédier à l'exiguïté des locaux par la pose de rayonnages nouveaux ou de galeries. C'est ainsi que dans les Ier, 7e et 16e arrondissements une meilleure utilisation des lieux a permis d'aménager des pièces claires et accueillantes où les lecteurs aiment à se retrouver.
Le second groupe comprend les salles de quartier, logées dans les écoles, ouvertes en général sept heures par semaine. Bien que plus modestes, la plupart d'entre elles sont très fréquentées. Quelques-unes sont d'ailleurs fort bien installées, par exemple celles situées, 211, rue Saint Martin (3e), 180, avenue du Général Michel Bizot (12e), 6, place du Commerce (15e), 16, rue des Bauches (16e), 16, rue du Colonel Moll (17e), avec vitrine sur la rue permettant l'exposition des nouveautés.
En outre, Paris possède quatre bibliothèques réservées aux jeunes. La première, « L'Heure joyeuse », est située au Quartier latin, 3, rue Boutebrie. Fidèle à sa mission d'éducatrice, « L'Heure joyeuse » essaie de développer le goût de la culture et l'habitude de la recherche personnelle, tout en restant pour les jeunes un lieu de détente. Elle essaie d'atteindre ces buts par une collaboration suivie avec les membres de l'enseignement soucieux des mêmes fins, par un règlement visant à faire progresser les enfants dans leurs lectures, par l'organisation d'activités culturelles liées aux livres et enfin par l'acquisition de nouveaux ouvrages, qui, tout en étant attrayants pour les usagers, répondent aux exigences de l'éducation.
La seconde est située, 17, rue Sorbier, en plein cœur de Ménilmontant. Elle est plus fréquentée encore puisque le chiffre des « sorties » y a été de 85 852 en 1964. L'achat d'un électrophone et de disques a permis d'y organiser le jeudi des séances littéraires et musicales qui remportent un grand succès. Rue Sorbier a été créée, en 1956, une section pour les adolescents de seize à dix-huit ans, âge difficile entre tous, où les jeunes se désintéressent des écrits destinés aux enfants et n'ont pas encore la maturité nécessaire pour s'élever au niveau des grandes œuvres. Là, tous les livres d'étude sont mis à leur disposition et ils en trouvent toujours en rayons car, dans toutes les disciplines, figurent plusieurs exemplaires de chaque auteur inscrit au programme.
La « nouvelle née », 109, boulevard Mortier, n'a qu'un mois d'existence. Elle a déjà prêté plus de 1 ooo ouvrages.
La bibliothèque de la rue Fessart (19e) consacre aux jeunes une très belle salle située au premier étage, bien aménagée, à l'aspect clair et accueillant. Une autre, 26, rue Mouton-Duvernet (14e), est prolongée par une terrasse fleurie où les enfants peuvent lire en plein air pendant la belle saison. La « centrale » du 10e arrondissement possède également une pièce très vaste pouvant accueillir de nombreux lecteurs, mais sans entrée indépendante.
Dans les 3e, 4e, IIe, 13e, 16e et 17e arrondissements et 30, boulevard Arago (13e), existent aussi des « enfantines » et partout ailleurs une section classée à part est réservée aux jeunes.
Parmi les bibliothèques spécialisées, la plus importante est celle d'art et d'industrie « Forney », I, rue du Figuier (4e). Créée au moyen d'un legs fait à la Ville de Paris par Aimé-Samuel Forney, elle fut solennellement inaugurée le 28 février 1885 par le Ministre du commerce et de l'industrie. Ouverte trente-huit heures par semaine, on peut y consulter non seulement les ouvrages de référence et les manuels spécialisés d'art et de sciences, mais encore les encyclopédies françaises et les principales encyclopédies étrangères. Le fonds comprend aussi des documents originaux : I° Sur le textile : 19 albums de toiles de Jouy des XVIIIe et XIXe siècles, réunis par l'ancien conservateur Henri Clouzot, des échantillons de cotonnades, soieries, percales, dentelles, broderies, provenant notamment de la collection Victor Poterlet, des dessins de tissus (par exemple pour la fabrication lyonnaise). - 2° Sur les papiers peints : séries panoramiques de l'époque Restauration (fabrique de Dufour et Leroy), échantillons de papiers peints de la fin du XIXe et début du XXe siècle, dessins originaux. - 3° Sur les meubles : dessins au trait de meubles fabriqués par des maisons renommées à la fin du xixe et au début du XXe siècle (ex.: Fourdinois, Mathiot, Villeneuve, Roux, etc.). Un fonds ancien de 6 000 périodiques, parmi lesquels on peut citer l'Artiste, L'Art, La Gazette des Beaux-Arts, la Revue des arts décoratifs, etc..., constitue une documentation de tout premier ordre sur le mouvement artistique de la deuxième moitié du XIXe siècle. Actuellement, elle reçoit, soit par abonnement, soit par service gratuit, 170 revues, dont 65 sont conservées et vont augmenter l'ancien fonds. 105 sont prêtées au numéro. En outre, 250 000 reproductions concernant l'art décoratif sont prêtées à domicile au lecteur. Des fonds spéciaux : catalogues de ventes, catalogues d'expositions, séries d'affiches, complètent cet ensemble. La Bibliothèque Forney pratique dans une large mesure le prêt à domicile. 198 718 ouvrages et périodiques ont été prêtés en 1964.
La ville de Paris possède à la mairie du 5e arrondissement une bibliothèque consacrée au féminisme : la bibliothèque Marguerite Durand.
La « centrale » du 16e arrondissement met à la disposition de ses lecteurs deux fonds spéciaux extrêmement intéressants : les collections Parent de Rosan et du Méril (histoire et linguistique).
Enfin un centre de prêts est à la disposition du personnel de la Préfecture de la Seine, 17, boulevard Morland. Riche de 6 ooo volumes, il alimente par un système de prêts collectifs les petites bibliothèques des services municipaux éloignés de l'Hôtel de Ville (pompes funèbres, T. A. M., École départementale de service social, etc...) 1.
Les Bibliothèques municipales ont un fonds encyclopédique où la littérature domine.
Tous les livres, sauf les usuels, sont prêtés à domicile. Ils se dégradent donc assez vite. Néanmoins le montant total des livres s'accroît régulièrement. Il était en 1949 de 683 084 pour atteindre 1 065 215 en 1964. A ces ouvrages il faut ajouter de fort nombreux périodiques. Ceux-ci, sauf exception, ne sont pas conservés, mais prêtés au numéro et les lecteurs apprécient beaucoup de pouvoir lire chez eux, à loisir, la revue qui les intéresse. Le prêt à domicile est d'ailleurs très large. Certains usuels (les synthèses historiques par exemple) sont achetés en double exemplaire afin de pouvoir être confiés au lecteur.
Les bibliothèques municipales sont en plein développement et plusieurs tendances ont modifié sensiblement leur évolution depuis vingt ans. Le rajeunissement de la « clientèle » des bibliothèques municipales est un fait marquant des dernières années. Alors qu'autrefois les personnes d'âge mûr et les retraités constituaient la plus grande partie des lecteurs, les jeunes de seize à trente ans constituent actuellement 50 % du nombre total des nouveaux inscrits. Ce chiffre a même atteint, en 1964, 56 % à la bibliothèque centrale du 5e arrondissement. Cette tendance semble devoir se confirmer dans l'avenir.
Ces jeunes comprennent deux groupes très distincts. D'une part des adolescents ayant fait de mauvaises études primaires, qui ne lisent que des albums et des bandes dessinées. Là le but à rechercher est très net. Il faut essayer de leur apprendre à lire, développer les contacts, multiplier les sections pour adolescents, etc...
Un autre groupe comprend au contraire des lycéens et étudiants. Ceux-ci demandent des livres d'étude, des grandes synthèses historiques ou philosophiques. Les étudiants de propédeutique, par exemple, sont très nombreux. Les bibliothèques municipales qui, à l'origine, n'avaient pas été conçues dans ce but, doivent donc fournir à ces jeunes une importante documentation.
Un autre fait important est aussi à noter : la modification très nette du milieu social des lecteurs. Les lecteurs des classes dites « aisées » ou « bourgeoises » qui autrefois boudaient volontiers la bibliothèque municipale, y viennent maintenant de plus en plus nombreux. Les statistiques le prouvent. La bibliothèque centrale du 16e arrondissement qui en 192I arrivait au 58e rang pour les prêts à domicile avec 15 616 ouvrages prêtés est, en 1 964, au 6e rang avec un prêt de 108 877 livres.
Cette conjoncture nouvelle a contribué à faire évoluer l'orientation des acquisitions : ces nouveaux lecteurs veulent trouver dans nos bibliothèques des ouvrages de documentation souvent très coûteux, des revues spécialisées, etc...
L'apparition sur le marché de l'édition des livres de petit format peu coûteux (Livre de poche, J'ai lu, Marabout, etc...) est aussi un élément nouveau qui influence les achats de livres. Ces collections bon marché comprennent des séries de textes d'auteurs excellents convenant aux bibliothèques municipales et surtout très utiles dans les bibliothèques d'adolescents où ils permettent d'intéresser les jeunes de façon vivante à un auteur (par exemple on peut acheter 10 exemplaires de la Peste de Camus, les faire lire en même temps à 10 jeunes et organiser un débat sur l'ouvrage).
Dans les bibliothèques très importantes, cela permet aussi de multiplier les exemplaires des livres très demandés.
Mais les bibliothécaires notent une autre conséquence de ce développement des livres bon marché; les textes parus dans la collection des livres de poche sont moins lus dans certaines bibliothèques d'adultes. Étant donné la modicité du prix, ceux qui désirent ces livres les achètent. Le lecteur demandera alors surtout à la bibliothèque les dernières nouveautés (qui ne paraissent pas tout de suite dans ces collections) et les livres de documentation plus coûteux. Ceci donnera certainement une orientation nouvelle aux achats.
Il semble donc que le programme futur des bibliothèques de lecture publique soit d'attirer et de retenir les jeunes, d'offrir de bons ouvrages à tous ceux qui font des études ou qui veulent améliorer leur situation en passant concours et examens, et de satisfaire une clientèle qui ne viendra pas chercher à la bibliothèque uniquement des livres de distraction, mais une documentation intéressante sur les problèmes actuels.
La réalisation de ce programme pose évidement des problèmes nouveaux que le Préfet de la Seine s'efforce de résoudre, avec l'appui sans réserve du Conseil municipal, toujours très attentif au développement de la culture sous toutes ses formes. Le problème le plus urgent est celui des locaux. La plupart des bibliothèques d'arrondissement ont été créées dans un local situé dans la mairie. Cette situation présentait des avantages, la mairie étant située généralement au centre de l'arrondissement et le « logement » dans les locaux de la mairie entraînant des économies de chauffage, gardiennage, etc... Mais elle présente maintenant un grand inconvénient : elle interdit tout agrandissement et par cela même tout développement du fonds de livres.
Il faut donc essayer de transférer les bibliothèques logées dans des salles trop exiguës dans des immeubles construits à cet effet. Les bibliothèques des 5e, 12e, 16e et 20e arrondissements sont actuellement très mal installées et n'ont aucune possibilité d'extension. Des terrains sont donc activement recherchés. Mais ceux-ci sont très rares dans ces arrondissements surpeuplés. Heureusement, quelques projets nouveaux sont en cours de réalisation. Un bâtiment de quatre étages vient d'être construit à l'angle de la rue Duc et de la rue Hermel pour abriter les services de la bibliothèque centrale du 18e arrondissement. Cette bibliothèque, qui sera terminée fin 1966, comprendra une salle de prêt avec accès direct aux rayons sur deux niveaux, une salle de lecture sur place, une bibliothèque enfantine et une discothèque. Les bibliothèques centrales des 6e et 13e arrondissements vont être agrandies ainsi que la bibliothèque enfantine 17, rue Sorbier. Enfin un important centre social, rue René Binet, sera doté d'une bibliothèque d'adultes et d'une bibliothèque pour la jeunesse. Au pied de la Tour Jean Sans Peur s'élèvera également une bibliothèque nouvelle qui desservira le 2e arrondissement. Enfin des bibliothèques sont prévues dans les îlots de rénovation. Une initiative intéressante est également à signaler : les Maisons des Jeunes et de la Culture et les foyers de jeunes créés par la Ville de Paris sont, dès leur ouverture, dotés d'une bibliothèque dont les collections se développent normalement grâce à l'établissement d'un fonds central permettant des envois réguliers de livres et de revues. Cette politique d'amélioration des locaux et de créations nouvelles doit se poursuivre de longues années pour le plus grand bien de ceux qui continuent à chercher dans le livre distraction et culture.